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MARINGOUIN [maʀẽɡwẽ]
n. m.

Rem.

Variantes graphiques : (XVIIe et XVIIIe s.; le tréma sert à préciser qu’il s’agit d’un u et non d’un v) maringoüinmaringoin, maringuoin; (Sagard) maringuin.

1

Petit diptère piqueur (fam. des culicidés) au corps grêle et allongé, à longues pattes fines, dont la piqûre provoque une légère enflure sur la peau et des démangeaisons.

2006, Gzen92, Maringouin [photo] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Moustique_(Culicidae).jpg

Une piqûre de maringouin. Des nuages, des nuées de maringouins. Le temps des maringouins. Se faire manger, piquer par les maringouins. La femelle du maringouin se nourrit du sang de l’homme et des animaux. (D’une région où abondent ces diptères, souvent par plaisant.). Un pays de maringouins. Le pays des maringouins.

 mouche (sens I.A); moustique.

Rem.1. A été adopté par les spécialistes canadiens, qui l’utilisent en concurrence avec moustique pour désigner l’ensemble des espèces de la famille des culicidés; le spécifique maringouin domestique leur sert à désigner Culex pipiens pipiens, une espèce répandue (voir SQPPIns2‑3 et BenIns4‑5). 2. En français de France, depuis la première moitié du XXe s., on emploie plutôt moustique, lequel a fait reculer son concurrent cousin; ce dernier était bien connu des Français de passage en Nouvelle-France, mais il ne s’est jamais implanté dans la langue des Canadiens. 3. Maringouin figure dans de nombreux noms de lieux (voir RTQ; voir aussi BlaisTop 51).

Comme il estoit grand calme, & que nous attendions la marée, je mis pied à terre : je pensay estre mangé des maringoins, ce sont petites mouches importunes au possible [...]; on ne sçauroit travailler notamment à l’air pendant leur règne, si on n’a de la fumée auprés de soy pour les chasser : il y a des personnes qui sont contraintes de se mettre au lit venans des bois, tant ils sont offensez. J’en ay veu qui avoient le col, les joües, tout le visage si enflé, qu’on ne leur voyoit plus les yeux; ils mettent un homme tout en sang quand ils l’abordent; ils font la guerre aux uns plus qu’aux autres [...]. 1632, The Jesuit Relations and Allied Documents, vol. 5, p. 34 et 36.

L’incommodité des Maringoüins, que nous appellons en France des cousins, & qui se trouvent à ce qu’on dit en tous les païs de Canada, me semble la plus insupportable du monde. Nous en avons trouvé des nuées qui ont pensé nous consumer, & comme il n’y a que la fumée qui les puisse dissiper, le reméde est pire que le mal. 1703, L. A. de Lahontan, Nouveaux voyages de Mr le baron de Lahontan dans l’Amérique septentrionale, t. 1, p. 41.

Et cependant ce pays était à nos portes! il était là, tout près, derrière nous, nous tendant des bras innocents, des campagnes immaculées, des lacs pleins de truites, des bois de corde qui entreraient aisément dans la maison du pauvre, des sites enchanteurs pour les touristes, des rivières au parcours infiniment pittoresque, des forêts regorgeant de gibier, des resorts nouveaux pour la belle saison, un climat bien moins exposé que celui de Québec à la violence des éléments, et enfin des maringouins et des brûlots à profusion! 1886, A. Buies, Sur le parcours du chemin de fer du Lac St‑Jean, 1re conférence, p. 16.

Il avait fait chaud toute la nuit et le matin était pesant. Les maringouins me mangeaient; ils venaient du bois par nuées noires. Je les chassais comme je pouvais encore que je commençais, comme les autres, à m’accoutumer à eux. Mais ce matin‑là, les mouches étaient féroces comme des ours. 1925, D. Potvin, La Baie, p. 13.

Les maringouins c’est une bibitte faut se gratter quand ça nous pique [/] Je vous dis c’est bien souffrant c’est cent fois pire que l’mal aux dents [/] J’ai les jambes pleines de piqûres c’est comme un vrai morceau d’forçure [/] J’ai la peau tout enlevée c’est parce que j’me suis trop grattée. 1930, M. T. Bolduc, Les maringouins, L. Remon (éd.), Paroles et musiques : Madame Bolduc, 1993, p. 89 (chanson).

Quant à moi, je suis vacciné contre ces bestioles [les moustiques] depuis mon enfance, depuis les jours où elles entouraient ma tête de leur auréole noire, alors que je pêchais dans une petite rivière de Charlevoix. Quand ça mordait, je ne me dérangeais même pas pour elles. Le soir, rentrant chez moi, j’avais le visage boursouflé de piqûres [...]. Cependant, comme vous tous, je n’ai pu m’accoutumer à la musique que fait à mon oreille, la nuit, un maringouin égaré dans ma chambre à coucher. 1965, J.‑Ch. Harvey, Des bois, des champs, des bêtes, p. 43.

La journée allait être chaude [sur le lac] : déjà, je dus ôter mon mackinaw, quitte à me rendre vulnérable si des maringouins me visitaient, encore que je me trouvais à une bonne distance du bord (considérable pour ces diptères : une dizaine de mètres). Mais je n’allais quand même pas m’enduire tout le corps de ce satané muskol, dont l’odeur et les propriétés ne me sont guère plus agréables qu’aux maringouins : c’est du pétrole, capable de faire fondre le plastique, les tissus synthétiques, etc. Pas fameux pour la peau. 1986, Fr. Hébert, L’homme aux maringouins, p. 50‑51.

Le maringouin, croyez-vous, meurt une fois qu’il vous a piqué et qu’il a bu votre sang? Pas le moins du monde. Il peut piquer jusqu’à six fois avant de passer l’arme à gauche, et pondre jusqu’à 200 œufs après chaque piqûre. Sa progéniture saura sûrement vous prouver sa reconnaissance. Bon sang ne saurait mentir! 1995, La Presse, Montréal, 18 juin, p. C2.

Plusieurs facteurs entrent dans le comportement des moustiques ou maringouins... Tout d’abord les odeurs corporelles sont très importantes... Vous devez absolument éviter les odeurs parfumées... Vos savons et shampoing doivent être inodores... Deuxièmement, évitez les couleurs foncées et les couleurs vives. Portez des vêtements pâles, idéalement du beige. Je vous entends déjà me dire que c’est plus salissant, c’est vrai, mais je préfère quelques taches sur mes vêtements de pêche que de me faire manger par les mouches... 2007, Le Journal de Québec, 29 mai, p. 73.

Les soirées du mois de septembre sont particulièrement douces et agréables, cette année, mais ce temps exceptionnel apporte aussi avec lui une horde de maringouins voraces, un inconvénient inhabituel pour ce temps‑ci de l’année. 2011, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 27 septembre, p. 9.

Une piqûre de maringouin! Rien de plus banal au Québec. Une tape sur le bras, des démangeaisons pendant quelques jours et on pense que le problème est résolu. C’est sans penser au virus du Nil qui est bel et bien présent partout au Québec. 2019, Les Versants, Saint-Bruno-de-Montarville, 26 juin, p. 6.

Par anal. (Hapax). Nom donné au bécasseau minuscule (Calidris minutilla, fam. des scolopacidés), le plus petit des bécasseaux américains. (D’après McAtBirds1 33; voir Histoire).

Fig. Enfant appartenant à une catégorie sportive; (parfois au plur.) la catégorie sportive elle-même.

Il y aura quatre périodes de hockey, dont une période de 30 minutes qui mettra aux prises les champions Pee Wee (catégorie maringouins) des États-Unis – ils sont âgé [sic] de 14 ans environ – contre les Pee Wee Royals de N.D.G. 1956, Montréal-Matin, 11 février, p. 20.

[…] lorsque le Rocket accepte une tâche, il ne connaît pas les demi-mesures. Le dernier exemple à ce jour est bien celui de sa participation au développement des sports amateurs dans la province plus spécifiquement l’intérêt qu’il porte aux catégories d’athlètes, division ‛maringouins, coqs, poucets’ au baseball. 1962, Le Devoir, Montréal, 10 juillet, p. 10.

Il s’agit d’une compétition [de ski] toute catégorie, des maringouins de 7 ans et moins jusqu’aux vétérans II de 45 ans et plus. 1981, Le Soleil, Québec, 10 janvier, p. E4.

Au‑delà des performances individuelles, il faut retenir la domination des écoles de la Manicouagan, qui ont décroché sept des dix bannières à l’enjeu, laissant celle de la catégorie maringouin féminin à l’école Mère d’Youville de Port-Cartier […]. 2019, Le NordCôtier, Sept‑Îles, 23 octobre, p. 38.

Fig. Piqûre de maringouin : chose de peu d’importance ou insignifiante, sans effets graves.

Le succès du U29 est dû à la vitesse qu’il possède et qui lui permet de déjouer les manœuvres des navires marchands cherchant à lui échapper. C’est évidemment désagréable et agaçant mais ce sont là, somme toute, piqûres de maringouins et infailliblement, tôt ou tard, une bonne claque finira par avoir raison de la bestiole si elle ne se fait pas prendre d’elle-même dans quelque toile d’araignée. Ce n’est certes pas cette guerre de sous-marins qui influera sur le résultat de la guerre. 1915, Le Soleil, Québec, 15 mars, p. [1].

Cette attaque échoua. Castro fut capturé et condamné à 15 ans de prison. Pour un dictateur qui s’était emparé du pouvoir par la force des armes, un an auparavant, ce ne fut rien de plus qu’une piqûre de maringouin. 1959, L’Action catholique, Québec, 5 janvier, p. 2.

Dans le textile, la vraie menace ne vient pas des États-Unis, mais du tiers monde [sic]. On pourrait même dire que le libre échange ne représente qu’une piqûre de maringouin par rapport à l’envahissement des textiles du Tiers-Monde. 1989, La Presse, Montréal, 2 décembre, p. H1.

M. Laviolette ne fait plus de cas de son opposition à l’idée de faire disparaître la taxe sur l’investissement. « Ça ne représente que 800 millions $. C’est (pour l’État) une piqûre de maringouin sur le dos d’un éléphant. » 2007, Le Soleil, Québec, 4 février, p. 4.

En 2003, le gouvernement conservateur d’Ernie Els est battu. Il laisse au gouvernement McGuinty un déficit de 5,5 milliards, total qui peut sembler énorme, mais qui ne compte que pour une piqûre de maringouin quand on sait ce qui va suivre. 2011, La Presse, Montréal, 29 mars, affaires, p. 2.

loc. RareOn pourrait entendre un maringouin voler : le plus grand silence règne.

Alors les témoins [d’un duel] plantèrent dans la terre, au milieu de la clairière, deux couteaux, à une quinzaine de pouces l’un de l’autre. Le blanc et le sauvage se tenaient debout, droit, côte à côte. Manish était à peu près nu tandis que Tommy Smith avait son costume du Poste et était chaussé de grosses bottes écossaises. On aurait pu alors entendre voler un maringouin tellement on était émotionné autour de la clairière. 1937, D. Potvin, Peter McLeod, p. 74‑75.

Le vent vient de tomber. Tout est tellement tranquille autour de moi qu’on pourrait entendre un maringouin voler à trente pieds. Avant de rejoindre ma cachette sous les sapins, je prends le bourgaud d’écorce qui pend à mon épaule et je lance trois longs meuglements qui vont porter mes appels par-delà les étangs à castors […]. 1972, La Tribune, Sherbrooke, 17 octobre, p. 15.

D’entrée de jeu, l’orchestre s’est lancé dans une interprétation vigoureuse de The Happy Go Lucky Local. À ses pieds, l’assistance, faisant preuve d’un silence respectueux, s’est tue dès les premières mesures. Plus tard, des applaudissements sont venus ponctuer les moments forts, mais on aurait entendu voler un maringouin. 1999, Le Droit, Ottawa, 20 juillet, p. 2.

 (Variantes).

 (XVIIe s.). Marigoin.

Ces mouches [...] ne peuvent soutenir la grande chaleur, ni le ve[n]t; mais hors cela (comme en temps sombre) elles sont facheuses, à cause de leurs aiguillons, qui sont longs pour un petit corps : & sont si tendres que si on les touche tant soit peu on les ecrase. Elles co[m]mencent à venir sur le quinziéme de Juin, & se retirent au co[m]mencement de Septe[m]bre. [...] En Septembre, apres que ces marigoins ici s’en sont allez, naissent d’autres mouches semblables aux nôtres, mais elles ne sont facheuses, & deviennent fort grosses. 1609, M. Lescarbot, Histoire de la Nouvelle France, p. 715‑716.

 Vieilliou région.Maragouin, vieuxmaragoin.

Bientôt notre français se sentit piqué par un maragouin, d’abord, puis par un autre; puis enfin piqué un peu plus fort, il crut s’être placé dans le voisinage malheureux d’une guêpière, et se mit en devoir de s’assurer de sa position : quelle ne fut pas sa surprise de voir à travers. 1859, Le Courrier du Canada, Québec, 25 avril, p. [2].

Mais puisque j’ai promis de dire la vérité, toute la vérité, je ne dois pas omettre de mentionner ici une plaie de la vie des bois durant la belle saison; un mal, pour me servir des expressions du fabuliste en parlant de la peste, [/] Un mal qui répand la terreur [/] Et que le ciel dans sa fureur [/] Inventa pour punir les crimes de la terre… [/] Je veux parler des maragouins. Durant le mois de mai et de juin ces insectes incommodes sanguinaires, suivis bientôt des moustiques et des brûlots, s’attaquent jour et nuit à la peau du malheureux défricheur. 1862, A. Gérin-Lajoie, Jean Rivard le défricheur canadien, L’ère nouvelle, Trois-Rivières, 9 juin, p. [1].

Pour empêcher les maragouins de vous incommoder, dans vos chambres, ayez le soin de placer dans la fenêtre un voile de gaze cela vous permet de tenir la fenêtre ouverte sans être incommodé par les visiteurs. 1873, L’Union des Cantons de l’Est, Arthabaskaville, 26 juin, p. [2].

Robertson avait arraché les souches et déterré les racines, grosses parfois comme le bras d’un homme. Il avait brûlé la terre, coupé les petits arbres opiniâtres, réuni en tas les cailloux. C’était le printemps, et les maragouins dévoraient le travailleur. 1930, H. Bernard, La ferme des pins, p. 122.

Les vacances sont commencées; les parents déménagent à la campagne avec leurs enfants ou encore y envoient ces derniers seuls. Ils y sont moins exposés à se faire passer dessus par les automobiles, mais ils sont quand même exposés à d’autres accidents, dont quelques-uns sont faciles à éviter heureusement. Les maragouins, les mouches noires, peut-être aussi des araignées les piqueront avant qu’ils les aient vus venir. 1951, Le Soleil, Québec, 21 juin, p. 15.

Le plaisir de manger dehors, en automne, est unique; ça sent « l’amer », le grand quoi; la lumière du sous-bois est quelque chose de pas redoutable; et puis, y a pas de maragoins! ça, mon vieux, c’est du nanan. 1957, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 5 octobre, p. 9.

Le Québécois moyen a en sainte horreur les insectes et autres bestioles nuisibles qui, à son avis, n’ont d’autre but dans la vie que de lui empoisonner l’existence. Comme ces vilains maragouins des régions sauvages et ces horribles coquerelles des centres urbains qui reviennent harceler l’homo sapiens année après année, systématiquement. 1996, Le Droit, Ottawa-Hull, 30 décembre, p. 18.

Pour éloigner les moustiques et les mouches à l’intérieur de la maison, placez un petit bouquet de lavande quelque part dans la maison. En plus d’embaumer la pièce, ces fleurs éloignerons [sic] les maragouins et autres mouches noires, tout comme la lavande le fait pour les pucerons de jardin. 2011, Ski‑se‑dit, Val‑David, juillet, p. 18.

 (Dérivés).

 (Hapax). Maringouinages n. m. plur. Production pamphlétaire perçue comme inoffensive.

À mon avis, on se sentait si fort dans ces hauts lieux [du clergé], qu’on pouvait laisser de la grenaille comme moi, et maringouinages comme [le roman] Les Vendeurs, circuler sans qu’il y ait dommage... 1969, Y. Thériault, Textes et documents, p. 59.

 RareMaringouinière, disparumarangouinière. n. f. Lieu infesté de maringouins.

(Dans un toponyme). […] – Vous dites que vous avez vu madame Nap. Côté? – Oui, elle s’en venait sur nous, dans le chemin de la Maringouinière. 1937, Le Soleil, Québec, 2 novembre, p. 20.

(Dans un toponyme). On se demande s’il ne s’agit pas d’une plaisanterie. On avait déjà la Taupinière. Mais la Maringouinière a bien existé. […] Cet arrière-fief était une partie de la seigneurie de Lauzon. […] Cette terre faisait partie de la concession Taniata de la paroisse Saint-Henri de Lauzon. Aujourd’hui, elle appartient à la paroisse Saint-Jean-Chrysostome. 1958, Le Droit, Ottawa, 4 juillet, p. 2.

J’eus de nouveau accès au sous-bois, du bon côté des choses, quand mon pays, le domaine de mon enfance, cessa d’être une maringouinière, vers le milieu du mois d’août. 1970, J. Ferron, L’amélanchier, p. 87.

 DisparuMaringouinifuge n. m.

Le maringouin est le moustique des climats excessifs. Il hante les lieux humides et marécageux, a des mœurs nocturnes et ne s’élève guère audessus [sic] du sol. Il n’est qu’une variété du cousin ordinaire. Mais si la science se prononce sur la nature de ces communards, elle est presque muette sur les moyens de s’en débarrasser. Mes compagnons avaient emporté des médicaments avec lesquels ils se tatouaient, mais ils ont été inutiles, je vous en donne mon certificat. L’inventeur d’un remède maringouinifuge ferait certainement fortune. 1887, B.‑A. Testard de Montigny, Colonisation : le nord, p. 131.

Le maringuoinifuge [sic]. Je ne badine pas du tout, ceci est le joli nom d’un médicament patenté le 3 juillet 1884, et qui a la propriété vraiment extraordinaire de chasser les mouches malfaisantes et de guérir de leurs piqûres. C’est une préparation sans laquelle je ne voudrais jamais entreprendre un voyage en été à travers les forêts. 1900, C. A. M. Paradis, De Témiskaming à la baie d’Hudson, p. 32.

 (En composition).

 Vieilliou région.(Surtout dans l’ouest du Québec). Mange-maringouins, mangeur de maringouins ou mangeux de maringouins et (surtout dans l’est du Québec) chie‑maringouins, chieur de maringouins ou chieux de maringouins; rarechiard de maringouins : noms donnés à l’engoulevent d’Amérique (Chordeiles minor), qui se nourrit en vol de moustiques et d’autres insectes. (Voir aussi PPQ 1515 et Lavoie 695).

Du Turc ou du Mangeur de Maringoins […]. [titre] Je le nomme le Mangeur de Marigouins [sic] aprés le commun des francois de la colonie, qui cymaginent [= s’imaginent] qu’il vit de ces insectes. Pour moy je luy donne un nom plus noble, et je l’appelle le Turc a cause que toute sa véture est martelée de croissants blancs sur un fonds de manteau, et de pennes de couleur de bure. […]. Ce Turc n’est gueres plus grand que l[’]emerillon. 1685 env., L. Nicolas, Histoire naturelle, ms. 24225, fo 151‑152.

À notre arrivée au lac des Bois, une espèce de mauves assez semblables aux mangeurs de maringouins, vinrent en grand nombre nous saluer de leurs cris perçants. 1845, Le Canadien, Québec, 5 décembre, p. [3].

Un engoulevent d’Amérique fit entendre dans l’air son cri perçant. Léon et Marguerite suivirent, pendant quelques instants, les capricieuses évolutions du « mangeur de maringouins ». 1925, D. Potvin, Le Français, p. 97.

Le bois-pourri, puisqu’il faut l’appeler par son nom, est, à l’encontre du mange-maringouins, son cousin, un oiseau strictement nocturne, s’éloignant toujours des villes bruyantes et, par suite, choisissant les endroits les plus sauvages. 1937, Le Devoir, Montréal, 30 octobre, p. [12].

Les Mangeux de maringouins ou tout simplement Mange-maringouins sont maintenant mieux connus dans les villes sous le nom d’Engoulevent d’Amérique, Chordeiles minor. L’Engoulevent aux habitudes crépusculaires pourchasse au vol les moustiques et d’autres insectes, d’où ce nom de Mange-maringouins : et il a le bec si largement fendu qu’on dit qu’il engoule le vent, lorsqu’il chasse bec ouvert en plein vol, d’où le nom d’Engoulevent. Moins faciles à expliquer cependant sont les termes Chie-maringouins ou Chieux ou Chiard de maringouins! Cause à… effet?? 1951, R. Cayouette, Les noms de nos oiseaux, Les Carnets, vol. 11, no 4, p. 170.

[…] il [l’engoulevent bois-pourri] survole aussi bien les milieux urbains que la forêt coniférienne ou de feuillus en pourchassant les moustiques. On le nommait jadis le chie-maringouins. 1997, Progrès-dimanche, Chicoutimi, 20 juillet, p. A44.

Nous les appelions « mangeux de maringouins », nom qui nous avait été probablement communiqué par nos frères aînés qui eux l’avaient possiblement appris de mon père. On nous avait dit qu’ils criaient à chaque fois qu’ils attrapaient un moustique et nous nous endormions en comptant le nombre de leurs cris. J’ai su plus tard qu’il s’agissait en fait d’Engoulevents d’Amérique. Je me souviens également que lorsque nous dormions au chalet, le chant mélodieux de l’Engoulevent bois-pourri nous emportait régulièrement et doucement dans les bras de Morphée. 2014, Le jaseur des Moulins, hiver, p. 8.

 (Dans une chanson folklorique dite de mensonges, où les faits évoqués sont impossibles, absurdes). Maringouin d’automne.

Il [le ouaouaron] avait pour son laquais, [/] Un gros taon qui marmottait, [/] Il avait pour son cocher, [/] Un maringouin d’automne, [/] Qui sacrait comm’ un char’tier, [/] Encor’ faisait‑il l’homme. 1840, Chanson recueillie à Sainte-Rose (prob. Sainte-Rose-de-Lima, à Laval), Bulletin des recherches historiques, 1930, vol. 36, no 3, p. 139.

2

Fig., litt.Personne dont le comportement dérange, importune.

Ils [les Autochtones accompagnant l’armée française] s’ameutent, délibèrent entre eux et délibèrent lentement, veulent aller faire coup tous ensemble et du même côté parce qu’ils aiment des gros bataillons. [...] ils partent enfin et dès qu’ils ont frappé, n’eussent-ils fait qu’une chevelure ou un prisonnier ils reviennent et repartent pour leurs villages. Alors, pendant un intervalle considérable, l’armée reste sans Sauvages. [...] Il vaudrait mieux n’avoir à la fois qu’un nombre réglé de ces maringouins qui fussent ensuite relevés par d’autres, de manière qu’il y en eût toujours. 1756, L.‑A. de Bougainville, Rapport de l’archiviste de la province de Québec pour 1923‑1924, p. 238.

Si je te dis que tu n’as pas été bavard depuis ton retour d’Europe, ne va pas me répondre que je te dois une lettre depuis le mois de juin dernier; je serais obligé de te faire des excuses, et cela ne t’absoudrait pas de ne m’avoir pas écrit, surtout pendant la petite croisade canaille que l’on a organisée depuis quelques semaines contre moi. Je sais bien que tu t’es dit que ces sorties de maringouins ne dérangeaient guère ma paix durant le jour ni mon sommeil durant la nuit; je croyais seulement que tu m’aurais dit ton amusement en lisant ces vieilles rengaines de « conspiration ténébreuse contre le parti libéral, ourdie par Dansereau, Tarte et Chapleau »! 1897, J.‑A. Chapleau, Bulletin des recherches historiques, 1967, vol. 69, no 4, p. 157.

Renelle : On te connaît, Jos. [...] Ce que t’aimerais, c’est d’arrêter de monter dans le bois, l’hiver, pis de vivre icitte comme un ours dans sa ouache. En seulement, nus autres, on est pas prêtes à ça. Jos : All I said is that you need a man in this household. [...] Je t’ai pas débarrassée du maringouin, t’à l’heure? Renelle : Un gros palote comme toé! Si je l’avais laissé te tomber su a fripe, y te poquait es deux yeux en arc‑en‑ciel! 1975, A. Ricard, La gloire des filles à Magloire, p. 50‑51.

Il faut alors les voir à la sortie des bars et autres lieux de libations, se ruer par milliers, qui un bras en l’air, qui les deux, certains la patte plus ou moins alerte, chercher le taxi qui les ramènera à bon port. C’est la guerre au pays des faux-bourdons. Les rôles sont dorénavant inversés. Le chauffeur de taxi, même le plus honnête comme moi, se transforme en araignée, peut choisir sa proie. Rejeter les mouches tsé‑tsé, les maringouins en état d’ébriété trop avancé, les tout pleins de vomi. 1990, N. Desjardins, La Presse, Montréal, 21 octobre, p. A3.

Combien de fois ai‑je entendu ce qualificatif de maringouin, chez les membres de ma famille pour désigner une personne qui aimait piquer et provoquer par ses commentaires et ses attitudes! Si comme enfant, il est presque amusant de se faire qualifier de p’tit maringouin par nos parents, notre famille et nos amis, ce message à [sic] une autre portée dans le monde adulte! 2016, A.‑M. LeDoux, Le Sentier, Saint-Hippolyte, juin, p. 8.

Histoire

1Le mot est d’abord attesté sous la forme maringon en 1566 dans les écrits de la Floride (Le Challeux) et marigoin en 1609 dans ceux de l’Acadie (Lescarbot); puis, sous celle de maringouin en 1614, dans les écrits de la France équinoxiale (d’Abbeville) et en 1632, dans ceux de la colonie canadienne (Sagard) (v. FEW tupi maruím 20, 72a; v. aussi les détails ci‑dessous). Maringouin est un terme de voyage que les Français ont véhiculé au cours de leurs navigations au Brésil et aux Antilles. Il a d’abord fait partie d’un vocabulaire propre aux marins, puis sous leur influence, il a connu une très large diffusion; au cours des XVIIe et XVIIIe siècles seulement, on l’a relevé chez plusieurs des navigateurs et voyageurs qui ont laissé des écrits décrivant les réalités exotiques observées non seulement dans les Amériques, mais aussi en Afrique et en Asie (v. ArvVoy 532, FriedAm, KönFranz, MaunyAfr et Trévoux 1771, qui cite l’abbé de Choisy, auteur d’un journal publié en 1687 à la suite d’un voyage à Siam, en Thaïlande). Il n’est toutefois devenu usuel que dans les colonies françaises des Antilles (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Haïti), de la Nouvelle-France (Canada, Acadie, Louisiane) et de l’île de la Réunion, de même que dans une partie de la Normandie (départements du Calvados, de l’Orne et de l’Eure), où il a sans doute été introduit dès le XVIe s., époque où les ports normands – dont celui de Honfleur – jouaient un rôle de premier plan dans les liaisons maritimes avec le Brésil (v. ReadLouis, DitchyLouis et NeumLouis 279 et 280, dans des exemples, JourdMart 41, GermCréole, FaineDict, HallCréole 246, MirvKreyol 68, PelCréole et ChaudRéun 279, P. Brasseur, dans Dialangue, avril 1996, p. 21, DubNorm, LepNormand et FarAm 201). Le mot est enregistré dans les dictionnaires de France depuis la fin du XVIIe s. (Corn 1694), y étant généralement présenté comme le nom que l’on donne dans les Antilles et les pays chauds au cousin ou à un moustique qui lui ressemble; ce n’est qu’à partir du milieu du XXe s. que ces ouvrages mentionnent son usage au Canada (v. Larousse 1953). On considère généralement que maringouin a été emprunté directement au tupi, une langue autochtone dont les dialectes étaient autrefois parlés sur une vaste portion du littoral brésilien (v. FEW 20, 72a, ArvVoy 40, FriedAm et FarMar; v. aussi A língua tupi na geograpfia do Brasil, 1989, s.v. marigui). Il devait déjà circuler, à tout le moins comme mot exotique, parmi les marins et les colons français à l’époque où la France tenta vainement d’établir une colonie de peuplement au Brésil (1555‑1560). Cela expliquerait qu’il soit attesté pour la première fois (comme mot exotique) dans la relation qu’un charpentier de marine normand, N. Le Challeux, publia en 1566, après l’échec colonial des Français en Floride (1562‑1565) : « [...] ils [les Autochtones] sont souvent faschez de petites mousches, lesquelles ils appellent en leur langage Maringons [...]. » (v. S. Lussagnet (éd.), Les Français en Amérique pendant la deuxième moitié du XVIe siècle, t. 2, 1958, p. 212). Cette variante, qui résulte sans doute d’une erreur de transcription pour maringoins, a souvent été rapportée avec l’orthographe maringous plutôt que maringons, et datée de 1560 et 1579 plutôt que de 1566, erreurs qui ont toutes été corrigées depuis, v. DDM1‑5 et GLLF). À l’origine, le mot pourrait avoir servi à désigner plus d’un type de diptères piqueurs hématophages, dont probablement même le brûlot (fam. des cératopogonidés), comme le suggère cette description extraite de la relation d’un voyage fait par le capucin Cl. d’Abbeville lors d’une autre tentative de colonisation française dans la France équinoxiale, dans le nord du Brésil (1612‑1614) : « Marigouy ou Maringouin sont petits Moucherons guere plus gros que pointes d’espingles, qui mordent bien fort [...]. » (v. Cl. d’Abbeville, Histoire de la Mission des Pères Capucins en l’isle de Maragnan et terres circonvoisines, 1614, p. 255). Cet emploi n’est pas sans rappeler celui qui a cours actuellement au Brésil, où le mot portugais marigüi (attesté depuis 1560) et sa variante nasale maringuim désignent précisément un moustique de la fam. des cératopogonidés et s’opposent à mosquito, appliqué lui-même au maringouin, v. Enciclopédia Brasileira Mérito, 1967, s.v. maruim, et A. B. De Holanda Ferreira, Novo dicionário da língua portuguesa, 1995). Par contre, dans les Antilles et en Nouvelle-France, maringouin a plutôt été appliqué au diptère piqueur de la famille des culicidés et il s’est opposé à mousquite et moustique, eux-mêmes réservés autrefois à des diptères piqueurs hématophages de taille plus petite tels que le brûlot et la mouche noire (v. PellFaune 226; v. aussi J.‑B. du Tertre, Histoire générale des Isles de S. Christophe, de la Guadeloupe, de la Martinique, et autres dans l’Amérique, 1654, p. 328‑329). Maringouin « bécasseau d’Amérique » (1959) est enregistré dans les dictionnaires français du XIXe s. (v. AcCompl 1842, Littré et Besch 1892; repris dans Quillet 1937‑1948), d’où a probablement été tirée la donnée consignée par McAtee, seule attestation enregistrée dans une source québécoise. Maringouin « jeune catégorie sportive », depuis 1956. Piqûre de maringouin, en emploi figuré, depuis 1915. On trouve dès 1905 l’emploi de piqûre de maringouin comme terme d’une comparaison à valeur diminutive : Si notre confrère veut nous suivre sur ce terrain, nous ne refuserons pas de discuter avec lui. Mais s’il continu [sic] à nous injurier […], nous lui dirons franchement que nous ne le suivrons pas. […] D’ailleurs, le confrère admettra qu’il n’a pas grand chose [sic] à dire et que les coups qu’il peut nous donner n’auront pas même la gravité d’une piqûre de maringouin (La Nation, Saint-Jérôme, 21 octobre, p. 4). Pouvoir entendre un maringouin voler, depuis 1937. Maragouin (depuis 1859); cette variante, découlant d’un phénomène de dilation progressive (le [ẽ] devient [a] sous l’influence du [a] de la première syllabe), est signalée en Normandie (v. ALN 651). Maringouinière, depuis 1837 dans un toponyme de Saint-Jean-Chrysostome (aujourd’hui un quartier de Lévis), mais dès 1857 sous la variante marangouiniére, qui semble désigner le même lieu sur un plan (v. J.‑B. Legendre, Plan du village Saint-Jean-Chrysostôme-de-Lauzon, BAnQQ, fonds Ministère des Terres et Forêts (E21, S555, SS1, SSS23, PJ.1); on trouve aussi la graphie Marangouinière dans un plan produit quelques semaines plus tard par la même personne (v. J.‑B. Legendre, Plan figuratif de la section centrale de la seigneurie de Lauzon, dans les années 1854‑55‑56‑57, BAnQQ, (E21, S555, SS1, SSS20, P10A). De maringouin et du suffixe ‑ièreMaringouinifuge, depuis 1887. De maringouin et ‑fuge « qui fait fuir » et la voyelle de transition ‑i‑Mange-maringouins, depuis 1937. Mangeur de maringouins, depuis 1685 env., et mangeux de maringouins, depuis 1915 (v. BPFC 14/1, p. 48), s’inscrivent dans le paradigme mangeur de + « nom de nourriture ou de proie », attesté en français depuis le XVe siècle (mangeur de chair humaine, v. DMF, s.v. mangeur1), qui a servi à désigner différents animaux, tels que mangeur d’abeilles « guêpier (oiseau) », mangeur de fourmis « fourmilier », mangeur de poules « oiseau de proie qui dévore la volaille », mangeur de poulets « épervier », mangeur de poires « petite chenille », etc. (v. FEW mandūcare 61, 174b‑175a). Poitier relève mangeur de maringuoins [sic] à Lorette vers 1643‑1644, ce qui suggère que l’appellation était en usage dans les environs de Québec à cette époque. Chie-maringouins, chieux de maringouins et chiard de maringouins, depuis 1951 (v. CayOis‑2, p. 170); chieur de maringouins, depuis 1971 (v. PPQ 1515); pourraient constituer des formes plaisantes créées en réponse à mangeur de maringouins et ses variantes, et évoquant un lien de cause à effet. 2Depuis 1756. Des emplois métaphoriques de maringouin ont été relevés chez des écrivains français des XVIIIe et XIXe s., Beaumarchais et Pommier, mais ils sont sans lien avec l’emploi canadien (v. Littré, Robert 1985 et TLF).

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : décembre 2022
Pour poursuivre votre exploration du mot maringouin, visionnez notre capsule vidéo Dis-moi pas!? sur le site Web du Trésor de la langue française au Québec.
Trésor de la langue française au Québec. (2022). Maringouin. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 1 novembre 2024.
https://www.dhfq.org/article/maringouin