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POUDROYER [pudʀwaje]
v. intr. et impers.

Rem.

Variante graphique : poudreyer (voir PoirierG).

  

v. intr. Litt.S’élever en rafales, tourbillonner (en parlant de la neige).

La neige poudroie.

 v. impers. Il poudroie, ça poudroie : il y a de la poudrerie.

Rem.1. Dans le français de référence, poudroyer peut signifier « s’élever sous forme de poudre, de poussière », ce qui correspond à l’emploi du mot au Québec en parlant de la neige (voir GLLF, s.v., sens 1; Robert (en ligne) 202101). Cependant, ce verbe a aussi le sens de « donner à l’œil l’impression d’une poudre brillante sous l’effet de la lumière » (Larousse 19821987, Robert (en ligne) id., TLF). Ainsi, la phrase La neige poudroie évoque en France l’apparence de poudre brillante que peut présenter la neige qui voltige, sous l'effet d'un éclairage vif, alors qu’au Québec elle fait référence à son tourbillonnement. En fait, les deux aspects sont indissociables : la neige prend l’apparence d’une poudre brillante parce qu’elle est en mouvement. Le sens français de poudroyer, sans être usuel, est cependant attesté au Québec depuis le XIXe siècle (p. ex. chez Joseph Marmette, Le chevalier de Mornac, 1873, p. 95 : « L’astre du jour se levait radieux et poudroyait à travers les arbres »). 2. Au Québec, poudroyer a été recommandé dans le passé pour remplacer poudrer, critiqué depuis Maguire (1841), par exemple par Louis Fréchette [pseud. Airvaux] : « M. Bibaud critique avec raison notre mot canadien poudrer pour poudroyer » (L’Opinion publique, Montréal, 30 octobre 1879, p. 521). L’année suivante, Jules-Fabien Gingras (1880), autre critique intransigeant, recommande à son tour de dire poudroyer à la place de poudrer.

 poudrer (sens II.2).

Sentinelle, mon ami, sentinelle ne voistu rien venir? À quoi celuilà répondra : Je ne vois que la neige qui poudroie, un chien qui aboie, un propriétaire de maison à louer qui larmoie; mais pas plus d’officiers publics que dans le trou de mon télescope. 1843, Le Fantasque, Québec, 11 janvier, p. [3].

Je me suis acheté une traîne sauvage et je me propose de faire des glissades avec des demoiselles […]. Pouvez-vous me dire quelles sont les règles d’étiquette à observer dans un amusement de ce genre? […] À ces questions nous devons répondre. Si la neige poudroie ne placez jamais une dame sur l’avant de la traîne. Il n’y a qu’une exception dans le cas d’une belle-mère. 1881, Le Vrai Canard, Montréal, 15 janvier, p. [2] (chron. humor.).

Nous n’avons jamais eu de grosse tempête de neige, mais toujours une neige légère et qui ne tombe que pendant peu de temps. Elle poudroie toujours, laissant le sol nu en quelques endroits, tandis qu’en d’autres, elle forme des amas considérables. 1885, Rapport de la deuxième expédition de la Baie-d’Hudson commandée par le lieut. A. R. Gordon, Documents de la session du Parlement du Canada, 1886, vol. 19, no 9, p. 51.

[…] qui ignore, chez nous, le joli sens que nous donnons […] au mot poudrerie? Nous en avons eu, aujourd’hui dimanche 6 décembre, une splendide démonstration. Vent d’ouest, puis vent d’est, faisaient à l’envi poudrer, ou poudroyer, la neige fraîche abondamment tombée. Pour comble de jeu, une bordée nouvelle vient se mettre de la partie. Ah! c’était beau à voir. 1936, N. Degagné, Le Progrès du Saguenay, Chicoutimi, 17 décembre, p. 15.

Les paysages sont toujours enjôleurs par temps froid. […] Voici quelques photos que nous propose le photographe Michel Tremblay […] Au centre, un marcheur solitaire sur le fjord gelé face au mont Bélu de La Baie; à Chicoutimi, les clochers de la cathédrale implorent le ciel; et, en bas, ça poudroie sur le boulevard StJean-Baptiste. 2005, Le Quotidien, Saguenay, 5 janvier, p. 12.

RareS’élever en tourbillonnant sous l’effet du vent (en parlant de l’eau).

Et tout en passant sous la voûte de l’hôtel, Charles se disait, lui aussi, à voir poudroyer la pluie sur les pavés miroitants : – Du diable si madame Pistache pourra courir après moi ce matin. 1858, Le Journal de Québec, 13 juillet, p. 1.

Oh! Le lac St. Jean! Il est beau, très beau sans doute. Mais il faut s’en défier comme on se défie d’une belle femme. […] La vague n’est donc pas forte, mais le vent souffle avec une telle furie que l’eau poudroie comme la neige folle de nos hivers. 1881, A. B. Routhier, En canot, p. 9293.

Histoire

Depuis 1843. Découle, par analogie, de poudroyer « s’élever en poussière (p. ex. du sable) », attesté en français depuis le XVIe s. (v. FEW pǔlvis 9, 562b; Huguet, Littré, Robert (en ligne) 202101), avec une influence probable du verbe poudrer (sens II.2), qui a connu lui-même cette extension dès le XVIIe siècle. Le sens secondaire (« tourbillonner » en parlant de l’eau), depuis 1858, est un jalon dans cette évolution : de la poussière, on passe à l’eau, puis à la neige.

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : janvier 2021
Trésor de la langue française au Québec. (2021). Poudroyer. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 18 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/poudroyer