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LIVRE [livʀ]
n. f.

1

Hist.(Sous le Régime français). Unité de masse valant seize onces, correspondant général. à sa représentation à Paris (équivalant alors à 489,5 g).

Une demi-livre. Cinquante livres de lard. Trente livres de beurre. Quatre livres de pain. Trois livres et dix onces de tabac. Une livre de fil et vingt livres de laine. Cinq livres et demie de vieil étain. Neuf livres de savon du pays. Un cent livres (ou, par ellipse, un cent) de pois, de farine. (Dans la loc. livre pesant, signifiant littéral. « livre en poids »). Rapporter soixante livres pesant de castor.

Rem.1. Dans des documents anciens, cette unité de masse est parfois représentée par le symbole #, comme la livre « monnaie française » (voir livre2). 2. Cette unité a continué d’avoir cours pendant quelque temps après la Conquête.

Les neges commencerent le 26. de Novembre, & avec elles (ce qui faschoit le plus) le retranchement des vivres. On ne donnoit à chaque personne pour toute la sepmaine, qu’environ dix onces de pain, demy livre de lard, trois escuelées de pois, ou de febves, & une de pruneaux. Les Jesuites n’en eurent jamais plus, ny autrement qu’un chacun de la troupe. 1616, dans RJ 3, p. 226.

[...] lequel le lendemain me donna 21 livres pesant de castor a cause que j’estois son Pere qui furent donnés au magazin & estimés 63 [livres] en argent [...]. 1648, Québec, ASQ, ms. 48 (Journal des jésuites), p. 64.

[...] depance de la somme de deux livres dix sols pour une livre de cole forte pour l’ormoire [= armoire] de la chapéle. 1733, Québec, ASQ, 28 janvier, C-19, fo 7.

[...] ils [les habitants] font bouillir cette eau dans de grandes chaudières qui à force de consommer se réduit en sirop et ce dernier étant fait ils le mettent tout chaud dans d’autres vaisseaux qu’ils font d’écorce ou autres qu’ils ont pour se prendre en sucre et lui donner la forme qu’ils veulent. D’une barique d’eau réduite ils en tirent environ 20 à 25 livres de sucre, dont ils font usage en un petit commerce. 1754, le sieur Boucault, dans RAPQ 1920-1921, p. 16.

2

Mod.(Depuis la Conquête). Unité de masse du système britannique avoirdupoids, équivalant à 453,592 g.

Une demi-livre, un quart de livre. 3 livres 12 onces. Une livre de beurre. Une livre et demie de steak haché, de poisson. Un fromage qui coûte cher la livre. Une poche, un sac de dix, de vingt livres de farine. Un vingt, un cinquante livres de patates. Un cent livres (ou, par ellipse, vieilli un cent) de sucre, de farine. Acheter, vendre au cent livres.

 (Pour le poids corporel).

Peser 160 livres. Perdre, prendre vingt livres en trois mois. Un bébé de sept livres et huit onces.

Rem.1. On relève régulièrement l’abréviation lb (au singulier), ou lbs (au pluriel), avec ou sans point final; cependant, l’usage recommandé, au singulier comme au pluriel, est le symbole lb (sans point). 2. Depuis 1971, par un amendement à la Loi sur les poids et mesures, le système avoirdupoids est remplacé progressivement par le Système international d’unités (version moderne du système métrique), mais les anciennes unités continuent d’être largement utilisées dans la vie courante. 3. En France, on donne à livre, dans la langue familière, la valeur de 500 g (p. ex. dans livre de beurre).

Quand le Prix de la fine Fleur de Farine est à, ou au dessous de quatorze Chelins, les Cent douze Livres Avoirdupoids, Le Pain de Six Sols de la dite Fleur pesera, 4 [Lb.]. 1764, La Gazette de Québec, 11 octobre, p. 1.

[1.] La « livre impériale avoir-du-poids » sera l’unique étalon de poids, d’après lequel tous les autres poids et mesures, en ce qui concerne le poids, seront supputés, calculés et constatés; et tous poids et mesures, en ce qui concerne le poids, seront énoncés en parties, multiples ou en certaines proportions de l’étalon de la livre avoir-du-poids. 2. La seizième partie de l’étalon de la livre avoir-du-poids vaudra une once; la seizième partie d’une once vaudra un drachme; la sept millième partie de la livre vaudra un grain; cent livres de l’étalon avoir-du-poids constitueront un quintal, et deux mille livres de l’étalon avoir-du-poids un tonneau. 3. Un poids étalon de cent livres avoir-du-poids sera aussi et pourra être appelé et décrit sous la désignation de ‘Un Cent’. 1873, « Actes concernant les poids et mesures », dans Statuts du Canada, chap. 47, art. 2.

Et anxieuse, subitement dévorée de crainte, elle demanda à voir l’enfant. Toujours cette peur de donner naissance à un enfant mal conformé. – Un beau garçon, dit la sage-femme. Délicat, mais bien vivant. Six livres, je dirais, fit-elle, le soupesant entre ses bras ronds. 1945, G. Roy, Bonheur d’occasion, p. 504-505.

Pauvre Mille Milles! qui, en plus d’être tout sale, est Canadien français. Mais il est fier des pouces, des pieds, des milles, des onces, des livres, des quintaux et de tout le système! [...] Tous les Canadiens français qui essaient de parler comme les Français de France et qui portent des verres fumés beau temps mauvais temps, je les hais. 1967, R. Ducharme, Le nez qui voque, p. 16.

Julie n’a pas touché à son croque-monsieur. – Tu ne mange[s] pas? – Je n’ai pas très faim... et puis, j’ai cinq livres de trop! – Où ça? – Tu m’as pas regardée, j’ai assez des grosses fesses! [/] Elle mesure cinq pieds et neuf pouces et pèse cent trente-cinq livres, ce qui, pour sa taille, est tout à fait normal; quand je la vois se tourmenter pour quelques onces de graisse ici ou là, cela me rappelle ma jeunesse. Qui croirait que je ne pesais même pas cent livres le jour de mes noces? 1985, M. Claudais, J’espère au moins qu’y va faire beau!, p. 107-108.

 (Spécial., dans la mesure des métaux précieux et des médicaments). Livre (de) Troy (ou Troie, Troyes), ou absol. livre : unité de masse égale à douze onces troy (équivalant à 373,242 g).

L’or est pesé avec la livre Troyes et non la livre avoir-du-poids qui est la livre du commerce. 1898, R. Rinfret, Le guide du mineur, p. 79.

 loc. Fig. Ne pas valoir cher la livre : ne pas valoir grand chose.

En fait, les Bruins [une équipe de hockey] manquent de précision depuis septembre dernier. Ils possèdent une excellente défense mais à l’attaque, ça ne vaut pas cher la livre1989, La Presse, Montréal, 19 avril, p. 4; cahier des sports.

 Coûter, faire cher la livre : entraîner un déboursé trop important.

Les rabais [du coût de l’électricité] par rapport au tarif industriel régulier font en sorte que les 6000 emplois créés sont ‘du bien-être social qui commence à faire cher la livre’, s’indigne le groupe ‘vert’. 1993, Le Soleil, Québec, 28 septembre, p. A9.

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À la livre, au poids.

Vendre, acheter à la livre. Biscuits, bonbons, fromage à la livre.

 VieilliGâteau à la livre, fait avec une livre de chacun des quatre ingrédients principaux, ou à proportions égales.

Rem.En France, ce type de gâteau se nomme quatre-quarts, appellation qui n’est pas inconnue au Québec.

Le délégué Bertrand s’est déjà plaint à un épicier que le beurre qu’il vendait n’avait pas le poids et l’épicier lui répondit qu’il ne vendait pas le beurre à la livre mais au pain [« en masse »]. 1913, Le Soleil, Québec, 16 avril, p. 8.

(Acadie). Je regardions la femme à Dominique qui venait s’acheter des boules de Nouël, et des chandelles, et du papier d’argent pour décorer son âbre; et les enfants du banquier qui s’achetiont des pinottes à la livre et des bananes; et la grand’ Carmélice au P’tit Georges qui s’achetait tous les ans sa boîte de Moirs-tri-X de cinq livres; et ceuses-là qui s’achetiont des ourses de poil, pis des catins-qui-braillent, pis des chars aléctriques. 1971, A. Maillet, La Sagouine, p. 22.

Histoire

1Depuis 1613 (Champlain, extrait cité dans M. Bideaux (éd.), Relations (de Jacques Cartier), 1986, p. 397, n. 516 : Nos boissons gelerent toutes, hormis le vin d’Espagne. On donnoit le cidre à la livre). Cet emploi de livre correspond à celui qui avait cours en France où le mot a désigné, du Xe s. jusqu’à l’instauration du système métrique, à la fin du XVIIIe s., une unité de masse dont la valeur variait selon les provinces de 380 à 552 grammes (v. FEW lībra 5, 306b; TLF, s.v. livre2). Livre pesant (depuis 1648) est relevé dans les dictionnaires français depuis Académie 1694 (cent livres pesant, deux cens livres pesant; v. aussi FEW pēnsare 8, 190b); considéré de nos jours comme vieux (TLF, s.v. pesant) ou appartenant à la langue classique (Larousse 1960, id.). 2Depuis 1764 (première attestation explicite : Pour chaque livre de seize onces, de fourrure de Castor, version française de : For every Pound Weight Averdupoise [sic] of Beaver Wool, dans La Gazette de Québec, 23 août, p. 1); v. aussi une ordonnance du gouverneur Murray datée du 3 septembre de la même année statuant que « les Poids et Mesures en usage dans cette province seront conformes à l’Etalon de l’Echiquier d’Angleterre », dans Rapport sur les travaux relatifs aux archives publiques pour l’année 1913, Ottawa, 1915, p. 53). D’après l’anglais pound (v. OED, Webster 1986). L’abréviation lb. est attestée depuis 1764 (La Gazette de Québec, 12 juillet, p. 2 : le bœuf à 16 sols la lb.); elle s’explique aussi par l’anglais (lb ou lbs, avec ou sans point d’abréviation, d’après le latin libra); l’hésitation quant à la façon d’abréger se retrouve également en anglais où l’on note les mêmes variantes qu’en français du Québec (v. OED, s.v. lb., qui donne lbs. au pluriel; Gage 1984, s.v. lb. (au singulier) et lbs (au pluriel); Webster 1986, s.v. lb). Livre dans le système troy, depuis 1799 (Les Statuts provinciaux du Bas-Canada, vol. 2, chap. 7, art. 6 : la livre d’étalon du poids de Troye [...] sera tenue et considerée comme le poids d’étalon de cette Province, pour peser les especes d’Or et d’Argent, ou l’Argent en lingot, les drogues d’Apoticaires et les pierres précieuses). D’après l’anglais troy pound (v. Webster 1986, s.v. pound; OED, s.v. troy2, qui donne troy pound et pound troy); on trouve livre troy dans des dictionnaires français, mais toujours en référence au système anglais (v. par ex. Besch 1892, s.v. avoir-du-poids, Quillet 1948, s.v. poids). 3À la livre, relevé en 1613 (Champlain, v. le passage cité ci-dessus, sous 1), puis depuis 1880 (Le Nouvelliste, Québec, 27 novembre, p. [4] : Bœuf à la livre, 1ère qualité). Attesté en français chez Oudin 1640 dans une expression figurée (cela ne se vend pas à la Livre, signifiant « cela est rare »), puis, au sens propre, de Fur 1690 jusqu’à Académie 1932 (Fur 1690 : « Dans les lieux bien policez on vend toutes choses à la livre, jusques au bois, au charbon, au vin, au poisson », passage repris dans Trévoux 1704-1771; Académie 1694-1932 : vendre, acheter à la livre; Besch 1892 : vendre à la livre « vendre au poids »). Gâteau à la livre, depuis 1908 (Recettes Ogilvie pour la cuisinière moderne, p. 34); d’après l’anglais pound cake (v. OED et OED-Suppl 1982, s.v. pound-cake; Webster 1986, s.v. pound cake).

Version du DHFQ 1998
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Livre1. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 26 avril 2024.
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