LIQUEUR [likœʀ]
n. f.
Vieilli(Surtout au pluriel). Toute boisson alcoolique (parfois à l’exclusion du vin et de la bière); (en partic.) boisson forte en alcool (comme le whisky, le rhum, le gin, le brandy).
2022, TLFQ, Liqueurs [photo].Le commerce des liqueurs. L’interdiction de vendre des liqueurs le dimanche. Des liqueurs de contrebande. Vins et liqueurs.
VieuxDébit de liqueurs, où l’on peut consommer des boissons alcooliques. VieilliMagasin des liqueurs, où l’on vend de l’alcool.
SYN. alcool, spiritueux (en parlant d’une boisson forte en alcool, surtout dans le voc. commercial ou administratif).
Rem.Dans l’usage courant en France, liqueur se dit plus particulièrement d’un alcool sucré, comme l’anisette, la prunelle, la crème de menthe, etc. (voir Histoire); c’est cet emploi du mot qui s’impose de plus en plus dans l’usage québécois.
VieilliCommission des liqueurs : organisme gouvernemental qui était chargé de l’administration des activités reliées au commerce des boissons alcooliques; (par méton.) point de vente de cet organisme (appelé de nos jours Société des alcools du Québec, voir Notice encyclopédique).
Permis de la Commission des liqueurs. Passer à la Commission des liqueurs. Les heures d’ouverture de la Commission des liqueurs.
Et que par le deffendeur a esté dict qu’il est prest de faire voir toutes les futailles qu’ils ont encore et de donner un estat de tous ceux ausquels ils ont vendu des liqueurs afin que le demandeur puisse cognoistre qu’il n’en a eu aucunes qui ne soient marquées A.P. marque du dict sieur Petit [...]. 1664, dans Jugements et délibérations du Conseil souverain, vol. 1, 1885, p. 265.
Suivant les dépositions des prisonniers, les ennemis, au nombre de 12 à 15,000 hommes, se retranchent au fond du lac St-Sacrement. [...] Sept cents hommes gardent le fort d’Halfway’s Brook. Il n’y passe plus que des convois de rhum, bière et autres liqueurs. 1758, Bougainville, « Journal de l’expédition d’Amérique commencée en l’année 1756, le 15 mars », dans RAPQ 1923-1924, p. 345.
Au fond de la salle commune [de l’auberge], derrière le comptoir, deux jeunes garçons empressés à servir à de nombreuses pratiques des liqueurs de toutes sortes et de toutes couleurs. 1846, P. Lacombe, « La terre paternelle », dans Album littéraire et musical de La Revue canadienne, février, p. 15.
Par cette loi des liqueurs, Taschereau a établi le principe dangereux du monopole par l’état [sic]. C’est le principe bolchéviste. Pourquoi pas le monopole du tabac, des chaussures ou des « candies »? 1923, M. Duplessis, dans Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 1er février, p. [6].
Le cortège remontait la grand’rue; il passa devant la Commission des liqueurs, la chapelle anglicane, la mairie, devant les cinq banques, les trois pharmacies, les boutiques et magasins qui faisaient alors de Longueuil un centre de commerce. 1962, J. Ferron, Cotnoir, p. 18.
notice ENCYCLopédique
Créée en vertu de la Loi sur les liqueurs alcooliques (appelée plus couramment Loi des liqueurs) adoptée au Québec en 1921 par le gouvernement libéral dirigé par L.-A. Taschereau, la Commission des liqueurs sera chargée de l’importation, de la distribution et de la vente des boissons alcooliques; elle aura également pour mandat d’octroyer ou de retirer les permis et verra à exercer une certaine surveillance (notamment par ce qu’on a appelé familièrement la Police des liqueurs). Renommé Régie des alcools du Québec en 1961, l’organisme sera scindé en deux administrations distinctes, l’une responsable des permis et l’autre du commerce. On procède à une nouvelle restructuration en 1971, alors que, par les lois 44 et 47, sont créées la Commission de contrôle des permis d’alcool et la Société des alcools du Québec (SAQ), laquelle s’occupera exclusivement des activités commerciales.
Sources : « Les grandes mesures (1920-1925) », dans Nos racines, no 124, 1982, p. 2461-2466; R. Prévost, S. Gagné et M. Phaneuf, L’histoire de l’alcool au Québec, 1986, p. 71-144; M. Perron, « De la Commission des liqueurs à la Société des alcools », dans Cap-aux-Diamants, no 44, 1996, p. 44-46 et 51-52; voir aussi J.-L. Gagnon, Les apostasies, t. 1, 1985, p. 172-175.
VieilliBoisson rafraîchissante non alcoolisée.
2022, TLFQ, Bouteilles de boissons gazeuses (« liqueurs ») [photo].(Spécial.). Cour.(Emploi critiqué). Liqueur ou liqueur douce, rareliqueur gazeuse : boisson gazeuse, sucrée et aromatisée.
Bouteille, canette, verre de liqueur. Fontaine à liqueurs.
Une liqueur, de la liqueur : un verre, une canette ou une bouteille de ce type de boisson.
Commander, boire, prendre une liqueur. Une caisse de liqueurs.
Fam.Machine à liqueurs : distributeur de boissons gazeuses (en bouteilles ou en canettes).
SYN. boisson gazeuse.
Rem.Le mot soda, qui est utilisé en France et qui est accepté par l’OQLF parallèlement à boisson gazeuse, lequel est le terme normalisé (voir OLF-Avis4, no 210), n’est pour ainsi dire pas en usage dans la langue courante au Québec.
Les liqueurs d’été. – Après la guerre à l’alcool, la guerre aux rafraîchissements. Voici le fait bizarre que constatait ces jours-ci une personne digne de foi. Elle-même accablée par la chaleur, s’arrêtait à l’une de ces buvettes parfaitement orthodoxes, où l’on verse au consommateur les breuvages doux ayant tous nom anglais : ginger ale, ginger beer, ginger pop. À peine eut-elle achevé de déguster un bock de cette dernière décoction qu’une affreuse nausée la prit. [...] La nature se refusait à supporter la liqueur dite bienfaisante. [...] Ce singulier concours de circonstance [sic] indique que, par ces temps caniculaires, on ne saurait user trop de prudence avec les liqueurs glacées. Les limonades mêmes [sic] quand on les glaces [sic], demandent à être faites avec de l’eau bouillie disent les gens prudents. 1883, La Gazette de Joliette, 28 juin, p. [3].
– Tu vois les câbles des cloches qui pendent en arrière de l’église? Va sonner les cloches, et je te donne cinquante cents. [...] Cinquante cents, sais-tu que ça fait dix bouteilles de liqueur? 1943, F. Leclerc, Adagio, p. 68-69.
– Geneviève, pendant que nous démolissons, je voudrais que tu fasses deux choses : d’abord choisir l’emplacement où tu voudrais la nouvelle remise... [...] Ensuite, fais-nous, si tu veux, un grand pot de liqueur froide que nous pourrons boire pour nous rafraîchir quand le soleil sera plus haut... 1951, Y. Thériault, Le dompteur d’ours, p. 88.
Là, le gars s’organisait un petit bal à l’huile le samedi soir et puis il emmenait l’accordéon et puis le violon, pis ça commençait à danser des danses carrées dans la rue. Et puis, il allait chercher de la liqueur, des jumbos, comme qu’on dit là, des grosses bouteilles dans le temps, et puis il passait de la liqueur. 1964 env., Montréal, AFEUL, P. Perrault 1279 (âge de l’informateur : n. d.).
– Rose Ouimet : Moé, j’commence à avoir soif! – Germaine Lauzon : Mon Dieu, c’est vrai, les liqueurs! Linda, passe donc les cokes! 1968, M. Tremblay, Les belles-sœurs, p. 55.
C’était une belle jeunesse. On pouvait encore se rendre malade pour moins d’un dollar en consommant hot dogs, liqueurs douces (ah oui! la bière d’épinette Christin, l’orangeade Nesbitt) et patates frites dans un sac en papier! 1992, La Presse, Montréal, 12 juin, p. A9.
Histoire
1Depuis 1664. Les dictionnaires des XVIIIe et XIXe s. attestent que l’emploi de liqueur en France, en parlant d’une boisson alcoolique, était plus large que de nos jours où il ne se dit plus, en pratique, que d’un alcool sucré (v. Dupiney 1864 : « On désigne sous ce nom toutes les boissons alcooliques obtenues soit directement par la fermentation, soit en mélangeant avec l’alcool diverses substances aromatiques, auxquelles on associe fréquemment une certaine quantité de sucre »; v. aussi Féraud 1787). Mais le fait que liqueur se soit généralisé au Québec avec une valeur collective en parlant de toute boisson alcoolique et se soit spécialisé en parlant de boissons fortes comme le brandy, le whisky, le rhum, le gin, etc., s’explique par l’influence de l’anglais liquor (v. Gage 1984 : « an alcoholic drink, such as brandy, gin, rum, or whisky »; Webster 1986 : « a usu[ally] strong distilled alcoholic beverage (as whiskey, rum) rather than a fermented one (as wine, beer) »; Collins 1992 : « any alcoholic drink, esp[ecially] spirits, or such drinks collectively »; le mot liqueur est de nos jours attesté en France, dans la langue commerciale, en parlant de ces mêmes alcools, v. Robert 1985, sens IIa). Notre documentation permet de constater que liqueur pouvait déjà s’employer dans un sens large sous le Régime français (voir notamment les exemples de 1664 et de 1758), et qu’il se disait sans doute, de façon particulière, en parlant d’un alcool sucré comme le suggèrent les passages suivants : Une petite tasse de cristal a boire liqueurs avec son estuy de cuir (BAnQQ, Québec, gr. L. Chambalon, 13 juin 1701, p. [6]); deux cents soixantes douze fiolles de licœurs differantes tenant environ chaceune demiar (BAnQQ, Québec, gr. Fl. de Lacetière, 3 octobre 1702, p. [56]). Sous le Régime anglais, le mot a été associé peu à peu aux alcools non sucrés qui faisaient partie des habitudes des Anglo-Saxons (brandy, rhum, whisky, gin, etc.). L’évolution des valeurs qu’a prises le mot liqueur au Québec est donc associée à la rencontre des deux cultures, française et anglaise, qui ont façonné la personnalité des Québécois. À époque récente, l’influence de l’anglais s’est fait sentir de façon plus marquée dans le vocabulaire entourant la réglementation du commerce de l’alcool, le Québec ayant connu dans la première moitié du XXe s., comme le Canada anglais et les États-Unis, la prohibition, la lutte à la fabrication clandestine et le commerce illicite d’alcool. Ainsi, l’expression Loi des liqueurs rappelle l’anglais nord-américain Liquor Law (v. Craigie, Mathews); l’organisme appelé Commission des liqueurs, créé en vertu de cette loi, est appelé Liquor Commission (ou Liquor Control Board) ailleurs au Canada (v. VinDict s.v. liquor, RobMan1 31); cp. encore magasin des liqueurs et l’anglais nord-américain liquor store (v. Collins 1992, DictCan). 2Depuis 1883. Au sens de « boisson rafraîchissante non alcoolisée », liqueur a eu cours en France, notamment dans les expressions liqueur fraîche ou liqueur rafraîchissante, du XVIIe au XIXe s. (v. FEW liquor 5, 371a, Fur 1690-1727, Besch 1847-1892, Littré); le sens du mot s’est élargi de façon naturelle au Québec pour englober les boissons gazeuses (l’exemple de 1883 montre bien cette transition). Quant à l’appellation liqueur douce, elle est également bien attestée en France au XIXe s., mais au sens de « boisson alcoolique plus légère ou sucrée (souvent par oppos. à liqueur forte) » (v. par ex. Besch 1847-1892, Poitevin 1856, Larousse 1866, Académie 1878); cet emploi était en usage également au Québec (attesté depuis 1832 jusqu’aux années 1940), comme en fait foi le passage suivant : M. girouard cite une foule d’exemples [...] pour démontrer que les liqueurs alcooliques ont été la cause du mal, tandis que les liqueurs douces ne produisent aucun mauvais résultat. Il propose en amendement que la bière, le porter, le cidre, le claret et les autres vins légers ne soient pas compris dans l’opération de la loi Scott. (L’Événement, Québec, 10 juin 1887, p. [2]). Au sens de « boisson gazeuse » (depuis 1905, dans Le Travailleur, Chicoutimi, 14 septembre, p. [4]; annonce), liqueur douce résulte d’une extension sémantique à partir de cet emploi du français, extension attribuable en partie au fait que liqueur avait déjà pris le sens de « boisson gazeuse » et en partie sans doute à l’influence de l’anglais soft drink, de même sens (v. OED-Suppl 1986, s.v. soft, sens 25b, « orig[inally] dial[ectal] and U.S. »; Nelson 1997). Il ne s’agit donc pas strictement d’un calque de l’anglais, selon l’explication qu’on en a parfois donnée (v. par ex. BarbRam 121, Multi 1992, Colpron1-3), puisque l’appellation liqueur douce était déjà en usage et que le français liqueur ne peut être considéré comme une traduction de l’anglais drink.