PRÉSENTEMENT [pʀezɑ̃tmɑ̃]
adv.
En ce moment, à l’instant même; actuellement, aujourd’hui.
Être, se trouver, demeurer présentement à tel endroit. Une enquête est présentement en cours. Une exposition, un congrès qui se tient présentement à Québec; un procès qui se déroule présentement au palais de justice. Une pétition circule présentement. Film présentement à l’affiche. Compagnie qui a présentement plusieurs postes à combler.
Rem.Courant au Québec alors qu’en France, présentement est aujourd’hui relevé comme un mot vieilli ou littéraire (voir Histoire).
[…] [Cartier] penetra en son second voyage jusques au grand saut de ladite riviere de Canada, en laquelle il avoit deliberé de donner commencement à une habitation Françoise au lieu dit saincte Croix d’écrit en la relation qu’il a fait de son second voyage : auquel lieu il hiverna, & y a encore presentement des meules à moulin qu’il y avoit porté comme instrumens principalement necessaires à la nourriture d’un peuple. 1609, M. Lescarbot, Histoire de la Nouvelle France, p. 245.
Dailleurs le commis de Tadoussac nest point capable d’un detail si considerable, il rendroit bien des comptes a sa façon mais on n’en seroit peutetre pas content, on en mettra un autre dira ton? je ne pense pas quon doive le faire presentement a moins quon veüille voir le poste de Tadoussac perdu sans resource[.] 1750, Mémoire par le P. Claude Godefroi Coquart, sur les Postes du Domaine du Roi, The Jesuit Relations and Allied Documents, vol. 69, p. 106.
Aucunes licences régulières ne peuvent être données présentement pour le territoire Sud-Est du chemin de Portage à Témiscouata, et sur les différentes branches de la rivière Saint-François et du district adjoignant; mais les personnes qui désireront faire application pour les terres susdites devront correspondre avec ce Bureau, jusqu’à ce que ce territoire ait été régulièrement exploré et placé sous les soins d’un Agent local. 1843, La Minerve, Montréal, 30 juin, p. [1].
– […] Un auteur a calculé qu’un homme qui travaillerait assidûment dix heures par jour ne pourrait, dans l’espace de quarante années, consacrer qu’environ une heure à chacune des espèces présentement connues; suivant le même auteur, l’étude seule d’une chenille, si on veut la suivre dans ses métamorphoses, la disséquer, la comparer […], pourrait occuper deux existences d’homme. 1862, A. Gérin-Lajoie, Jean Rivard le défricheur canadien, Les Soirées canadiennes, mai-juin, p. 162‑163.
J’ai encore écrit que rien, présentement, ne saurait faire présager la naissance prochaine d’une littérature à nous. 1906, J. Fournier, Réplique à M. ab der Halden, Revue Canadienne, février [1907], p. 129.
Notre enseignement est sans amour : il est intéressé à fabriquer des esclaves pour les détenteurs des pouvoirs économiques; intéressé à rendre ces esclaves efficaces. Nous dépensons beaucoup d’énergie et des millions dans ce but, mais nous ne pouvons trouver présentement ni personne ni un sou pour exalter les dons individuels qui seuls permettent la maîtrise. 1949, P.‑É. Borduas, Projections libérantes, p. 39.
Dans l’état d’âme où je suis présentement, c’est à quelques sonnets de l’Olive et à tout le livre des Regrets que va ma prédilection. Je ne suis pas, car je me connais, sans me projeter en Du Bellay. Je fais mienne sa recherche du bonheur. 1970, G. Miron, L’homme rapaillé, p. 105.
Philomène pense qu’elle a besoin de dix piasses. [/] – Berthe… [/] – Oui… [/] – J’ai encore besoin d’argent… […] [/] – Combien Mémène? […] [/] – Dix piasses… […] [/] – Je n’ai pas d’argent présentement, mais je peux passer chez mon père… À dix heures je serai en mesure de te les donner… 1964, J. Renaud, Le cassé, p. 52‑53.
[…] jusqu’à quel point les politiciens sont-ils imputables de leurs promesses, responsables de leurs engagements envers les chers électeurs? Il y a présentement au Canada une prise de conscience rafraîchissante à cet égard, et qui peut mener fort loin dans la transformation de la « culture » politique. 1997, G. Lesage, Le Devoir, Montréal, 22‑23 mars, p. A10.
[…] mesdames et messieurs, je suis malade de ceci, de cette maladie qui existe car elle a un nom, et présentement je suis malade de ne pas pouvoir nommer le mal que j’ai, et vous verrez que je mourrai de ça, de ces mots qui ne me disent rien car ce qu’ils désignent est bien trop vaste pour m’interpeller, bien trop peu pour me dissocier de ma mère. 2001, N. Arcan, Putain, p. 144.
L’intuition fait présentement l’objet de recherches scientifiques un peu partout dans le monde. Certaines sont concluantes, d’autres moins. 2008, M. Cyr, La petite voix, p. 33.
Envisagés en fonction des personnes, les services de santé peuvent être regroupés en trois grandes catégories : les soins de première ligne pour la majorité des gens, les soins à domicile pour les personnes en perte d’autonomie ou qui ont des problèmes chroniques de santé, et, enfin, l’hébergement et les soins hospitaliers de courte ou de longue durée pour ceux qui nécessitent un niveau plus élevé de soins. Ce sont les mêmes types de soins qui existent présentement dans le système, sauf qu’ils devraient être organisés en premier lieu en fonction des besoins des patients plutôt qu’en fonction des intervenants. 2012, Cl. Castonguay, Santé : l’heure des choix, p. 59‑60.
Histoire
Depuis 1609. Héritage de France, où le mot est attesté depuis le XIIe s. au sens de « maintenant » (v. TLF). Les dictionnaires français contemporains l’enregistrent avec les marques ‘vieilli’, ‘régional’ ou ‘littéraire’ (v. TLF ‘vieilli (sauf au Québec et en Afrique francophone) ou littér.’, Robert (en ligne) 2023‑11 ‘vieilli ou régional’, Larousse 1982 ‘langue soutenue’). Présentement n’est pas totalement sorti de l’usage en France, où il apparaît encore de temps à autre dans la presse (par exemple, dans L’Obs, Paris, 10 août 2023, p. 66 : Elle est là, présentement éperdue d’amour devant des porte-monnaie en toile Jacquard.) Le mot est toutefois nettement plus courant au Québec et au Canada francophone (v. M.‑É. de Villers, 2005, p. 121‑123). Une influence de l’anglais presently, de même sens, n’apparaît pas devoir être invoquée pour expliquer la grande fréquence du mot en français québécois qui, d’après la documentation consultée, a été relevé dès les débuts de la colonie, au XVIIe s., et régulièrement par la suite.