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POUDRER [pudʀe]
v.

I

v. pron. Fam.Se maquiller, se pomponner.

Les filles se poudrent.

Ah, les filles d’aujourd’hui pensent qu’à s’habiller, à se poudrer, à se friser. 1965, Saint-Benjamin (Dorchester), AFEUL, M. Boucher 190 (âge de l’informateur : n. d.).

Je voudrais ma chambre toute seule, maman. Fini le grand dortoir commun avec neuf frères et sœurs qui me reluquent. Je voudrais ma chambre à moi, avec mes affaires sous clé, maman. Je voudrais m’habiller, me déshabiller, me laver, me rechanger, me poudrer, me démaquiller, sans que personne me regarde, maman. 1978, F. Leclerc, Le petit livre bleu de Félix, p. 37.

Les coquettes qui aiment bien se poudrer avant d’aller au ski seront heureuses d’apprendre que Revlon vient de mettre sur le marché une nouvelle gamme de produits dont le but est tout simplement de durer longtemps. Elle est donc capable de résister aux épreuves. Les skieuses peuvent essayer le rouge à lèvres qui doit tenir durant huit heures ou alors le mascara hydrofuge qui est supposé rester en place pendant trois jours! 2003, La Presse, Montréal, 28 janvier, p. B3.

 Fam.Poudrée adj. f. Maquillée avec excès (en parlant général. d’une femme superficielle).

Du Tramway nommé Désir de Tennessee Williams […], il ne reste plus que la trame et la colonne vertébrale des personnages. […] Blanche est devenue une sorte de Marilyn aussi poudrée que Barbie. […] Stella passe ses journées à se maquiller et à « essayer du linge » avec sa sœur. 2002, M. Bélair, Le Devoir, Montréal, 11 mai, p. C4.

 poudrépoudrée.

II

v. intr.

1

VieilliS’élever en tourbillonnant sous l’effet du vent (en parlant de l’eau, du sable, de la poussière).

L’eau poudre. Le sable poudre. (En tournure impers.). Fam.Ça poudre.

Rem.1. Figure dans GPFC (sens 1 : L’eau poudrait). 2. Relevé de façon incidente (vocabulaire de contexte) dans quelques localités du Québec (Grande‑Baie et en Gaspésie) ainsi qu’à Chéticamp, en Nouvelle‑Écosse (voir PPQ 1370x : ça poudre, l’eau poudre). 3. Ce sens est moins bien attesté que le sens 2.

Nous louvoyons [sic] afin d’atteindre le port‑Daniel, un des postes de ma mission[.] Nous n’en étions qu[’]à quelques arpents, lorsque nous fûmes accueillis d’un grain de vent si furieux, qu[’]il fallut abattre toutes les voiles[.] L’eau poudrait comme de la neige et s’élevait à 12 ou 15 pieds en tournoyant[.] 1806, Ch.‑Fr. Painchaud, Journal de mon voyage à la Baie des Chaleurs en 1806, dans N.‑E. Dionne, Vie de C.‑F. Painchaud, 1894, p. 354.

En montant le côteau [sic] le vent était si fort que le cheval gambadait dans le chemin et ne voulait pas avancer. […] La sorcière de vent faisait monter le sable en tournoyant, et le sable poudrait comme la neige, l’hiver, dans une poudrerie. 1873, Trois‑Rivières, BAnQQ, Cour d’appel (Québec), cause n27 (1876), factum des appelants, p. 58.

[…] lundi et mardi, le nord-est avait soufflé en véritable ouragan. L’eau poudrait sur la mer, comme le sable; cela ressemblait beaucoup aux plus violentes tempêtes de nos hivers. Les maisons frémissaient de fond en comble à chaque nouvelle rafale, et je m’attendais bien à en voir quelqu’une s’élever dans les airs […] 1897, V.‑A. Huard, Labrador et Anticosti, p. 80.

[…] ce printemps‑là, l’eau était déjà haute sans bon sens quand toute la neige se mit à fondre comme par enchantement; et l’eau des lacs et des montagnes se met [sic] à descendre en même temps. Loin de baisser, la rivière montait tranquillement […]. Dans la semaine sainte, vers le mercredi saint, une tempête s’élèveti pas avec une bourrasque de vent […]. L’eau poudrait plus fort que la grosse poudrerie d’hiver. Le coup d’eau approchait. 1942, G. Guèvremont, En pleine terre, p. 94‑95.

« Quand le père s’en porta acquéreur, c’était la ferme la plus négligée du comté [de Rimouski], nous disait Elie, il y avait 4 vaches et deux chevaux, il fallait commencer à acheter le foin en mars… le sable poudrait au vent sur la moitié de la terre ». 1961, M. Cossette, La meilleure moyenne de troupeau de la province, Le Bulletin des agriculteurs, avril, p. 77.

On est partis en dérive avec tout ça, là, en plein cœur de nuit, puis l’eau poudre comme de la farine, là, puis il y avait rien que moi qui connaissais ça, moi, là, pour traverser l’île aux Grues. 1961 env., Petite-Rivière-Saint-François (Charlevoix-Ouest), AFEUL, P. Perrault 98 (âge de l’informateur : 77 ans). 

2

Tourbillonner, être chassée en rafales par le vent (en parlant de la neige).

La neige poudre. Le vent fait poudrer la neige.

 (En tournure impers.). Fam.Il poudre, ça poudre : il y a de la poudrerie.

Il poudre, on ne voit ni ciel ni terre.

Rem.1. Général au Québec et en Acadie (voir PPQ 1212, Mass no 111, CormAcad). 2. Les grands dictionnaires de France enregistrent cet emploi en signalant qu’il est propre au français du Canada (voir TLF, Robert 1985). 3. Dans le français de référence, poudrer est connu en emploi transitif au sens de « recouvrir (qqch.) d’une fine couche de neige » (voir GLLF, TLF); cet emploi est attesté également au Québec (p. ex. chez G. Roy, Bonheur d’occasion, 1945, p. 109 : « La neige tombait, poudrant leurs habits, leurs cheveux, et s’attachant, fine et soyeuse, à leurs cils qui tremblaient. »).

Pour le coup, mon cher fils, je suis toute étourdy du tempt qu’il fais. Je me suis couchez hier avec une pluys très douce et, ce matin, il poudre neige et faite un froit et une poudrerie comme je n’an ay jamais veu; et nous avons eu bien de la paine à aler, les uns après les autres, à la messe, y ayan dans les rue de la neige jusqu’au vantre des chevaux. Je voudrès, cher fils, estre en France avec cent coups de piez dans le vantre. Au moins ne serès-je pas exposez à geler et à périre dans un tas de neige. 1748, É. Bégon, Rapport des Archives nationales du Québec, 1934‑1935, p 194.

Il m’a portée jusqu’à la porte, et de là m’a trainée jusqu’à la voiture qui était un peu éloignée de la maison, près d’un bûcher, c’était une traine à bâton, tirée par un cheval.– Il faisait très froid ce soir là; – il poudrait et neigeait beaucoup. Rendu à la voiture; – il m’a jetée à plat ventre dans la traîne, et il s’est mis à cheval sur moi. 1859, Procès et condamnation de Abraham Hamelin et Isaïe Gratton, accusés de cruautés barbares envers Rosalie Barron, p. 8.

On peut dire sans crainte de se tromper : « Il neige aujourd’hui, il poudera [sic] demain, et après-demain, il neigera et poudera [sic], » et ainsi de suite. Disons cependant que le temps est assez doux, pas de grands froids comme nous en avons eu durant presque tout le mois dernier; c’est toujours autant. Mais en revanche, quelle neige! 1884, La Gazette de Joliette, 29 février, p. [3].

La neige, chassée par le vent, poudrait avec une telle vigueur, que, déjà, mes traces, mes propres traces, étaient effacées dans le bois. Il n’était pas midi, et on était en pleines ténèbres. Encore ce mot peint-il mal la chose! Il s’agit de ces ténèbres blanches, mille fois plus opaques que la nuit. La danse de cette impalpable poudre de neige mettait un écran impénétrable entre moi et les objets les plus proches. 1929, M. Constantin‑Weyer, Clairière, p. 225‑226.

Seulement, quand on arrivait sur les savanes qu’on avait traversées le matin, là, quand on sortait du bois... dans le bois, on voyait nos traces, ça allait bien. On arrivait sur la savane, là, puis il poudrait, là, on voyait plus de traces. 1971, Gaspé‑Est, AFEUL, J. Houde 1 (âge de l’informateur : n. d.).

On ne voit déjà plus les sillons de la sleigh dans le chemin tant il poudre. Les rafales effacent et recommencent sans cesse le paysage. […] La grande fenêtre est pleine de neige et de lumière qui bouillonne. 1989, R. Lalonde, Le diable en personne, p. 16‑17.

« [...] Mon mari est parti sur la route tout de suite mais, parce que la chaussée était glacée, qu’il faisait encore noir et qu’il poudrait beaucoup, il n’a commencé à faire du remorquage qu’un peu après 7 h. Il ne voulait pas prendre de risques inutiles. Je le comprends : une remorque a beau être grosse, on ne la voit guère plus qu’une automobile dans la noirceur et la poudrerie […] » 2000, G. Dallaire, La Tribune, Sherbrooke, 19 décembre, p. A6.

Il s’agissait néanmoins de la première patinoire naturelle couverte d’un toit. Une patinoire que l’on fréquente « quand il poudre, quand il fait trop froid pour se promener en voiture ou même pour marcher, quand le vent souffle ou qu’on n’a rien de mieux à faire » […] 2012, S. Auger, Le Soleil, Québec, 3 mars, p. 16 (supplément, cahier spécial).

Par métaph., pour exprimer le passage du temps.

Et avec un sourire tendre qui exprimait combien il s’apitoyait et se réjouissait en même temps devant l’inexpérience naïve de sa fille, il acheva dans un mouvement de caresse : – « Qu’est-ce que tu diras donc quand il aura un peu “poudré sur ces blonds cheveux‑là?... » [1916], E. Choquette, La terre, p. 25.

 Vieilliou région.Poudrailler v. intr. Poudrer légèrement (en parlant de la neige).

La neige poudraille.

 (En tournure impers.).

Il poudraille. Il commence à poudrailler.

La morve au nez, elle r’chignait [/] Tandis qu’la neig’ qui poudrâillait [/] Tombait su’elle en d’ssour d’l’enseigne [/] Comm’ du sucre en poudr’ su’un beigne. 1939, J. Narrache, J’parl’ pour parler…, p. 86.

Rem.Ce verbe a été relevé également en Acadie (voir Mass no 111, CormAcad). 

 Vieilliou région.Poudrasser v. intr. Poudrer légèrement (en parlant de la neige).

La neige poudrasse.

 (En tournure impers.).

Il poudrasse.

 Poudrant, poudrante adj. Neige poudrante : neige qui poudre.

[…] Gaspard se mit en route. À peine l’étions‑nous que, se refermant sur notre abri cahotant, la neige poudrante, les coups de vent, de grandes secousses de partout nous versèrent en plein rêve délirant […]. Et nous nous sommes regardés, Médéric et moi, dans la demi‑obscurité de la berline, les yeux luisants de l’heureuse surexcitation de nous voir livrés ensemble à la passion grondante du ciel et de la terre. 1977, G. Roy, Ces enfants de ma vie, p. 168.

 poudreux, poudreuse.

Histoire

De poudre.

IDepuis 1965. Cet emploi découle, par extension, du verbe poudrer « couvrir légèrement de poudre (le visage) », attesté en français depuis PLar 1906 (poudrer son visage après s’être rasé). Poudrée adj. f., depuis 1980 (enq., FTLFQ : Cette fille, a’tu [a-t-elle] l’air assez poudrée à ton goût!).

II1Depuis 1744 pour une attestation sans équivoque (v. PotierH 47 : il ventoit si fort que L’eau en Poudroit), mais sans doute déjà vers 1660 dans un manuscrit du père J.‑M. Chaumonot, Dictionnaire en langue iroquoise (ms. non paginé) : le vent poudre, tourbillon de vent. Cet exemple pourrait aussi illustrer le sens 2, mais la référence à la poussière est bien présente dans cette partie du document; de plus, d’autres mots de la même famille ont trait à la poussière à la même époque (v. poudre, sous le sens II, et poudrerie, sens 1). Poudrer, en parlant de la poussière qui tourbillonne, correspond à des usages attestés depuis l’ancien français, alors que le mot poudre s’employait au sens de « poussière », hérité du latin. On trouve en effet poudrer « dégager de la poussière (en parlant de chemins, etc.) » en français du XIIIe siècle jusqu’au XVIe; cet emploi s’est conservé dans des parlers régionaux de France (« faire de la poussière, produire de la poussière », « la poussière vole »), notamment en Picardie, en Normandie et dans le Poitou (v. FEW pǔlvis 9, 562a), d’où il est passé en Nouvelle‑France. Aujourd’hui disparu en français, il a survécu longtemps dans le vocabulaire de la chasse en parlant d’animaux qui font voler la poussière en fuyant (FEW id.; Richelet 1680, Fur 1727, Littré, Guérin, Larousse 1928, TLF). Par analogie, poudrer a servi à exprimer dès le XIIIe s. l’action de former des embruns en parlant d’une mer agitée (la mer poudre, v. TL 7, 1663).  2Depuis 1660 environ. Innovation canadienne. Attesté plusieurs fois dans un manuscrit du père P.‑J.‑M. Chaumonot, Dictionnaire en langue iroquoise (ms. non paginé) : le vent poudre, la neige poudre, le vent fait qu’il poudre. Cet emploi est confirmé vers 1695 dans un autre manuscrit de missionnaire (v. Fabvre 304 : Il faict p[ou]drerie, Le vent fait p[ou]drer, neige). Il résulte d’une analogie avec le sens 1, qui s’est probablement produite assez tôt sur le territoire de la Nouvelle‑France. Comme il est attesté en Acadie, de même que dans le Détroit et en Louisiane (v. PoirAc 254, Mass no 111, CormAcad; AlmDétr 152, BénDétr, HickmJeff 222), on peut penser qu’il était bien implanté dans les milieux maritimes où il a probablement pris naissance. Poudrailler, depuis 1939, de poudrer et du suffixe ‑ailler. Poudrasser, depuis 1969 (PPQ 1209x), de poudrer et du suffixe ‑asser, lequel intervient fréquemment dans la construction de verbes servant à nommer des phénomènes météorologiques (p. ex. brumasser, neigeasser, pleuvasser, v. TLF, s.v. asser). Poudrant, depuis 1871 (Le Franc‑Parleur, Montréal, 12 janvier, p. 173 : De 9 à midi le froid et le vent se sont élevés avec un peu de neige poudrante). De poudrer, et du suffixe ‑ant.

 poudreriepoudrin; poudroyer.

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : décembre 2022
Pour poursuivre votre exploration du mot poudrer, consultez notre capsule vidéo Dis-moi pas!?.
Trésor de la langue française au Québec. (2022). Poudrer. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 2 septembre 2024.
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