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FUN [fɔn]
n. m.

Rem.

1. Parfois féminin en Acadie. 2. Variante graphique fonne.

I

(Au sing.). Fam.

1

Plaisir, divertissement.

Le fun commence, est fini. Partie de fun. Agacer les autres, c’est son fun.

Avoir du fun : avoir du plaisir, s’amuser, se divertir. Avoir un fun vert, un fun noir, un fun bleu, un fun terrible, un gros fun, tout un fun ou, par ellipse, avoir un fun : avoir beaucoup de plaisir, un plaisir fou. Faire, mettre le fun dans un party, y mettre de la joie, de la gaieté, de la bonne humeur. Se faire du fun : s’amuser, se divertir. Couper, casser, gâter, briser le fun à qqn : gâcher le plaisir à qqn, y mettre terme.

Hallo! How are you? (et nous secouons avec force la main de la young-lady, c’est ainsi qu’on prouve à une demoiselle bien élevée toute l’estime et tout le respect qu’on a pour elle, s’exprimer en anglais est aussi du meilleur ton), venez-vous ici pour être vue? – Non, Monsieur, j’y viens pour rire de vous et de vos ridicules, oh! quand je dis de vous, je ne prétends pas dire de vous seul; j’aime à m’amuser, et c’est ici vraiment le seul endroit où l’on a du fun. 1865, Le Perroquet, Montréal, 11 mars, p. 38.

Un des hommes mène le cheval, fait tourner la charrette de l’autre côté. On fait descendre les petits. On renverse le foin sur le bord de la route. On dételle la picouille. À quatre, y font verser la charrette dans le fossé. On installe les petits par terre, dans le foin. Ronald a du fun comme dix, Janine fait des bonds, lance du foin en l’air. 1965, Cl. Jasmin, Pleure pas, Germaine, p. 101.

Les hommes continuent à prendre un coup, on dîne, tout allait très bien, on avait du funtous ensemble. On a fini de courir les érables assez tôt. Et quand il est venu vers trois heures et demie, la partie de fun était pas finie. Le monde commençait à être rechauffé un peu. Mon monsieur, Félix Jacques, qui était le cousin de Bébé Zidore, pis qui aimait bien rire, il dit : « Demande à Louis », il dit, « va ouvrir la bouilleuse, pis je vais faire un tour à Bébé, je vais lui jeter ses raquettes dans le feu » […]. Là, le gros fun a pris dans la maison, dans la cabane. 1971,Saint-Joseph [Saint-Joseph-de-Beauce] (Robert-Cliche), AFEUL, M. Gagné 241 (âge de l’informateur : n. d.).   

M’assis, m’allume une bonne cigarette, puis Le Ranch à Willie commence au canal 10. Des bonnes chansons de cowboys, des bonnes farces, j’ai un fonne noir. 1973, R. Ducharme, L’hiver de force, p. 124.

Non, ne te lève pas pour partir, dit Marielle, en retenant Geneviève d’une poigne vigoureuse et brûlante, attends encore un peu, le fun commence, c’est pas le moment de partir, personne ne peut sortir du bar, il neige trop. 1978, M.-Cl. Blais, Les nuits de l’Underground, p. 13.

Après le fun, le boulot. Après le boulot, le fun. On n’en sort pas. 1982, J.-P. Filion, À mes ordres, mon colonel!, p. 21.

(Spécial.). Plaisir sexuel.

Là, y reste encore une affaire ben importante... Ben importante pour eux-autres [les hommes]... Tu sais c’que j’veux dire... : le sexe!!! [...] ça non plus ma p’tite fille c’est pas c’que tu penses... Le fun, c’est eux-autres qui l’ont... Toé t’as rien qu’une chose à faire : ton devoir... 1980, D. Guénette, dans L. Mailhot et D.-M. Montpetit, Monologues québécois 1890-1980, p. 318-319.

loc. adj. De fun : qui aime s’amuser, se divertir, avec qui il est facile de s’amuser, de se divertir.

Une personne de fun, qui est de fun.

Rem.On dit plus couramment de party.

RareÊtre en fun : être en fête. (PPQ 2272B).

 RareFunnant, funnante adj. Plaisant, drôle. (BPFC 9/7, 1911, p. 283; GPFC, s.v. fonnant).

 RareFunneux, funneuse adj. Plaisant, drôle.

Un garçon funneux. C’est funneux.

 n. Personne plaisante, drôle.

Un funneux.

 funny.

2

Pour le fun : par pur plaisir, pour le seul plaisir de s’amuser, de se divertir, de plaisanter.

Jouer pour le fun.

 Pour rire.

Dire qqch. rien que pour le fun. Se fâcher pour vrai, pas pour le fun.

 Pour voir.

Essayer qqch. pour le fun. (En guise de défi). Répète donc ça pour le fun!

– Q. : Alors le jeu consistait à jouer une partie de Euchre et le perdant donnait dix cents à Mr. Gaudet et le gagnant prenait des effets pour dix cents? – R. : Oui. – Q. : Alors c’est un jeu plutôt pour le fun que pour autre chose? – R. : Je crois bien que ça prendrait du temps à ruiner un homme. 1886, Arthabaska, BAnQQ, Cour d’appel (Québec), cause no 4 (1887), factum de l’intimé, p. 42.

Béliveau recula de trois pas, abasourdi par cette proposition insolite; mais, rapidement, il se remit et accepta ma proposition pour le fun, pour la curiosité de la chose. 1892, A. Buies, Réminiscences, p. 14.

Lundi soir, j’ai fait un rêve qui sort un peu de l’ordinaire [...]. [...] rien que pour le « fun » et pour passer le temps, pendant que Belzémyre épluche ses pétates, je vais vous communiquer mon rêve du commencement de la semaine. 1919, La Patrie, Montréal, 12 avril, p. 19 (chron. humor.).

– A qui pensais-tu? [...] – A une fille du quinze cennes [...]. Une fille de table. Trop maigre... mais jolie quand même [...]. – C’est rendu loin? [...] – Bien non, voyons, t’es fou. Tu me connais. Tu connais mes goûts... Non, non, protesta-t-il avec une véhémence qui l’étonnait cependant, je sais son nom, c’est tout. Je t’en parlais... pour le fun... pour rire. 1945, G. Roy, Bonheur d’occasion, p. 86-87.

La fatigue m’interdisait de faire le marathon... et mon mari aussi. Lorsqu’il a découvert mon dossard, il m’a grondée et je lui ai alors dit que je me proposais seulement de courir un 10 km pour le fun. 1989, La Presse, Montréal, 22 septembre, p. 12 (cahier des sports).

3

loc. adj. Le fun : amusant, divertissant; par ext. agréable, intéressant.

(En tournure impers.). C’est le fun. C’est ben, pas mal, super le fun. C’est le fun de (suivi d’une propos. à l’inf.), c’est le fun que (suivi d’une propos. au subj.). Ce serait le fun que tu viennes.

 (Qualifiant une chose).

Un film, un voyage le fun.

Un restaurant le fun, sympathique.

 (Qualifiant une personne).

Un prof, une chanteuse le fun.

Rem.Souvent écrit l’ fun (d’après la prononciation [lfɔn]).

« Quoi!... Samedi soir tu vas rester icitte, c’est moi qui te le dis. » Rosa releva la tête. Elle eut un petit sourire méprisant et haussa les épaules. – Non! samedi soir, je vas à la tombola... Ça va être ben le fun, tu sais. 1948, R. Viau, Contes en noir et en couleur, p. 104.

On ira demain chez le notaire, à dix heures, chacun de notre bord, pour ne pas faire jaser. Ensuite, on ira pour les bans. Pis, si tu voulais, je monterais à Québec. [...] Tu viendrais me rejoindre... Ça serait l’fun... 1955, R. Ouvrard, La veuve, p. 60.

– Mireille : [...] Moi, j’aime travailler sur des affaires le fonne. C’est pas que je ne crois pas aux choses sérieuses, tu sais ce que j’en pense, mais quand c’est pas grave ou essentiel, le sérieux, c’est comme la papauté, ça me fait chier... – Mariette : T’es payée pour taper, tape! 1972, J. Godbout, D’amour, P.Q., p. 34.

C’est le dernier bar le fun en ville. Pas de musique débile. 1980, La Presse, Montréal, 30 septembre, p. A4.

Champlain. Pas très stimulant, le fondateur. Sa femme paraissait de loin beaucoup plus « le fun ». Ce gars toujours mal pris avec son chantier de l’Abitation que les Anglais ne cessaient de prendre et de reperdre, alors que la belle Hélène ne s’embêtait surtout pas dans ces palais lointains où peut-être avait-elle rencontré à la sauvette un certain cadet de Gascogne, ou Athos aux yeux de velours, ou encore ce jésuite à la jupe si vite troussée, Aramis... 1986, R. Lévesque, Attendez que je me rappelle..., p. 85-86.

II

(Au pluriel.). RareC’est pas des funs. (Pour souligner le caractère peu agréable de qqch.). Ce n’est pas une partie de plaisir, ce n’est pas une sinécure, il n’y a pas de quoi rire. (Pour souligner le caractère peu commun, extraordinaire de qqch.). Ce n’est pas de la blague, c’est sérieux.

Rem.On dit plus couramment c’est pas des farces.

Pensez-vous, monsieur Latendresse, qu’on a eu de la chaleur depuis dimanche! J’vous garantis qu’à pousser des billots au grand soleil, c’étaient pas des petits funs! 1950, R. Legault, Risques d’hommes, p. 36.

(Ontario). « On va dire au roi que petit Jean s’est vanté qu’il pouvait aller quri [= quérir] la lune du géant... » Lune du géant, c’était pas des funs! 1959, Cache Bay, dans G. Lemieux, Les vieux m’ont conté, t. 4, 1975, p. 32.

À s’est mouchée, à s’est essuyé le visage, pis à l’a sorti son compact pis son rouge à lèvres. « J’ai passé l’après-midi à me manger les lèvres, c’est pas des funs! » Ça devait être vrai, parce qu’y y restait pus une graine de rouge à lèvres sur la bouche. 1973, M. Tremblay, C’t’à ton tour, Laura Cadieux, p. 80.

Histoire

I1Depuis 1865. Emprunt de l’anglais fun, attesté notamment dans the fun is beginning et to have (some) fun (v. OED, Webster 1986, s.v. fun2, et Harrap 1983, s.v. fun1), constructions qui rappellent le fun commence et avoir du fun. Pour le sens de « plaisir sexuel », cp. to have fun (with) « to have sexual intercourse » (v. OED-Suppl 1972). 2Depuis 1886. D’après l’anglais for fun (v. OED et WebsterW 1988; cp. par ailleurs for the fun of the thing « for amusement » dans OED-Suppl 1972). 3Depuis 1879 (Le Vrai Canard, Montréal, 27 septembre, p. 4 : le sport c’est le fun). D’après l’anglais fun, bien attesté en emploi adjectival (par ex. dans a fun party, a fun night, a fun person to be with; v. Webster 1986 et WebsterC 1989, s.v. fun3; v. aussi OED-Suppl 1972; donné comme américanisme dans WebsterW 1988).

IIDepuis 1950. Dans la mesure où aucun emploi comparable n’a pu être relevé en anglais, on peut penser qu’il s’agit d’une innovation du français du Canada.

Version du DHFQ 1998
Pour poursuivre votre exploration du mot fun, consultez notre rubrique Les fins mots de l'histoire.
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Fun. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 29 mars 2024.
https://www.dhfq.org/article/fun