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LIQUEUR [likœʀ]
n. f.

1

Vieilli(Surtout au pluriel). Toute boisson alcoolique (parfois à l’exclusion du vin et de la bière); (en partic.) boisson forte en alcool (comme le whisky, le rhum, le gin, le brandy).

2022, TLFQ, Liqueurs [photo].

Le commerce des liqueurs. L’interdiction de vendre des liqueurs le dimanche. Des liqueurs de contrebande. Vins et liqueurs. VieuxDébit de liqueurs, où l’on peut consommer des boissons alcooliques. VieilliMagasin des liqueurs, où l’on vend de l’alcool.

SYN. alcool, spiritueux (en parlant d’une boisson forte en alcool, surtout dans le vocabulaire commercial ou administratif).

Rem.Dans l’usage courant en France, liqueur se dit plus particulièrement d’un alcool sucré, comme l’anisette, la prunelle, la crème de menthe, etc. (voir Histoire); c’est cet emploi du mot qui s’impose de plus en plus dans l’usage québécois.

 VieilliCommission des liqueurs : organisme gouvernemental qui était chargé de l’administration des activités reliées au commerce des boissons alcooliques; par méton. point de vente de cet organisme (appelé de nos jours Société des alcools du Québec, voir Notice encyclopédique).

Permis de la Commission des liqueurs. Passer à la Commission des liqueurs. Les heures d’ouverture de la Commission des liqueurs.

Et que par le deffendeur a esté dict qu’il est prest de faire voir toutes les futailles qu’ils ont encore et de donner un estat de tous ceux ausquels ils ont vendu des liqueurs afin que le demandeur puisse cognoistre qu’il n’en a eu aucunes qui ne soient marquées A.P. marque du dict sieur Petit [...]. 1664, dans Jugements et délibérations du Conseil souverain, vol. 1, 1885, p. 265.

Suivant les dépositions des prisonniers, les ennemis, au nombre de 12 à 15,000 hommes, se retranchent au fond du lac St-Sacrement. [...] Sept cents hommes gardent le fort d’Halfway’s Brook. Il n’y passe plus que des convois de rhum, bière et autres liqueurs. 1758, Bougainville, « Journal de l’expédition d’Amérique commencée en l’année 1756, le 15 mars », dans RAPQ 1923-1924, p. 345.

Au fond de la salle commune [de l’auberge], derrière le comptoir, deux jeunes garçons empressés à servir à de nombreuses pratiques des liqueurs de toutes sortes et de toutes couleurs. 1846, P. Lacombe, « La terre paternelle », dans Album littéraire et musical de La Revue canadienne, février, p. 15.

En somme, la bière est une liqueur légèrement alcoolique, contenant : eau, alcool, glucose, dextrine, matières extractives et grasses, essences aromatiques, principe amer, acide lactique, acide acétique, divers sels (phosphates de potasse [sic], de magnesie [sic] et de chaux; chlorures de potassium et de sodium) silice, acide carbonique libre. 1867, Gazette des campagnes, Kamouraska, 15 août, p. 157.

Par cette loi des liqueurs, Taschereau a établi le principe dangereux du monopole par l’état [sic]. C’est le principe bolchéviste. Pourquoi pas le monopole du tabac, des chaussures ou des « candies »? 1923, M. Duplessis, dans Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 1er février, p. [6]. 

Le cortège remontait la grand’rue; il passa devant la Commission des liqueurs, la chapelle anglicane, la mairie, devant les cinq banques, les trois pharmacies, les boutiques et magasins qui faisaient alors de Longueuil un centre de commerce. 1962, J. Ferron, Cotnoir, p. 18. 

Un coffret en bois rempli de chocolats à la liqueur fine pour célébrer les Fêtes. Variété composée de différentes liqueurs : Rhum, Cointreau, Williamine, Gin, Whisky, Cognac, Kirsch, Abricotine, Cherry Brandy, et Mandarinetto. 1972, La Presse, Montréal, 14 décembre (annonce). 

Cette liste, demeurée secrète jusqu’à ce jour, signale que le tabac à cigarette contient également diverses liqueurs telles que anisette, brandy, rhum et whisky, ainsi que des fruits secs, de l’essence de vanille, de menthe poivrée, du miel ainsi que certaines épices telles que de la canelle [sic], tous ces ingrédients étant destinés à donner un meilleur goût au tabac. 1986, La Presse, Montréal, 13 septembre, p. D3.

Ma sœur a reçu une très jolie petite carafe à alcool fin en cadeau. […] Elle ne l’a jamais utilisée de peur de ne pas pouvoir nettoyer les dépôts qui pourraient s’y former. Elle se demande aussi si les liqueurs peuvent s’y conserver aussi longtemps qu’en bouteille d’origine. […] Combien de temps une liqueur, comme un Grand Marnier ou un whisky, peut-elle conserver ses parfums et ses qualités si elle est versée dans une telle carafe? 2002, La Presse, Montréal, 12 octobre, p. A32 (lettre).

[Armand] mit un genou à terre, s’accroupit et trouva dans l’extrémité creuse d’une perche une bouteille qu’il brandit : – Du bon… acheté à la Commission des Liqueurs. – Je te suivrai où tu iras, Armand, mais pas dans l’excès tout de même. 2006, A. Mathieu, La saga des Grégoire, t. 6, p. 62. 

On achetait le whisky à la Commission des liqueurs. Les alambics n’étaient pas tous détruits, la bagosse était toujours populaire… 2016, M. Gagnon-Thibaudeau, Pure laine, pur coton, p. 99.

notice ENCYCLopédique

Créée en vertu de la Loi sur les liqueurs alcooliques (appelée plus couramment Loi des liqueurs) adoptée au Québec en 1921 par le gouvernement libéral dirigé par L.‑A. Taschereau, la Commission des liqueurs sera chargée de l’importation, de la distribution et de la vente des boissons alcooliques; elle aura également pour mandat d’octroyer ou de retirer les permis et verra à exercer une certaine surveillance (notamment par ce qu’on a appelé familièrement la Police des liqueurs). Renommé Régie des alcools du Québec en 1961, l’organisme sera scindé en deux administrations distinctes : l’une responsable des permis et l’autre du commerce. On procède à une nouvelle restructuration en 1971, alors que, par les lois 44 et 47, sont créées la Commission de contrôle des permis d’alcool et la Société des alcools du Québec (SAQ), laquelle s’occupera exclusivement des activités commerciales. 

Sources : Les grandes mesures (1920‑1925), Nos racines, no 124, 1982, p. 2461‑2466; M. Perron, De la Commission des liqueurs à la Société des alcools, Cap-aux-Diamants, no 44, 1996, p. 44‑46 et 51‑52; R. Prévost, S. Gagné et M. Phaneuf, L’histoire de l’alcool au Québec, 1986, p. 71‑144; v. aussi J.‑L. Gagnon, Les apostasies, t. 1, 1985, p. 172‑175. 

 Vieux Liqueur de tempérance : boisson alcoolique à faible teneur en alcool; boisson avec peu ou pas d’alcool, souvent sucrée et aromatisée, considérée comme stimulante, bénéfique ou réconfortante et vendue comme substitut aux boissons enivrantes.

Rem. Aussi appelée boisson de tempérance et breuvage de tempérance.

Liqueurs! Liqueurs! [titre] [Le soussigné] manufacture de toutes les Liqueurs de temperance [sic], d’une qualité supérieure et à des prix modérés, savoir : [/] Liqueur de noyau, Crême [sic] de rose, Crême [sic] de café, Sirop de citron, Stoughton Bitters, Peppermint, Sirop d’orange, Sirop de salsepareille et couleurs pour liqueurs, &c. &c. 1844L’aurore des Canadas, Montréal, 30 mai, p. [3] (annonce). 

Et qu’il soit statué, que toute personne qui n’aura pas de licence pour tenir une auberge ou un hôtel de tempérance, ou comme apothicaire, et ce qui vendra ou détaillera aucune espèce de liqueurs connues sous le nom de liqueurs de tempérance, telle que bière d’épinette, salsepareille, sirop de framboise, bière de gingembre, essence ou jus de citron ou d’orange, limonade ou essence de menthe, encourra une pénalité de dix louis pour chaque contravention aux dispositions de cette section. 1850, La Minerve, Montréal, 22 juillet, p. [1].

Voyage de plaisir autour de l’Isle [sic] d’Orléans [titre] Il n’y aura aucune boisson forte à bord[,] que des liqueurs de tempérance. Un corps de musiciens distingués jouera pendant le trajet. 1866, Le Canadien, Québec, 13 juillet, p. [3]. 

Ensuite, malgré le nombre prodigieux de toasts qui furent proposés et bus, chacun s’en retourna chez soi à jeûn [sic], ne ressentant, au dedans de lui-même, d’autre chaleur que celle qui pouvait être occasionnée par l’ardeur du plus brûlant patriotisme. En effet, on ne but autre chose, à ce banquet mémorable, que de l’eau froide, des limonades, de la bière de gingembre et de la sapinette! Toutes ces liqueurs étaient connues, à cette époque de zèle et d’abnégation, sous le nom de liqueurs de tempérance. 1870, H. LaRue, Mélanges historiques, littéraires et d’économie politique, p. 189.

Nonobstant l’article 914 de la loi des licences de Québec, les seules espèces de liqueurs pour lesquelles une licence peut être émise sont les liqueurs de tempérance, savoir : toutes les liqueurs, mélanges de liqueurs, breuvages, liquides, comestibles solides, qui contiennent un principe enivrant, mais ne dépassant pas deux et demi (2 ½) pour cent d’alcool de preuve, et cette licence ne doit être émise que pour fins de breuvage seulement, et être appelée « licence de liqueurs de tempérance »[.] 1919, Gazette officielle de Québec, Québec, 29 mars, p. 20. 

Je fabrique et vends le Royal Stewart Ginger Ale et vingt autres délicieuses liqueurs. Autrefois, les liqueurs de tempérance étaient reconnues comme les boissons des enfants; nous avons tellement perfectionné leur finesse et leur saveur que Epicure [sic] lui-même les aurait choisies comme liqueurs de prédilection pour la table des plus fins gourmets. 1925, La Presse, Montréal, 2 juin, p. 23. 

La bière est une liqueur de tempérance et le seul breuvage que puisse se permettre la classe ouvrière. Une taxe sur l’alcool, les boissons fortes et les vins, n’affecterait en rien le pauvre monde, ceux-ci étant surtout achetés par les gens fortunés. 1931, L’écho de Frontenac, Lac-Mégantic, 24 décembre, p. 1. 

 Vieux Liqueur légère : syn. de liqueur de tempérance.

La minorité demandait que par le Scott Act, il fut défendu de vendre des liqueurs spiritueuses, ou liqueurs fortes, mais que la vente des vins légers, de la bière et du cidre, fut permise comme auparavant. […] Dans les province [sic] de Québec et d’Ontario, où les pommes sont si abondantes, il était assez naturel qu’on songeât à la fabrication du cidre, et de fait l’usage de cette liqueur se répand de plus en plus dans le pays. À cela on ajoutait que les hommes ayant pour une raison ou pour une autre la manie de boire quelque chose, il vaut mieux leur donner des liqueurs légères qui ne ruineront pas trop leur santé, et qui serviront de soupape de sûreté contre l’usage de ces contrefaçons de vitriol que l’on distribue sous les noms fantaisistes de cocktails, stone fence, ou kill’en [sic] all. 1885, La Presse, Montréal, 19 juin, p. [2].

Liqueurs de Temperance [sic] [titre]. [/] T. Pelletier, [/] fabricant de [/] Biere [sic] de Gingembre, Ginger Ale, Soda, Nectar, Pop, &c. [/] […] Ces liqueurs légères sont fabriquées tous les jours en quantité considérable et sont de qualité supérieure. 1885, Le progrès de l’Est, Sherbrooke, 10 juillet, p. 3 (annonce).

Après avoir parlé des effets de l’alcool sur les enfants des alcooliques, le conférencier nous a parlé des différents systèmes de protection, adoptés par la Suède, la Norvège et la Suisse. Dans ces pays, on ferme les débits de liqueurs à 7 heures p.m. […]. Dans chaque débit de liqueurs doivent se trouver, à côté des liqueors [sic] fortes, toutes les liqueurs légères, et, dans les temps froid [sic], on doit pouvoir vendre, sur demande, tous les breuvages chauds, tels que le thé, le café, le chocolat, etc. 1908, La Patrie, Montréal, 14 février, p. 10.

Il a donné avis qu’à la prochaine réunion du conseil il proposera un règlement autorisant la vente des bières et des vins dans les épiceries de la ville, avec un permis spécial obtenu à cette fin. [/] Si la motion est acceptée, elle amènera un nouveau règlement abolissant le règlement actuel de la prohibition totale dans la ville d’Outremont; la ville d’Outremont est prohibitionniste depuis sa fondation. En outre, si l’on accorde des permis de vendre des liqueurs légères et des vins, aux épiciers, il sera bien difficile de ne point le faire également pour les restaurants et tes hôtels. 1920, Le Devoir, 7 octobre, p. 4.

Quels furent les personnages assez intéressés dans l’affaire [référendum sur la prohibition de la vente d’alcool] pour avoir recours à une telle tactique? Les premiers sont évidemment ces réactionnaires automatiquement opposés à toute mesure progressive, qu’il s’agisse de la légalisation du commerce des liqueurs légères ou de la scolarité obligatoire. 1943, L’Autorité, Montréal, 7 août, p. 2.

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VieilliBoisson rafraîchissante non alcoolisée.

2022, TLFQ, Bouteilles de boissons gazeuses (« liqueurs ») [photo].

 (Spécialement). Cour.(Emploi critiqué). Liqueur ou liqueur doucerareliqueur gazeuse : boisson gazeuse, sucrée et aromatisée.

Bouteille, canette, verre de liqueur. Fontaine à liqueurs.

Une liqueur, de la liqueur : un verre, une canette ou une bouteille de ce type de boisson. (Dans la langue commerciale). Une petite, moyenne, grosse liqueur, en référence à différents formats de boissons vendus dans les restaurants. Commander, boire, prendre une liqueur. Une caisse de liqueurs. 

Fam.Machine à liqueurs : distributeur de boissons gazeuses (en bouteilles ou en canettes).

SYN. boisson gazeuse.

 breuvage.

Rem.Le mot soda, qui est utilisé en France et qui est accepté par l’OQLF parallèlement à boisson gazeuse, terme qui a déjà été normalisé (voir OLF-Avis4, no 210), n’est pour ainsi dire pas en usage dans la langue courante au Québec. 

– M. Flavien Labrosière, l’habile brasseur de la bras[s]erie de St. Lin [sic], est en ce moment à l’œuvre pour élever une bâtisse où il fera des liqueurs d’eau gazeuse telle [sic] que le soda, la bière de gingembre, le cidre, etc. etc. [sic] 1873, La Gazette de Joliette, 27 novembre, p. [3].

Les liqueurs d’été. – Après la guerre à l’alcool, la guerre aux rafraîchissements. Voici le fait bizarre que constatait ces jours-ci une personne digne de foi. Elle-même accablée par la chaleur, s’arrêtait à l’une de ces buvettes parfaitement orthodoxes, où l’on verse au consommateur les breuvages doux ayant tous nom [sic] anglais : ginger ale, ginger beer, ginger pop. À peine eut-elle achevé de déguster un bock de cette dernière décoction qu’une affreuse nausée la prit. […] La nature se refusait à supporter la liqueur dite bienfaisante. […] Ce singulier concours de circonstance [sic] indique que, par ces temps caniculaires, on ne saurait user trop de prudence avec les liqueurs glacées. Les limonades mêmes [sic] quand on les glaces [sic], demandent à être faites avec de l’eau bouillie disent les gens prudents. 1883, La Gazette de Joliette, 28 juin, p. [3]. 

St Hyacinthe [sic] a aujourd’hui une seconde fabrique de liqueurs gazeuses telles que soda, bière de gingembre[,] eau minérale […]. 1892, La Tribune, Sherbrooke, 13 mai, p. [7]).

Le fameux syphon : Sparklet pour faire l’eau gazeuse chez soi ou pour charger de gaz, toute espèce de boissons rafraîchissantes, liqueurs, limonades, et leur donner ainsi une saveur exquise, toute particulière. 1904Le Soleil, Québec, 22 octobre, p. 11. 

– Tu vois les câbles des cloches qui pendent en arrière de l’église? Va sonner les cloches, et je te donne cinquante cents. […] Cinquante cents, sais-tu que ça fait dix bouteilles de liqueur? 1943, F. Leclerc, Adagio, p. 68‑69. 

– Geneviève, pendant que nous démolissons, je voudrais que tu fasses deux choses : d’abord choisir l’emplacement où tu voudrais la nouvelle remise… […] Ensuite, fais-nous, si tu veux, un grand pot de liqueur froide que nous pourrons boire pour nous rafraîchir quand le soleil sera plus haut… 1951, Y. Thériault, Le dompteur d’ours, p. 88. 

Là, le gars s’organisait un petit bal à l’huile le samedi soir et puis il emmenait l’accordéon et puis le violon, pis ça commençait à danser des danses carrées dans la rue. Et puis, il allait chercher de la liqueur, des jumbos, comme qu’on dit là, des grosses bouteilles dans le temps, et puis il passait de la liqueur. 1964 env., Montréal, AFEUL, P. Perrault 1279 (âge de l’informateur : n. d.).

– Rose Ouimet : Moé, j’commence à avoir soif! – Germaine Lauzon : Mon Dieu, c’est vrai, les liqueurs! Linda, passe donc les cokes! 1968, M. Tremblay, Les belles-sœurs, p. 55. 

Pour le 4 mai seulement au comptoir à bonbons vous paierez les liqueurs et les pop corn [sic] le même prix qu’à l’ouverture du cinéma [/] moyenne liqueur 25 moyen pop corn 25[.] 1979, Le Courrier de Saint-Hyacinthe, Saint-Hyacinthe, 2 mai, p. C12. 

C’était une belle jeunesse. On pouvait encore se rendre malade pour moins d’un dollar en consommant hot dogs, liqueurs douces (ah oui! la bière d’épinette Christin, l’orangeade Nesbitt) et patates frites dans un sac en papier! 1992, La Presse, Montréal, 12 juin, p. A9. 

– Je vous ai mis quelques bonnes tranches de jambon, un cinquante livres de patates, deux pains, quelques boîtes de conserve et une grosse bouteille de liqueur, débita-t-il. – Est-ce que c’est de la bière d’épinette Christin ? Le commerçant parut agacé. La quémandeuse s’en aperçut. – Merci, monsieur Sansoucy, exprima la dame avec gratitude. 2014, R. Gougeon, L’épicerie Sansoucy, t. 1, p. 30. 

J’ai réalisé toute jeune que je suis douée pour la vente. Lorsqu’on allait à la plage en famille, je demandais aux gens de me donner leurs canettes de liqueur que j’allais échanger pour des sous. 2020, L’itinéraire, 15 février, p. 9. 

NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE

Les premières boissons aromatisées à base d’eau, de jus de citron et de miel ont fait leur apparition sur le marché au XVIIe siècle. À cette époque, on tentait déjà de reproduire artificiellement l’effervescence de l’eau de certaines sources réputées pour leurs bienfaits thérapeutiques. C’est au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle que le développement de méthodes permettant de produire des eaux carbonisées artificiellement mène à l’apparition sur le marché des premières eaux minérales, des eaux non sucrées et non aromatisées carbonisées, qui étaient le plus souvent vendues en tant que médicament par les apothicaires. Bien qu’il demeure une certaine incertitude quant aux origines exactes de l’aromatisation de ces eaux minérales, il semble que des expériences ont été menées à cet effet dès le début du XIXe siècle. Selon certains auteurs, c’est la bière de gingembre (ginger beer) qui aurait constitué un pont entre les boissons fruitées non gazeuses et les sodas, c’est-à-dire des boissons gazeuses aromatisées (voir Notice encyclopédique, s.v. ginger ale). Ce sont les améliorations des procédés de manufacture et d’embouteillage qui auraient permis d’ajouter à grande échelle certaines saveurs aux boissons gazéifiées : d’abord, le gingembre, rapidement suivi par le citron dans des concoctions qui s’apparentent à de l’eau minérale aromatisée. Au milieu du XIXe siècle, on assiste à l’apparition sur le marché des mélanges que l’on appellera toniques. C’est vers la fin du siècle que les colas, c’est-à-dire des boissons gazéifiées et sucrées colorées avec des extraits de noix de kola ou du caramel, font à leur tour leur apparition, d’abord sous la forme de boissons alcoolisées à base de vin, puis, à la suite de la prohibition, à base de sirop sucré.

Sources : Emmins, Colin, 1991, Soft drinks; EncBrit (en ligne), Soft drink; Encyclopédie New Georgia (en ligne), 2020, John Stith Pemberton;  Previtali, Ken, Ginger Ale’s Irish Roots in Beverage World, 1991, p. 32.

Histoire

1Depuis 1664. Les dictionnaires des XVIIIe et XIXe s. attestent que l’emploi de liqueur en France, en parlant d’une boisson alcoolique, était plus large que de nos jours où il ne se dit plus, en pratique, que d’un alcool sucré (v. Dupiney 1864 : « On désigne sous ce nom toutes les boissons alcooliques obtenues soit directement par la fermentation, soit en mélangeant avec l’alcool diverses substances aromatiques, auxquelles on associe fréquemment une certaine quantité de sucre »; v. aussi Féraud 1787). Mais le fait que liqueur se soit généralisé au Québec avec une valeur collective en parlant de toute boisson alcoolique et se soit spécialisé en parlant de boissons fortes comme le brandy, le whisky, le rhum, le gin, etc., s’explique par l’influence de l’anglais liquor (v. Gage 1984 : « an alcoholic drink, such as brandy, gin, rum, or whisky »; Webster 1986 : « a usu[ally] strong distilled alcoholic beverage (as whiskey, rum) rather than a fermented one (as wine, beer) »; Collins 1992 : « any alcoholic drink, esp[ecially] spirits, or such drinks collectively »; le mot liqueur est de nos jours attesté en France, dans la langue commerciale, en parlant de ces mêmes alcools, v. Robert 1985, sens IIa; Robert (en ligne) 2024-08). Notre documentation permet de constater que liqueur pouvait déjà s’employer dans un sens large sous le Régime français (v. notamment les exemples de 1664 et de 1758), et qu’il se disait sans doute, de façon particulière, en parlant d’un alcool sucré comme le suggèrent les passages suivants : Une petite tasse de cristal a boire liqueurs avec son estuy de cuir (BAnQQ, Québec, gr. L. Chambalon, 13 juin 1701, p. [6]); deux cents soixantes douze fiolles de licœurs differantes tenant environ chaceune demiar (BAnQQ, Québec, gr. Fl. de La Cetière, 3 octobre 1702, p. [56]). Sous le Régime anglais, le mot a été associé peu à peu aux alcools non sucrés qui faisaient partie des habitudes des Anglo-Saxons (brandy, rhum, whisky, gin, etc.). L’évolution des valeurs qu’a prises le mot liqueur au Québec est donc associée à la rencontre des deux cultures, française et anglaise, qui ont façonné la personnalité des Québécois. À époque récente, l’influence de l’anglais s’est fait sentir de façon plus marquée dans le vocabulaire entourant la réglementation du commerce de l’alcool, le Québec ayant connu dans la première moitié du XXe s., comme le Canada anglais et les États-Unis, la prohibition, la lutte à la fabrication clandestine et le commerce illicite d’alcool. Ainsi, l’expression Loi des liqueurs rappelle l’anglais nord-américain Liquor Law (v. Craigie, Mathews); l’organisme appelé Commission des liqueurs, créé en vertu de cette loi, est appelé Liquor Commission (ou Liquor Control Board) ailleurs au Canada (v. VinDict, s.v. liquor, RobMan1 31); cp. encore magasin des liqueurs et l’anglais nord-américain liquor store (v. Collins 1992, DictCan). Liqueur de tempérance, depuis 1844, mais dès 1842 dans la traduction d’une lettre écrite en anglais : L’abandonnement presque total des boissons fermentées a fait augmenter la consommation du whiskey parmi certaines classes. La grande exportation qui s’en fait en Angleterre pour y être rectifié, et l’immense quantité qui en est convertie en ce qu’on appelle faussement liqueurs de tempérance (temperance cordials), ont contribué à grossir le revenu provenant du whiskey (La Gazette de Québec, Québec, 17 mai, p. [2]). Semble être un calque adapté de l’anglais temperance cordial, attesté depuis au moins 1841 (v. A Memoir of the Very Rev. Theobald Mathew, p. 215), où cordial signifie aux États-Unis « [a] strong alcoholic liquor sweetened and flavoured with aromatic substances » et, au Royaume-Uni « [a] food or (esp. alcoholic) drink with medicinal or health-giving properties, esp. one that is thought to invigorate the heart, stimulate the circulation, or provide comfort » (v. OED (en ligne) 2024‑11, s.v. cordial et liqueur). On trouve aussi l’anglais temperance liquor dans la documentation québécoise; il pourrait s’agir d’un calque du français liqueur de tempérance ou d’une innovation propre aux anglophones du Québec. Liqueur légère, depuis 1885. 2Depuis 1873. Au sens de « boisson rafraîchissante non alcoolisée », liqueur a eu cours en France, notamment dans les expressions liqueur fraîche ou liqueur rafraîchissante, du XVIIe au XIXe s. (v. FEW liquor 5, 371a, Fur 1690‑1727, Besch 1847‑1892, Littré); liqueur y désignait de façon générique des « compositions agréables au goût » telles que « la limonade, orengeade [sic], sorbet, eaux de cerises, framboises, verjus » (Fur 1690). Le sens du mot s’est élargi au Québec pour englober les boissons gazeuses, elles aussi réputées rafraîchissantes et généralement sucrées (l’exemple de 1883 montre bien cette transition). Si cet élargissement du sens de liqueur a pu se faire de façon naturelle, il pourrait également résulter, du moins en partie, de l’influence de liqueur de tempérance, qui renvoie notamment à des boissons non alcoolisées, telles que la bière de gingembre, la bière d’épinette et la racinette (root beer). Ces boissons, d’abord légèrement alcooliques, ont évolué pour devenir des boissons gazeuses rafraîchissantes et sans alcool, comprises dans la catégorie des liqueurs douces, illustrant ainsi l’évolution parallèle du sens du mot liqueur et de certaines boissons qui ont peu à peu perdu leur caractère alcoolisé. Quant à l’appellation liqueur douce, elle est également bien attestée en France au XIXe s., mais au sens de « boisson alcoolique plus légère ou sucrée (souvent par oppos. à liqueur forte) » (v. p. ex. Besch 1847-1892, Poitevin 1856, Larousse 1866, Académie 1878); cet emploi était en usage également au Québec – attesté depuis 1820 (v. Le Spectateur canadien, Montréal, 1er juillet, p. [3]) jusqu’aux années 1940 –, comme en fait foi le passage suivant : M. Girouard cite une foule d’exemples […] pour démontrer que les liqueurs alcooliques ont été la cause du mal, tandis que les liqueurs douces ne produisent aucun mauvais résultat. Il propose en amendement que la bière, le porter, le cidre, le claret et les autres vins légers ne soient pas compris dans l’opération de la loi Scott. (L’Événement, Québec, 10 juin 1887, p. [2]). Au sens de « boisson gazeuse » (depuis 1898, dans Le travailleur du Lac-Mégantic, Agnès, 28 avril, p. [1] (annonce) : Fabriquant de liqueurs douces Ginger Ale, Cream Soda, etc.), liqueur douce résulte d’une extension sémantique à partir de cet emploi du français, extension attribuable en partie au fait que liqueur avait déjà pris le sens de « boisson gazeuse » et en partie sans doute à l’influence de l’anglais soft drink, de même sens (v. OED-Suppl 1986, s.v. soft, sens 25b, « orig[inally] dial[ectal] and U.S. »; Nelson 1997). Il ne s’agit donc pas strictement d’un calque de l’anglais, selon l’explication qu’on en a parfois donnée (v. p. ex. BarbRam 121, Multi 1992, Colpron1-3), puisque l’appellation liqueur douce était déjà en usage et que le français liqueur ne peut être considéré comme une traduction de l’anglais drink

Dernière révision : mars 2025
Pour poursuivre votre exploration du mot liqueur, consultez notre rubrique En vedette sur le site Web du Trésor de la langue française au Québec.
Trésor de la langue française au Québec. (2025). Liqueur. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 23 avril 2025.
https://www.dhfq.org/article/liqueur