CHEVREUIL [ʃəvʀœj]
n. m.
Variantes graphiques : (XVIIe-XVIIIe s.) chevreüil (où le tréma sert à préciser qu’il s’agit d’un u et non d’un v); chevreu (voir ci-dessous); (au pluriel) chevreux (auj. pop.), chevreuls (XVIIe s., rare), chevreuils (usuel).
Nom commun des cerfs américains de taille moyenne, en particulier du cerf de Virginie (Odocoileus virginianus) qui présente un pelage brun rougeâtre (plutôt grisâtre en hiver) marqué de blanc au poitrail, au ventre et sous la queue, et qui est l’espèce la mieux connue et la plus répandue.
2006, S. Bauer, United States Department of Agriculture, Cerf de Virginie [photo], Wikimédia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:White-tailed_deer.jpg 2009, I. Sévi, Faon de cerf des Keys, en Floride [photo], CC BY SA 3.0, Wikimédia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Odocoileus_virginianus_clavium_fawn.jpgAller, partir au chevreuil, à la chasse au chevreuil. Ravage de chevreuils : dans une forêt, territoire où les chevreuils se réfugient pendant l’hiver.
Des mocassins en peau, en cuir de chevreuil. (Dans des comparaisons). Courir, bondir, sauter comme un chevreuil.
(En composition). Mouche à chevreuil : espèce de petit taon (famille des tabanidés).
Viande de ce cerf, très estimée.
Fesse, morceau de chevreuil. Steak de chevreuil.
Peau, cuir, fourrure de ce cerf.
(Ancienn.). Soulier de chevreuil.
Rem.En France, le mot désigne un petit cervidé des forêts de l’Europe et de l’Asie appartenant au genre Capreolus.
daim.
Je me borne donc a dire succintement que ce qu’on appelle canada a plus de sept ou huit cent lieues de long, et que tout ce qui n’a pas esté desfriché par les françois ou les sauvages est remply de forests dont les arbres sont merveilleusement grands et beaux, ou de tres belles prairies dans lesquelles on trouve quantité d’élans, de Cerfs, de chevreuils, etc. 1670, Fr. de Salignac-Fénelon, mémoire reproduit par Armand Yon dans Les Cahiers des Dix, 1970, no 35, p. 149.
A l’avant-garde des entrées, on apercevait d’abord de grands et petits potages au bouillon et au poulet : puis venaient un rosbif de mouton garni de côtelettes, et deux pâtés chauds, l’un de chevreuil et l’autre de venaison de choix et dont la croûte soulevée en paillettes dorées devait faire trouver bien doux le mignon péché de gourmandise. 1877, J. Marmette, Le tomahahk et l’épée, p. 96‑97.
Mais il [un trappeur] marcha longtemps, à sa surprise, sans rien voir que des mésanges pelotonnées et des pistes de lièvres empreintes légères sous les ramures basses des sapins. Il se demandait même s’il n’allait pas revenir bredouille, quand il déboucha, au sommet d’une montée abrupte, dans une clairière où il aperçut trois chevreuils couchés sur la neige. Il vit très bien les deux biches, de pelage clair, et le vieux mâle dont le bois était tombé. Mais les bêtes l’avaient flairé, et elles détalèrent bientôt, plus vives que poisson dans l’eau, de toute la vitesse de leurs pattes fines, par bonds immenses, leur queue courte relevée. 1927, H. Bernard, La Dame blanche, p. 168.
À l’île d’Anticosti, j’ai passé là voilà onze ans [...]. Il y a le chevreuil, qui est en quantité! Le chevreuil, j'ai vu, j’ai compté moi-même […]. J’en ai compté jusqu’à vingt-trois, monsieur, couchés à ras la binerie. […] Il y avait beaucoup de neige quand c’est venu dans le mois de mars, même, il y a un type qui en avait pogné un en vie, puis qui l’a amené au camp. 1959, Sept-Îles (Sept-Rivières), AFEUL, G. Landry 141 (âge de l’informateur : 78 ans).
On vient de tirer. Mon pauvre chevreuil fait un bond, un seul, et retombe. Sur sa poitrine encore battante s’étend un rouge et cruel plastron. Ce soir, les citadins verront passer une voiture arborant le trophée. Demain dans le journal, je verrai mon homme photographié en pied, fusil au côté. Sur le capot de la bagnole, quelque chose s’écrase, bavant et saignant, langue pendante et yeux ternis, une chose laide qui hier était un être de beauté et de douceur. On en mangera quelques tranches, puis on jettera le reste. Le panache ira s’accrocher au mur jusqu’à ce qu’on le jette aussi au dépotoir. 1965, Ringuet, Confidences, p. 132.
Le soir, les braconniers sillonnaient les bois, souples et silencieux comme des chats monstrueux, l’œil allumé de leur projecteur au milieu du front. Pour revenir au camp, ils durent attendre la pleine lune. Elle enlevait à la lumière des projecteurs cet éclat qui médusait le chevreuil, le rendait impuissant, immobile derrière la cible fixe de ses yeux obliques, de diamant vert. 1966, M. Ferron, La fin des loups‑garous, p. 93.
Ça [les chevreuils] s’amuse à manger à des places, surtout dans les cédrières. Ça mange le cèdre terriblement. S’il y a un ravage de chevreuils, vous êtes sûr que c’est du cèdre. 1980, La Tuque, AFEUL, S. Fournier 293 (âge de l’informateur : 80 ans).
Des milliers et des milliers de chevreuils ont péri durant l’hiver dernier. Personne ne sait combien. Chose certaine, on a trouvé un peu partout des squelettes de chevreuils, au cours des derniers mois, et il s’agissait de squelettes de bucks dans une proportion étonnante. 1987, A.‑A. Bellemare, Le Soleil, Québec, 18 novembre, p. S16.
L’habitat du chevreuil nous fournirait peut-être la clé qui expliquerait la diminution de ses effectifs. Cet animal préfère fréquenter la lisière des forêts, les marécages couverts de cèdres et les clairières. Il recherche avidement les jeunes pousses d’arbrisseaux et d’arbustes. 1993, Le Sentier, Saint-Hippolyte, juin, p. 7.
Les chiens de verger sont entraînés à demeurer à l’intérieur du périmètre formé par les clôtures électriques. Ils arpentent le terrain, toute l’année. Leur présence et leur odeur sont suffisantes pour éloigner les chevreuils. Si les clôtures électrifiées et la patrouille canine ne conviennent pas à votre jardin, il reste encore quelques méthodes. […] Les chevreuils ont l’odorat très développé. Plusieurs produits répulsifs modifient l’odeur des plantes et la rendent désagréable. Ils ont très efficaces si la bête qui visite le jardin en est à sa première visite. 2006, P.‑Y. Comtois, Le Courrier de Saint‑Hyacinthe, 19 avril, p. C18.
Son comité [d’éthique] a tout de même accepté d’évaluer le plan de sauvetage, parce que c’est ce qu’exigeait à hauts cris la foule sentimentale. Le Québec peut bien abattre 48 000 chevreuils par an, ces quinze‑là ont des noms, on les nourrit le dimanche, on les aime. Il faut les sauver. D’accord. […] Il faut sauver les chevreuils! On va se battre jusqu’au bout! Mais se battre pour quoi, au juste? Pour les mettre au zoo. Pas un zoo agréé comme ceux de Granby ou de Saint‑Félicien, qui ont au moins le mérite de poursuivre une mission d’éducation et de conservation. Sans surprise, ces zoos‑là ne veulent rien savoir des chevreuils de Longueuil. Pas un seul n’a levé la main. 2021, I. Hachey, La Presse (site Web), Montréal, chronique, 26 février.
NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE
À leur arrivée en Amérique du Nord, les Français ont observé plusieurs espèces de cervidés, dont une seule leur était vraiment familière. Ils l’ont rapidement appelée cerf, puisqu’il s’agissait du cerf du Canada (Cervus canadensis), presque identique au cerf d’Europe (le cerf élaphe ou Cervus elaphus), que les nobles chassaient dans les forêts du royaume. Pendant longtemps, on a considéré qu’il s’agissait de la même espèce. Le cerf est un cervidé de grande taille, le second plus imposant en Amérique après l’orignal. Une autre espèce de cervidé était toutefois totalement inconnue aux Français. Comme l’animal était plus petit que le cerf, plusieurs ont cru reconnaître en lui l’un ou l’autre des deux cervidés de plus petite taille vivant en Europe. Ainsi, dès le XVIe siècle, certains, comme Jacques Cartier, l’ont appelé daim, tandis que d’autres venus après lui l’ont plutôt appelé chevreuil. Cependant, quelques‑uns, conscients qu’ils étaient face à un animal différent de ceux d’Europe et typique de l’Amérique, ont plutôt utilisé pour un temps un nom d’origine iroquoienne, qui a pris plusieurs formes, dont scanonton, scennonton, scononton et squenoton : « Le Squenoton ressemble au Chevreuil; il est plus haut, la jambe plus fine, & la tête plus longue & plus pointuë » (Bacqueville de la Potherie). Cependant, chevreuil s’est imposé rapidement dans l’usage, peut-être parce que le cervidé ainsi nommé en France y était beaucoup plus commun que ne l’était le daim, et que ce nom venait plus naturellement à l’esprit des Français qui débarquaient en Nouvelle-France. Quoique le chevreuil d’Amérique soit plus grand, son allure générale rappelait celle de son lointain petit cousin européen, le chevreuil proprement dit, cervidé du genre Capreolus.
Un lien entre ce cervidé et la Virginie a été établi dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Mais bien qu’on mentionne Virginia deere en anglais dès 1664 (voir Hubert) et que le missionnaire jésuite Louis Nicolas l’ait appelé cheuvreul [sic] de la haute Virginie vers 1685, c’est seulement au XVIIIe siècle que cette référence géographique s’impose. On la trouve avant tout chez les naturalistes anglophones, qui parlaient notamment du « Virginian deer », terme qu’on trouve traduit en France par cerf de Virginie dès 1738. Abondant dans cette plus ancienne colonie britannique en Amérique du Nord, l’animal a suscité l’attention des naturalistes anglophones. L’allusion à la Virginie a été reprise dans le nom scientifique latin attribué à l’animal : Odocoileus virginianus. En conséquence, les spécialistes de la faune ont adopté le terme cerf de Virginie, formé à partir du terme générique cerf, qui désigne différents cervidés de grande ou de moyenne taille.
Si le chevreuil d’Amérique n’a pas été spontanément appelé cerf par les francophones du Québec et d’ailleurs au Canada, c’est parce qu’il n’était pas envisageable d’attribuer le même nom à deux cervidés d’apparences si différentes. Tant qu’il y a eu des cerfs au Québec et dans l’est du Canada, le sens de cerf dans la langue courante est resté à peu près immuable. Or, gibier très recherché, le cerf du Canada a disparu dès la fin du XIXe siècle des forêts de l’est de l’Amérique du Nord. On peut lire dans Le Soleil (Québec) du 21 janvier 1899 qu’un rare spécimen aurait été abattu sur les bords de la rivière Causapscal, dans le comté de Bonaventure, en Gaspésie. Toutefois, d’autres populations de cerfs vivant dans l’ouest du continent ont survécu, mais ils sont désormais surtout connus sous le nom de wapiti, mot d’origine autochtone signifiant « croupe blanche », en référence à la couleur de l’arrière-train de l’animal. Dès lors que le mot cerf n’a pratiquement plus été utilisé en référence au wapiti, il a été davantage disponible pour parler plus spécifiquement du cerf de Virginie, appellation consacrée dans la langue spécialisée. Néanmoins, chevreuil demeure largement implanté dans la langue courante.
Sources : C.‑C. Bacqueville de la Potherie (1722), Histoire de l’Amérique septentrionale, tome 1, p. 175; R. Brookes (1763), The Natural History of Quadrupedes, vol. 1, p. 62; D. Guay (1983), Histoires vraies de la chasse au Québec, p. 175‑176; R. Hubert (1664), A Catalogue of Many Natural Rarities, p. 4; Mathews (éd.) (1951), A Dictionary of Americanisms on Historical Principles, s.v. wapiti; L. Nicolas (1685 env.), Histoire naturelle, p. 70; Transactions philosophiques de la Société royale de Londres, année 1736 (1738), p. 264; R. Vézina (2010), Le lexique des voyageurs francophones et les contacts interlinguistiques dans le milieu de la traite des pelleteries, p. 273‑274.
(Variantes). RareChevreil ou chevreille.
Rem.Attesté sporadiquement jusqu’en 1820.
On avoit derobé La nuit a une Chrestienne ce qu’elle avoit de plus pretieux, c’est a dire une peau de Chevreil et quelques autres hardes semblables. 1673, The Jesuit Relations and Allied Documents, vol. 57, p. 116.
Pop.Chevreu ou chevreux (pl. chevreux).
Nous nous servîmes en suite de la chair de cet Ours pendant le reste de nôtre voyage, & nous la mangions ordinairement avec de la chair maigre de Chevreux parce qu’elle est trop grasse. 1697, L. Hennepin, Nouvelle découverte d’un tres grand pays situé dans l’Amerique, p. 440‑441.
Mon tour étant arrivé de descendre à la Nouvelle Orléans en 1778, je partis des Illinois vers le 20 de Décembre, dans un Bateau chargé de six cents paquets de toutes sortes de pelleteries, Ours, Chevreux, Cerfs, robes de Bœufs, Chats, Castors, et Loutres, et huit hommes d’équipage, que suffirent pour diriger le Bateau dans la descente et lui faire éviter les embaras et surtout les scieurs de long, c’est-à-dire les arbres arrêtés au fond de l’eau, et que l’on voit de loin plonger et se relever […]. 1834, J.‑F. Perreault, Biographie de Joseph François Perreault, p. 12‑13.
En ce jour de décembre, la neige récente avait habillé d’hermine les flancs des troncs noircis, et les souches chauves portaient des bonnets blancs. Des pistes fraîches traversaient la route, et les jeunes gens disaient en montrant la lisière sombre vers Mascouche : « Il y a du chevreux par ici! » 1917, frère Marie-Victorin, La corvée de l’érable, [Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal], La corvée, p. 231.
Il y avait une affiche sur le quai, sur le bout du quai, qui disait que tout bâtiment qui accosterait le quai aurait à faire la chasse au chevreu pendant trois jours de temps [...]. 1948, Saint-Irénée (Charlevoix‑Est), AFEUL, L. Lacoucière 563 (âge de l’informateur : n. d.).
Il dit, à matin, ma petite sœur, je vais à la chasse, une journée spéciale pour la chasse. [...] Il a parti vers huit heures, avec ses trois chiens, il a pris la forêt. C’est par des tas de perdrix, des tas de caribous, des tas de chevreux [...] et des chiens de chasse épouvantables. 1949, Les Éboulements (Charlevoix-Ouest), AFEUL, L. Lacoucière 900 (âge de l’informateur : 55 ans).
(Acadie) Quand j’étais là, j’entends un train, il dit, je regarde : une belle femelle de chevreu, il dit, qui s’en venait à moi. 1954, Maisonnette (Gloucester, Nouveau-Brunswick), AFEUL, L. Lacourcière 1889 (âge de l’informatrice : 73 ans).
Tuer un chevreuil est une chose, le dépecer en est une autre. Roger Fortier de l’Institut National des Viandes, Inc., ne vous donnera pas la recette infaillible pour ne plus rater votre chevreuil, mais il vous apprendra de ne plus gaspiller ce beau gibier et, surtout, de ne pas perdre un temps infini à le dépecer, grâce à son livre « Comment dépecer votre chevreuil ». Cet opuscule à prix très abordable doit être le livre de chevet de tout chasseur de « chevreux ». 1968, Le petit Journal (supplément), Montréal, 10 novembre, p. 2 .
Il était assez pauvre, mon cher [...]. Il prenait des peaux de chevreux, puis il les pliait, là, puis il s’attachait ça ici, puis nu pieds dedans pour aller à l’école. Il pliait ça comme il faut. Tu sais quoi ce que c’est qu’une peau de chevreux? Bon, c’était sur le poil, puis il allait à l’école avec ça. 1972, Saint-Frédéric (Robert-Cliche), AFEUL, D. Olivier 138 (âge de l’informateur : n. d.).
Gants de cuir véritable pour élégance printanière [/] En peau de chevreux résistante, longueur moyenne. Grand choix de modèles fantaisie. 1974, Le Quotidien, Chicoutimi, 3 avril, p. 3SS.
C’est surtout la dernière partie du film qui fascine. De petites touches de poésie surgissent dans l’image, par l’art de filmer (avec un traitement plus cinématographie que vidéo) la neige, des « chevreux », un chemin de campagne, une eau de Pâques recueillie, des funérailles émouvantes […]. 1997, O. Tremblay, Le Devoir, Montréal, 29 novembre, p. B4.
Daniel Desjardins est lui-même un trappeur : la ligne qu’il a obtenue du ministère des Forêts de l’Ontario est au nord de North Bay. Il apporte ses fourrures directement au Fur Harvester pour les vendre. « Je suis un trappeur et un chasseur, dit‑il. Je chasse l’orignal et le chevreux [sic]. Donc, à cause de toutes les lois sur le gun registry, ç’a fait changer mon vote. » 2015, La Voix de l’Est, Granby, 13 octobre, p. 33.
Histoire
Depuis 1613 sous la forme plurielle chevreuls (dans Les voyages du Sieur de Champlain Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine, 2e partie, p. 224 : [...] il y a qua[n]tité de gibier & chasse d’animaux, comme Cerfs, Daims, Faons, Chevreuls, Ours, & autres sortes d’animaux qui viennent de la grand terre ausdictes isles [de la rivière des Iroquois, aujourd’hui appelée rivière Richelieu]; le pluriel chevreuls ne figure par la suite que rarement dans les textes et ne se rencontre plus après 1703). La variante chevreux (au pluriel) est attestée depuis 1632 (v. Les voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain, 1re partie, p. 6 : eslans, cerfs, dains, caribous de la grandeur des asnes sauvages, chevreux). La forme actuelle chevreuil, qu’on relève à partir de 1666 en relation avec l’histoire de la Nouvelle-France (v. le passage cité s.v. panache, sous Hist.), figure cependant dès 1586 chez R. de Laudonnière, en parlant d’un cervidé de la Floride (v. L’histoire notable de la Floride située ès Indes occidentales, p. 115; on trouve aussi le pluriel chevreux dans la même source, à la p. 3 : Les animaux plus connus en terre, sont des Cerfs, Biches, Chevreux, Dains). Par extension du sens de chevreuil en France, désignant depuis le XIIe s. un cervidé (genre Capreolus) très commun en Europe, ressemblant au cerf de Virginie mais de taille plus petite et portant des bois peu ramifiés (v. FEW capreolus 2, 304a; TLF). En France, le mot est d’abord attesté sous les formes chevrol et chevruel (aussi chevreil au XIIIe s.), puis chevreul, qui se rencontre jusqu’au XVIIe s., époque où s’impose la forme chevreuil relevée dans les dictionnaires depuis Richelet 1680, mais déjà en usage au XVIe s. (v. TLF; v. aussi GodCompl, s.v. chevreul, Huguet, s.v. chevreuil; orthographiée chevreüil dans Académie 1694 et 1718). La variante chevreu(x) au singulier (depuis 1675), attestée en français depuis le XVIe s. (courante à l’époque d’après le grammairien Lanoue) et qui s’est maintenue jusqu’au XXe s. dans des parlers du Nord, du Nord-Est et de l’Est de la France (v. FEW id.), s’explique par une réfection du singulier sur le pluriel chevreux (chevreul donnait chevreuls ou chevreux au pluriel); quant au passage de chevreul à chevreuil, il vient de ce que les mots en ‑eul et ceux en ‑euil avaient un pluriel commun en -eux, ce qui provoquait des hésitations au singulier (pour la variation formelle du mot, v. CatOrth, s.v. chevreuil, NyropGramm2 3, p. 118‑119, NyropGramm5 2, p. 233‑237). La documentation nord-américaine ne fournit qu’une seule attestation du singulier chevreul (v. Encycl.), ce qui donne à penser que cette forme n’était plus vraiment en usage à l’époque de la colonisation de la Nouvelle-France. Les premiers explorateurs français ont cherché à utiliser les noms qu’ils connaissaient pour nommer les cervidés américains. Le cerf américain de grande taille (Cervus elaphus), qui est de la même espèce que celui d’Eurasie, a été appelé cerf, conformément au nom qui avait cours en France pour cet animal. Les cerfs de taille moyenne, en particulier le cerf de Virginie, ont reçu le nom de chevreuil ou, plus rarement, celui de daim, qui s’emploient en France en parlant d’animaux plus petits; ces deux noms font parfois partie d’une même énumération dans les documents les plus anciens relatifs à la Nouvelle-France, sans qu’on puisse déterminer clairement le sens de l’un et de l’autre (v. p. ex. les citations de Champlain, ci‑dessus). Chevreuil et chevreux ont été relevés chez des auteurs anglophones du Canada et des États‑Unis, souvent par référence au parler des voyageurs canadiens-français (v. DictCan, aussi s.v. chev(e)reau, et Mathews).