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LOCHE [lɔʃ]
n. f.

Rem.

Variante graphique : loge.

I

Poissons.

1

Région.(Surtout dans l’ouest du Québec). Nom donné à la lotte (Lota lota, fam. des gadidés), poisson d’eau douce de la forme d’une anguille, à la peau épaisse et gluante, à la chair général. peu appréciée, sauf par ceux qui le pêchent sous la glace, l’hiver, à l’époque du frai.

Rem.Dans l’est du Québec, la lotte est plutôt connue sous le nom de queue d’anguille.

De la loche. Quoyque ce poisson soit tout extraordinaire, et d’un tres mauvais goút, les sauvages qui mangent de tout, en font état, bien que nous autres François le rejetions quand nous avions d’autres choses a manger. Ce poisson a 2 pieds de long, il est fort gros jusques au milieu du ventre, il ne se pesche que dans les plus grands Lacs, il est lait, il a la téte et la gule fort large, et fort platte a 7 ou 8 rangs de grosses dents, il se norrit comme le brochet d’autres poissons, et quoy qu’il soit bien denté il avalle sa proye sans la macher, il n’a poi[n]t d’écaille : com[m]e l’anguille, sa peau est fort glissante, et extremement limonuze, la chair est dure, et comme cordée [...]. 1685 env., L. Nicolas, Histoire naturelle, ANC, ms. 24225, fo 175.

Pour prendre la loche, on pratique des trous dans la glace, à une verge de distance les uns des autres, dans le sens du courant de l’eau. [...] La loche est excellente à manger, surtout lorsqu’elle a été tuée par la gelée au sortir de l’eau. Celle que l’on prend l’été ne vaut guère. 1883, B. Sulte, « Le petit-poisson », dans L’Opinion publique, Montréal, 18 janvier, p. 1.

Les eaux de la petite rivière [longeant la rue Craig, à Montréal] étaient toujours troublées et charroyaient les immondices d’une partie de la ville. C’est là où l’on vidait les vieilles paillasses, où l’on jetait les rebuts du ménage. Les écoliers s’y promenaient sur de petits radeaux et y pêchaient des « loches ». 1884, H. Berthelot, « La petite rivière et la rue Craig », dans La Patrie, Montréal, 23 décembre, p. [4].

Ce qui est bien curieux avec la loche, ici c’est pareil là, là-bas, tu pêches à l’hameçon l’autre bord de l’eau avec des perches, tu prends pas une loche, tu prends rien que de la plie; pis une ligne de même qui est tendue au large, tu prends pas une plie, c’est plus rien que de la loche. 1963, Isle‑aux‑Coudres (Charlevoix-Ouest), AFEUL, P. Perrault 533 (âge de l’informateur : n. d.).

Grande première demain à l’île Notre-Dame où l’on peut désormais aller pêcher sur la glace en métro! L’idée ne manque pas d’originalité ni même de poisson puisqu’on peut, paraît-il, s’attendre à sortir de la perchaude, de la truite brune, du doré jaune ou noir, de la loche, du brochet et même, selon la profondeur, du maskinongé! 1993, La Presse, Montréal, 22 janvier, p. S2.

AcadieNom donné au brosme (Brosme brosme), gros poisson marin apparenté à la morue, au corps allongé, vivant de chaque côté des côtes atlantiques. (Voir Mass no 515, BrassAtlas 69).

AcadieNom donné à de petits poissons de forme allongée (lançon, sigouine, etc.), qui se cachent sous les pierres, s’enfouissent dans le sable. (Voir PoirGlÉv et PPQ 1409, dans le commentaire).

2

Région.(Dans l’est du Québec). Nom donné au poulamon, souvent considéré comme indésirable et sans valeur, notam. par les pêcheurs d’éperlans.

 poulamon.

Quelques poissons pris à la ligne, une douzaine de loches ou d’éperlans rôtis sur la flamme, et quelques patates cuites sous la cendre, qu’on mange en plein air, assis sur le gazon, voilà pour des enfants le comble du bonheur. 1884, H.-R. Casgrain, Œuvres complètes, t. 1, p. 307.

Durant toute la saison de pêche à l’anguille, l’éperlan est abondant puis diminue progressivement à mesure que le mois de novembre approche. En plus de l’éperlan, on retrouve également des loches ou petits poissons des chenaux en grande quantité. Ce poisson n’a toutefois pas la faveur populaire et on le rejette à la mer; on en garde quelques-uns, les plus beaux, pour faire de la quiaule, loche cuite avec des pommes de terre dans du lait. 1980, R. Martin, L’anguille, p. 115-116.

Je te jure : on aurait dit que les éperlans me comprenaient. Les autres [pêcheurs] n’arrêtaient pas de ramasser des loches. Moi pas. À la fin, tous les pêcheurs d’éperlans de Saint-Irénée étaient debout derrière moi à s’exclamer, à épier mes mouvements, à me poser des questions. 1983, M. Proulx, Sans cœur et sans reproche, p. 25-26.

II

Région.(Dans l’ouest du Québec). Nom donné au têtard de la grenouille ou du crapaud.

2007, G. Webster, Loches [photo], CC BY-SA, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Handful_of_Tadpoles.jpg

 queue de poêlon.

On doit construire un vivier à grenouilles dans la rue St Charles [...]. On nous dit qu’au printemps prochain, si les grenouilles sont fécondes nous aurons dans le vivier quelques milliards de loches ou de queues de poèlons [sic]. 1880, Le Vrai Canard, Montréal, 11 septembre, p. [2].

– Toupin : Oh! regardez donc ça, venez donc voir, vous autres! Venez, monsieur le curé! – Gérard : Une sangsue? – Toupin : Mais non, c’est des petites loches! – Noiraud : Il n’y a rien de drôle là-dedans, c’est le temps des loches. – Curé : Des têtards, en bon français, Noiraud. 1936, R. Choquette, Le curé de village, p. 57.

Histoire

En France, le nom de loche sert à désigner, dans le français de référence et dans les parlers locaux, divers poissons qui vivent en eau douce ou en mer ainsi que divers autres animaux (batraciens, mollusques) qui ont pour caractéristique commune d’avoir la peau gluante ou la chair grasse. Les sens québécois de loche se rattachent à l’un ou l’autre de ces emplois.

I1Depuis 1678 environ (v. Silvy, qui l’atteste comme équivalent français du montagnais nata8abistinagan); peut-être dès 1664 (v. P. Boucher, Histoire veritable et naturelle, p. 78 : Il se trouve des Loches à Tadoussac), mais l’identité du poisson ne peut être établie de façon aussi catégorique que l’a fait J. Rousseau (v. RoussBouch 330). Appliqué à la lotte, le mot a été hérité des parlers de France; il a été relevé dans ceux du Nord-Ouest et de l’Ouest ainsi que dans le Jura (en emploi absolu ou dans loche de (la) Loire, v. RollFaune 11, p. 211, MénAng, VerrAnj et SjögrGuern, s.v. lotte). Appliqué au brosme (depuis 1946), le mot peut être issu de loche (de mer), qui sert à désigner en France la motelle, autre poisson marin de la famille des gadidés très ressemblant (v. FEW *leuka 5, 262b, RollFaune 3, p. 108, MussSaint, TLF et Larousse 1982). Appliqué à de petits poissons allongés, le mot est attesté clairement depuis 1931, mais sans doute déjà dès 1632, chez Samuel de Champlain, comme nom d’un poisson que l’on rencontre sur la batture de sable de la pointe aux Alouettes, près de l’embouchure du Saguenay (v. Les voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain, 2e partie, p. 100 : l’on treuve [...] force loches, qui sont sous les pierres en plusieurs endroits); dans cet emploi, le mot paraît être issu du nom que l’on donne en France, depuis le XIIIe s., à des poissons d’eau douce de la famille des cobitidés, de forme allongée, qui vivent cachés sous les pierres ou enfoncés dans le sable (v. FEW id., Larousse 1982, Robert 1985; v. aussi M. Duborgel, La pêche et les poissons de rivière, 1967, p. 199-204, et PollPêche). Du français canadien, loche « lotte » est passé en anglais nord-américain avec son orthographe française (v. DictCan, Random 1983 et Webster 1986). 2Depuis 1864 (v. P. Fortin, dans Appendices des pêcheries du rapport annuel pour 1863, p. 74).

IIDepuis 1880. Héritage des parlers de France. A été relevé dans le Nord-Ouest et le Centre (v. DudPerch, et Alifo 489, pt 19); cp. en outre tête-loche « têtard de grenouille », relevé dans le Centre (v. FEW id.).

Version du DHFQ 1998
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Loche. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 15 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/loche