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ABUSER [abyze]
v.

1

v. tr. dir. et ind. Profiter de la position d’infériorité, de faiblesse physique, de vulnérabilité d’une personne (p. ex. un mineur, une personne âgée) pour la maltraiter, l’exploiter.

Abuser (physiquement) qqn, de qqn.

SYN. agresser (physiquement).

Rem.Usité notamment par les travailleurs sociaux et les psychologues.

Afin de démontrer jusqu’à quel point on abuse des enfants dans certaines parties des Etats-Unis, nous mettons sous les yeux de nos lecteurs les quelques lignes suivantes que nous extrayons d’une revue ouvrière : « Dans nos fabriques du Nord et du Sud, dans les « sweat shops » de New-York, dans les fabriques de verre de New-Jersey […], des milliers de petits enfants Américains [sic], sont écrasés et mutilés, rabougris […]. » 1910, Le Soleil, Québec, 21 octobre, p. 6.

Certainement qu’il y a une loi pour empêcher les maris d’abuser de leurs femmes et de les maltraiter et insulter comme le font malheureusement trop d’hommes, qui se croient rois et maitres chez eux. 1959, La Presse, Montréal, 1er octobre, p. 14.

Marie-Ève X... n’a que quatre ans. Il y a déjà huit mois, on avait signalé à la Direction de la protection de la jeunesse que ses parents en abusaient physiquement et avaient à son endroit une attitude inadéquate. 1987, Le Soleil, Québec, 14 mai, p. A1.

La personne la plus susceptible d’être abusée ou violentée, selon le portrait-robot tracé en 1981, est la femme de 70 ans, demeurant en institution publique et dont la mobilité est réduite. 1987, Le Journal de Québec, 14 mai, p. 12.

Il y a quatre ans, je n’étais plus en mesure de m’administrer. Des gens abusaient de moi financièrement et j’avais droit à des menaces physiques et verbales. 2005, La Quête : journal de la rue, Québec, octobre, p. 18.

 VieuxMaltraiter, rudoyer (un cheval).

Rem.Attesté jusque dans la première moitié du XXe siècle.

Un animal peut avoir un défaut permanent et ne souffrir aucune douleur, et il est douteux si un cheval dont les os percent la peau souffre plus qu’un cheval sain, dont la tête est toujours maintenue dans une position gênante par une courroie ou qui ne peut plus chasser les mouches parce qu’on lui a coupé la queue. L’agent porte trop souvent son attention sur le cheval du pauvre pendant que l’homme riche ou populaire peut abuser de son cheval comme il lui plait. 1891, L’Étendard, Montréal, 20 juin, p. [3].

v. tr. dir. VieilliMalmener (qqn) en paroles.

C’est un polisson qui m’a abusé. (Dionne; voir aussi Bélisle1‑3).

Rem.Relevé un peu partout au Québec au début du XXe siècle (FSPFC).

 Abusé, abusée adj. et n. (Enfant, adolescent, personne âgée, etc.) qu’on a abusé.

L’ex-député de Richelieu [M. Guévremont] était à la tête de sa bande avec un huissier de Berthier ! Les partisans de M. Sincennes se rangèrent autour de la propriété de ce M. L’huissier approcha pour entrer ; M. …. au nom du parti l’arrêta et lui demanda ce qu’il voulait ; signifier un avis répondit ce dernier ; c’est bien dit M.… entrez seul […]. Aussitôt les bullies de M. Guévremont brandirent leurs bâtons ; ils poussèrent des cris ; l’huissier leur cria ; attendez, nous allons nous entendre ; mais un écervelé partisan de M. Guévremont cria tue ! aussitôt [sic] la mêlée devint générale et offrit un affreux spectacle […]. Nous avons beaucoup regretté d’apprendre qu’un grand nombre de ces pauvres gens ainsi abusés sont blessés et quelques uns [sic] dangereusement. 1858, Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 26 janvier, p. [2].

 Abuseur, abuseuse n. m. Personne qui commet un abus physique.

 Abusif, abusive adj. Qui commet un abus physique.

Un parent abusif.

2

v. tr. dir. et ind. Profiter de sa position d’autorité, de son ascendant ou de sa supériorité physique sur une personne pour l’entraîner à des activités à caractère sexuel.

Un père de famille qui abuse ses enfants. Un professionnel qui abuse sexuellement d’une cliente.

SYN. agresser (sexuellement).

Rem.Usité d’abord par les travailleurs sociaux, les psychologues, etc., cet emploi s’est répandu dans la langue générale.

[…] elle fit la connaissance d’un individu dont nous taisons le nom pour le moment, qui profita de son inexpérience pour en abuser lâchement. Son séducteur était alors locataire d’une boutique de barbier sur la rue Dupré. L’enfant continua de fréquenter la boutique en question, même lorsqu’un nouveau locataire vint s’y établir […]. Celui-ci, comme son prédécesseur, ne se fit aucun scrupule de la donner en pâture à ceux de ses compères qui voulurent en abuser. [/] Le propriétaire de la boutique a dû être arrêté […], car un bref a été émis contre lui, l’accusant de tenir une maison de désordre. 1889, L’Électeur, Québec, 19 janvier, p. [4].

Le sergent Proulx […] a arrêté Louis Levesque […] et Louis Côté pour avoir odieusement abusé de jeunes enfants qu’ils entraînaient dans une maison de la rue St-Dominique […]. [/] Côté a été condamné […] à trois ans de pénitencier et cinquante coups de fouet. 1891, La Justice, Québec, 10 décembre, p. [4].

Une de ses anciennes ma[ît]resses, Mme X…, l’accusait d’avoir abusé de sa fille, enfant de dix ans. La fillette, interrogée, avait confirmé le dire, donnant force détails sur la violence dont elle aurait été l’objet dans la maison de sa mère et sur les relations ultérieures qui s’en seraient suivies entre elle et son séducteur. Un examen médical rendait vraisemblable le récit de l’enfant. 1892, La Presse, Montréal, 20 octobre, p. [1].

Un père [de] famille, de Granby, a été condamné à cinq ans de pénitencier pour avoir abusé sexuellement d’une de ses filles et d’avoir attenté à la pudeur d’une autre. 1958, La Tribune, Sherbrooke, 15 février, p. 5.

Mon père nous abusait sexuellement, tu sauras. Mes frères et mes sœurs avec. Si on voulait pas : l’école de réforme. Le plus vieux de mes frères y est allé. C’est pire qu’à la maison, le sexe. 1973, J.‑J. Richard, Centre-ville, p. 97.

Les filles [mineures qui se prostituent], étant souvent très tôt abusées sexuellement par un des membres de leur famille (particulièrement leur père), apprennent, de par la honte et la perte d’estime qui en résultent, la place inférieure qu’elles doivent occuper dans la société. 1985, F. Alarie, La prostitution des mineurs, Intervention, no 71, p. 87.

La fille et moi  [un jeune adolescent], on a pris du hasch ensemble. Comme elle était déjà saoule, elle avait plus ou moins sa conscience. Je pourrais pas dire lequel a abusé de l’autre! 1991, M. Dorais, Tous les hommes le font, p. 43.

Ce déchirement qu’elle [une femme de cinquante-trois ans] vit intérieurement lui fait aussi rappeler des souvenirs très douloureux. Le fait d’avoir été abusé [sic] sexuellement dans des conditions humiliantes a fortement contribué à lui faire perdre l’estime d’elle-même. 2020, L’Initiative, Saint‑Laurent, mars, no 73, p. 6.

 Abusé, abusée adj. et n. (Enfant, patient, etc.) qui a été abusé.

 Abuseur, abuseuse adj. et n. (Personne) qui commet un abus sexuel.

Un abuseur d’enfant.

Les deux professionnels ont de plus révélé que les délits commis par les adolescents abuseurs se résument généralement à trois grandes catégories, tout comme pour les adultes : le viol, l’inceste et la pédophilie. 1988, Le Soleil, Québec, 19 octobre, p. A2.

Une mère abuseuse pourrait se retrouver derrière les barreaux [titre]. 2020, Le Journal de Québec, 20 novembre, p. 15.

 Abusif, abusive adj. Qui abuse (un enfant, un patient, etc.).

Un parent abusif.

 Qui a le caractère de l’abus.

Comportement, acte abusif.

Histoire

1Depuis 1910 (abuser un enfant « le maltraiter », depuis 1927, Blanch4); emploi qui s’est raffermi dans l’usage depuis le début des années 1980. D’après l’anglais to abuse, de même sens (v. Webster 1981, Random 1983 et OED (en ligne), 2020‑12). Les sens de « malmener (qqn) en paroles » (depuis 1865, BlBarb‑3) et de « maltraiter, rudoyer (un cheval) » (depuis 1891) sont des emprunts sémantiques à l’anglais. Abusé (depuis 1858) est à rattacher à l’anglais abused (v. OED (en ligne), 2020‑12). Abusif (en parlant de qqn qui commet un abus physique) est à rattacher à l’anglais abusive (v. Webster 1993 et Random 1983). 2Depuis 1889. À rattacher au sens de « posséder sexuellement, violer qqn », attesté en français depuis le XIVe s. (v. FEW abusus 24, 61b et TLFi, s.v. abuser). Cet emploi a sans doute été renforcé au Québec sous l’influence de l’anglais to abuse « to commit indecent assault on » (Webster 1993.), comme c’est le cas en France à partir des années 1970 (v. Robert en ligne, 2020‑12); la construction tr. dir. abuser (sexuellement) qqn témoigne d’ailleurs de cette influence probable. En dépit de leur absence de plusieurs dictionnaires du français actuel (p. ex., absent du PLar 2021), les emplois de abuser, abusé et abuseur paraissent usités en Europe par les intervenants sociaux francophones (v. p. ex. Femina, 25 septembre 1988, p. 22).

Dernière révision : mai 2021
Trésor de la langue française au Québec. (2021). Abuser. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 26 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/abuser