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TUQUE [tyk]
n. f.

Rem.

Aussi prononcé [tyRk] dans certaines régions (notamment dans Charlevoix, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord et dans le Bas-du-Fleuve; v. PPQ 1946B et Lavoie 2627 et 2636), mais cette prononciation est vieillie.

I
1

Bonnet de tricot souvent à revers, traditionnellement en forme de cône allongé, souvent muni d’un gland ou d’un pompon à l’extrémité, mais qui, de nos jours, peut épouser plus ou moins la forme de la tête. 

Tuque de laine. Tuque à pompon. Tuque pour enfant. Mettre sa tuque. Ôter, enlever sa tuque. Oublier, perdre sa tuque. Tricoter une tuque et des mitaines. Enfoncer sa tuque jusqu’aux yeux.

 (Comme pièce propre à une activité physique ou pièce faisant partie d’un uniforme). 

Tuque de hockey, de ski. Tuque (rouge) du Carnaval. VieuxTuque de raquetteur

Rem. Traditionnellement, la tuque était surtout portée par les hommes et les enfants.

Item une tuque rouge et bleue demie uzé estime a trois livres sy[.] 1726, Trois-Rivières, BAnQQ, AJTR, fonds Cour supérieure (district judiciaire de Trois-Rivières), greffe D. Normandin (CN401, S70), 7 février.

regis doit à francheville 3 ƚƚ [livres] pr [= pour] une tuque. et à metayer 24 ƚƚ payables en blé d’inde au convoi de 1749, le tout pr 2. chemises de coton[.] 1748, dans Rj 70, p. 26.

Il ni à point de patois dans ce pais-ci : tous les canadiens parlent français de même que nous à la reserve de quelques mots qui leurs sont particuliers[,] les quels ils ont empruntez pour la plupart des matelots […]. Ils en ont aussi forgé quelques-uns; comme par exemple une tuque ou une fourole pour dire un Bonnet de laine rouge dont ils se servent ordinairement […]. 1793 env., J.‑B. d’Aleyrac, Suitte des Mémoires militaires de la guerre, campagnes et remarques faites en canada ou la nouvelle France, BAnQQ, fonds Jean Baptiste d’Aleyrac (ZF8), p. 82‑83 [ms.].

[…] la porte s’ouvrit pour laisser entrer Marichette, et le Monsieur de la ville qui passait pour son cavalier. Aussitôt chacun se tut, autant par curiosité que par politesse. Le père Morelle se leva, éteignit sa pipe avec son doigt, la serra précieusement avec sa blague de peau de loup-marin, mit sa tuque sous son bras, et s’avançant vers le jeune étranger, lui serra cordialement la main. 1853, P.‑J.‑O. Chauveau, Charles Guérin, p. 118.

La neige précède dans le sentier le chasseur solitaire; elle adoucit le vermillon de sa tuque, gagne pour lui des épaulettes, raidit les poils de ses moustaches, lui colle des cils au coin des yeux; elle tend des pièges sous ses pas, s’embusque au bout des rameaux verts pour le souffleter, et, quand il est passé, se hâte d’effacer la trace ovale des raquettes. 1920, frère Marie-Victorin, Croquis laurentiens, p. 297‑298.

Tuques de hockey pour Garçons [/] Tuques de hockey tout [sic] laine, en plusieurs teintes. Prix, samedi… 49c. 1929, Le Droit, Ottawa, 20 décembre, p. 9 (annonce).

Le petit garçon de neuf ans, il tremblait, pis il pleurait. Ils l’avaient fait mettre dans le milieu, pis ils avaient rien que des petites frocs sur eux autres, de laine, de laine du pays, là, et puis des mitaines, et puis, ils appelaient ça des turques [= tuques], des bonnets, là, pis tricotés. 1948, Sainte-Marie (Beauce), AFEUL, L. Lacourcière 620 (âge de l’informatrice : 88 ans). 

En sortant de l’église, nous trouvâmes le soleil. Quelques badauds se tenaient de l’autre côté de la rue. Soudain j’aperçois une sorte d’énergumène, les genoux raides, les oreilles décollées, une tuque sur le derrière de la tête, qui fait de grands pas ouverts et marche de la façon la plus drôle. 1962, J. Ferron, Cotnoir, p. 98.

Des heures passent sans mettre le nez à la maison, des après-midi à jouer dans la neige malgré des froids souvent violents, parfois au beau milieu de tempêtes aveuglantes. Nous devenions, ces jours-là, de véritables bonshommes de neige ambulants. Nos tuques, nos foulards, nos coupe-vent, nos mitaines, nos culottes de neige, tout notre linge était enduit de neige motonneuse bien agglutinée. 1972, Cl. Jasmin, La Petite Patrie, p. 61.

Tuques de ski pour dames [/] Pure laine vierge. Vaste choix de couleurs. 1981, La Voix de l’Est, Granby, 21 janvier, p. 22 (annonce).

Je mets mes mains en porte-voix : « Envoye, dépêche, on est en retard! » Jamais il ne se mettrait à courir pour me rejoindre plus rapidement, pour me faire plaisir, pour nous empêcher d’arriver au théâtre en retard, non, il se contente de presser un peu le pas, la tuque bien plantée sur la tête, le pompon raide et, certainement, le sourire aux lèvres puisqu’il sourit chaque fois que je crie d’impatience. 1992, M. Tremblay, Douze coups de théâtre, p. 77.

Il n’y a pas grand-chose de plus agréable que de marcher dans la neige, bien emmitouflé. Gare à ceux qui se plaignent de l’hiver, ils n’ont sans doute pas le bon attirail pour affronter le temps froid. Pour emmailloter un être cher avec style et confort, voici quelques idées de tuques, foulards et mitaines! 2013, M. Leblanc, La Presse, Montréal, 23 novembre, p. 2.

Je suis descendu avec papa à la cave. Nous avons ouvert le coffre et il m’a habillé. Des pantalons doublés, une tuque en laine qui sentait la boule à mites, des mitaines. Nous sommes sortis. Maman m’a montré à faire des anges dans la neige, j’ai lancé des boules sur les troncs des arbres, puis, papa a voulu me faire manger de la neige. Je croyais qu’il se moquait de moi. 2016, J.‑F. Létourneau, La neige, Moebius, Montréal, no 149, p. 69.

En ce premier mois de l’année, le fameux mois des résolutions, je nous invite à profiter de l’hiver au maximum. Dans les cinq municipalités du comté, nous avons la chance d’avoir accès à un large éventail d’installations. Enfilez vos bottes, vos tuques et vos mitaines pour jouir des activités extérieures offertes. 2022, Journal de Chambly, 12 janvier, p. 17 (lettre).

 Fig.

L’horizon ondule, sassant et ressassant la neige neuve. […] Les souches ont des tuques. Un bonnet recouvre les roches, frileuses… 1932, A. Nantel, Au pays des bûcherons, p. 135.

 Toque, bonnet de fourrure.

Tuque en vison, tuque de castor.

 casque.

Fourrure à vendre [titre] [/] […] manchon de mouton, tuque de vison et tuque de castor. 1912, La Patrie, Montréal, 19 octobre, p. 19 (annonce).

[…] superbe manteau en mouton de Perse, longueur 45, garni d’Alaska naturel $110; […] tuque en vison canadien $35. 1918, La Presse, Montréal, 23 décembre, p. 11 (annonce). 

Tuques de chat sauvage pour garçons [/] $11.95[.] 1924, Le bien public, Trois-Rivières, 6 novembre, p. 8 (annonce).

[Il] avait ôté sa tuque de castor qui le faisait ressembler à un de ces trappeurs des temps révolus. 1952, A. Rufiange, Le fou du village, Radiomonde, 28 juin, p. 22.

 Hist. La tuque bleue des Patriotes. 

 Par méton. Tuque bleue : Patriote de la période menant à la rébellion de 1837‑1838. Syn. de bonnet bleu.

Ma tante me dit que comme l’on s’attendait à voir paraitre [sic] les troupes, il me fallait quitter le village. Je voulus repliquer [sic], mais il fallut obéir. Déguisé en habitant, affublé de pantalons, gilet & veste d’étoffe du pays, « souliers de bœuf », & tuque bleue, le tout deux fois trop grand pour moi, je sortis par le jardin […]. 1972, A. Papineau, Journal d’un Fils de la liberté, t. 1, p. 96.

– La rebellion [sic] a été étouffée assez facilement au sud du St. Laurent, disaient les uns; mais elle prend des proportions formidables dans le Nord : on dit que dans le comté des Deux-Montagnes seul, il n’y a pas moins de deux mille patriotes sous les armes. [/] – Il n’y a pas assez de troupes dans Montréal pour les réduire, disaient d’autres, et le général Colborne hésitera avant d’aller les attaquer. [/] – Les Canadiens-français sont tous des lâches, dit un officier; dix mille tuques bleues ne tiendraient pas devant un régiment de soldats. 1865, G. Boucher de Boucherville, Une de perdue deux de trouvées, Revue canadienne, t. 2, p. 326‑327.

 Toponymie (Dans la Tuque ou La Tuque). Toponyme d’abord utilisé pour désigner un portage ou un rapide (la Tuque : 1823‑1824) situé sur la rivière Saint-Maurice, puis par la suite pour désigner un village dans la même région (La Tuque, devenu ville en 1911) et diverses autres entités géographiques. 

 Latuquois, Latuquoise n. propre. Personne qui est née, qui vit à La Tuque (depuis 1936). 

 Latuquois, latuquoise adj. Qui vient de La Tuque; qui se rapporte aux personnes ou à la ville de la Tuque. 

Une équipe latuquoise. La vie latuquoise.

 VieilliTuquon n. m. Tuque; petite tuque. 

Tuquon en laine.

Un homme […] laboure, abandonne un moment son travail, pour lever au bout du bras gauche un « tuquon » de laine, et saluer les amis en mauvais français. Il est mal rasé, affublé d’une chemise à gros carreaux, les reins ceints, comme on disait au collège, d’une ceinture genre fléché. 1934, Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 13 juillet, p. [1]. 

 RareTuquer v. tr. Mettre une tuque (à qqn).

 v. pron. Se couvrir la tête d’une tuque.

[…] plus on avançait moins on allait loin, on avait la face morveuse et la poudrerie nous enfonçait son dard par les oreilles. « Toé qui as la bronchite, y paraît, Baptiste, t’aurais ben dû te tuquer la tête un peu, pépère que t’es, en deux minutes tu vas avoir la souffle et y va falloir un crachoir comme à un hospiçeux! [ »] 1973, M.‑Cl. Blais, Un Joualonais sa Joualonie, p. 32.

En 2008, Dean a trouvé une nouvelle fonction à sa tuque de bison : le « tuquage ». Depuis, sa Tuque s’est baladée de tête en tête […] – Question : À qui faites-vous porter la célèbre Tuque de bison? – Réponse : Des joueurs de hockey […], des joueurs de football […], des musiciens […], des animaux […] Je prends une photo de chaque « tuquage » et je la mets ensuite sur mon site. – Question : Pourquoi « tuquer » les gens et les animaux? – Réponse : Pour le fun. Le monde trouve ça cute et ça les fait sourire. 2012, La Presse (site Web), Montréal, 2 avril. 

Orgueilleux, peut-être, ou amoureux, certainement, il s’emmitoufla et enleva ses pantoufles. Il prit son souffle et se chaussa. Il se guêtra, il s’enrubanna, il se tuqua, puis il partit à la marche et sans raquettes en direction de chez eux. Une demi-neuvaine de miles le mènerait au 6e rang, où il tournerait sur sa gauche. 2017, J.‑Ph. Chabot, Le livre de bois, p. 21.

 RareSe détuquer v. pron. Enlever sa tuque.

La dame vient de se « détuquer », ce qui me permet de mieux voir son visage. Elle a la cinquantaine avancée, les cheveux poivre et sel, et admirablement coiffés. Cela malgré le port du bonnet qui terrorise généralement les mises en plis, même les plus coriaces. 2014, J. Laferrière, Métro, Montréal, 18 février, p. 15.

Quand il finit d’arriver chez lui, […] Jacques Côté se désemmitoufla. Il se déguêtra aussi, se déchaussa, se désenrubanna, se détuqua et il expira enfin en ce qu’il ne mourut pas mais laissa d’avoir pris son souffle pour braver le froid tempêtueux du dehors. 2017, J.‑Ph. Chabot, Le livre de bois, p. 28.

 RareTuqué, tuquée adj. Qui porte une tuque.

Ce bouffon [Santa Claus] à l’œil et aux joues animées, à la barbe neptunienne, botté, tuqué et emmitouflé d’hermine, évoque bien plus un gai vivant […] que le serviteur docile et respectueux, le dispensateur des largesses du petit Jésus. 1935, Le Progrès du Saguenay, Chicoutimi, 3 janvier, p. [1].

Le cerbère « tuqué » compte de nombreux admirateurs. 1951, Le Soleil, Québec, 15 novembre, p. 36. 

Samedi gras : Veillée des tuques [titre] La Galerie du Nouvel-Ontario, en collaboration avec le Carrefour francophone, vous invite à son cinquième samedi gras, une soirée carnavalesque, un mardi gras […]. [/] Création d’une installation collective à partir des glaçons recueillis. Tuqué ou pas tuqué, venez sculpter l’hiver avec nous!!!! 2006, Galerie du Nouvel-Ontario (site Web), Programmation, 25 février. 

Lorsqu’il franchit les limites du terrain Pinard, au mitan d’un hiver sans nom, et en sauta la clôture, il aperçut […] une gamme complète de badauds apparus et le félicitant d’avoir ainsi sauvé la pauvre bête. Tout tuqués dans les rafales, ils se retournèrent en direction de Jacques Côté […] 2017, J.‑Ph. Chabot, Le livre de bois, p. 124.

La députée « tuquée » […] s’exprime dans un franglais d’adolescent attardé. Cette manière de massacrer la langue se croit authentique. Certains de ses électeurs […] doivent regretter leur vote… 2019, Le Journal de Québec, 4 avril, p. 16.

 (Hapax). Tuquage n. m. Action de mettre une tuque à qqn. 

Rem. Voir la citation de 2012 dans La Presse, s.v. tuquer.

2

Fig., fam.(Généralement à l’impératif présent, souvent à la 2e personne du singulier ou du pluriel). (Bien, ben) tenir, attacher sa tuque : formule par laquelle on invite qqn à se tenir prêt, sur ses gardes, en prévision de qqch. qui va se produire ou être exprimé et qui risque fort de surprendre. 

 Par renforcement Attacher sa tuque avec de la broche : formule par laquelle on invite qqn à se préparer à faire face à l’adversité, à être résilient, en raison de difficultés prévues ou de défis imminents. 

Rem.1. L’expression se construit le plus souvent avec les verbes tenir et attacher, mais d’autres verbes peuvent parfois être utilisés, comme caler ou accrocher. 2. Selon la construction de la phrase, tuque pourra dans certains cas être utilisé au pluriel dans l’expression (ex. : attachez vos tuques).

– Fridolin : Je vous dis qu’avoir su qu’il était si dur ce morceau-là, je l’aurais jamais attaqué… […] – Daunais : D’ailleurs, je vais chanter avec vous pour vous aider. – Fridolin : C’est ça! – Cloutier : Alors, vous êtes prêt? – Fridolin : Oui… Alors, on part, les gars : tenez bien vos tuques! 1938, Gr. Gélinas, Le Train de plaisir, dans P. Pagé, Le comique et l’humour à la radio québécoise, t. 1, 1976, p. 115‑116.

Reste à savoir qui jouera mercredi soir. Il y aura partie d’une manière ou d’une autre. […] Tenez bien vos tuques, le président […] nous donnera des nouvelles ce soir, pour publication demain soir dans le journal […]. 1955, Le Droit, Ottawa, 30 août, p. 12.

Pour élargir, structurer tout ça, il est question […] d’une idée ingénieuse qu’ont soumis une bande d’architectes, urbanistes, paysagistes, écologistes, géographes de Québec, des modernes un peu surréalistes, l’idée, t’nez ben vos tuques, de paver le côté nord de l’île. 1978, F. Leclerc, Le petit livre bleu de Félix, p. 14‑15.

Tenez-vous bien, attachez vos tuques, ajustez vos cravates, cette semaine on s’en va faire un p’tit tour du côté des ligues majeures, des gros-gros [sic] noms de la chanson française et de la fantaisie et j’ai nommé […] : MM. Jean Ferrat, Charles Aznavour et Les Cyniques… 1972, R. Poisson, Montréal-Matin, 15 octobre, p. 15.

Les données scientifiques recueillies quotidiennement le prouvent. Il fait plus froid cet automne que l’an passé, et l’an passé il faisait aussi plus froid que la moyenne normale en saison. C’est tout juste si on ne nous annonce pas d’attacher notre tuque avec de la broche1980, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 18 octobre, p. 6.

Atteinte de surdité, mais équipée d’appareils auditifs (les meilleurs moniteurs en ville!), investie d’une énergie apparemment renouvelée, ayant chassé plusieurs démons de son être, [une chanteuse québécoise] estime qu’il lui reste « dix bonnes années ». Elle se promet bien de confondre les sceptiques. Qu’ils attachent leur tuque avec de la broche! [Elle] a la ferme intention de les jeter par terre. 1996, La Presse, Montréal, 13 avril, p. D13.

Je suis une farouche partisane de la doctrine dite du tough love, alors Mesdames et Messieurs (mes vaches et mes bœufs), calez profondément votre tuque et attachez bien vos ceintures. 1999, Br. Pellerin, Épître aux tartempions, p. 20.

Attache ta tuque avec d’la broche [/] Chérie, l’hiver va être tough c’t’année [/] C’est fini le temps des brioches [/] On mange d’la misère pour souper. 2002, Les Cowboys fringants, L’hiver approche (chanson), Break syndical

Pendant que les arbres revêtent leur costume d’été pour se montrer beau et égayer le paysage, l’industrie, qui vit de ces arbres, quant à elle, est en train de perdre sa chemise. L’an dernier, à la même période, j’écrivais que l’industrie du bois allait devoir accrocher sa tuque avec la broche, en raison de la taxe sur le bois d’œuvre, imposée par les Américains[,] et que ça risquait de nous coûter 3 000 emplois. 2003, R. Blackburn, Progrès-dimanche, Chicoutimi, 25 mai, p. A20.

Si l’on oublie la météo et la canicule promise et si l’on s’en tient à la programmation de cet événement pour le moins décoiffant, il faudra attacher sa tuque avec de la broche car ça risque de brasser fort dans les rues et les ruelles, sur les balcons et les places de la petite ville paisible [Shawinigan] qui abrite, notamment, la Cité de l’énergie. 2004, S. Lévesque, Le Devoir, Montréal, 31 juillet, p. E1.

La victoire [d’un politicien] en fin de semaine dernière est par contre une bien mauvaise nouvelle pour ses adversaires qui feront face à un homme dont l’intégrité et la loyauté n’ont jamais été mises en doute. Une bête qui a été blessée en étant écartée du clan, mais qui affiche le flair et la détermination requise pour mordre à nouveau et rebondir au plus haut niveau. Attachez vos tuques, il va venter cet hiver. 2006, Charlesbourg Express, Québec, 9 décembre, p. 6.

Laurence a aussi soutenu que 2021 devrait être tout aussi exceptionnelle en matière de performance. « On était prêt pour Tokyo 2020, alors Tokyo 2021 va devoir accrocher sa tuque avec de la broche parce qu’on arrive à toute vitesse! », conclut-elle. 2020, Le Manic, Baie-Comeau, 2 septembre, p. 19.

3

Fig., fam.Parler à travers sa tuque : parler en l’air, à tort et à travers. 

SYN. parler à travers son chapeau.

– Catherine, c’est pas pour rien dire de trop, mais t’es dans les patates. – Dans tous les cas, dis ce que tu voudras, mon opinion a toujours autant de bon sens que celle de tous les experts, qui depuis trois ans, font des discours […] pour faire savoir au monde […] qu’ils ont découvert la cause du pétrin où nous pataugeons en chœur, tous tant que nous sommes. – Pour quand à ça, Catherine, j’te le concède à pieds joints, mais ça n’empêche pas que tu parles à travers ta câline. – Et, toi, à travers ta tuque, pauvre vieux. 1932, A. Bourgeois, La Presse, Montréal, 3 décembre, p. 41. 

Dans un avertissement aux lecteurs, il [un auteur] confesse que dans les pages qui suivront il va « parler à travers son chapeau » et que c’est là son mérite, sa supériorité, sur tous ceux qui parlent à travers leur tuque sans en convenir. Il compte bien n’avoir que des lecteurs intelligents qui sauront lui pardonner son franc parler. 1937, Le Soleil, Québec, 24 juillet, p. 4.

Je suis allé au Carnaval de Saint-Alphonse et je ne parle pas à travers ma tuque. Je n’écris jamais pour féliciter mais pour critiquer… une bonne critique constructive qui rend service. 1959, L’Étoile du Nord, Joliette, 4 février, p. 7. 

Le géographe […] ne parle pas à travers sa tuque, pourrait-on dire, car les 50 dernières années l’ont mené dans le cadre d’explorations terrain dans plusieurs lieux nordiques. L’île de Baffin, Ellesmere dans l’extrême nord canadien, le Yukon, l’Alaska, le Groenland, le Népal, le Labrador, les Rocheuses et l’Islande comptent parmi les lieux visités. 2005, Progrès-Dimanche, 20 février, p. A39. 

4

Fig., rareAccrocher sa tuque : prendre sa retraite, cesser une activité, une occupation. 

SYN. accrocher ses patins

Rem.Généralement par allusion au bonnet que porte un personnificateur du père Noël.

Appelé à devenir père Noël par son beau-frère qui possède une compagnie d’animation, M. […] s’est glissé dans le costume rouge pendant trois ans à Pointe-aux-Trembles avant de prendre place à Terrebonne. Cette année sera probablement la dernière année d’activité de M. […]. Il pense accrocher sa tuque très bientôt. « C’est une tâche très demandante physiquement. Il fait très chaud sous cet habit. J’ai beaucoup de difficulté à supporter la chaleur », explique l’homme de 63 ans. 2009, Le Trait d’union express, Lachenaie, 16 décembre, p. 19. 

Le père Noël d’Edmundston accroche sa tuque [titre] Ce n’est pas de gaieté de cœur que [M.], qui à sa manière a su mettre le bonheur dans la vie des gens durant le temps des Fêtes, doit cesser son rôle de père Noël en raison de problèmes de santé. 2013, L’Acadie Nouvelle, Caraquet, 11 juin, p. 11. 

II

Par anal.

1

Vieilliou région.(Généralement dans tuque en, de, au chocolat) Friandise fondante de forme conique, généralement recouverte d’une couche de chocolat.

Spéciaux de la semaine [titre] Ces prix sont pour du comptant seulement [sous-titre] Tuques en chocolat 19c la lb. 1932, L’Avenir du Nord, Saint-Jérôme, 22 janvier, p. [4] (annonce).

Il faut aller au village, acheter ce qu’il faut pour passer les fêtes convenablement, disaient les femmes. [/] Et par un doux après-dîner, la carriole partait sur le chemin de neige dans un bruit frileux de clochettes. À la ténèbre tombée, elle s’en revenait chargée de gentillesses de toutes sortes : bonbons à la livre, tuques de chocolat, surettes, biscuits glacés, paquets de gélatine et mille autres gâteries inaccoutumées. 1940, Cl. Marchand, Courriers des villages, p. 199.

– Maurice : […] Avez-vous des chips la belle-mère? – Mère : Ah! oui, j’en ai acheté un gros sac à 69 ¢, pis des cashews, pis des gundrops, pis des tuques en chocolat, pis des crottes au fromage… 1973, J. Barrette, Bonne fête papa, p. 18.

Mais, que dire des desserts, tartes aux pommes, aux raisins et aux œufs, ainsi que ces beignes qui remplissaient facilement une chaudière de 20 livres! Il ne faut pas oublier les légumes (carottes, choux, patates, navets) que l’on ramassait dans le jardin et dont personne ne voulait s’occuper. Oranges et pommes fraîches, denrées précieuses, nous arrivaient à Noël comme un cadeau en même temps que la liqueur, les petits poissons rouges et les tuques en chocolat. 1976, Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 8 décembre, p. B7. 

Que de marchandises avec un tel billet [de 5 $]! Quelques exemples : trois livres d’arachides en écales : 0,25 $, trois livres de bonbons : 0,25 $, 3 livres de biscuits Village 0,25 $, une livre de tuques au chocolat : 0,15 $, une douzaine d’oranges 0,25 $. Il en reste pour le sucre, la farine, les pommes séchées, les raisins, etc. Essayons donc de célébrer les fêtes de l’an 2000 avec un 5 $? Que de changements! 2000, Cl. Raymond, Portrait de famille : Victoriaville 2000, p. 175.

Dans le firmament des nananes et des bonbons à une cenne, les constellations se nommaient cornets de tire, fraises en sucre, bâtons forts, boules de coco, boules noires, poissons rouges à la cannelle, paparmanes roses, tuques en chocolat, animaux en pain d’épice, négresses en réglisse ou dés en caramel, les lunes étaient de miel, les aurores boréales, en gelée de menthe verte et les arcs-en-ciel déployaient leurs traînées de jujubes et de jellybeans multicolores. 2007 J.Cl. Germain, Rue Fabre, centre de l’univers, p. 5758.

La troupe des Feux Follets du Village des Défricheurs a fêté Noël en grand en fin de semaine dernière. […] Histoire de plonger les spectateurs dans l’esprit des fêtes, des tuques en chocolat étaient disponibles sur les tables. « Il s’agit de chocolats avec un crémage à l’intérieur. C’est vieux comme le monde » […]. 2010, L’Éclaireur Progrès, Saint-Georges, 23 décembre, p. 18.

Presque chaque jour, Laurence et ses amis allaient s’acheter des bonbons à la cenne. […] Le nez au-dessus du grand comptoir vitré rempli de friandises toutes plus alléchantes les unes que les autres, chacun pointait du doigt le bonbon convoité à travers la vitre égratignée par le temps : […] – Ben… euh… je vas prendre un poisson rouge à la cannelle, non deux! Puis une tuque en chocolat, deux lunes de miel, une pipe à la réglisse… 2020, F. Laviolette, Dans les yeux de Laurence, p. 145.

2

Vieilliou région.Filtre, souvent en feutre, servant à enlever les impuretés du sirop d’érable.

Nous achetons le sirop d’érable. – Demandez nos prix. Tuques en feutre anglais, pour couler le sirop, $1,50 ch. 1936, Journal de Waterloo, 10 avril, p. 12 (annonce).

Assez souvent on fait évaporer l’eau [d’érable] pis […] faut couler ça dans des… dans des sacs de… de laine là. […] Moi avant quand je voyais ces tuques-là, mon doux, y me semblait donc que le sirop était pas bon quand y passait là-dedans. 1972, La Patrie (Compton), Corpus de l’Estrie 6-354.

Il a fait sa provision de sirop pour un an. Ses frères, ses cousins et ses amis ont eu leur part et il en a resté pour le commerce. Sa modeste érablière l’a bien servi. Oui, il est content. […] Il est fier de son érablière, de sa cabane, de son cheval et combien fier de son sirop qu’il fait maintenant couler consciencieusement à travers la tuque de feutre pour le libérer de toute impureté. 1972, Le Soleil, Québec, 27 avril, p. 2.

Le coulage au travers de la « tuque » de feutre débarrassera le sirop de la « rupe ». 1974, Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 17 avril, p. E8 (légende de photo). 

Tuques à filtrer en feutre et draps, de fabrication domestique; […] Sucrerie (d’environ 7 000 à 9 000 érables sur tubulure)[.] 1984, Gazette officielle du Québec, Québec, 11 février, p. 585 (annonce).

Encan […] Équipement de sucrerie : […] 8 tuques à sirop; 125 palettes à lécher; table, chaises, vaisselle; 3 poêles à bois; sertisseur électrique; 10 cordes de bois de cabane. 1990, La Voix de l’Est, Granby, 5 octobre, p. 22 (annonce).

Pour ce qui est des produits de l’érable, l’érablière compte 1000 entailles dont la moitié sont sur chaudières. L’eau d’érable est fraîchement bouillie sur un évaporateur au bois sans autre procédé et coulée par gravité dans des filtres naturels (tuques) afin de conserver le maximum des minéraux et obtenir une plus grande qualité nutritive. 2003, La Tribune, Sherbrooke, 25 novembre, p. C8.

Pendant ce temps, y faut quelqu’un pour aller chercher dans shed le bois pour chauffer le champion. Une fois que la tonne arrive à la cabane, on filtre l’eau dans le couloué, mais y en a qui appelle [sic] ça la tuque, pour la débarrasser de toute saleté, pis on la varse dans la bouilleuse pour la réduire en sirop. Il faut 30 à 40 litres d’eau pour produire un seul litre de sirop. Ça boucane dans la cabane, cré moé. 2015, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 4‑5 avril, p. E14.

Histoire

I1Depuis 1716 (Trois-Rivières, BAnQQ, AJTR, fonds Cour supérieure (district judiciaire de Trois-Rivières), greffe de D. Normandin (CN401, S70), 10 février : item cinq bonnet et tucques); d’origine obscure. Le mot pourrait appartenir à la famille de *tūkka « courge; colline, monticule », qui a donné entre autres tuc (qui est cependant masculin), tuque « sommet, butte » dans plusieurs parlers du domaine d’oc (v. FEW*tūkka 132, 398b) et par anal. tuque « tête dure, crâne » (qui, le cas échéant, aurait acquis le sens de « bonnet » par métonymie) dans ces mêmes parlers (relevé également comme toponyme dans ces régions, v. FEW 132, 398a, MistrProv, s.v. tuco, PalBéarn3, s.v. tuc). Cp. également tucquet « monticule » en moyen français et tuquet « petit mamelon de terre » en Saintonge (v. FEW 132, 398b, MussSaint); cp. de plus tuq’non « coiffe, bonnet » dans l’île anglo-normande de Guernesey (v. FEW 21, 529a). Pourrait aussi avoir été l’objet d’un croisement avec toque, d’origine obscure également, qui a eu cours aux XVe et XVIe s. au sens de « bonnet de forme ronde sans bord ou à très petits bords » et qui était alors très usité (v. Trévoux 1771, GLLF, Larousse 1982 et Encyclopédie illustrée du costume et de la mode, 1970, p. 364). Il faut toutefois prendre en considération qu’il a relativement peu de lien de filiation entre les emplois québécois et ceux du domaine d’oc, étant donné la provenance des colons venus s’établir dans la vallée laurentienne, ce qui affaiblit considérablement l’hypothèse d’un lien de filiation entre tuque « bonnet » et tuc/tuque « sommet, butte ». Cp. par ailleurs tuque « espèce de tente ou d’abri qu’on élève à l’arrière d’un vaisseau » dans le vocabulaire de la marine de 1671 à Boiste 1829 (aussi d’origine obscure, v. FEW 23, 102a et b; v. aussi PoirLex 75, qui présente cette dernière hypothèse, et JunLex 224, qui parle de toutes ces hypothèses et qui semble croire à un croisement avec toque); cependant, dans cet emploi, tuque semble être une variante plus ou moins marginale par rapport à teugue, substantif féminin qui compte de nombreuses autres variantes (tuge, tugue, tuguz), dont certaines masculines (teu, teux, theu) (v. JalNaut 2022, s.v. teugue). Une dernière hypothèse mérite d’être prise en considération. Selon l’illustrateur Francis Back, tuque serait une transformation du mot turque figurant dans le composé bonnet à la turque (aussi dans bonnet de Turc) qui aurait désigné une sorte de bonnet rouge fabriqué en France dès le XVIe siècle, surtout à Marseille et à Orléans, et destiné à l’exportation vers le Moyen-Orient, d’où le nom qui leur a été donné. Ces bonnets auraient été adoptés par les marins, se seraient finalement retrouvés en Nouvelle-France et auraient fait partie de l’habillement des miliciens canadiens (v. Back, Tuque, teuge, toque ou bonnet à la Turque? Cap-aux-Diamants : revue d’histoire du Québecno 53, 1998, p. 56). Malheureusement, Back ne fournit aucune référence précise et toutes les occurrences de bonnet à la turque qu’il présente résultent en fait d’une mauvaise interprétation de documents manuscrits – par exemple, il affirme qu’« en 1693 le charpentier Jacques Beauchamp possédait à lui seul “deux bonnets à la Turque” » (ibid.), alors que l’inventaire après décès de cet individu, daté effectivement de 1693, indique plutôt « deux bonnets A lusage du deffunt » (BAnQQ, fonds Cour supérieure. District judiciaire de Montréal, greffe A. Adhémar dit Saint-Martin (CN601, S2), 8 avril). Cependant, de nouvelles recherches permettent de considérer cette hypothèse comme étant néanmoins valable, voire comme étant la plus plausible étant donné qu’elle lie le mot tuque à un emploi qui est effectivement associé à un couvre-chef, contrairement aux hypothèses qui le font remonter à *tūkka ou au nom d’un abri situé à l’arrière d’un vaisseau (v. Vézina, à paraître). Une attestation pertinente a été trouvée dans un inventaire de marchandises appartenant à Charles de Couagne, un marchand de Montréal, en 1686 : 6 bonnets a la turque a 40 s[ols] (BAnQQ, fonds Cour supérieure (district judiciaire de Montréal) greffe Cl. Maugue (CN601, S280), 7 août, p. 9), ce qui indique que ce type et ce nom de bonnet n’étaient pas inconnus en Nouvelle-France dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Dans l’état actuel de la recherche, on ne peut déterminer avec certitude à quoi ressemblait un bonnet à la turque au XVIIe siècle, mais on sait qu’au siècle suivant il pouvait être pointu et plus ou moins allongé (v. p. ex. dans BeuqPoin 13, l’image du poinçon d’un fabricant français de bonnets à la turque de la 2e moitié du XVIIIe siècle, qui montre un bonnet tronconique qui semble se terminer par une pointe retombante). On peut alors postuler qu’un bonnet à la turque de 1686 ressemblait à ce couvre-chef à la pointe qui retombe (v. Poirier, qui décrit encore la tuque comme une « [s]orte de capuchon en laine tricotée, dont la pointe retombe »), ou à une chéchia de Fez, ce qui peut renvoyer à un bonnet pointu, généralement rouge et pourvu d’un gland ou pompon, contrairement au tarbouche, qui est plutôt rigide et tronconique. Cela dit, la nomenclature est flottante, et dans certaines régions d’Afrique du Nord, la chéchia est rigide et tronçonique et le tarbouche est pointu (v. Ricard, L’Espagne et la fabrication des « bonnets tunisiens » : à propos d’un texte du XVIIIsiècle, Revue Africaine : centenaire de la Société Historique Algérienne 1856-1956, no 446‑449, tome C, 1956, p. 429 et M. Ben Miled, Chéchia le bonnet de feutre méditerranéen : histoires, portraits, artisans, fabrication, matières premières, commerce, 2010, p. 24). L’appellation bonnet à la turque est également équivoque selon les régions et les époques; elle revêt une valeur générique lui permettant de désigner une variété de bonnets portés dans l’ancien empire ottoman (ce qui inclut non seulement le Moyen-Orient, mais aussi une partie de l’Afrique du Nord) ou inspirés de ceux-ci. Rappelons qu’à cette époque, on qualifiait de Turcs tous les sujets du Grand Turc, le sultan de l’empire ottoman (v. Fur 1690). Dans certains contextes, il est probable que ce nom équivalait à des appellations telles que turban et bonnet façon de Tunis. Depuis le XVIIIe siècle, il semble surtout désigner un turban, lequel s’enroule parfois autour d’une calotte ou d’un bonnet, par exemple une chéchia (v. Wilcox, The mode in hats and headdress, 1945, p. 33), d’où la métonymie possible, mais divers couvre-chefs portés en France et plus ou moins inspirés du turban ou de la chéchia ont porté le nom de bonnet à la turque (v. Rifaud, Tableau de l’Égypte, de la Nubie et des lieux circonvoisins : ou itinéraire a l’usage des voyageurs qui visitent ces contrées, 1830, p. 5, qui traduit bonnet à la turque par tarbous et tarbouch, en arabe d’Égypte); d’abord accessoire pour les hommes, il devint un accessoire pour les femmes, du moins vers la fin du XVIIIe siècle (v. Lehnert, Le voyage amoureux, 2010, p. 198 et Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises, 30 janvier 1786, p. 61 et planche II). On peut estimer que dans la Nouvelle-France du XVIIe siècle, bonnet à la turque a d’abord désigné un bonnet de laine rouge pour homme, de forme conique, avec une pointe, retombante ou non, plus moins longue et munie d’un gland ou d’un pompon. Peut-être ressemblait-il à certains modèles de bonnets phrygiens à longue pointe (v. Larousse du XXe siècle, s.v. bonnet, figure 12), lesquels ressemblent à des tuques traditionnelles. Ces traits caractéristiques ont pu servir à le distinguer des autres types de bonnets, dont le bonnet de nuit, mais dès les années 1730, on voit apparaître des mentions de tuque rouge, ce qui suggère que d’autres couleurs étaient possibles, en particulier le bleu. Pour expliquer le passage de Bonnet à la turque à tuque, on doit postuler qu’il y aurait d’abord eu ellipse de bonnet et que turque serait devenu tuque par amuïssement du r implosif (phénomène attesté en franco-canadien, cf. matié pour mortier, maque pour marque, etc., v. JunPron, p. 163-164) ou par croisement avec toque, mot attesté en Nouvelle-France dès le XVIIe siècle (v. FTLFQ) et qui désigne lui aussi différents types de couvre-chefs. Ce croisement expliquerait en outre le genre féminin de tuque, alors qu’en tant que résultat de l’ellipse de bonnet, son genre attendu est le masculin (cp. avec matricule, subst. fém., mais qui est masc. au sens de « numéro matricule », par ellipse de numéro, v. TLF); le syntagme à la turque a pu lui aussi conditionner l’attribution du genre féminin à tuque. Faire remonter tuque à turque permet aussi d’expliquer l’existence de la variante de prononciation /tyrk/, qui a perduré dans certaines régions du Québec jusqu’au XXe siècle (v. notamment la citation de 1948, sous le sens I.1). Dans une enquête menée dans les années 1970 dans les régions de Charlevoix, du Saguenay, du Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, la prononciation avec le r était encore la plus répandue (20 points d’enquête sur 33) (v. Lavoie 2627); v. aussi PPQ 1946B, qui montre que cette prononciation est également attestée de façon significative dans le Bas-du-Fleuve, en plus d’être présente dans diverses localités dispersées, allant de l’Outaouais, l’Abitibi et la Montérégie jusqu’en Gaspésie et l’île du Cap-Breton. Ce lien de filiation postulé entre tuque et turque paraît davantage plausible si l’on tient compte du fait qu’en Louisiane, la forme féminine turque ainsi que la variante [tyk] sont attestées en 1940 au sens de « turban » (v. HickMJeff). Cela montre que soit la transformation de turque en tuque ne s’est pas opérée uniquement dans la vallée laurentienne, soit elle s’est diffusée en Louisiane à partir de la vallée laurentienne dans les premières années de sa fondation, à la faveur de l’installation de colons canadiens. Cependant, le fait que les mots ne renvoient pas à la même réalité dans les deux variétés de français milite en faveur de la première option. Dans la première attestation de 1716 (cinq bonnet et tucques), tuque et bonnet sont employés comme s’ils renvoyaient à des objets différents, mais à partir des années 1730, tuque semble prendre progressivement un sens plus générique le mettant en concurrence avec bonnet dans certains contextes, ce qui suggère qu’il commence alors à désigner plusieurs types de bonnets de laine et non plus uniquement le bonnet à la turque original. En français du Missouri, tuque désigne d’ailleurs non seulement la tuque proprement dite, mais aussi un bonnet de nuit, voire un capuchon anti-poussière (dust cap) (v. DorrStGen). Tuque est également en usage dans tout le Canada francophone (v. PoirAc 224, BénMots, GabLang). Le mot est relevé en anglais nord-américain depuis 1871 (d’après certains dict. anglais, serait surtout en usage au Canada, v. OED (en ligne) 2024‑09, DictCan et Webster 1986). Tuquon, depuis 1930 (GPFC). Tuquer, depuis 1973; il pourrait s’agir d’une création littéraire de Marie-Claire Blais (v. JunLex 225). Se détuquer, depuis 2014. Tuqué(e), depuis 1935. 2(Bien) tenir sa tuque, depuis 1938; (bien) attacher sa tuque, depuis 1972 (L’Éclaireur-Progrès, Saint-Georges de Beauce, 12 janvier, p. 36). Les deux expressions reposent sur l’image de quelqu’un qui risque de perdre sa tuque tellement la nouvelle ou l’événement risque de le surprendre et le faire sursauter s’il ne la retient pas d’une manière ou d’une autre. (Bien) tenir sa tuque est une adaptation de l’expression franco-canadienne (aujourd’hui vieillie) (bien) tenir son chapeau (attestée dès 1921 dans Le Droit, Ottawa, 15 juin, p. [2]), elle-même sans doute un calque de l’anglais hold (on to) your hat, de même sens (v. OED (en ligne), 09‑2024, s.v. hat); l’effet comique de l’expression attacher sa tuque (avec de la broche « fil de fer ») est d’autant plus efficace que la tuque commune ne comporte pas de cordons pour l’attacher sous la mâchoire, car elle est suffisamment serrée autour de la tête pour ne pas tomber. 3Depuis 1932. 4Depuis 2013. 

II1Depuis 1929 (L’Étoile du Nord, Joliette, 5 décembre, p. [8], annonce : « CHOCOLAT “Tuque” (drop), 2 livres pour 35 cts »). S’explique sans doute par une ressemblance de forme entre cette friandise et le couvre-chef décrit au sens I.1. 2Depuis 1936. S’explique sans doute par une ressemblance de forme entre ce filtre et le couvre-chef décrit au sens I.1, ressemblance évoquée dès 1915 dans un bulletin agricole parlant du temps des sucres (v. Le Bulletin de la ferme, Québec, avril, p. 10 : « Le sirop pour être bon doit avoir 2.7 degrés du thermomètre et alors on le retire[,] et avant de le mettre en sucre, il doit passer dans un feutre de la forme d’une tuque et tomber dans un baril où il repose 10 heures. »).

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : février 2025
Trésor de la langue française au Québec. (2025). Tuque. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 20 mars 2025.
https://www.dhfq.org/article/tuque