STEAK [stek]
n. m.
Variante graphique : (au XIXe s.) stake.
(Emploi critiqué). Steak minute : steak mince dont la cuisson est rapide.
Rem.1. On a proposé de dire plutôt bifteck minute. 2. En France, on trouve entrecôte minute qui fait référence non pas à l’épaisseur du steak, mais à la rapidité avec laquelle le client est servi.
Des soupières géantes lui envoyèrent des odeurs acides et grasses; à côté, mijotaient des ragoûts [...]. Il y avait encore des légumes, d’autres viandes, des croquettes, des steaks minute; des plats d’une grande variété, assez bien apprêtés sans doute [...] et mêlant si bien leur parfum que manger paraissait tout à coup d’un monstrueux ennui. 1954, G. Roy, Alexandre Chenevert, p. 56-57.
Au cas où quelqu’un est écœuré de manger du steak haché, il s’achète du steak minute = $ 1.25 ou autre chose. 1968, Hauterive (Saguenay), dans R. Blondin, Chers nous autres, t. 2, 1978, p. 250 (lettre).
Steak « minute » à l’échalote. [...] Chauffer l’huile et y cuire le steak 2 ou 3 minutes de chaque côté; saler et poivrer; retirer du poêlon et garder au chaud. 1976, M. Beaulieu, Je cuisine pour moi, p. 67.
En mettant le pied dans l’établissement, il exigeait de voir son repas servi : jus de tomate, filet de sole meunière, compote de pommes et café, alternant avec jus de tomate, steak minute, salade de fruits et café. 1981, Y. Beauchemin, Le matou, p. 59.
[...] comme c’est souvent le cas dans les soirées de ce genre, on se préoccupe beaucoup plus de l’animation et du concept que de la qualité des plats cuisinés. Ainsi, le bouillon de bœuf de Cléopâtre n’est rien de plus qu’un bouillon de bœuf où baignent des nouilles « alphabet », et le bœuf braisé à la romaine, un steak minute accompagné de carottes cuites et de patates en purée. 1994, M. Cassivi, dans La Presse, Montréal, 4 août, p. C2.
Tranche de viande grillée, ou à griller, provenant d’un animal autre que le bœuf ou le cheval.
2009, F. Van Robin, Steak de chevreuil [photo], CC BY-SA 2.0, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Venison_Steaks.jpgSteak de chevreuil, d’orignal, d’ours. Steak de porc ou steak de lard. Steak de jambon.
Rem.En France, steak est synonyme de bifteck et désigne une tranche de viande de bœuf, parfois de cheval. Seul bifteck paraît y être attesté (et rarement) en parlant d’une tranche de viande provenant d’un autre animal.
– Papa, hazarda [sic] Brin-de-Fil, le petit os de la patte gauche [de l’ours] guérit le mal de dent, – si je le prenais?... – Prends-le, mon garçon, prends-le, riposta Michel Rocheteau, – tout ce que nous demandons pour nous c’est un « stake ». 1872, Ch. Ameau [pseud. de B. Sulte], « Une chasse à l’ours », dans ALBum de La Minerve, Montréal, 1er juillet, p. 316.
Soudain il aperçut l’orignal de l’autre côté du lac. [...] Jamais encore il n’avait vu une aussi belle bête. – Quinze cents livres au moins. De la viande pour notre hiver. Et quelle chair succulente! Quels steaks! 1961, Cl.-H. Grignon, « Le père Bougonneux », dans Le Bulletin des agriculteurs, novembre, p. 74.
Quatre chevreuils ont passé par là, un mâle énorme, une femelle adulte, une autre femelle plus jeune, probablement vierge, et un faon de l’année. [...] Ce sont de gentilles bêtes, douces, élégantes, qui me font détester le jour, déjà lointain, où j’en abattais à coups de feu, pour l’amour d’un steak vulgaire. 1965, J.-Ch. Harvey, Des bois... des champs... des bêtes, p. 50.
J’ai nettement préféré me tourner vers la table d’hôte, qui offrait ce soir-là un bagel au saumon ou un steak de jambon assez sages. 1994, Voir, Québec, sem. du 31 mars au 6 avril, p. 25.
Le steak de caribou du Nouveau-Québec était tout simplement superbe! C’était une belle pièce de viande sauvage (Eh! oui, depuis de 1er avril de cette année, il est désormais possible de se procurer du caribou chassé par les Inuit) tendre, juteuse et bien agrémentée d’une sauce au poivre noir classique. 1995, J.-L. Doudeau, dans Le Droit, Ottawa-Hull, 16 juin, p. 33.
Plais., région.(à l’est de Trois-Rivières). Steak de jobber (ou jobbeur), steak de chômeur, steak de garde-feu (et variantes) : saucisson de Bologne.
Rem.Peu attesté à l’écrit.
Après ça, le steak de jobber est arrivé : le baloney maudit! C’est avec ça qu’on se brisait l’estomac. Ça se comprend : manger une pareille cochonnerie gelée, en plein mois de janvier, quinze, vingt en bas de zéro. Ça aurait pris un mixeur à ciment pour digérer ça... 1976, B. B. Leblanc, Moi, Ovide Leblanc, j’ai pour mon dire, p. 42.
(Emploi critiqué). Darne.
Steak de saumon, de morue, de flétan.
Steaks de morue fraîche, la livre... 15¢. [...] Steaks de flétan et tranches du milieu, la livre... 30¢. 1923, Le Soleil, Québec, 4 janvier, p. 8 (annonce).
La plupart du temps, la chair blanche et ferme du flétan se vend sous forme de tranches prises sur le travers du poisson et appelées darnes ou, plus communément, « [s]teaks ». 1956, Le Lac-St-Jean, Alma, 9 août, p. 10.
Dans un chaudron de fer, de préférence à tout autre récipient[,] déposer le 1/3 des grillades, 1 rang de rondelles d’oignon, de patates, sel, poivre et la moitié des steaks de morue. 1973, Madame Ch. Gagné, Recettes typiques de la Gaspésie et des îles de la Madeleine, p. 93.
Les darnes sont des tranches transversales taillées sur de gros poissons. On les appelle à tort des steaks. 1988, Protégez-vous, décembre, p. 33.
Étant dans un appétit plutôt moyen, j’ai opté pour le menu du jour qui, en plus de la crème de brocoli offerte en entrée, comprenait, ce soir-là, un filet de poulet sauté, des tortellinis au four, un riz frit aux légumes, une omelette aux asperges, un steak de flétan avec riz et salade, un slouvaki [sic] grec avec salade de même origine [...]. 1995, M. Dassylva, dans La Presse, Montréal, 11 novembre, p. H16.
Fig., pop.Arrière-train d’une personne, derrière.
Rester assis, être assis, s’asseoir sur son steak : ne rien faire, ne pas faire d’effort, refuser d’agir.
Un joueur de hockey assis sur son steak.
Rem.Tend à se répandre dans certaines chroniques de journaux (notamment dans la presse sportive).
Moé, chus tombée assis sus mon steak, sus la chaise à côté du poêle. Voyons donc, Madeleine, not’fille, une sœur! Une belle fille de même! 1973, M. Tremblay, C’t’à ton tour, Laura Cadieux, p. 56.
Non, mais écoute, Jérôme, on n’est pas des enfants d’école. Y en a p’tête qui s’grouillent un peu, mais d’après c’qu’on sait, le député de Terrenoire reste assis su’ son stéque [sic] à ronfler comme un moteur... 1975, A. Major, Une soirée en octobre, p. 32.
Cachant mal son indignation, le comédien a pourfendu l’étroitesse d’esprit et l’intransigeance des techniciens et dénoncé « la bébête division du travail qui fait qu’un travailleur syndiqué reste assis sur son steak pendant quatre heures, sans jamais lever le petit doigt pour aider son collègue qui sue comme un cheval à ses côtés. » 1994, La Presse, Montréal, 29 septembre, p. D8.
Cela dit, je lève mon chapeau aux catholiques de la ville de Montréal. On peut leur reprocher bien des choses, mais au moins, eux, ils ont la démocratie à cœur. Quand on organise des élections, ils sautent dans leur auto et ils vont voter. Ils ne restent pas assis sur leur gros steak. [...] Ils se lèvent et ils vont déposer leur bulletin de vote dans l’urne, dussent-ils avoir 102 de fièvre ou 97 ans. 1994, R. Martineau, dans Voir, Montréal, sem. du 8 au 14 décembre, p. 5.
Les ordres sont formels au niveau des [ligues] mineures. La mission de monter, chaque année, à Montréal, quatre jeunes pour remplacer les joueurs riches assis sur leur steak à 3 ou 4 millions $. 1996, Cl. Larochelle, dans Le Soleil, Québec, 28 mai, p. D1.
Histoire
Le mot steak au sens de « tranche de viande de bœuf grillée (ou à griller) », attesté en France depuis 1894 (v. TLF et PRobert 1993), apparaît dès 1859 dans la documentation québécoise (AnQM, gr. Ch.-C. Spénard, Montréal, no 1535, 11 novembre, p. [6] : un gril pour steaks, une passoire en ferblanc). Steak de cheval, depuis 1881 (H. R. Casgrain, Œuvres complètes, t. 2, 1885, p. 417 : Depuis ce temps-là, mon estomac n’a pu se remettre des repas impossibles que j’ai pris [à Paris], depuis le steak de cheval jusqu’au fricot de rats.).
IDepuis 1954. D’après l’anglais minute steak (relevé depuis 1934 dans les dictionnaires de l’anglais, v. OED-Suppl 1976, s.v. minute; v. aussi Webster 1986 et Longman 1992, s.v. minute steak). En France, minute s’emploie en apposition après un substantif désignant un objet au sens de « dont la réalisation, la réparation, etc. est très rapide » (p. ex. dans nettoyage minute, talon minute, clé minute, v. TLF et Robert 1985, s.v. minute), d’où entrecôte minute qui se dit d’une entrecôte préparée et servie rapidement (v. p. ex. Robert 1985, s.v. minute); entrecôte minute est sans lien direct avec le québécois steak minute.
II1Depuis 1872. D’après l’anglais (v. Webster 1986 : « a similar slice of a specified meat other than beef »; v. aussi OED). Steak de jobber (depuis 1973, Lavoie 2173), steak de chômeur (depuis 1980, enq., CELM), steak de garde-feu (depuis 1973, enq., FTLFQ); ces appellations plaisantes rappellent bifteck de grisette (grisette désignant une ouvrière de condition modeste) qui se disait autrefois en France d’une saucisse plate dont se nourrissaient ordinairement les petites ouvrières (v. ColArg et TLF, s.v. bifteck). 2Depuis 1923. D’après l’anglais (v. Webster 1986 : « a cross-section slice of a large fish »; v. aussi OED). Relevé en 1848 sous la plume d’un auteur français (v. TLF).
IIIDepuis 1973. L’image correspond à celle qu’évoque le mot bifteck en France dans la langue populaire et argotique où on l’emploie au sens de « partie charnue du corps humain (cuisse, fesse) » (v. ColArg et TLF).