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POUDRERIE [pudʀəʀi]
n. f.

Rem.

1. Prononciations traditionnelles : [pudəʀi]; plus rare [pudʀi] (voir PPQ 1209A). 2. Variante graphique : pouderie. Cette variante est attestée plusieurs fois à l’écrit, notamment dans des récits de voyage en anglais où le mot est un emprunt au français du Canada (voir Histoire).

1

(Général. dans poudrerie de sable). Tourbillon (de sable, de poussière, etc.) chassé par le vent.

1942, O. Beaudoin, Poudrerie de sable sur une terre à tabac à Saint-Thomas [photo], comté de Joliette, BAnQ, P9616. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3061491

Rem.Il existe un mot poudrerie en France qui signifie « fabrique de poudre à tirer, d’explosifs » (voir PRobert 2017, TLF). Il est sans lien avec les emplois traités ici.

Cette ville [Valparaiso, au Chili] par sa belle position et le climat délicieux dont elle jouit, plairait à tout le monde, si elle n’était pas si exposée aux tremblements de terre et aux poudreries de sable qui accompagnent les grands vents. [1843], J.-B. Z. Bolduc, Mission de la Colombie, p. 51-52 (repris dans Le Canadien, Québec, 17 novembre 1843, p. 1).

[À Natashquan] Lorsque le vent souffle violemment, il soulève une poudrerie de sable qui rappelle la poudrerie de la neige dans les tempêtes de l’hiver. Le sable pénètre alors dans les habitations par les interstices des portes et des fenêtres. Il s’accumule autour des maisons et y forme des amas du genre des bancs de neige. 1897, V.-A. Huard, Labrador et Anticosti, p. 385-386.

En d’autres pays on redoute les laves des volcans, la crue subite d’un fleuve ou les tourbillons d’un cyclone; ici [à Natashquan], c’est le sable qui est le péril, (tout comme au Sahara), lorsque le vent souffle violemment et soulève une pouderie de sable qui pénètre partout, dans les habitations par les interstices des portes et des fenêtres et s’accumule autour des maisons. 1906, G. Blanche, Quelques notes sur le vicariat apostolique de S.G. Mgr G. Blanche, p. 18.

Soudain dans un tournant, s’amène le taureau noir dans une plus grande poudrerie encore et Tit-Jean s’empresse de grimper dans un chêne. 1971, J. Provost, Le gros taureau blanc, dans R. Lalonde, Contes de la Lièvre, 1974, p. 52.

À dos de dromadaire, nous progressions à pas lents sur les dunes de sable et le vent soufflait sans arrêt. Notre vécu québécois nous a appris ce qu’est de la poudrerie de neige à moins 25 degrés, mais vivre une poudrerie de sable, à plus 25 degrés, c’est toute une expérience. Le sable est aussi fin que du sucre en poudre. 2004, R. Blackburn, Le Quotidien, Saguenay, 3 juin, p. 12.

Des dommages aux plants par l’érosion éolienne ont été constatés dans Lanaudière et en Montérégie-Est (Saint-Amable). On observe dans certains champs, des petites sections où les plants ont de la difficulté à lever et à croître en raison de la poudrerie de sable observée, les sols étant devenus secs en surface. 2004, Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Avertissement : réseau d’avertissements phytosanitaires, n9, 28 juin, p. 2.

2

Neige fine et sèche soulevée en rafales par le vent; tempête de neige tourbillonnante.

2007, S. Batigne, Poudrerie (neige volante) à Montréal [photo], CC BY 3.0, Wikimédia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Poudrerie.JPG 2022, TLFQ, Poudrerie sur la rivière Saint-Charles, à Québec [vidéo]. 2022, TLFQ, Poudrerie à Lévis [vidéo].

Poudrerie forte. Temps de poudrerie. Tempête, rafale de poudrerie. Les vents forts causent de la poudrerie par endroits. La poudrerie rend la visibilité nulle sur les routes. Avertissement de neige abondante et de poudrerie.

 RarePoudrerie de neige. (Dans la langue des météorologues). Poudrerie basse, qui ne restreint pas la visibilité; poudrerie haute, qui nuit à la visibilité.

 (Au pluriel). Périodes de poudrerie; bourrasques de neige; tempêtes de neige.

Les poudreries de janvier. La saison des poudreries. Rafales de poudreries.

 poudre (sens II); poudrin (sens 2).

Rem.Général sur le territoire du Québec, mais concurrencé par poudrin dans quelques localités de l’Est québécois (voir PPQ 1209A). Bien attesté également en Acadie (voir PoirierG, Mass no 110, CormAcad).

Cet hiver [canadien] commence par la neige qui reste sur la terre jusqu’au printemps et qui tombe en si grande quantité qu’ordinairement il y en a au moins 4. ou 5. pieds; elle produit en ce pays une sorte de mauvais tems inconnû en France, il arrive quand il fait grand vent qu’il fait froid, et qu’il neige en même tems, ce tems s’appelle la poudrerie pendant laquelle il est quasy impossible de pouvoir marcher, les yeux des voyageurs en êtant offusqués et les chemins couverts de telle sorte qu’on ne peut les reconnoître. 1709, A.-D. Raudot, dans P. Berthiaume (éd.), Relation par lettres de l’Amérique septentrionale, 2018, p. 61.

La poudrerie est une neige extrêmement fine qui, tombant du ciel et se joignant à celle que le vent enlève des toits et des chemins, vous enveloppe, aveugle et égare l’homme qui connaît le mieux la route. Quand on est surpris dans les champs par cette poudrerie, l’on peut se regarder comme étant dans un vrai danger. On a des exemples de gens qui, la nuit, à cent pas des maisons, ont péri sans pouvoir les gagner. 1756, le comte de Bougainville, Journal de l’expédition d’Amérique commencée en l’année 1756, le 15 mars, Rapport de l’archiviste de la province de Québec 1923-1924, p. 246.

Il ne fait pas encore tout à fait noir; mais le vent soulève la neige et la chasse devant lui, on distingue à peine les maisons et les granges à travers le brouillard épais. La poudrerie tourbillonne dans les champs et sur la route. 1863, J.-Ch. Taché, Forestiers et voyageurs, Les Soirées canadiennes, vol. 3, p. 69.

Ce qui a le mieux réussi encore au cours de ces coûteuses manifestations de sports d’hiver [les carnavals à Québec], ce furent ces bonnes grosses tempêtes d’hiver, ces violentes « poudreries » qui causèrent tant d’émotions aux touristes américains qu’on avait réussi à faire venir dans nos murs. 1934, Le Terroir, février, p. 4.

Et toujours, à peu près à la même heure des autres, eux autres qui demandent son, sa coiffure. Mais, elle dit, monsieur Jean, elle dit, on n’a pas encore eu le plaisir, on n’a pas encore parlé, elle dit. Toujours qu’elle l’entretient jusqu’à onze heures et demie. À onze heures et demie, bien là, c’est le temps de partir. Et quand il est rendu aussi lui à la porte, il fait frette aussi, une pouderie [sic], toujours qu’elle l’invite aussi pour coucher avec elle. 1954, Chicoutimi, AFEUL, C. Laforte 127 (âge de l’informateur : 74 ans).

« Bonsoir, madame, il dit, je pourrais-tu avoir un verre d’eau »? Elle dit : « Certainement. Entrez, monsieur ». Il rentre, s’assit sur une chaise, [é]tait fatigué. Il met son pack sac à terre. Puis, heille, il conte ça : il s’en allait au chantier, puis, il dit, on dirait que ça fait par exprès, il y a une tempête, une affaire épouvantable, il dit, la neige, une affaire terrible, il dit, le vent puis la pourderie [sic], ça slaque pas. Puis là, bien, je sais pas si m’a être capable me rendre, il dit, je suis fatigué, c’est effrayant. 1960, Acton Vale (Bagot), AFEUL, C. Laforte 976 (âge de l’informateur : 60 ans).

La neige tomba toute la journée, en poudrerie qui s’écrasait en crépitant aux fenêtres du côté ouest. Le vent mugissait en tournant autour de la maison qui, les oreilles tournées vers l’intérieur, ne l’entendait pas. Ceux qui sortirent pour le « train » du soir furent surpris : la neige avait comblé le chemin de l’étable et s’était durcie en barrages, en dunes aux formes extravagantes inventées par le vent. 1966, M. Ferron, La fin des loups-garous, p. 105.

Une tempête hivernale est à l’horizon. […] la neige débutera ce matin sur les régions les plus au sud et s’intensifiera en fin de journée. Des quantités appréciables de neige sont prévues sur ces régions. De plus, de forts vents du nord-est causeront de la poudrerie à partir de ce soir. La neige et surtout la poudrerie persisteront dimanche sur le sud-ouest québécois. 1995, Le Devoir, Montréal, 4 février, p. B14.

Le Québec a été frappé de plein fouet hier par une des pires tempêtes de l’hiver, à seulement une semaine du printemps. Vents violents, poudrerie intense, chute de neige incessante : ce cocktail météo a provoqué des dizaines, voire des centaines de sorties de route, et surtout, des carambolages monstres qui ont paralysé les autoroutes. 2017, L.-S. Perron, La Presse+, Montréal, 15 mars, actualités, écran 2.

Fig.

Transporté d’urgence à l’un des hôpitaux des Trois-Rivières […], le vieil homme se retrouva seul dans une chambre à trois lits. Seul. Enveloppé dans des draps blancs sévèrement pressés. Seul, face à un mur blanc, à un plafond blanc et à un autre mur blanc percé d’une fenêtre par laquelle il apercevait danser avec une sorte de joie macabre la poudrerie blanche du destin. 1974, P. Châtillon, La mort rousse, p. 11.

Fig. (Par allusion à la portée emblématique de la poudrerie dans l’imaginaire québécois).

[Gilles] Vigneault international, à nous parler du monde entier après nous avoir fait prendre racine dans notre poudrerie. C’était l’œuvre revisitée : avec l’accès au pays, les mêmes chansons se mettent à parler tout à coup d’ouverture au monde, d’égal à égal avec le monde. 1990, B. Dostie, La Presse, Montréal, 3 décembre, p. A10.

 (Dans une périphrase pour désigner le Québec, le Canada). Litt.Pays de poudrerie(s).

FigAgitation, remous.

Les tempêtes de langues sont plus redoutées encore que les tempêtes de souveraineté. L’automne dernier, des fuites alarmistes ont laissé entrevoir que le rapport sur l’état de la langue [...] causerait pas mal de poudrerie. 2008, P. Foglia, La Presse, Montréal, 8 mars, p. A5.

NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE

1. Un mot québécois bien-aimé. Comme c’est le cas pour le mot brunante, poudrerie a fait l’objet, au fil du temps, d’une multitude de commentaires élogieux de la part des linguistes et des observateurs de la langue qui ont fait oublier les propos de quelques détracteurs isolés (Maguire 1841; Gingras2; Dagenais1). En 1880, Oscar Dunn écrivait : « Le mot est pur franco-canadien, et c’est le chef-d’œuvre de notre langue. » (p. 144). Nombreux sont ceux qui ont souligné la beauté, le caractère « harmonieux », « expressif », « poétique » et « pittoresque » de ce mot taillé sur mesure pour une réalité bien canadienne. Louis-Philippe Geoffrion apporte une justification à ce concert de louanges : « N’hésitons donc pas à nous servir de ce terme poudrerie. Non seulement il est frappé au bon coin, mais il manquait au vocabulaire français pour dénommer le phénomène de la nature qu’il désigne de façon si expressive. Ce vocable résonne aux lèvres humaines depuis qu’il y a des Français au Canada et qui y voient tourbillonner la neige; il a eu, en outre, l’honneur de figurer dans les récits d’excellents écrivains de France, tels que Louis Hémon, le P. Duchaussois, Constantin-Weyer; souhaitons que l’Académie française, qui a déjà admis portage, orignal, tomahawk, dans son dictionnaire, veuille accueillir bientôt poudrerie ainsi que poudrer et consacrer ainsi les acceptions que ces deux mots ont couramment chez nous depuis plus de deux cent cinquante ans. » (p. 1027). Geoffrion joignait ainsi sa voix à celles de nombreux gens de lettres qui ont très tôt revendiqué que ce mot trouve place dans les grands dictionnaires français. Cette reconnaissance s’est manifestée à partir des années 1970 (voir GLLF, PRobert 1977, Lexis, Robert 1985 et TLF). Les auteurs de ces ouvrages ont pu être influencés par le fait que l’Office de la langue française avait, en 1969, inclus poudrerie dans sa liste de « canadianismes de bon aloi ».

2. Un mot évocateur de l’hiver canadien. Dans les récits des explorateurs, des voyageurs et des missionnaires des XVIIe et XVIIIe siècles, on retrouve souvent le mot poudrerie dans des contextes où il est question des dangers inhérents à ce phénomène climatique qui a dû être apprivoisé par les premiers arrivants et qui laissait certainement une très forte impression aux visiteurs étrangers. Dans les textes littéraires canadiens-français, le mot poudrerie ravive le souvenir des ancêtres intrépides qui parcouraient le continent dans des conditions extrêmement difficiles et qui, aveuglés par les violentes rafales de neige leur fouettant le visage, avaient peine à respirer, perdaient leur chemin et y laissaient parfois la vie. Symbole de la cruauté de l’hiver canadien, la poudrerie en incarne en même temps l’indicible et fougueuse beauté. A. Rivard et F.-A. Savard, entre autres, ont consacré des pages empreintes d’admiration à ce phénomène qui témoigne de l’appartenance des Québécois à un territoire unique au monde, la poudrerie et les autres rigueurs de l’hiver étant au cœur de la grande aventure nord-américaine. Se laissant emporter par son enthousiasme, Rivard termine son éloge de poudrerie sur une note un peu chauvine : « À Saint-Pierre de Miquelon, on a inventé le mot poudrin mais poudrin ne vaut pas poudrerie. Gardons poudrerie. » (p. 77)

Sources : P. Collet (1965), L’hiver dans le roman canadien-français, 121-127 et 173-181; L.Ph. Geoffrion (1935, juin), « Poudrer » et « poudrerie » dans le franco-canadien, Le Canada français, 1021-1027; A. Rivard (1919, février), Le parler français : quelques-unes de nos façons de parler, Le Canada français, 7477 .

3

Vieilli(Dans des locutions ou des comparaisons dans lesquelles poudrerie évoque la rapidité). Se répandre comme la poudrerie, comme une traînée de poudrerie, très rapidement.

 loc. adv. En poudrerie : en trombe, en coup de vent.

Passer en poudrerie.

Rem.Signalé dans GPFC, s.v. passer (sens 14).

Mais la Grise, avec sa bride sans garde-yeux, n’avait pas tardé à découvrir le loup. Dans le temps de le dire les quatre pieds lui levèrent et elle partit comme une poudrerie. Le sorcier l’emportait. De chaque côté du chemin les piquets de clôture passaient dans une course si vertigineuse, si affolée, que, racontait le père, on se serait cru dans les chars. À ce train-là, le loup garou ne pouvait pas tenir longtemps. 1916, L. Groulx, Les rapaillages, p. 20.

L’avant-midi comme la relevée passait comme une poudrerie, qu’on n’avait pas le temps de la voir, il fallait l’angelus du soir pour faire cesser le travail. 1918, frère Gilles, Les choses qui s’en vont, p. 63.

Phonsine : C’empêche pas que la nouvelle va s’répandre comme la poudrerie sur la commune. 1963, G. Guèvremont, Le Survenant, 21 février, p. 2 (radio).

Alors se produisit l’annonce d’une catastrophe nationale. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudrerie, s’infiltrant dans tous les cerveaux et aux trente-six coins de la province. [...] Âgé de quarante-neuf ans, était mort la veille l’homme le plus fort du monde, le Canadien français Louis Cyr. 1994, A. Mathieu, Aurore l’enfant martyre, p. 193.

(Évoquant la fluidité du phénomène). Acadie

Puis lentement, les Fêtes s’estompaient. L’esprit de la joie partagée se dissipait comme une poudrerie et cédait inexorablement le passage aux halètements du pelletage et aux grelottements de janvier. 2011, R. Morin Rossignol, Acadie Nouvelle, Caraquet, 5 janvier, p. 13.

Histoire

De poudrer et du suffixe -erie. 

1Depuis la fin du XVIIe siècle, dans un dictionnaire bilingue (voir J. G. Shea, A French-Onondaga dictionary, from a manuscript of the seventeenth century, 1860, p. 82 : poudrerie de poussiere). Cet emploi a été relevé en France, au début du XVIe siècle, notamment chez Jean Lemaire de Belges, en parlant de la poussière que le vent fait voler comme des « bruines espesses » (v. Huguet, s.v. pouldrerie). Étant donné que poudre et son dérivé poudrer ont aussi des sens hérités de France qui font référence au sable ou à la poussière, on peut considérer que l’emploi de poudrerie en parlant de la même réalité dans le français du Canada est la continuation de l’usage relevé en France au XVIe siècle.  2Depuis la fin du XVIIe siècle, dans le même document que pour le sens précédent (v. J. G. Shea, ouvr. c., p. 82 : Poudrerie, il fait de la poudrerie de neiges). Ce relevé est confirmé à la même époque (vers 1695) par un autre missionnaire (v. Fabvre 137 : Il fait tems de p[ou]dr(er)ie; 304 : Il faict p[ou]drerie). Création canadienne, découlant d’une analogie avec le sens précédent. Dans les débuts du Régime français, le récollet G. Sagard, dans son Dictionnaire de la langue huronne (1632), définit un mot huron par l’énoncé suivant : La neige voltige en poussiere (sous le repère Te), sans mentionner le verbe poudrer ni le substantif poudrerie, ce qui peut être interprété comme un indice que ces mots ne se disaient pas encore en parlant de la neige. Par contre, l’analogie de la neige avec la poussière est dès lors explicitement évoquée (v. aussi poudre, sous Histoire). La locution poudrerie de neige, qui figure encore dans un texte de 1698 env. (Histoire du Canada, par l’abbé de Belmont, dans Collection de mémoires et de relations, 1840, p. 31) et quelques fois par la suite, suggère que le mot poudrerie était encore bien vivant en parlant d’un tourbillon de sable ou de poussière, puisqu’on éprouvait le besoin de préciser. Mais la nouvelle signification du mot éclipse rapidement l’ancienne, poudrerie étant désormais associé plutôt à l’hiver. Le phénomène atmosphérique hivernal, qui est fréquent et peut durer plusieurs jours, a dû impressionner les premiers colons, ce qui peut expliquer pourquoi le mot poudrerie s’est imposé en parlant de la neige, au détriment du sens premier. Poudrerie pouvait dorénavant s’employer seul, sans qu’on ait à préciser qu’il fait référence à la neige. Il est bien installé dans l’usage dans les premières décennies du XVIIIe siècle, selon le témoignage d’autres missionnaires (p. ex. le père Marest, lettre de 1706 env., dans RJ 66, p. 112 : « temps de neige et de poudrerie (c’est ainsi qu’on appelle une petite neige qui s’insinue partout) »; le père Laure, lettre de 1730, dans RJ 68, p. 94 : « ces tourbillons de neige que nous appellons icy poudrerie »; le père Potier, relevé de 1743 à Québec, dans PotierH 20 : « Les Poudreries sont accompagnées de froids piquants »). Signe de sa pertinence, le mot figure dans les écrits officiels des intendants de la colonie (Raudot (v. plus haut la citation de 1709), Dupuy, Hocquart). Poudrerie s’est propagé peu à peu dans tous les établissements français en Amérique du Nord, notamment en Acadie, aux îles Saint-Pierre et Miquelon et à Terre-Neuve (Mass no 110, CormAcad, BrassTN). On l’a aussi relevé dans le Détroit, au Missouri ainsi qu’en Louisiane (v. AlmDétr 152, BénDétr, McDermMiss, DitchyLouis; DLF : « fine sprinkling of powder, snow etc. »). Le mot figure dans des dictionnaires de l’anglais nord-américain comme emprunt au français canadien (v. DictCan, s.v. poudrerie : Mathews, s.v. pouderie). L’emprunt, qui a sans doute été fait dans le milieu des voyageurs, est bien attesté dans des sources du XIXe siècle et du début du XXe (v. p. ex. H. A. Boller, Among the Indians, 1868, p. 190 : « The storm was what is called in the mountains a pouderie, and so blinding that it was impossible to see more than a few yards ahead at any time. »). 3Depuis 1916.

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : décembre 2022
Pour poursuivre votre exploration du mot poudrerie, consultez notre capsule vidéo Dis-moi pas!?.
Trésor de la langue française au Québec. (2022). Poudrerie. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 15 avril 2024.
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