POUDREUX, POUDREUSE [pudʀø, pudʀøz]
adj.
Caractérisé par la poudrerie (en parlant du temps).
Un temps poudreux. Une journée, une nuit poudreuse. Un mois de janvier poudreux. Un hiver poudreux.
(En parlant d’un lieu). Qui est exposé à la poudrerie, où il y a beaucoup de poudrerie.
Une région poudreuse. Une route poudreuse.
Durant l’année qui vient de s’écouler, nous avons remis à la porte de nos souscripteurs, quelqu’ait été l’état du ciel, chaud, froid, tempéré, sec, neigeux, poudreux, brumeux, pluvieux, nuageux, orageux, tempestueux, quatre-vingt-seize numéros, formant un tout de six cent vingt-quatre pages imprimées. 1842, Le Fantasque, Québec, 14 mars, p. 621.
Je veux croire que cette invention nouvelle [une crinoline] peut avoir son utilité dans le temps de la canicule, mais il me semble que pour les temps poudreux du rigoureux hiver Quebenatus, le beau sexe devrait suivre précisément le contraire de cette mode désespérante. 1857, Le Fantasque, Québec, 10 décembre, p. 31.
Sur la route poudreuse et toute blanche de neige, les sapins noirs alignent leurs squelettes grèles [sic]; pas une maison, et, sans un vieux four dont la forme se devine sous la neige, on se croirait en pays sauvage; aucun traîneau n’a durci le chemin depuis la dernière bordée. 1919, Y. O.‑Gouin, Marie-Alice, dans Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Au pays de l’érable, p. 25.
Cette église sans murs […] a quelque chose d’éternel dans son audace même, elle impressionne par une simplicité extraordinaire : un toit, un abri élémentaire pour le Dieu des hommes dans un pays dur, venteux, poudreux, où l’hiver est long et glacial; un toit, une tente pour le Christ sur les bords de ce Saguenay sauvage où la tempête flagelle les eaux et découpe des ombres effrayantes sur les caps géants qui l’emmurent. 1957, J. Cimon, Cahiers de géographie de Québec, vol. 2, no 2, p. 222.
Le vingt-trois décembre s’immisça dans la vie d’Émilie en chantant l’hiver par chacune des fenêtres de la classe et des combles. Elle ouvrit les yeux et, quoiqu’ils fussent encore brouillés de sommeil et de chagrin, elle vit que la journée serait poudreuse. Elle soupira, se leva et commença sa toilette […]. 1985, A. Cousture, Les filles de Caleb, t. 1, p. 75.
[…] la route 138 grimpe brusquement quand elle quitte la côte de Beaupré pour rejoindre, au-delà de Saint-Tite-des-Caps, le plateau venteux et poudreux de Charlevoix, qui s’incline des dizaines de kilomètres plus loin dans l’échancrure de la baie Saint-Paul. 2000, N. Cazelais, Le Devoir, Montréal, 25 février, p. B5.
Par méton., RareChargé de neige poudreuse (voir sens 2 ci-après).
Un vent poudreux.
La neige que le vent roule autour de ma tête [/] En tourbillons poudreux s’élève dans les airs [/] Comme un sable mouvant qu’agite la tempête [/] Au milieu des déserts. 1864, L’Écho du cabinet de lecture paroissial de Montréal, vol. 6, no 5, 15 mars, p. 92.
Ce livre-là, c’est un peu comme un poème qui célèbre l’hiver. Et, accessoirement, la métropole. Il transpire les vents poudreux, les flocons froids, les matins frisquets et les soirées douces près du feu. La délicatesse des photos où perce la lumière de janvier est un régal pour l’œil. Le livre doudou n’est pas que beau, il rassemble aussi sous sa couverture 80 recettes variées qui ont en commun de bien s’accorder aux mois blancs de notre climat. 2018, K. Tremblay, La Tribune, Sherbrooke, 8 décembre, p. W18‑W19.
Neige poudreuse : neige sèche et fine qui se laisse chasser en rafales par le vent, qui favorise la poudrerie.
Rem.1. Comme en France, neige poudreuse (ou, par ellipse, poudreuse, n. f.) se dit au Québec d’une neige pulvérulente fraîchement tombée, favorable à la pratique du ski (voir Histoire). 2. Synonyme (rare) : neige poudrante (s.v. poudrer, sous le sens II.2)
Lundi dernier, nous recevions la nouvelle que La Canadienne, commandant Fortin, s’était échouée le 24 novembre, près de l’Islet-aux-Caribous, en bas de la Pointe-des-Monts. Une tempête furieuse régnait en ce moment, une neige poudreuse et un fort vent du nord rendaient impossible tout mouvement que ce fût. 1861, L’Ordre, Montréal, 4 décembre, p. [1].
Le 21 octobre commença une tempête qui dura trois jours consécutifs; on aurait dit la nature dans l’épouvante tant étaient grands le désordre et la confusion des éléments; […] par moments les vagues furieuses qui, dans le jour, semblaient des montagnes de neige poudreuse s’entrechoquant entre elles, apparaissaient, la nuit, phosphorescentes, comme une forêt de feu […]. 1871, L. E. Moreau, Nos croisés, p. 314.
Avec février une tempête se leva sur la campagne. Pendant deux jours au delà, elle souffla sans répit. Et tout le temps la neige tomba. Elle tomba par étoiles, par flocons, par brins, tantôt fine et poudreuse, tantôt folle et tantôt frivolante. 1947, G. Guèvremont, Marie-Didace, p. 119.
Le vent froid le pénétrait, se propageant en lui. Et les vagues de neige poudreuse blanchissaient la rue, les maisons et le ciel. Il allait au hasard, plié en deux pour échapper à la poussée du vent. 1974, A. Major, L’épouvantail, p. 45.
Vous allez trouver des milles de long, vous verrez pas un petit arbre. Il y a pas de cet herbage‑là. C’est un grand pays nu, puis les neiges sont toujours poudreuses. 1959, Sept‑Îles (Sept-Rivières), AFEUL, G. Landry 138 (âge de l’informateur : 78 ans).
Elle écarta légèrement les rideaux. Le stationnement et la rue qui le bordait au fond, recouverts depuis le matin d’une petite neige poudreuse que le vent soulevait en tourbillons, étaient toujours aussi mornes et déserts. 1989, Y. Beauchemin, Juliette Pomerleau, p. 475‑476.
Le vent qui soufflait avec vigueur sur une neige poudreuse a causé plusieurs accrochages partout dans la région hier. […] La collision la plus spectaculaire s’est produite dans le rang 6 à Saint-Bruno, à environ un kilomètre de la Fromagerie Saint-Laurent, à 7 h 20 hier matin. […] Selon les témoignages recueillies [sic] par la Sûreté du Québec, la visibilité était nulle à ce moment et le vent qui soufflait avait créé des lames de neige sur la route. 2001, Le Quotidien, Saguenay, 22 février, p. 3.
Histoire
Les sens 1 et 2 sont issus de poudrer (sens II.2), et du suffixe ‑eux, particule très productive en français québécois dans la formation d’adjectifs servant à qualifier des phénomènes météorologiques (p. ex. brumasseux, mouillasseux, mouilleux). Le mot poudreux est attesté en français depuis le XIIIe siècle au sens de « couvert de poussière », perçu de nos jours comme vieux ou littéraire (v. FEW pǔlvis 9, 562a; PRobert 2021); on relève en outre au XVIIe siècle nuage poudreux signifiant « tourbillon de poussière ».
1Depuis 1842. Découle d’une analogie établie entre la poussière (sens français ancien) et la neige, qui s’est produite d’abord pour le verbe poudrer, dont il est un dérivé. Le fait que le mot poudreux se retrouve, en français du XVIIe siècle, dans la locution nuage poudreux au sens de « tourbillon de poussière » indique que le mot était déjà associé à l’époque à un phénomène naturel, ce qui favorisait l’analogie avec les rafales de neige. 2Depuis 1861. Neige poudreuse (ou, par ellipse, poudreuse, n. f.) « neige sèche et fine fraîchement tombée, bonne pour le ski », relevé dans les grands dictionnaires de France, s’est développé parallèlement à l’emploi québécois (v. GLLF, TLF, Robert (en ligne), 2020‑12, s.v. poudreux; v. aussi Larousse 1949 : « qui ressemble à de la poussière (de la neige) ». L’analyse de la documentation montre clairement que l’emploi français, attesté depuis 1869 (d’après DDL 2/27), s’est dès le départ implanté dans le vocabulaire spécialisé des sports d’hiver pratiqués en haute montagne (tels que l’alpinisme et le ski dans les Alpes). Ce n’est pas le cas de l’emploi québécois, qui est un produit de la langue générale, ce qui est évident dès les premières attestations.