Recherche avancée

BRÛLOT [bʀylo]
n. m.

Rem.

Variantes graphiques brulot; (ancienn., rare) bruleau.

  

Moustique d’une taille à peine perceptible (fam. des cératopogonidés) dont la piqûre donne une sensation de brûlure.

 mouche (sens I.B.5).

Se faire piquer, manger par les brûlots.

Rem.Terme adopté par les entomologistes (voir SQPPIns1‑3 et BenIns4‑5).

Les bruleaux qui sont de petits moustiques presque i[m]perceptibles, y sont en si grand nombre, et si incom[m]odes, qu’il semble qu’on est brulé d’une étincelle de feu a chaque fois qu’un de ces insectes se repoze : ou sur les mains ou sur le vizage. 1685 env., L. Nicolas, Histoire naturelle, ms., fo 165.

Les Brulots sont des especes de Cirons qui s’attachent si fort à la peau qu’il semble que leur piqueure soit un charbon ou une étincelle de feu. Ces petits animaux sont imperceptibles & pourtant en assez grand nombre. 1703, baron de Lahontan, Mémoires de l’Amérique septentrionale, t. 2, p. 51.

Je descendais le cours de la rivière, très-rapide en l’endroit, enlevant, de ci, de là, dans les remous, dans les haïs, des truites frétillantes, lorsque j’entends un bourdonnement et que je sens en même temps sur ma joue une piqûre brûlante; c’était un brulôt [sic], – eh! À dix minutes de là, à dix pas plus loin, ce brulôt s’appelait légion, pour devenir presqu’aussitôt nuage, passer ensuite à l’état de brouillard, puis de sorcière [= bref tourbillon de vent], puis enfin de trombe, qui vous enlève, vous emporte et vous jette je ne sais où, aveuglé, boursoufflé, enragé, désespéré. 1874, A.‑N. Montpetit, Colonie française de Metgermette, p. 14.

C’est au bord de cette rivière que j’ai passé une nuit sans dormir. Nous avions planté nos tentes où les draveurs avaient campé; une pluie fine avait tombé et humecté l’herbe; des nuées de brûlots s’en élevaient, nos couvertes et nos tentes en étaient grises, ni plus ni moins nous étions dans le feu et comment dormir dans ce feu! J’ai pensé que les blasphèmes et les imprécations des draveurs avaient déchainé ces mouches que l’œil voit à peine. 1946, J.‑É. Guinard, Mémoires d’un père oblat, ms., p. 121.

Hier soir, il y avait des brûlots. Ce sont d’immondes insectes, invisibles à l’œil nu et qui piquent cependant férocement. Qu’il y ait de la lumière dans la maison, ils franchissent les moustiquaires et vous relancent jusque dans votre lit. Donc je n’allumai pas. Seulement une vieille lampe à pétrole que je garde en cas de panne d’électricité. De plus, quelques bougies à la citronelle [sic]. Ainsi, dans la nuit infestée de brûlots, j’étais comme dans une forteresse protégée par mes barrages. 1972, G. Roy, Cet été qui chantait, p. 129‑130.

S’arrêter à Cabano pour taquiner le touladi (truite grise géante) ou l’achigan, ou encore le maskinongé. Réunir la parenté du Témiscouata autour d’une épluchette de blé d’Inde. Se promener dans l’érablière de l’oncle Arthur. Photographier la cabane à sucre endormie. Cueillir des framboises sauvages sans trop se grafigner et remercier le ciel que le temps des brûlots soit passé. C’est tripant des vacances à la campagne! 1988, La Presse, Montréal, 3 juillet, p. E5.

Les maringouins […], dorénavant, ne se contenteront plus de gâcher vos soupers en plein air, de transformer ces dames au sang sucré en pizzas extra-pepperoni ou de faire vendre de la lotion calamine aux Jean Coûteux de ce monde. Même les moustiques porteurs de maladies (mouches à chevreuil et brûlots) assez graves (paludisme, encéphalite) feront figure de poids plumes aux côtés du nouveau maringouin exterminator. 2000, G. Gourdeau, La répression tranquille, p. 236.

Le monde est rempli de bibittes. Peu importe que votre automobile soit luxueuse ou ordinaire, les bibittes ne font pas la différence. Dans le pare-brise, sur le pare-choc, elles cognent, elles beurrent, elles cherchent à nous heurter. Jamais a‑t‑on vu un brûlot essayer d’éviter une collision avec un camion. Dans l’ordre de l’hécatombe, l’essuie-glace devient un essuie-sang. Routiers, nous connaissons tous ce combat dégoûtant contre cette sorte de purée. Une mouche, c’est gras. 2001, Le Devoir, Montréal, 13 août, p. A1.

Brûlots : Dermatologues nés. Leur morsure qui, comme nous le savons, laisse une sensation de brûlure, testerait la tolérance épidermique de l’homme au fil des siècles. 2015, M. Rückstühl, Les Espions, p. [400].

 Anti-brûlot(s) adj.

Cette tente, particulièrement appréciée des canoteurs, cyclotouristes et randonneurs, présente deux vestibules, un double toit intégré, du moustiquaire anti‑brûlots et une ventillation [sic] adéquate. 1982, La Presse, Montréal, 15 avril, sports, p. 20.

Le filet ultra‑fin de la cagoule anti‑brûlots Kanuk bloque même les plus petits brûlots et se noue sous les bras pour une protection totale. 1993, Croc, Montréal, mai, p. [45].

D’abord, les installations [du chalet] comprennent tout le nécessaire : équipement de cuisine, eau courante, éclairage et réfrigérateur [...]. Deuxièmement, les fenêtres sont équipées de moustiquaires spéciales « anti‑brûlots » [...]. 2000, Sentier Chasse-Pêche, février, p. 48.

La tente possède un matelas de 2,1 mètres sur 1,3 m, assez grand pour deux dormeurs. Elle est à l’épreuve de la pluie et compte deux portes et deux fenêtres protégées par des moustiquaires anti‑brûlots. 2017, Le Soleil, Québec, 8 mai, p. 37.

(Par ext., souvent par confusion). Mouche noire (voir mouche, sens I.B.5).

Mais qu’est‑ce donc que ce terrible brûlot? Un simple petit diptère, (mouche), à peine long d’un huitième de pouce. Les naturalistes lui ont donné le nom générique harmonieux de « Simulium ». Il est noir, ce qui lui a valu des Anglais le nom de « black fly ». Le nom vulgaire que lui donne la langue française, toujours si fortement expressive, est très caractéristique, car la morsure de cet insecte fait l’effet d’une piqûre d’aiguille chauffée à blanc. 1906, G. Beaulieu, Le monde des petits êtres, La Presse, Montréal, 4 août, p. 7.

Les mouches noires (brûlots) mordent les canetons [titre] La morsure d’une mouche noire très répandue au Canada (Simulium Venustum Say) fait périr beaucoup de jeunes canards domestiques et sauvages en leur transmettant un parasite (Leucocytozoon Anatis). […] C’est cette même mouche noire qui incommode tant les pêcheurs et les campeurs. 1933, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 5 avril, p. 2.

L’invasion des mouches noires ou « brûlots » dans les régions boisées du Québec et de l’Ontario n’est pas plus importante qu’au cours des années précédentes, mais la population des maringouins est beaucoup plus nombreuse […]. Le fléau des « brûlots » semble pire cette année à cause des conditions météorologiques qui ont retardé leur période d’éclosion d’une semaine à dix jours, et peut-être aussi parce qu’il y avait plus de villégiature dans les bois au moment de leurs pires « raids ». 1966, L’Action, Québec, 15 juillet, p. 13.

Histoire

Depuis 1675 environ (L. Nicolas, Traitté des animaux à quatre pieds terrestres et amphibies, fo 77 : des moustiques, des Bruleaux, des moucherons cieurs); dérivé de brûler « produire une brûlure ou une sensation comparable à celle d’une brûlure » (attesté dès l’ancien français, v. RobHist), d’après la sensation de brûlure due à l’anticoagulant qu’injecte le minuscule diptère au moment où il entaille la peau. Comme le signale S. Pellerin, le mot ne résulte probablement pas d’une suffixation spontanée, mais de l’attraction de la forme brûlot, qui a servi à véhiculer de nombreux autres sens apparentés au cours de l’histoire du français et de ses parlers (v. PellFaune 225) : cp. p. ex. le sens de « bâtiment rempli de matières combustibles destiné à incendier un vaisseau ennemi », attesté en français depuis le XVIIe s., ainsi que celui de « machine qui sert à lancer des dards enflammés », relevé en français du XVIIe jusqu’au XIXe s. (v. FEW 14 ūstŭlare, 79b). Les dictionnaires de France ont enregistré l’acception canadienne du mot à partir des années 1970 (v. PLar 1972, PRobert 1977 et Robert 1985). Un emploi voisin a d’abord figuré dans de nombreux dictionnaires parus entre la seconde moitié du XVIIIe s. et le début du XXe s., lesquels indiquaient que brûlot désignait en Louisiane des insectes qui « se trouvent dans l’herbe, s’attachent aux jambes des passants et y font des piqûres qui brûlent comme le feu » (v. FEW id. 80a, Laveaux 1820 et AcCompl 1836; v. aussi Besch 1847‑1892, Littré et Larousse 1866, qui laissent tomber toute référence à la Louisiane; v. enfin DG et Académie 1932, qui identifient le mot à un acarien piquant l’homme, le lepte). Tous ces dictionnaires s’inspirent de Valmont de Bomare, qui paraît avoir identifié erronément le brûlot de relations louisianaises à des insectes des Antilles appelés localement bêtes rouges, désignant les larves d’un acarien de couleur rouge vif qui piquent les humains, et chiques (v. ValmHNat 1768 : « A la Louisiane on donne ce nom aux chiques & aux bêtes rouges »; v. aussi JourdMart 42, qui atteste encore l’usage des deux termes à la Martinique). Cependant, à la lumière des données se rapportant aux colonies françaises d’Amérique, cet emploi de brûlot ne semble pas avoir vraiment eu cours en Louisiane. C’est plutôt l’emploi canadien qui a circulé dans toute la vallée du Mississippi depuis le sud des Grands Lacs jusqu’à la Louisiane, comme en témoigne bien la documentation du XVIIIe s. (v. p. ex. RJ 65, 160, doc. de 1701; RJ 67, 292, doc. de 1727, aux Akensas; A. S. Le Page du Pratz, Histoire de la Louisiane, vol. 2, 1758, p. 149; v. aussi McDermMiss 35, qui relève le mot dans plusieurs écrits de voyageurs et missionnaires de la vallée du Mississippi). Dans la même foulée, brûlot est passé au XIXe s. dans la langue des anglophones côtoyant les voyageurs et trappeurs canadiens-français (v. DictCan); il figure aussi dans des écrits d’auteurs anglophones décrivant des réalités nord-américaines (v. J. Lambert, Travels through Canada, and the United States of North America, in the years 1806, 1807, & 1808, vol. 1, p. 127‑128 : « The brulôts, or sand-flies, are so very small as to be hardly perceptible in their attacks [...]. »; v. aussi Mathews, qui cite notamment l’extrait d’un ouvrage du compilateur anglais John Harris, publié en 1705). Anti‑brûlot(s), depuis 1982. Au sens de « mouche noire », depuis 1906.

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : janvier 2023
Pour poursuivre votre exploration du mot brûlot, consultez notre rubrique En vedette sur le site Web du Trésor de la langue française au Québec
Trésor de la langue française au Québec. (2023). Brûlot. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 7 novembre 2024.
https://www.dhfq.org/article/brulot