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CHIARD [ʃjɔʀ]
n. m.

Rem.

1. Parfois prononcé [ʃjɑʀ] par souci de correction. 2. Variantes graphiques chiar, chiarre.

I

Vieilliou région.Syn. de hachis.

Un bon chiard. Manger du chiard réchauffé.

Chiard de goélette, de bateau, chiard blanc (du chasseur) : mets destiné aux pêcheurs, aux marins et aux chasseurs, contenant du lard salé et des pommes de terre.

Chiard au jambon, à (la) dinde. Chiard aux poutines. Chiard blanc (du chasseur). Chiard salé.

 Péjor.Mets peu appétissant; mauvaise nourriture.

Rem.Fait référence, à l’origine, à un mets bon marché qui revenait souvent au menu dans les collèges (voir notamment Clapin).

 bouette2gibelotte (sens I.2); poutine (sens I.3).

[…] qu’elle me fasse des petits patés car je garde ma faim en attendant que vous veniez[;] je commence un peu à prendre goût au chiarre et au café ainsi que le pain sec. 1861, Québec, BAnQQ, fonds Famille Lauriault (P139), 15 octobre (lettre d’un séminariste).

Car depuis un bout-temps il fait terriblement froid et il faut se tiendre le ventre bien plin pour ne pas gelé et puis les patates sont rare on ne peut pas forcer sur le chiarre, vous autres vous avez de la laine assez pour vous faire des habits pour vous préservez du froid […]. 1880, Ch. Simard, dans R. Blondin, Chers nous autres, t. 1, p. 20 (lettre).

Commandements de l’universitaire. [/] À l’Université tu iras [/] Pour y souffrir passablement; À six heures te léveras [sic] [/] Maudissant la cloche souvent. [/] Pour la demie t’habilleras [/] En disputant pareillement; […] Le matin tu déjeuneras [/] Au chiard épicé fortement; [/] Au souper tu mangeras [/] Une fricassée pareillement […]. 1880, Le Canard, Montréal, 5 juin, p. [3].

Le potage était loin d’être plantureux et le ragoût était un plat hétéroclite que n’aurait [p]as désavoué Joe Beef ou le chef de cuisine d’un collége [sic] de campagne. Qu’est-ce qu’il y avait dedans? Ô Chiard! quand pourra-t-on approfondir tes mystères? 1883, Le Grognard, Montréal, 11 août, p. [2].

Il y avait autrefois, certains collèges – disparus j’espère – où n’importe quelle potée était toujours assez bonne pour l’élève; où les nappes étaient inconnues; où l’on servait, en guise de thé, une espèce de lavure, dans des gobelets en fer-blanc; où la morue avait au moins deux ans de cave, et où le bœuf semblait y être mort d’ennui; où l’on trouvait jusqu’à des cadavres de rats dans les soupières en vieil étain graisseux; où le hachis, espèce de pot-pourri salmigondisé de coquerelles, pour me servir du terme canadien, s’apellait [sic] – les choses les plus hybrides finissent quelquefois par trouver leur vrai nom – du chiard. […] Chez les habitants, vous savez, on appelle ça de la fricassée; mais c’est pas manque de connaître que c’est pas le vrai nom, allez! on sait que dans les séminaires et les presbytères – chez les gens instruits enfin – on appelle ça du chiard. 1893, L. Fréchette, À propos d’éducation : lettres à M. l’abbé Baillargé du Collège de Joliette, p. 84‑85.

La fricassée est un mets composé de viande coupée par morceaux; le hachis est une fricassée de viande ou de poisson haché très menu. « Chiard » est un sale mot canayen qui n’est employé que dans certains de nos collèges. 1897, La Presse, Montréal, 24 avril, p. 7.

Nous étions redevenus écoliers et, à la vue de ces plats succulents, de ces pyramides de fruits, de ces plateaux chargés de glaces miroitantes et de gâteau [sic] sucrés, par amour des contrastes, nous avons évoqué les tables du réfectoire d’antan, rachitiques et nues jusqu’à l’indécence, les silhouettes charbonnées des marmitons, les chaudrons enchantés où les pommes de terre en chemise et le bœuf sec du midi se changeaient en un chiard devenu célèbre. 1897, P. Le May, Le Soleil, Québec, 31 juillet, p. [1] [Compte rendu d’une réception de retrouvailles d’anciens élèves de séminaire].

Ceux qui ont fréquenté nos collèges classiques – il y a 20 ans, du moins – se souviennent de léternel ragoût que les malheureux élèves rancuneusement dénommaient « chiard ». Le « chiard » n’était pas mauvais en soi, mais servi deux fois le jour au moins cinq jours par semaine, il en venait à donner la nausée. Eh bien! il parait [sic] que c’est sur une question de « chiard » qu’éclatait tout récemment, à l’Institut Agricole dOka, cette grève dont les quotidiens, selon leur habitude en matières éducationnelles, nous ont donné des rapports déformés ou truqués. 1937, L’Autorité, Montréal, 11 décembre, p. 4.

Une vie c’est un peu comme les chiards que Sophie […] nous faisait, ou ben encore comme ses bagatelles : a faisait ça avec des restes qui, si vous les aviez mangés séparément, vous auraient donné mal au cœur, mais une fois mêlés, tripotés, vous faisaient un délice. 1952, Al. Brie, Le père Tobie, 9 septembre, p. 5 (radio).

Sur ce chapitre [celui de la nourriture] les commentaires étaient courts. Le menu d’une seule journée suffisait, tellement les jours se ressemblaient. […] Le midi et le soir, une sauce blanche à consistance de colle dans laquelle baignaient des pommes de terre; beaucoup de plats difficiles à identifier que nous classions sous le terme général de « chiard »; très peu de viande rôtie, du pain à volonté. 1975, Al. Tessier, Souvenirs en vrac, p. 51.

Avant le retour de Montmagny, à 22 h, la journée se déroulera comme suit, soit l’observation de l’oie blanche en trois phases : sur la Marjolaine, les bâteaux [sic] de plaisances [sic] des Lachance et une visite à l’Île-aux-Grues. Mais oui, il va y avoir le souper au chiard blanc du chasseur… 1979, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 10 octobre, p. 35.

Le soir bien, on appelait ça du chiard : des patates mêlées avec de la viande, du bœuf, des « pétaques » [= patates] tranchées. On en faisait un plein chaudron, ça se mangeait tout. Avec des cornichons ou bien d’autres choses. 1980, Saint-Mathieu-du-Parc (Maskinongé), AFEUL, S. Fournier 92 (âge de l’informatrice : 69 ans).

Je sais notamment qu’une des bases de la cuisine de l’île aux Grues est le « chiard » de goélette. On fait revenir de l’oignon dans du beurre ou autre chose, on y ajoute des pommes de terre en dés, un bol de cretons et du bouillon, ou de l’eau, et on laisse mijoter le temps d’une demi-marée. Pour la subsistance, c’est parfait, et pour le goût, c’est pas mauvais. Surtout si ça ne revient pas trop souvent. 1991, J. O’Neil, L’Île aux Grues, p. 59.

Certains plats ne sont offerts qu’une fois par semaine. Pour le chiard blanc, préparation typique de la Côte-du-Sud à base de pommes de terre, d’oignons et de lard salé, il faut y aller le mercredi. 2013, La Presse, Montréal, 14 août, cahier Voyage, p. 4.

Au lieu de ça, il s’est mis à emballer de papier d’aluminium les restes de chiard et de jambon à l’ananas qui traînaient sur le poêle, et c’est à ce moment-là qu’il a basculé irrémédiablement dans la gaieté. La lumière du frigo est passée sur le papier d’aluminium comme à l’intérieur d’une photocopieuse. 2017, Chr. Bernard, La bête creuse, p. 224.

(Dans un blason populaire).  Les Chiards-Blancs.

Les Chiards Blancs sont les habitants de L’Islet, qui se nourrissaient surtout de hachis au lard salé et aux patates; ce chiard est aussi appelé chiard de goèlette [sic]. 1944, M. Rioux, Le blason populaire canadien, Le Canada français, vol. 32, p. 263.

Les traditions sont également vivaces chez les « Chiards blancs », du nom d’un mets fait de lard salé et de pommes de terre, couramment consommé jadis sur les goélettes, et devenu par la suite sobriquet. Mais les L’Isletains ont le sens de l’humour aussi bien que de la tradition. 1982, Le Soleil, Québec, 13 août, p. A‑12.

Fig.

Comme en France, ces faiseurs de prédicants, dont la critique désintéressée ne tient pas compte, et qui, exploitent le préjugé du roman pour attirer le lecteur dans le filet d’habiles petits sermons, plusieurs de nos écrivains, par ailleurs bien doués pour l’essai, l’histoire, la philosophie, ont fait appel à l’expression romanesque pour intéresser la clientèle à des vapeurs idéologiques et à des chiards d’idées prêcheuses. 1934, Cl. Marchand, Le Bien public, Trois-Rivières, 29 novembre, p. 12.

Le chiard somnifère servi quotidiennement à la radio est destiné à ces affamés lecteurs de Ladébauche. Ils l’aiment, le réclament, l’obtiennent. 1935, J. et J. Robitaille, L’Illustration, Montréal, 23 février, p. 6‑B.

II

Fig., fam.

1

Grande réunion de personnes; grande fête très animée.

Donner, préparer un chiard.

Grand chiard hier soir chez le maire Lamarche. Les vendeux de foin de Ste-Elizabeth ont apporté un grand miroir; – pour reflèter [sic] les grandes vertus de Madame et de Monsieur. Ben du fun!!! 1893, La Gazette de Berthier, 15 décembre, p. [3].

Comme par le passé, grand préparatif au bureau seigneurial pour recevoir M. Resther et sa suite. À huit heures, étant dû le train des Comtés-Unis, venant de Montréal, le bureau était tout illuminé. Un grand chiard avait été préparé. Le boudin et le cognac devaient y figurer en abondance. Les fanaux en dehors du bureau donnaient une clarté presque électrique et tout le village était sur pied. Il y avait foule à la station. 1899, Le Sorelois, 17 novembre, p. [3].

Ces jours derniers le Club des « Mouchards » ayant décidé d’enterrer la vie de garcon [sic] d’un de leurs membres on résolut de faire chez « Tit-Zorge » le chiard traditionnel. 1909, Le Petit Québécois, Québec, 17 avril, p. 3.

Je ne sais si tu étais présent personnellement, ou par un de tes représentants, au « chiard » que le club des 33 a donné mardi dernier à Marion, pour lui faire oublier un peu la défaite qu’il a subie aux dernières élections de la faculté de droit. Pour le cas où tu n’as pas été un des hôtes du Café de la Paix ce soir là [sic], laisse-moi te décrire en peu de mots, les principales phases de cette monumentale bêtise. 1909, Le Canard, Montréal, 5 décembre, p. 5.

Les fonctionnaires municipaux ont donné un « frolic ». Un « frolic » on appelle ça dans le monde select un concert-boucane; à la Petite-Rivière on dit tout simplement un « chiard ». 1917, Le Franc-parleur, Québec, 3 février, p. 6.

La popularité de Dynamite-Nelson-Henri […] consistait à distribuer gratuitement de nombreuses cartes d’admission à son chiard dans toutes les tavernes de son comté. 1932, Le Goglu, Montréal, 25 novembre, p. 4.

Bienvenue à l’homme qui nous comprend si bien. Dieu bénisse sa campagne électorale! [/] De la main droite, les doigts en V, Peter Gadget saluait à la ronde, heureux de voir autant de monde. […] Le chiard s’annonçait bien. 1973, J. Côté, On va les avoir les Anglais!, p. 139.

Le lendemain soir je suis allé manger chez un de mes chums qui était revenu en même temps que moi puis qui m’avait invité chez eux pour un grand chiard de famille. 1980, Gr. Gélinas, Les fridolinades 1945 et 1946, p. 253.

T’en fais pas, mon Pierrot, dans l’armée tous mes plans ont réussi, on va très bien s’arranger tous les deux. Prépare la voiture, nous partons à Ottawa pour un chiard des anciens combattants… 1982, J.‑P. Filion, À mes ordres, mon colonel!, p. 134.

Comme l’expliquait [un des membres du comité organisateur] à La Tribune, la première édition de la course de bateaux en carton aux Trois-Lacs se voulait une forme de rodage à un événement qui deviendra « un gros chiard » à compter de l’an 2000. « Le comité veut effectivement faire de la course un événement par lequel on espère tirer des revenus de 10 000 $ pour protéger et valoriser le plan d’eau des Trois-Lacs. ». 1999, La Tribune, Sherbrooke, 30 août, p. B2.

Samuel de Champlain en devenait un show pop. Fin d’un cérémonial prestigieux, oubliez l’événement historico-culturel. Il y en a eu ailleurs, à rassemblements confidentiels, jolies médailles, diplomates à verre de mousseaux, salons à dorures. C’est que l’anniversaire 1608, c’est aussi un business. Des protestataires […] doivent saisir que le patriotisme au sein de ces chiards devient obsolète. Hors d’ordre, quoi! 2008, Cl. Jasmin, L’Express d’Outremont, Montréal, 6 novembre, p. 12.

2

Situation confuse, compliquée.

C’est tout un chiard, un moyen chiard, un beau chiard, un vrai chiard!

Les ingérences mal à propos de M. Brodeur dans les divers départements municipaux ne se comptent plus. On a vu quel chiard […] il avait fait de la police. Lui et son associé […], et quelquefois même le dernier de la trinité, […] ont commis d’innombrables abus de pouvoir. 1924, L’Autorité, Montréal, 21 décembre, p. 1.

La ville a retrocédé [sic] plusieurs de ces maisons qui ont été construites grâce à ces prêts… à fonds perdus qu’elle a faits. Personne ne sait où ce coûteux « chiard » en est rendu, pas même M. Verge qui semble empêtré là-dedans jusque par-dessus la tête au point qu’il finira par en étouffer. 1935, Le Franc-parleur, Québec, 5 octobre, p. 12.

Quand finira-t-on donc de ne penser qu’à ce « maudit » argent, responsable du « chiard » dans lequel nous vivons? 1937, La Jeunesse ouvrière, Montréal, juillet-août, p. 2.

C’est un beau chiard! Mlle LeVivat refuse de parler, Roger refuse également, les perles ne sont pas encore retrouvées. Nous serons bientôt la risée de toute la ville! 1939, Le Soleil, Québec, 7 mars, p. 13 (bande dessinée).

– L’Actualité : Et le grand chiard olympique [des Jeux de 1976 à Montréal], faudrait-il s’attendre à une enquête? – R. Lévesque : D’abord, on est pris avec. L’éléphant blanc du siècle. […] Mais il va falloir étudier le délire d’attribution de contrats qu’il y a eu en 1971 et 1973. 1976, L’Actualité, vol. 1, no 1, p. 8 et 10.

Le projet « rive-ouest » tient tellement à cœur au maire de La Tuque […] que ce dernier a promis aux membres du comité interministériel de faire un chiard, si ces derniers n’accédaient pas à la demande de la ville. Le maire […] a même l’intention de se rendre jusqu’au premier ministre René Lévesque si le dossier achoppe. 1977, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 28 septembre, p. 47.

[…] lorsque des personnes chassent en groupe de deux, trois, ou quatre, c’est LE chasseur ayant abattu l’animal qui doit lui-même veiller à « l’enregistrement » de son gibier, en ayant soin d’emporter avec lui l’animal abattu au complet! Vous voyez déjà le « chiard »… 1989, Le Soleil, Québec, 9 septembre, p. S11.

J’ai acheté mon billet d’avion à peine une heure avant le départ. L’éternelle dernière minute qui me poursuit jusqu’à la fin. C’est un peu le chiard à Radio-Canada. Des messages ont été mal faits et ils ont presque cru que je ne reviendrais pas! Je suis le bébé de la Course et la dernière à rentrer à Montréal, tout le monde s’inquiète pour moi. 1995, H. Latulippe et collab., La Course destination monde, p. 54.

Cette stratégie loupée, ça n’a pas été une belle expérience. Il y a eu tout un chiard, ç’a été compliqué à la fin. 2007, D. Lessard, L’instinct Dumont, p. 284.

On lit souvent que le don d’actions est une façon gagnant-gagnant d’effectuer un don de charité. De quelle manière devons-nous procéder? Et est-ce que c’est un « chiard » pour l’organisme qui reçoit le don? 2020, La Presse+, Montréal, Vos finances, 20 décembre, écran 5.

3

Par ext. Situation conflictuelle, querelle; bagarre.

Un gros chiard. Le chiard a pris, le chiard a pogné entre eux.

 loc. Faire du (un) chiard : exprimer vivement son désaccord, son opposition; faire du tapage, du grabuge.

Les amateurs de lutte ont assisté à un « chiard » en règle, hier soir à la Tour, lorsque Victor Delamarre a fait une scène de colère contre Paul Lortie. Le combat n’a duré que 12 minutes et 52 secondes. Il fallut que les constables interviennent car l’arbitre Jack Adams avait perdu le contrôle du match et il devenait dangereux de laisser les deux rivaux échanger des coups parmi les spectateurs. 1942, L’Action catholique, Québec, 24 mars, p. 10.

– J’vous dérange, ma’me Thiboutotte? – Ben on est en train d’manger… – Ma femme veut dire asseyez-vous… V’nez boire un café. – Écoute, Alexandre, y a pu d’café, pis faudrait qu’j’aille en chercher à l’épicerie… Ma’me Labelle est tout d’même pas v’nue rien qu’pour prendre un café? – Non, j’suis v’nue vous emprunter deux tasses de farine. – C’est ben dommage, mais y en a pas non plus! On a rien! – C’est bon, j’ai compris. Si c’est comme ça qu’vous traitez les voisines… flûte! (Elle claque la porte). – Voyons, sa grosse, tout c’chiard pour d’la farine? – J’sais c’que j’fais! Ça fait au moins dix livres de farine qu’a m’doit! 1960, G. Boulay, L’emprunteuse, Le Soleil, Québec, 30 avril, cahier Perspectives, p. 35.

Il n’y a que la volonté des Canadiens anglais qui inquiète la « B. and B. Commission » [Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme]. Parce que [le chef de l’opposition au gouvernement fédéral] et ses complices font du chiard et tapent du pied, il y a danger. Mais que les Québécois chôment, qu’il y ait 60 jeunes Québécois en prison, que toute la population québécoise soit en train de se radicaliser, qu’il se constitue des stocks d’armes un peu partout, cela n’est pas dangereux. Ça le devient seulement lorsque les « Westerns » et les Orangistes s’en inquiètent. 1965, G. Tremblay, Le Quartier latin, Montréal, 9 mars, p. 4.

« Nous ne ferons pas de chiard si M. Saulnier s’occupe de nous » [titre] […] Cette fois-ci, ils seront 1,000 chauffeurs de taxi à manifester. Peut-être 1,500 à défiler mercredi prochain dans les rues de Montréal. Et malheur si la police s’en mêle!... On prédit même pire si, au bout d’une semaine, M. Lucien Saulnier, président du Comité exécutif de la Ville de Montréal, n’a pas réglé le problème. 1967, L. Lapierre, Photo-journal, Montréal, 13 septembre, p. 3.

– Fernand : Une gribouille entre qui? […] – Lucie : Gabrielle et un paquet de filles! – La mère : Ses compagnes de bureau, je suppose? […] I’m’semblait qu’un beau jour ç’arriverait! Jalouses comme elles sont! – Fernand : Qui c’est qui a commencé l’chiard? 1969, G. Dufresne, Le cri de l’engoulevent, p. 35.

Celui-ci [le président du Conseil central des syndicats nationaux de Montréal] a promis de « faire un chiard » lors de l’enquête du coroner qui aura lieu relativement à ce décès accidentel, déclarant que personne ne respecte les normes de sécurité sur les chantiers de construction qui, selon lui, sont à peu près tous illégaux. 1974, Le Devoir, Montréal, 24 août, p. 1.

L’Amirauté a été injuste avec toi, hier. Il t’a reproché d’avoir encouragé les techniciens à se syndiquer. Tu es dans la merde. Dans les corridors, dans les studios, dans les salles de repos et j’imagine dans tous les bureaux de Radio-Québec, on te montre du doigt comme étant responsable de tout ce chiard2002, N. Fontet, Le malentendu, p. 60.

Une relationniste m’annonce que mademoiselle Deneuve consent finalement à me recevoir tout de suite après la conférence de presse prévue le lendemain. Que j’aurai droit à 30 minutes avec elle. Et qu’il s’agit de l’unique entrevue qu’elle accordera seule à seul à un journaliste. Elle réclame aussi la plus grande discrétion. Si cela devait se savoir, cela risquerait de faire tout un « chiard » au sein de la confrérie. 2013, M.‑A. Lussier, Le meilleur de mon cinéma, p. 29.

On voit des jeunes s’enchaîner aux arbres, d’autres qui grimpent dedans et se suspendent aux branches dans leurs sacs de couchage. Désobéissance civile, Lionel. Résistance passive. Des jeunes sont jetés en prison, d’autres les remplacent, ça se mobilise de Sherbrooke à Chibougamau, il en arrive de partout, mon vieux. Le gros chiard. Avec une figure publique comme Dany Boy Dubois pour faire les nouvelles tous les soirs. 2016, L. Hamelin, Autour d’Éva, p. 206.

Quand les colonies de la Nouvelle-Angleterre se sont rebellées et que le chiard a pogné, elles ont proposé une alliance aux Canadiens français. On aurait pu se battre contre les loyalistes mais les curés avaient la chienne. Ils ont négocié avec le roi. 2017, É. Plamondon, Taqawan, p. 95.

Marie vient à Québec tous les mois depuis plus de deux ans pour passer du temps avec sa mère. « Un jour, j’ai voulu la sortir, mais on m’a dit qu’elle n’avait pas le droit. On m’a dit que mon frère lui interdisait de sortir et que le médecin était d’accord avec ça. […] ». […] Qu’à cela ne tienne, Marie a tout de même essayé de faire sortir sa mère. « Je voulais aller avec elle dans la balançoire, elle est juste de l’autre bord de la porte, on la voit de l’intérieur… Ça a fait tout un chiard, c’est monté jusqu’au directeur! Il me fallait avoir la permission de mon frère! ». 2017, M. Moisan, Le Quotidien (site Web), Saguenay, chronique (opinions), 17 novembre.

 Faire (tout) un chiard (de, avec qqch.) : donner trop d’importance (à qqch.), en faire tout un plat, toute une histoire.

– Ça dérange p'tête pas le journalisse, mais si t’étais un peu smart, t’aurais déjà pogné qu’un pousseaux de puck qu’enfile 50 goals dans une saison et qui reçoit 125,000 piasses de salaire, ça fait toute une division. – Une division? – Ouais, 125,000 divisés par 50, égale 2,500 piasse [sic] d’la goale, c’est pas pire pour une tête carrée de farmer anglais! – Bon si tu vois ça d’même, mais franchement Baquet, y’a pas d’quoi en faire toute un gros chiard, pis tostiner [= t’ostiner « te disputer »] à mort avec Tit-Gus là-dessus ». 1968, La Patrie, Montréal, 20 octobre, p. 76.

Si Joe Bleau exige un salaire de $300 la semaine au lieu de son pourboire de $200, on en parlera pas [sic] dans votre canard favori. Alors pourquoi faire un gros chiard de l’affaire Lafleur; le phénomène québécois du hockey considéré comme le meilleur joueur sur lames à travers mers et monde? 1978, A. Cyr, La Voix de l’Est, Granby, 26 octobre, p. 7.

Le 14 novembre, je revenais à la charge pour écrire : « si les 10,000 détenteurs de billets de saison […] manifestaient bruyamment quand ils entendront de l’anglais au Colisée, l’exécutif de l’équipe révisera sa position très rapidement. » Cette phrase ne devait pas être prisée par tout le monde. D’abord le Toronto Globe and Mail de samedi devait en faire tout un « chiard » et ensuite, certains de mes lecteurs m’en ont parlé. 1979, P. Champagne, Le Soleil, Québec, 20 novembre, p. A11.

[…][il] était tout surpris de constater toutes les mesures mises en place pour déloger son voisin : le GTI [Groupe tactique d’intervention], périmètre de sécurité, policiers, rues fermées, « c’est démesuré! On fait un gros chiarre avec un rien », disait-il, une fois revenu chez lui vers 13 heures. 1991, La Tribune, Sherbrooke, 30 décembre, p. A3.

– Plus simple que ça… Je ne te comprends pas, maman. Tu te maries, tu deviens sa femme et tu rentres à la maison comme si de rien n’était… – Ben, pas tout à fait, j’m’étais quand même acheté un costume pis des souliers neufs. Mais tu sais, Laure, c’est la troisième fois pour Ti-Guy, la deuxième pour moi. Faut pas en faire un chiard! Mais c’est sûr qu’on s’aime, on s’marie pas sans s’plaire. 2001, D. Monette, Le rejeton, p. 366‑367.

Le gars m’a pas fourré, lui dis-je. C’est juste que je sais que son stock sera pas assez bon pour mes clients. Pis c’est un bon gars. Je l’aime ben. C’est pour ça que je veux pas faire tout un chiard avec ça. 2008, A. Caine, Métier, infiltrateur, p. 281.

Histoire

De chier et suff. -ard.

IDepuis 1855 (DictBarb, qui le relève sous une variante chia). Dès le 19e siècle, peut-être plus tôt, les collèges et séminaires ont adopté le hachis comme plat à servir dans les réfectoires. Fréquemment au menu, généralement préparé avec des restes de table, pas nécessairement avec des ingrédients de la meilleure qualité, il est probable que ce mets finissait par indisposer bien des élèves pensionnaires. Les plus anciennes attestations écrites de chiard pour désigner du hachis font référence à cette réalité et, selon toute vraisemblance, c’est dans ce milieu estudiantin qu’est né cet emploi du mot chiard, qui tourne en dérision ce plat pas toujours apprécié et pouvant présenter une piètre apparence. Plusieurs sources font état de la mauvaise opinion que les élèves avaient du chiard, dont celle-ci : On le [vin de la Commission des liqueurs] méprise, on le vilipende comme le chiard au collège et la manie se généralise de lui attribuer toutes les coliques. (Le Devoir, Montréal, 28 novembre 1924, p. 1).

II1Depuis 1893. Cet emploi figuré pourrait résulter d’une métonymie si l’on postule que du chiard pouvait être servi au cours de ces réunions festives. 2Depuis 1924. Cette évolution sémantique s’inscrit dans celle qu’ont connue d’autres mots français de nature scatologique ou désignant des aliments faits d’un mélange de plusieurs éléments, parfois réduits en bouillie. Cp., en français de France, chierie, merde, bouillabaisse et marmelade, qui ont pris des valeurs semblables ou voisines (v. TLF). 3Depuis 1942; peut-être dès 1905 dans un emploi à double sens (« hachis » et « querelle? ») : Que de misères ces pauvres novices, timorés et dépaysés, devaient endurer avant d’être admis dans les cercles! À celui-ci, on cachait sa lingerie, à cet autre on donnait la bascule; un troisième recevait gravement l’instruction d’aller chercher le chiar chez le directeur. Je ne finirais plus s’il fallait dire toutes les mystifications dont ces pauvres petits nouveaux étaient les victimes (J.‑E. Roy, Souvenirs d’une classe au Séminaire de Québec (1867‑1877), p. 241). Faire (tout) un chiard (de, avec qqch.), depuis 1968. L’expression est construite sur le modèle de faire un plat de qqc., en faire (tout) un plat, de même sens et attesté depuis 1914 au sens d’« exagérer l’importance de quelque chose ».

Dernière révision : mars 2024
Pour poursuivre votre exploration du mot chiard, consultez notre rubrique La langue par la bande et visionnez notre capsule vidéo Dis-moi pas!?.
Trésor de la langue française au Québec. (2024). Chiard. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 25 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/chiard