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VASER [vɑze]
v.

I
1

Vieilliv. tr. Salir, couvrir (qqn, qqch.) de vase, de boue.

 v. pron. Se salir, se couvrir de vase, de boue; s’y enfoncer.

De la station de la gare à l’Église il y a un peu plus d’une lieue de distance. Nous disons à l’honneur des cultivateurs de St. Augustin que rarement nous avons parcouru un si beau chemin; il n’y avait que quelques jours que la neige était disparue, et nous pouvions marcher sur la route sans même nous vaser. 1882, La Gazette des campagnes, Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 1er juin, p. 347.

Il est impossible de passer à cet endroit, après quelques instants de pluie, sans se vaser jusqu’aux genoux. La couche de tuf rouge qui couvre le chemin devient une véritable pâte à la [sic] moindre orage. 1897, L’Événement, Québec, 4 juin, p. 1.

Y a passé un [sic] auto qui m’a tout vasé. 1930, La Société du parler français au Canada, Glossaire du parler français au Canada, p. 690.

v. intr. Fig., rare Ne pas parvenir à se sortir d’une situation difficile ou confuse, patauger dans celle‑ci.

Voter pour [un parti politique], c’est continuer à vaser dans le système fédéral, c’est continuer à quémander. À foirer. [Un chef de parti] semble l’ignorer. Advenant qu’il soit porté au pouvoir, il s’y enlisera lui aussi. 2002, La Tribune, Sherbrooke, 1er octobre, p. A6.

 VieilliVasé, vasée adj. Sali, couvert de vase, de boue; enfoncé dans la vase, dans la boue.

Le foin peut être sec ou cassant, ce qui arrive lorsqu’il est resté trop longtemps exposé au soleil, ou lorsqu’il est trop vieux. […] Le foin peut encore être vasé, c’est-à-dire couvert de boue à la suite des débordements; cette altération est d’autant plus préjudiciable que la plante a été lavée et privée de ses sucs nutritifs. 1883, La Gazette de Joliette, 16 novembre, p. [1].

Une voiture vasée. 1930, La Société du parler français au Canada, Glossaire du parler français au Canada, p. 690.

Il nous faut donc marcher 2 heures durant dans la boue [...]. Enfin, nous arrivons à Gusa, à 5 heures du soir, harassés de fatigue et vasés jusqu’au cou. 1940, La Presse, Montréal, 4 mai, p. 36.

J’ai alors reculé de quelques pas tout en criant à mes fils : « Venez voir, c’est un petit d’orignal qui est pris dans un trou de vase. » […] La petite bête était en effet là, enfoncée jusqu’au cou et à la proie des mouches. […] Nous lui avons alors passé un câble au cou et nous avons essayé de la sortir par les oreilles. Ce fut toutefois peine perdue puisque les oreilles étaient vasées donc trop glissantes. 1974, P. Plourde, Progrès-dimanche, Chicoutimi, 4 août, p. 8C.

2

Rural, technique v. tr. (Parfois employé absol.). Épandre des semences à la volée au printemps, sur un sol encore partiellement gelé ou vaseux, en vue de réparer certains dommages survenus sur la surface durant l’hiver.

Vaser une prairie.

On peut vaser sans crainte [sous-titre] Le cas qui nous intéresse aujourd’hui est la réparation d’un pâturage ou d’une prairie qui aurait subi des dégâts en certains endroits au cours d’un printemps difficile. Certains vont craindre que les graines ainsi semées aient peu de chances de germer et de s’enraciner. 1973, Le Bulletin des agriculteurs, mars, p. 53.

Vasez, vasez, vos prairies y gagneront toujours quelque chose! [titre] […] Une méthode prometteuse pour celui qui désire procéder à des réparations dans ses prairies est le vasage. On peut le définir comme étant l’action d’ensemencer, sans préparation préalable, un sol non ressuyé des eaux provenant de la fonte des neiges. 1977, Le Bulletin des agriculteurs, février, p. 48.

Vaser ou pas, question de persistance [titre] […] Une question nous interpelle à chaque année : les prairies ont-elles survécus [sic]? Bien que les indices nous portent à croire que nous serons épargnés, il y aura des prairies de foin qui donneront des signes de ralentissement. Devons-nous les vaser ou carrément les ressemer? Vos besoins en fourrages vous donneront une bonne partie de la réponse. 2013, S. Payette, Vaser ou pas, question de persistance, Novago Coopérative (site Web), 7 mars.

 (Dérivé). Rural, techniqueVasage n. m. Technique agricole consistant à épandre des semences à la volée au printemps, sur un sol encore partiellement gelé ou vaseux, en vue de réparer certains dommages survenus sur la surface durant l’hiver.

SYN. sursemis.

Le « vasage » ou semis des plantes fourragères dans la boue au printemps, sans plante-abri, ne convient pas partout et de plus, il ne fournit qu’une demi‑récolte la première année, là où il réussit. Les essais de « vasage » faits dans nos régions ne nous permettent pas de le conseiller. 1962, Le Bulletin des agriculteurs, septembre, p. 31.

Le semis de la légumineuse […] par vasage : Semis sans préparation du sol, à la volée sur sol gelé, très tôt au printemps. L’action du gel et du dégel fait pénétrer la graine dans le sol. 1977, Mainmise, no 71, p. 29.

Quand les conditions hivernales sont difficiles, il n’est pas rare de voir la luzerne mourir sur de grandes superficies, ce qui affecte énormément les rendements des champs et la qualité de la récolte. Certains pratiquent le sursemis, qui consiste à semer des plantes fourragères dans les zones dégarnies en préservant le plus possible la végétation qui est déjà en place. Cette technique permet de maintenir la productivité de parcelles en difficulté. Le sursemis peut se faire sur sol gelé; certains parlent alors de « vasage ». 2015, La Terre de chez nous, Longueuil, 2 septembre, p. 30.

Les réserves de fourrages sont à un niveau très bas dans certaines régions. Avec le printemps qui arrive rapidement, voici quelques solutions possibles. […] Le vasage d’une prairie partiellement détruite peut être une solution. Le semis doit s’effectuer tôt au printemps à la volée, idéalement lorsqu’il y a des cycles de gel‑dégel. 2019, L. Beaumont, Aurez-vous besoin de fourrages d’urgence?, Le Coopérateur (site Web), 1er mai.

3

v. pron. Vieilli, région.(surtout dans l’est du Québec et en Acadie). S’enfouir dans la vase pour hiverner (en parlant d’un poisson, général. d’une anguille).

Rem.On emploie aussi s’envaser en ce sens, variante en usage en France.

Il n’y a point d’inconvénient à prendre l’Anguille au flambeau, ni avec des nasses, ni dans l’hiver sur la glace, mais il y en a de la tuer à marée basse avec des bâtons, parceque [sic] cela les éloigne; […] il ne faudroit pas non plus la prendre dans l’automne vers le mois d’Octobre d’aucune manière, parcequ’alors [sic] elle va se vaser pour se peupler. 1823, Chambre d’assemblée du Bas‑Canada, Procédés d’un comité spécial, nommé mercredi, 15e janvier 1823, sur le bill pour mieux régler les pêches dans le district inférieur de Gaspé, p. 5.

– La fouine [= foène « sorte de harpon »] a les dents croches pour accrocher l’anguille qui se vase l’hiver. – Ah !... et le nigog? [/] Non, tout de même, il exagérait. Avec un nigog, on harponne, ça se dit tout seul. 1977, A. Maillet, Les Cordes-de-Bois, p. 250.

Les nigogueux [= pêcheurs au harpon appelé nigogue] utilisent cet outil [la nigogue] l’automne, l’hiver et le printemps, alors que l’anguille se vase dans le fond des rivières. 1979, J.‑Cl. Dupont, Histoire populaire de l’Acadie, p. 370.

 (Dérivé). Vieilli, Acadie Vasé, vasée adj. Enfoncé dans la vase (en parlant d’un poisson, général. d’une anguille).

L’anguille vasée se prend au harpon. 1916, P. Poirier, Mémoires de la Société royale du Canada, 1917, série 3, t. 10, p. 356.

II

Fig.v. intr. Tenir un discours creux, vague, obscur.

 Pérorer.

Il y avait dans ce programme, déclamait Ariste, de quoi plaire à tous et ne déplaire à personne : la plus grande vertu possible pour un programme. […] En effet, il était excellent, le pianiste, vasait encore Ariste. 1945, Le Quartier latin, Montréal, 23 novembre, p. 5.

Ils [des députés] n’ont pas nié en bloc tout le document, mais ils ont dit […] que dans l’ensemble tout était dans un style « vaseux » et qu’ils ne comprenaient pas très bien où voulait en venir l’auteur […]. « C’est terrible d’agir de la sorte, de lancer des insinuations aussi tendancieuses. Qu’il ait le courage de faire des déclarations précises et non de vaser pour tenter de ternir la réputation de citoyens honnêtes. » 1965, Le Soleil, Québec, 14 octobre, p. 23.

Trop souvent un conférencier se présente à la table d’honneur d’une association ou d’un groupement quelconque sans être porteur d’aucun message régénérateur! Il se contente alors de pérorer ou de « vaser » à côté d’un sujet connu et épuisé... 1966, L’Union des Cantons de l’Est, Arthabaskaville, 16 février, p. 4.

C’est même plutôt regrettable de débourser 170 $ pour me rendre compte que j’ai mieux à faire que de perdre trois heures par semaine en classe. J’ai aussi subi des cours dont les contenus étaient étrangement semblables, parce que donnés par le même enseignant. J’ai écouté vaser des profs désabusés, complètement déconnectés de leur matière. J’en ai vu des vertes et des pas mûres. 1995, Le Devoir, Montréal, 14 mars, p. B4.

 (Dérivé). Vasage n. m. Discours creux, vague, obscur.

 Fait de tenir un tel discours, de pérorer.

Plusieurs – et des gens du meilleur monde, ma foi! – croient que la culture s’indentifie [sic] avec la connaissance des « Beaux Sujets » qui font décor de salon […]… La pâmoison devant quelque croûte d’avant-garde, la claque convenue au concert du printemps, la lecture du dernier livre à la mode, quelques mots d’esprit sur les vertus de la bombe atomique, du « vasage » sur les problèmes internationaux et la fréquentation de quelques intellectuels stériles en « perpétuelle » gestation, voilà ce qui aux yeux d’un certain monde fait la culture. 1948, Le Canada, Montréal, 11 décembre, p. 10.

L’ingénieur est préoccupé par le fonctionnement de mécanismes concrets et est habitué à poser des questions précises tout en tentant d’obtenir des réponses toutes aussi précises. En ce sens il peut arriver qu’il soit, dans certain type de rencontre, agacé par le « vasage » inévitable qu’on y entend. 1985, L’ingénieur, Montréal, no 369, p. 15.

Si le ministre avait fait les mêmes efforts, peut-être qu’on ne serait pas dans le pétrin où on est aujourd’hui, s’il avait pris des décisions l’an passé, ce qu’il n’a pas fait. Et le ministre peut sortir de son texte! Les gens, ce qu’ils attendent aujourd’hui, M. le ministre, ce sont des réponses claires, pas du « vasage ». Il est permis de sortir de son texte et de nous répondre. 1991, Journal des débats de l’Assemblée nationale : 34e législature, 1re session, vol. 31, no 85, 15 novembre, p. CET‑4161.

Questionnée sur ce qui la différencie des autres candidats, […] [une politicienne] croit que sa « transparence » va plaire aux militants. « Moi, je ne suis pas dans le ‘vasage’ mais dans des réponses claires. J’ai aussi une approche clairement progressiste. Pour moi, c’est important. […] ». 2015, Le Droit, Ottawa-Gatineau, 2 février, p. 15.

Histoire

De vase.

I1Depuis 1882. Probablement hérité des parlers de France, du moins pour ce qui est de la forme : cp. mes prés vont vaser « s’envaser (par suite d’une inondation) » en Normandie (v. RobNorm). L’adjectif vasé « sali, couvert de vase, de boue » (depuis 1883) est signalé en français de France depuis le début du XIXe s., mais en parlant de l’herbe, du foin ou d’une prairie qui, par suite d’une inondation, se trouvent couverts d’un dépôt terreux ou limoneux (v. FEW ancien bas‑francique *waso 17, 545a; Quillet 1974); emploi attesté également en normand (v. FEW id. et MoisyNorm). 2Vaser, attesté depuis 1973, et vasage, attesté depuis 1962, appliqués au contexte agricole, paraissent tous deux être des innovations du français québécois. 3Depuis 1823. Cet emploi, présent surtout en Acadie (v. PoirierG), a été relevé en Bretagne française (v. VivNant). Vasé, depuis 1917.

IIDepuis 1945; vasage « discours creux », depuis 1948. Ces emplois, qui semblent être des innovations québécoises, sont probablement à mettre en relation avec l’adjectif français vaseux « obscur, difficile à comprendre (en parlant d’un texte) » (v. FEW id.); v. aussi TLF, qui donne les définitions « qui est embarrassé, obscur, confus » (en parlant d’une chose abstraite, comme un discours ou un raisonnement) et « très médiocre et confus », en citant des auteurs français du XXe s.

 s’envaservasevaseux, vaseusevasière.

Dernière révision : janvier 2023
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Trésor de la langue française au Québec. (2023). Vaser. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 28 mars 2024.
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