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SANS-GÉNIE [sɑ̃ʒeni]
n. invar.

Rem.

1. Aussi prononcé [sãʒəni] dans l’usage populaire. 2. Variante graphique sans génie.

  

Fam.Personne qui manque d’intelligence, de jugement, qui est idiote, imbécile.

Un, une sans-génie. Des sans-génie. (Comme terme d’insulte). Espèce de sans-génie! (En fonction attribut). Être sans-génie.

 épais, épaisse (sens I.4); innocent, innocentesans-dessein.

Sans m’arrêter à considérer si les reproches de corruption et de tyrannie adressés au parti républicain sont bien fondés; comme catholique, j’ai plus d’un grief contre l’administration expirante du Général Grant. N’est-ce pas lui, ce soldat heureux, mais sans génie, qui a déclaré dans son discours de Des Moines que si jamais il y avait une guerre dans ce pays, ce serait entre l’ignorance, la superstition et l’intelligence et la raison? 1877, La voix de l‘écolier du collège Joliette, 2 avril, p. 98.

Comment, sans-génie, tu ne sais pas que c’est le capitaine auquel le vieux seigneur de Champlain avait destiné sa fille, mademoiselle Pezard de la Touche? 1913, Fr. Houde, Le manoir mystérieux, ou Les victimes de l’ambition, Montréal, p. 49.

Il était naturel qu’on fît opiner un homme qui avait si bien réussi dans ses propres affaires. Tout le monde savait qu’il n’était pas un « sans-génie », tant s’en fallait; pensez donc! un homme qui avait des mille chez le notaire, à ce que disaient les gens renseignés. 1938, Ringuet, Trente arpents, p. 149.

On ne savait rien de lui, sauf qu’il s’appelait Sprott, sans prénom, et qu’il parlait fort mal le français. Au reste, il ne tarda pas à se faire connaître comme un paresseux, un fainéant, et un esprit borné, un sans-génie. 1944, A. Rivard, Contes et propos divers, p. 95.

Chacun cherchait à l’embarrasser, personne n’y parvenait, il avait réponse à tout [...]. Seuls quelques grands garçons sérieux s’inquiétaient qu’un sans-génie eût plus d’esprit qu’eux. 1962, J. Ferron, Cotnoir, p. 94.

Renoncer à cette « longue tradition d’ignorance et de pauvreté », c’est-à-dire vouloir changer la vie, mettait l’avenir en péril. Antoine Rivard, le premier à le comprendre, devait s’assurer du coup la reconnaissance du Grand Génie, des petits génies et des sans-génie de l’Union nationale, comme aurait dit le père de mon ami Paul Boudreau, mon collègue du Nouveau Journal. 1988, J.-L. Gagnon, Les apostasies, t. 2, p. 34.

Histoire

Depuis 1877. De sans, et génie au sens d’« aptitude particulière, accompagnée d’une grande puissance créatrice », attesté en français depuis le XVIe siècle (v. FEW genius 4, 105b; Académie 1694; PRobert 2020 : « disposition naturelle, aptitude remarquable »). Sans génie est au départ une locution qui signifie simplement « qui n’est pas particulièrement doué, qui est sans éclat », comme dans un auteur sans génie; un ambitieux sans génie; un versificateur sans génie. On trouve souvent des occurrences de ce type au XIXe siècle dans des textes écrits par des auteurs aussi bien québécois que français (les exemples ci-dessus ont été repérés dans Canadiana). L’emploi proprement québécois de sang-génie exprime plutôt l’absence d’intelligence, de jugement et est tout â fait négatif alors que l’emploi de départ peut apparaître dans des contextes moins dévalorisants, par exemple : des hommes sans génie, mais non sans audace; une bonne petite femme sans génie, mais qui a du talent (dans Canadiana). Il n’est cependant pas facile de départager dans les textes examinés les cas où sans génie prend le sens québécois actuel. Des indices peuvent aider à reconnaître l’emploi québécois, comme le fait que sans génie fonctionne comme un substantif, et non comme un adjectif, indice qui n’est cependant pas déterminant. Quand il sert à apostropher quelqu’un (sans-génie! espèce de sans génie!), il est clair qu’il s’agit du sens québécois. Des énoncées comme le suivant laissent planer l’incertitude : des jeunes ambitieux, bouffis d’orgueil, sans expérience et sans génie, qui, après avoir appris, dans les crêmeries, la politique et la guerre, se sont improvisés organisateurs, dictateurs et stratégistes au profit des Prussiens (L’Opinion publique, Montréal, 24 août 1871, p. 406, col. 2). Dans cet exemple, une connotation négative forte est bien ressentie, mais on ne peut être certain du sens.

Dernière révision : septembre 2020
Trésor de la langue française au Québec. (2020). Sans-génie. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 3 octobre 2024.
https://www.dhfq.org/article/sans-genie