GADOUE [ɡadu]
n. f.
Syn. de sloche (sens 1).
Patauger, marcher dans la gadoue. Les pieds dans la gadoue. Il y a de la gadoue dans les rues, sur le trottoir, sur la chaussée.
Rem.1. Ce mot a été recommandé à quelques reprises depuis les années 1960 pour éviter le mot sloche. Le mot névasse a aussi été proposé dans ce but (voir GDT), mais contrairement à gadoue, il ne s’est jamais implanté dans l’usage. 2. En France, gadoue a principalement le sens de « terre détrempée », mais l’emploi québécois y est aussi sporadiquement attesté, surtout en région montagneuse ou neigeuse.
Québec a eu sa première neige. Cinq pouces exactement. Et ses rues ont eu leur première ration de sel. Merveilleux, ce cycle des saisons. Merveilleux ce règne de la gadoue, de la soupe aux pois qui coule à pleine rue. Merveilleuse saison où les éclaboussures viennent fleurir paletots et habits. 1961, La Presse, Montréal, 22 novembre, p. 59.
Pour aujourd’hui, les prévisions atmosphériques nous annoncent encore quelques chutes de neige légère, tandis que, pour demain, on nous prédit un soleil qui viendra aider la Voirie à faire disparaître la gadoue qui orne nos rues. 1962, La Presse, Montréal, 13 mars, p. 3.
Rendez-vous compte : je voyage constamment entre Montréal, Boston et Londres... En hiver, c’est un choix de supplices : la gadoue de ma bonne ville, la brume frigide de Boston et votre satanée pluie! 1966, M. Gagnon, Marie Tellier, avocate, sem. 179, épisode 3, p. 2 (radio).
La pièce de la souffleuse qui sert à « ajuster son tir » de neige dans les camions se serait brisée, faisant projeter la gadoue sur les façades des maisons aux 37, 39 et 45 Sainte-Geneviève, avant qu’on n’arrête la machine. 1980, Le Soleil, Québec, 20 décembre, p. A7.
Un mois de mars très doux vint enfin éclairer ses fenêtres maculées de giboulée et de gadoue. Elle commença à compter les jours qu’elle aurait à attendre avant de partir pour Saint‑Tite. 1985, A. Cousture, Les filles de Caleb, t. 1, p. 486‑487.
Gadoue [:] Sorte de sloche snob qui salit seulement les bas de pantalons qui valent 125 $ et plus. Se dit aussi de la bouette que projettent les autos de marque Volvo, Saab et BMW sur les personnes qui attendent l’autobus. 1987, Croc, juin, p. 76.
Les Québécois passent de quatre à six mois par année les pieds dans la neige et la gadoue. Malgré cela, ils doivent, chaque fois qu’ils pénètrent dans leur maison au cours de l’hiver, laisser bottes, sel et saletés sur le parquet de l’entrée principale. 1990, La Presse, Montréal,13 janvier, p. [J1].
L’arrivée du printemps nous redonne la fièvre de la conduite : Le soleil brille, l’air est vivifiant, on sait que la neige et la gadoue seront bientôt chose du passé. Toutefois, un coup d’œil sur notre auto nous indique que l’on a besoin d’effacer les vilaines traces laissées par l’hiver. 2021, Journal Les 2 vallées, Gatineau, 24 mars, p. 22.
Fig.
D’un autre côté, être quelqu’un et malheureux, me donner, pour partir, voyager, un autre prétexte que mon Journal, que moi, je retomberais dans la sloche, dans la gadoue littéraire ou professionnelle des 10 dernières années […]. 1986, J.‑P. Guay, Journal, vol. 1, p. 48.
Cette comédie n’est pas dépourvue d’une certaine qualité technique. Mais le rire qu’elle suscite est gras, très gras. Il patauge dans une gadoue que, pour des raisons qui m’échappent totalement, certains continuent à resservir au public d’année en année […]. 1993, Le Devoir, Montréal, 29 juin, p. B8.
(Dérivé). RareGadoueux, gadoueuse adj. Qui a la consistance de la gadoue (en parlant de la neige, de la glace ou du sol).
Neige gadoueuse, chaussée gadoueuse.
Rem.Cet adjectif a aussi été relevé en France, où il a principalement le sens de « qui est détrempé, boueux (en parlant du sol) ». Toutefois, l’emploi québécois y est aussi sporadiquement relevé, surtout en région montagneuse ou neigeuse.
Les piétons qui circulent sur les trottoirs des centres-villes s’ennuient parfois des centres commerciaux. Cercueil que les trottoirs sont mal entretenus. Les employés de la Ville passent la chenillette mais ça fait juste enlever le plus gros; il reste toujours un petit centimètre ou deux de neige mouilleuse, sale et « slocheuse » ou « gadoueuse », comme vous voulez. 2006, Progrès-dimanche, Chicoutimi, 22 janvier, p. A20.
Faire du vélo sur le Mont-Royal [sic] en hiver dans la neige, c’est possible, grâce aux gros vélos dont les roues énormes adhèrent à des surfaces glacées, poudreuses, gadoueuses ou boueuses. En été, vous pouvez en faire dans la bouette. 2016, Le Journal de Montréal, 28 mai, p. 14.
Histoire
Depuis 1959 : Parmi les anglicismes dénoncés par les collégiens, je relève « slush ». Le mot gadoue et surtout sa forme populaire gardouille [sic, gadouille], conviendraient peut-être à ce mélange de neige et d’eau, surtout si l’on en étend le sens, puisque ce mot désigne « la terre détrempée, mêlée ou non d’immondices. Patauger dans la gadoue » (Robert) (R. de Chantal, dans Le Droit, Ottawa, 17 juillet, p. 2). Par extension du sens de « terre détrempée, boueuse, mêlée ou non d’immondices », attesté en France depuis 1920 (v. TLF, qui indique que le mot a aussi les sens de « matière fécale tirée des fosses d’aisances et dont on se sert comme engrais » et d’« engrais formé de résidus végétaux, ordures ménagères, boues, ramassés dans les rues, etc.). L’introduction de gadoue dans l’usage québécois est, selon toute vraisemblance, attribuable à la proposition faite dès 1959 (v. ci‑dessus) par R. de Chantal, auteur de la chronique linguistique Défense et illustration de la langue française (publiée dans Le Droit). Bien que l’emploi québécois ait été rapproché de gadoue « boue de neige », relevé en Lorraine (v. ALLR 45, v. aussi ACFBull‑2, no 11), il n’y a pas de lien direct entre eux. La forme gadoue est d’origine obscure en français (v. FEW 23, 83a). Gadoueux, gadoueuse, depuis 1988 : L’ennemi : neige gadoueuse, sel et sable. La défense : tapis d’auto premier choix (Le Nouvelliste, Trois‑Rivières, 31 décembre, p. 24 (annonce)).