QUÉTAINISER ou
KÉTAINISER [ketɛnise]
v.
v. tr. Fam. Rendre (qqch., qqn) quétaine.
– Faire passer (qqch., qqn) pour quétaine.
Le premier [réseau de télévision] informe et plutôt mal sur le Québec et le Canada, et ne divertit qu’une élite intellectuelle, à part les émissions pour enfants, le second prétend informer à travers le miroir déformant [d’un animateur populaire] et divertit en « kétainisant » ses auditeurs. 1975, La Tribune, Sherbrooke, 27 décembre, p. 4.
Quelques aspects des Jardins ont été relativement bien conservés, mais en général on les a transformés en vulgaire tape-à-l’œil. Contrairement à ce que montre le vidéo publicitaire, ce n’est pas l’âme de [leur créatrice] qui habite les jardins, c’est son fantôme. Et j’espère qu’il hante ceux qui ont « quétainisé » son œuvre sans vergogne sous prétexte de la rendre accessible à la masse. 1989, La Presse, Montréal, 23 août, p B2.
On a parfois cherché à kétainiser le Festival western de Saint‑Tite, qualifiant ses rues encombrées de souk ou de bazar et son événement de western-poutine. On s’étonnera peut-être alors d’apprendre que chaque couple de festivaliers dépense en moyenne 736 $ durant son séjour et que les retombées économiques ont été évaluées par les deux firmes spécialisées à 50 551 000 $. 2007, J.‑M. Beaudoin, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 13 décembre, p. 5.
v. pron. Fam. Devenir quétaine.
L’ancienne Zerra se « kétainise » [titre] [Une chanteuse] […] vient de graver un disque « ben ordinaire » […]. Dame Chance lui réserve-t-elle une place de choix? 1972, Télé‑radiomonde, Montréal, 4 mars, p. 3.
[Un comédien populaire] a eu le flair de repérer le bon rôle, pour nous faire découvrir un acteur étonnant. […] [il] a pris le risque de se banaliser, de se « kétainiser » et de jouer la plus belle victime du groupe. Avec la moustache, la perruque et l’horrible habit, il compose un personnage touchant qui s’écrase devant Stéphane. 1995, J. Beaunoyer, La Presse, Montréal, 2 juillet, p. B10.
« Je dois dire que Key West est en train de se quétainiser de façon abominable. Depuis qu’ils ont refait le port, trois navires de croisière déversent chaque jour trois fois 2000 personnes, qui envahissent ensuite la rue Duval pour acheter un t‑shirt... Ç’a écœuré les gens qui y allaient pour ce que c’était, et ça a fait augmenter le niveau de vie. 2005, G. Lawrence, Le Devoir, Montréal, 18 juin, p. D3.
Bon an, mal an, ils sont au rendez-vous, pour le meilleur et pour le pire... Si les albums de Noël apportent la joie chez les uns, ils suscitent les grincements de dents chez les autres. Pourquoi tant d’artistes se prêtent-ils à l’exercice? Peuvent-ils tous installer la magie ou donner un nouveau souffle à des classiques mille fois visités? […] Le risque de se « kétainiser », plutôt que de sortir grandi de l’expérience, est énorme. 2017, G. Bouchard et N. Houle, Le Soleil (site Web), Québec, arts, 24 novembre.
Vieilli, rare Quétainisé, quétainisée ou kétainisé, kétainisée adj. Qui a été rendu quétaine, qui passe pour quétaine dans l’opinion générale.
Les six grands couchers de soleil devant lesquels se tiennent les personnages […] créent une atmosphère singulière. Voilà le rêve d’une sérénité kétainisée, de « Sunset over Miami », de l’eldorado du soleil couchant devant une petite bière, sa petite femme et ses petits enfants qui pataugent dans l’eau du lac qui s’endort. 1974, J.‑C. Leblond, Le Jour, Saint-Laurent, 26 octobre, p. 18.
Lorsqu’ils n’ont pas les yeux braqués sur le passé, les cinéastes [québécois] se tournent vers l’étranger : la révolution au Nicaragua, les problèmes urbains au Sénégal, les survivants d’Hiroshima, les insurgés de Beyrouth, les Indiens de la côte Nord, les Inuit du Grand Nord étaient aussi présents dans la programmation d’automne des cinéastes québécois, que l’auguste curé de campagne de la Beauce ou l’Elvis Gratton en passe de devenir héros grotesque d’une belle province kétainisée. 1983, M. Lemery, Le Droit, Ottawa, 8 octobre, p. 31.
Vieilli, rare Quétainisant, quétainisante ou kétainisant, kétainisante adj. Qui a les caractéristiques du quétaine; qui relève d’un goût, d’une mode, d’une esthétique quétaine.
Cet ouvrage, illustré par [un] féroce caricaturiste [...], en fit écumer plusieurs mais obtint néanmoins un honnête succès de librairie. Les buts de l’auteur étaient simplement de réviser « une certaine histoire kétainisante qui avait bercé notre jeunesse ». 1970, L’actualité, Montréal, juin, p. 23.
Dans son rôle « quétainisant », […] notre télévision fait mine d’ignorer les préoccupations socio-culturelles; elle obéit aux cotes d’écoute et s’écarte de toute rigueur intellectuelle; elle se définit comme un outil de divertissement auprès d’un public réceptif, « bon enfant » et un peu « cave ». 1975, J.‑P. Tadros, Le Jour, Saint-Laurent, 5 juillet, p. 12.
(Hapax; employé comme nom).
N’espérez pas procurer le bonheur à tout le monde […]. C’est parce qu’en fait le bonheur est un don, tout comme l’intelligence et la beauté. On naît avec, ou il faut bien s’en passer […]. Il y aura toujours des pisse-vinaigre, des enquiquineurs et des quetainisants parmis [sic] nous! 1976, La Vie médicale au Canada français, vol. 5, no 3, p. 246.
Rare Quétainisation ou kétainisation n. f. Processus par lequel qqch. devient graduellement quétaine.
[Une architecte] parle pour sa part d’une entreprise de kitchification. Effectivement, tous ces ajouts, ces touches de « fantaisie » post-moderne greffées à un édifice sobre et minimaliste, évoquent ces autres bacs à fleurs de la malheureuse [rue] Prince-Arthur, dont la kétainisation, de concert avec l’horrible Institut d’Hôtellerie, une autre réalisation de nos pouvoirs publics, a défiguré l’historique Square Saint‑Louis. 1989, L. Gagnon, La Presse, Montréal, 30 mars, p. B3.
Les quatre années du règne [d’un président américain], nous explique-t-il [l’écrivain Michel Tremblay], n’ont pas vraiment eu d’impact sur Key West et sa région, très progressiste, dans le sud de la Floride. Ce qui ne l’a pas empêché de voir le déclin des États-Unis depuis 30 ans, ce qu’il appelle leur « quétainisation ». 2020, J. Lapointe, La Presse (site Web), Montréal, arts (littérature), 8 novembre.
Fam. Déquétainiser ou dékétainiser v. tr. Libérer (qqn, qqch.) de son caractère quétaine.
v. pron. Cesser d’être quétaine (en parlant de qqn, qqch.).
[…] il serait souhaitable qu’il [un chanteur canadien] « dé‑kétainise » le texte de ses chansons. Nous sommes en 1967 après tout. 1967, P. Vincent, Photo-journal, Montréal, 27 septembre, p. 69.
Dé‑kétainisez vos amis! [titre] Voulez-vous gagner des prix? Voulez-vous dé‑kétainiser vos amis? Ooooouuuuiii! Alors, comme vous êtes un lecteur assidu de Québec-presse, faites partager ce plaisir […]! Vos amis cesseront d’être kétaines, conservateurs, réactionnaires! Vous multiplierez ainsi le nombre de Québécois qui veulent que ça change! […] Pour dé‑kétainiser vos amis, $10 au lieu de $12 est vraiment pas cher. 1970, Québec-presse, Montréal, 6 décembre, p. 9B (annonce).
Je me suis déquétainisé en allant en Europe et quand je suis revenu ici, je me disais que c’était pas possible, que j’étais à part des autres. 1972, I. Saumart, La Presse, Montréal, 17 février, p. C6.
Ce qui est choquant, c’est cette mentalité snobinarde de classer, selon une vision obtuse et réductrice, ce qui serait cachère ou pas. Cet élitisme-là est souvent le fait de gens incultes, dont on pourrait penser qu’ils sont des parvenus culturels, ces gens qui surfent sur les modes, sur les tendances, qui classent en in et off, qui n’ont que le mot « quétaine » à la bouche ou qui s’attribuent le pouvoir grisant de « déquétainiser » tout à coup ce qu’ils abhorraient la veille. 2006, D. Bombardier, Le Devoir, Montréal, 25 février, p. B5.
Une activité à « déquétainiser » [sous-titre] Le perron est un lieu hautement habitable à se réapproprier : il ne tient qu’à nous de lui redonner ses lettres de noblesse. Ça vaut le coup et le coût, car il n’est meilleur endroit pour regarder passer le temps et le forcer à ralentir sa course folle. Ah! prendre place devant sa porte d’entrée et y trôner en roi prolétaire... C’est là somme toute une saine activité à « déquétainiser » au plus vite, vraiment! 2009, J.‑P. Lanouette, Le Courrier du Sud, Longueuil, 11 juin, p. 10.
– J’ai toujours trouvé ça beau, une ceinture fléchée, dit Yamilah. Je n’ai jamais compris pourquoi les Québécois ne la portent pas plus souvent. – Malheureusement, expliquai-je, c’est un objet complètement folklorisé. Il faudrait la déquétainiser et la ramener dans la modernité. Par exemple, selon qu’on l’attache à gauche ou à droite, on annonce nos couleurs politiques. 2011, Biz, La chute de Sparte, p. 47‑48.
Fam. Déquétainisation ou dékétainisation n. Processus qui a pour but de déquétainiser (qqch., qqn); fait de se déquétainiser.
Quant aux animateurs [d’une station de radio], […] ils sont découragés d’être ainsi éternellement étiquetés « quétaines » alors qu’ils sont de tout cœur disent-ils embarqués dans le processus de « dékétainisation » de la station […]. 1973, M. Caouette, Le Soleil, Québec, 5 décembre, p. 82.
[…] l’artiste populaire entend toujours démontrer qu’il n’est pas le kétaine décrié par tant d’observateurs. […] Si le chanteur populaire veut se montrer plus branché que naguère, il n’entend pourtant pas délaisser l’une ou l’autre des couches de la population jointes jusqu’à maintenant. Processus délicat de « déquétainisation », aurons-nous saisi... 1993, A. Brunet, La Presse, Montréal, 13 novembre, p. E12.
« C’est pas pour faire carrière qu’on fait du karaoké, c’est pour le plaisir de chanter en gang, avec ses amis, cela fait toujours du bien. Et c’est l’équivalent de nos veillées il y a un demi-siècle […]. Ce qu’on vise, c’est la « déquétainisation » du karaoké. » 2002, M.‑C. Blais, La Presse, Montréal, 7 décembre, p. D3.
Histoire
De quétaine et suffixe ‑iser.
1Depuis 1975. 2Depuis 1972. Quétainisé, quétainisée ou kétainisé, kétainisée, depuis 1974. Quétainisant, quétainisante ou kétainisant, kétainisante, depuis 1970. Quétainisation ou kétainisation, depuis 1989. Déquétainiser ou dékétainiser, depuis 1967. Déquétainisation ou dékétainisation, depuis 1973.
quétaine; quétainement; quétainerie; quétainisme; quétainitude.