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TÔLE [tol]
n. f.

Rem.

Variante graphique taule.

  

Fam.(Presque toujours dans des contextes négatifs). Une tôle : la moindre petite pièce de monnaie.

Ne pas, ne jamais avoir une tôle. Ne plus avoir une tôle dans ses poches.

 token (sens 2).

Voyez où en sont rendus tous les autres journaux français de Montréal. Je suis prêt à gager n’importe quel montant que la « Canada Paper Company » et M. Buntin peuvent dans vingt-quatre heures couper le sifflet à la Minerve et au Nouveau-Monde. Au Vrai Canard, c’est autrement. [...] Mon organe ne doit pas une tôle à qui que ce soit. 1879, Le Vrai Canard, Montréal, 20 septembre, p. [2].

– Daunais : Je parie que vous n’avez pas un sou. – Fridolin : Pas une tôle... 1938, Gr. Gélinas, Le carrousel de la gaieté, 8 avril, p. 10 (radio).

– Je vous questionne pas, reprit l’étranger. Faites comme moi. J’aime la place. Si vous voulez me donner à coucher, à manger et un tant soit peu de tabac par-dessus le marché, je resterai. Je vous demande rien de plus. Pas même une taule. Je vous servirai d’engagé et appelez-moi comme vous voudrez. 1945, G. Guèvremont, Le Survenant, p. 12.

– Noiraud : Seulement quatre piastres pour une chaise où t’es confortable comme dans un hamac? Aie, aie, là, monsieur [...]! – Forest : Disons que je vas monter jusqu’à quatre piastres et demie. – Noiraud : Ben, moi... en faisant un effort, je vas descendre jusqu’à septembre Pas une cenne de moins. – Forest : Quatre et trois-quarts, dans ce cas-là. – Noiraud : Oh non, monsieur! Peut-être six piastres et demie, mais pas une tôle de moins. – Forest : Cinq piastres! Pas un token de plus! 1952, R. Choquette, Le curé de village, 24 janvier, p. 5 (radio).

Qu’est-ce que tu voulais que je dise? Je lui dois quatre mois de loyer et quarante-cinq piastres de viande! Faudrait que je travaille un mois avant de toucher une tôle! 1957, J. Pellerin, Le diable par la queue, p. 198.

Vieuxet rareDollar.

– Comme ça, reprit Popeline, quoi c’qu’on va faire avec les cent dix-neuf mille piasses que je vas recevoir? [...] – [...] je m’montrerais dans le lobbé du Ritz et j’irais danser dans les salons d’Outremont. Ben des filles s’raient contentes d’connaître un gars qu’a cent dix-neuf mille tôles1931, Le Goglu, Montréal, 26 juin, p. 7.

 Fam.Tôlé, tôlée adj. Être tôlé : être complètement fauché, n’avoir pas un sou sur soi.

Rem.Non attesté à l’écrit et ne paraît pas répandu partout.

Histoire

Depuis 1879. L’origine de ce mot n’est pas claire. On sait qu’au XIXe s. de nombreux jetons de métal ont été mis en circulation au Canada par des marchands, des compagnies et des particuliers; ces jetons servaient de monnaie et pouvaient être utilisés notamment pour « payer l’autobus, le traversier, le droit de péage sur un pont ou dans un tunnel, le stationnement et tous les services liés au transport. » (v. Catalogue des monnaies du Canada, 11e éd., 1992, p. 212; v. aussi token, sous Encycl.). « Plusieurs de ces jetons étaient des pièces de cuivre de bonne qualité valant un ou deux sous et importés de Grande-Bretagne. Ils furent remplacés graduellement par des jetons plus minces et plus légers faits de cuivre rouge ou blanc. » (v. Histoire de la monnaie au Canada, 1955, p. 14). On peut faire l’hypothèse que des jetons de qualité moindre étaient faits de tôle ou de métal ressemblant à la tôle – Dionne affirme que tel était bien le cas au XIXe s., mais l’ensemble de son explication est peu crédible comme l’a montré Rivard dans BPFC 7/10, 1909, p. 371 –, d’où le sens qu’aurait pris le mot en parlant d’une pièce de monnaie de faible valeur. Mais puisque ces jetons servaient pour le transport, on peut penser aussi que c’est l’anglais toll qui doit être mis en cause. Le mot anglais a en effet le sens de « péage », référant ainsi à une somme souvent minime donnant droit de passage, et est attesté dans le français du Québec au XIXe s. (dans tollgate, v. à ce sujet L. Fréchette, dans La Patrie, Montréal, 2 février 1895, p. 2; toll est attesté par ailleurs en 1914 par Blanch1); on aurait donc spontanément donné à son paronyme français tôle, qui désigne un métal bon marché, le sens de « jeton (pour le transport) », puis de « pièce de monnaie de faible valeur ». Quelle que soit l’hypothèse retenue, le mot français tôle a certainement joué un rôle dans la genèse de cet emploi. Tôlé, depuis 1975 (enq., FTLFQ).

Version du DHFQ 1998
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Tôle2. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 28 mars 2024.
https://www.dhfq.org/article/tole-0