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POIGNET [pwaɲɛ]
n. m.

Rem.

Prononciation familière : [pɔɲɛ].

I

VieilliManche amovible qu’on rattache à la manche de la chemise par‑dessus le poignet de celle‑ci pour se protéger du froid ou pour compléter une toilette; manchette.

 Poignet français, formé d’une large bande constituée d’une double épaisseur de tissu qui se replie sur elle‑même, et non sur la manche de la chemise, et s’attachant avec des boutons de manchettes (d’après OLF-Hab1, s.v. poignet mousquetaire, équivalent de French cuff).

Paire de poignets en laine. Poignets bordés de fourrure. Poignets avec pouce, poignets sans pouce. Poignets tricotés en soie. Bouton de poignet.

Rem.Cette pièce de vêtement servait le plus souvent à garder les poignets au chaud, ce qui explique que les poignets étaient généralement faits avec de la laine dans le passé. Elle peut aussi avoir une fonction esthétique. La citation du notaire Chambalon (ci‑dessous), où il est question de dentelle, donne à entendre qu’on ne négligeait pas sa dimension ornementale.

Quatre paires de pougnets [sic] ou fausses manches de toille blanche garny d’une petite dentelle outre une paire qui est unie. 1693, Québec, BAnQQ, greffe L. Chambalon, 26 mars, p. 7.

Les effets que les détectifs et mon commis Lebrun me montrèrent […] consistent en […] un casque en loutre piquée de la valeur de quinze piastres : un collet en loup marin de la Mer du Sud, de la valeur de douze piastres, une paire de poignets et un collet en loutre piquée, de la valeur de vingt cinq piastres, une autre paire de poignets en loutre piquée, de la valeur de treize piastre [sic]; une paire de mitaines en loutre piquée, de la valeur de neuf piastres[;] douze queues en loutre piquée, de la valeur de soixante et quinze centins chaque; deux robes de cariole, de la valeur les deux de trente piastres […]. 1888, Affaire des fourrures, 10 janvier, p. 4.

On dit bien : des poignets de chemise; mais quand ils sont rapportés et ne tiennent pas à la chemise, ce ne sont plus des poignets; ils s’appellent alors des manchettes. 1894, La Patrie, Montréal, 10 février, p. 1.

1 paire de poignets, laine du pays – 1er prix Damase Chevrier; 2e J. B[aptis]te Rouleau. 1 paire de poignets en laine quelconque – 1er prix Norbert Charlebois; 2e J. B[aptis]te Rouleau. 1 paire de poignets tricoté [sic] en soie – 1er prix Alex Larocque; 2e J. B[aptis]te Rouleau. 1908, La Patrie, Montréal, 27 octobre, p. 15.

Articles pour Hommes [titre]. Chemises en fil de couleurs claires. Genre veston. Poignets français. Teinte garantie. Pointures de 14 à 17 pour hommes. Prix spécial, chacune 3.00. 1920, Le Devoir, Montréal, 24 mai, p. 2 (annonce).

Peut-on imaginer vêtement plus beau et plus digne que cette robe-chemisier à jupe plissée?  […] Elle est faite de souple jersey de laine et porte comme seule garniture une paire de poignets contrastants, en crêpe de soie. Une robe d'exécution facile et qu'on aimera porter plusieurs saison. 1951, Le Petit Journal (supplément), Montréal, 4 novembre, p. 27.

Col de rechange. Pointes courtes pour chemises de messieurs. Avec une paire de poignets simple [sic] pour porter avec ou sans boutons de manchettes. 1960, Le Nouvelliste, Trois‑Rivières, 12 mai, p. 30 (annonce). 

Techn.Manche d’un gant de protection.

Gants en nitrile à poignets longs, bien ajustés et devant recouvrir les poignets de la blouse. Considérer le port d’une deuxième paire de gants selon le risque d’exposition associé à l’intervention (ex. : ponction veineuse, insertion d’un cathéter intraveineux par voie centrale). 2014, Comité sur les infections nosocomiales du Québec, Maladie à virus Ebola : mesures de prévention et de contrôle pour les hôpitaux, p. 6.

II

Expressions et locutions.

1

Tirer au poignet : Affronter un adversaire dans une partie, un concours ou un tournoi de tire au poignet. (voir ci‑dessous, sens 2).

Rem.Connu partout sur le territoire du Québec, répandu en Acadie et dans la région francophone de Détroit (voir PPQ 2052, Lavoie 3013, DulCanad2, Mass no 1874, PoirierG et BénDétr).

Dans un coin, à cheval sur un banc en chêne, deux voyageurs tiraient au poignet. Immobiles depuis cinq minutes, les deux lutteurs faisaient, chacun de son côté, des efforts surhumains, pour se renverser. Les nerfs, violemment tendus, craquaient, pendant que deux groupes faisaient des gageures sur le résultat impatiemment attendu. 1873, N. Legendre, Le voyageur, Album de La Minerve, 20 mars, p. 181.

J’ai vu le défunt vers 4 heures de l’après-midi sur la galerie de la maison de mon père, et plus tard chez M. Francœur. Le soleil venait de se coucher quand il est entré chez Francœur. Il m’a paru sobre chaque fois que je l’ai vu ce jour‑là. Vers dix heures du soir, je l’ai vu chez mon père qui tirait au poignet avec quelqu’un dans la barre, et un quart d’heure après je l’ai revu qui prenait la voie ferrée dans la direction de sa demeure. 1879, Le Canadien, Québec, 16 mai, p. [2].

« La Rose » Thibault était une jolie grande fille qui vous empoignait un porc vivant de 500 livres et le lançait avec dextérité pardessus [sic] une clôture de quatre pieds de hauteur. Elle n’a jamais rencontré un garçon qui pût lui tenir tête… ou la renverser à tirer au poignet! 1885, Le Progrès de l’Est, Sherbrooke, 30 janvier, p. [1].

Après le souper, la conversation devint plus intime en fumant. Le Dr me proposa de tirer au poignet : j’eus le dessus; ensuite il me proposa d’essayer nos forces à bras le corps. La lutte fut rude, et je trouvai que le Dr y mettait une ardeur que je trouvais excessive. Cette fois encore je fus victorieux. 1901, Ch. E. Rouleau, Légendes canadiennes, p. 305.

Durant la course à cheval, demain, nous nous arrêterons dans la montagne pour des rafraîchissements. Pendant que nous serons au chalet, en train de nous désaltérer, nous commencerons quelques jeux pour se délasser et bien balancer notre exercice. Je débuterai en tirant au poignet avec quelqu’un de la partie, afin d’étendre les muscles des bras. Ensuite, je lancerai un défi au baron de me coller le bras à la table. 1944, L. Rochefort, Sa marotte, p. 340.

Puis, il y a bien sûr Antoine Bertrand, fait pour le rôle du curé Labelle, qu’on voit tirer au poignet en ouverture du premier épisode. Colérique et impulsif, l’homme de Dieu n’a qu’une idée en tête : son chemin de fer vers le Nord, qu’il compte obtenir en appuyant la candidature d’Honoré Mercier (Jean Maheux). 2015, R. Therrien, Le Nouvelliste, Trois‑Rivières, 18 décembre, p. 23.

Fig. Se battre pour imposer sa volonté, gagner sa cause.

L’on vit en Amérique du Nord : nous avons des habitudes de négociations, des structures de négociations qui ont été essentiellement montées, calquées de la loi Wagner de 1935 aux États‑Unis : la décentralisation, l’absence d’action politique des syndicats comparativement à l’Europe et le monopole de la représentation. Ce sont les caractéristiques de base ici : on fait les choses « shop » par « shop », l’employeur s’organise avec son syndicat, tire au poignet et c’est la guerre économique à mort. 1982, J.‑J. Samson, Le Soleil, Québec, 23 octobre, p. B2.

Fig. Ça va tirer au poignet : ça va batailler ferme.

« Quand tu as plus de 90 députés qui sont solidement implantés au cœur du Canada, c’est là que ça va tirer au poignet et tu ne peux pas faire quelque geste de décentralisation qui serait de nature à plaire au Québec ». 1996, D. Charette, Le Soleil, Québec, 15 mars, p. A2.

 (Variante). Tirer du poignet.

Albert est arrivé tard et la bouteille était presque vidée. Bernier a demandé à tirer du poignet. Je ne voulais pas, mais il m’a rassurée et Albert et Bernier ont tiré. Albert s’étant fait « casser » se fâcha et frappa Bernier à la figure. 1909, Le Progrès du Golfe, Rimouski, 10 avril, p. [3].

Petit-Jean dit : « Gros géant, on tirerait bien un coup de poignet, tous les deux? » Le géant répond : « Oui ! du poignet, c’est dans mon jeu. » […] Les voilà, chaque bord de la table, qui se prennent la main. Petit‑Jean dit : « Tire, gros géant! » – « Bien! il dit, je ne sais pas… je tire, mais je ne suis pas capable de te renverser. Je ne comprends pas comment tu as la main faite, toi. J’ai tiré avec bien du monde, et personne n’a résisté avec moi… Mais toi, je ne suis pas capable de te grouiller la main. » Petit‑Jean répond : « Tu dis ça pour me faire un coup de cochon et me frapper la main après la table. » – « Non, non, je suis empêtré. » – « Puisque c’est comme ça, dit Petit‑Jean, je vas te montrer comment on tire au poignet, moi. » Petit‑Jean [donne] un coup, amène la main du géant sur la table. Voilà la main coupée ici, au poignet… Petit‑Jean prend la main coupée et la jette contre le mur. Le géant dit : « Petit‑Jean, tu me fais mal! » Prennent encore un coup, fument un cigare. « Tiens, dit Petit‑Jean, on tirerait bien encore du poignet. » – « Tu m’as fait mal; je ne tire plus. » 1916, Les Éboulements (Charlevoix-Ouest), The Journal of American Folklore, 1919, vol. 32, no 123, p. 156 (dans cette citation, on trouve les deux variantes de l’expression).

M. Saint‑Amour participera au carnaval. […] « C’est notre plus vieux citoyen », dit le maire. Et pour démontrer que M. Saint‑Amour est resté jeune, Son Honneur tire du poignet avec le plus vieux citoyen de la ville. 1961, Le Petit Journal, Montréal, 22 janvier, p. 77.

« Des jeunes gens surnommés les Barbottes de l’Île Saint‑Ignace, en manche de chemise, s’amusaient à tirer du poignet » (G. Guèvremont, Marie‑Didace, Fides). Je m’éloigne du thème, mais « tirer du poignet » a longtemps été notre joute nationale de force. 1979, M. Bricault, Le Devoir, Montréal, 15 septembre, p. 22.

 (Variante acadienne). Coucher du poignet.

Rem.1. Relevé dans HéonÎM, PoirierG (« POGNET ou POUGNET. Poignet : Coucher du pougnet, c’est tirer au poignet »), Mass n1874. 

 (Dérivé). Tireur au poignet, ou tireur de poignet, ou tireur du poignet n.

Lutteur, pugiliste et tireur au poignet.

Avant de partir du Montréal, M. Tiret Pognet se mesurera au Mechanic’s Hall avec Gus. Lambert, pour le titre de champion des tireurs du poignet. 1885, Le Bourru, Longueuil, 29 août, p. [2].

Ce soir […], il y aura tours de force et match au poignet entre les inscrits du grand tournoi des tireurs au poignet qui doit avoir lieu dans les premières semaines de février. 1930, La Presse, Montréal, 13 janvier, p. 19.

Il [le comédien Gustave Ouimet] a généralement campé des rôles secondaires, et parfois insolites : barman, opérateur de traversier, « freak », criminel, champion de bouffe extrême, tireur au poignet, homme costaud, déménageur. 2019, Le Journal de Québec, 8 octobre, p. 34.

2

n. f. Tire au poignet : Jeu ou concours où deux personnes se faisant face, ayant chacune un coude appuyé sur une table et empoignant, paume contre paume, la main l’une de l’autre, cherchent à abattre l’avant-bras de l’adversaire, sans que leurs coudes ne quittent ta table.

2023, TLFQ, Tire au poignet [photo].

Tournoi de tire au poignet. Une partie de tire au poignet.

Rem.1. On rencontre parfois tire du poignet ou tire de poignet. 2. Cette appellation a pour variante principale tir au poignet, qui est d’ailleurs plus fréquente (voir sens 3, ci‑dessous). 3. La locution bras de fer, du français de référence, est peu usuelle au Québec dans la langue courante, sauf dans les emplois figurés, où elle se rencontre plus souvent que tire au poignet.

La course aux œufs donna occasion à M. Alcide Chaurest, de gagner une médaille de l’Alliance Nationale. Enfin il y eut tire au poignet, au bâton, au cable – tug of war – entre les Artisans et les membres de l’Alliance. Ils gagnèrent tour à tour. 1897, La Presse, Montréal, 20 juillet, p. 5.

J’ai déjà dit que je vous parlerais du concert boucane de l’automne dernier. Eh bien, je commence. Le programme [:] L’ouverture du tournoi de pool, une bonne touche de tabac canayen, la partie de cartes, chants, déclamations, réveillon, distribution des prix, une partie de tire‑au‑poignet, quelques discours et, enfin, au revoir; il est 4 heures. 1913, Le Canard, Montréal, 11 mai, p. 2.

Nous avons vu hier que ce brave Girard qui avait accepté de remplacer Mathieu dans son match contre Jean‑Baptiste Meloche, le champion de tire aux poignets [sic] de la bonne ville de Saint‑Albert, s’était pitoyablement fait batte par Mademoiselle Cunégonde Décarie. Et nous nous demandons quelle figure il allait faire contre son redoutable adversaire. 1938, É. Baudry, Rue principale, 25 février, p. 2 (radio).

Tournoi de la tire au poignet Une soirée sportive comprenant tournoi de tire au poignet et exhibition de tours de force aura lieu samedi le 5 mai à la Salle Libérale, 1410, rue Panet. Le tournoi de tire au poignet organisé par l’ancien homme fort Philippe Fournier est ouvert à tous les amateurs. 1945, Le Petit Journal, Montréal, 22 avril, p. 36.

Plusieurs hommes forts de même que quelques femmes fortes se sont donné rendez‑vous à Sainte‑Hénédine dimanche, le 25 juin, à des épreuves de dynamophilie et de tire au poignet. […] Dans les épreuves de tire au poignet, auxquelles plusieurs se sont inscrits pour mesurer leurs forces, la compétition a été vive, très vive, pour les deux catégories de concurrents, soit ceux pesant entre 0 et 160 et ceux pesant au‑delà de 160 livres. Ces épreuves de tire au poignet se déroulaient selon les règlements mêmes du Carnaval de Québec, qui veulent que les deux concurrents y aillent d’abord avec la main droite puis avec la main gauche, pour ensuite tirer au sort à la troisième reprise, s’il y a égalité, afin de savoir de quelle main on tirera, ce qui détermine alors la personne gagnante. 1978, Le Guide, Sainte‑Marie (Beauce), 28 juin, p. 6B.

« Mon père était champion canadien de tire au poignet. Quand j’étais petit, je gagnais mon argent de poche en tirant au poignet. Je pouvais entrer dans un bar sans un sou, boire à mon goût et ressortir facilement avec 25 $ », se rappelle Tex Lecor. Selon lui, le [sic] tire au poignet est un art qui demande de la technique et de la psychologie. 2001, La Tribune, Sherbrooke, 5 mai, p. G3 (le masculin s’explique sans doute par l’influence de tir au poignet, qui est masculin).

Badminton, jeu de dards, quilles, billard, tire au poignet, internet, conditionnement physique, cuisine collective, activités jeunesse et soirées thématiques, voilà une courte liste de ce qu’il y aura de nouveau comme activités à Duparquet ce printemps. 2013, Le Grand Héron, Duparquet, avril, p. 13.

3

n. m. Tir au poignetVariante de tire au poignet (ci‑dessus, sens 2).

 Par ellipse Un tir au poignet : une partie de tir au poignet.

Rem.Cette variante est plus fréquente que tire au poignet.

Un tir aux poignets [sic] aura lieu le 9 octobre au village St. Jean‑Baptiste, rue St. Dominique, No. 112, à 8 hrs. p. m., entre Adrien Beauvais et Cléophas Ouimet, pour un pari de $ 100. 1879, La Patrie, Montréal, 8 octobre, p. [3].

Les amateurs pourront prendre note que M. J. P. Hébert, le jeune homme qui est d’une force si surprenante au tir au poignet, est prêt à se mesurer avec tout venant. M. Hébert ne pèse que 145 livres. 1895, Le Passe‑temps, Montréal, vol. 1, no 8, p. 117.

Le tir au poignet [/] Ceux qui ont des prétentions à devenir champions dans cet exercice si familier d’un bout à l’autre du pays, vont avoir une occasion superbe de prouver leur force et leur supériorité. Pour la première fois, le sport du tir au poignet va avoir son champion officiel. Un concours aura lieu bientôt, et le vainqueur pourra à juste titre se proclamer le champion du pays. Le concours aura lieu sous le contrôle de Monsieur Arthur Décarie, frère d’Hector, qui s’engage, par la lettre ci‑jointe à donner aux vainqueurs une médaille emblématique du championnat. 1905, La Presse, Montréal, 1er août, p. 3.

La nostalgie dissipée, quelques-uns s’étendirent sous la tente et passèrent l’après-midi à ronfler. D’autres visitèrent leur lot et rêvèrent à la prospérité future. Les jeunes épuisèrent tous leurs jeux habituels depuis le tir au poignet jusqu’au saut de mouton. Ils soupiraient après le jour où ils auraient leur équipe de balle molle et visiteraient les paroisses voisines pour disputer des championnats chèrement acquis. [1948], H. Biron, Nuages sur les brûlés, p. 41.

Tir au poignet? Bof! […/] Pat Nemeth badine toujours. C’est un bon tireur au poignet, mais il contredit l’animateur qui prétend que pour devenir un crack dans ce « sport », il faut 45 % de technique, 35 % de force et 25 % de vitesse. « Je ne veux pas partir la chicane avec ça, C’est personnel. Présentez‑moi n’importe quel gars qui se dit plus technique que fort et je vais le ‘wincher’ tant que je voudrai, peu importe son poids. » 1992, R. Jutras, Le Journal de Québec, 29 novembre, p. 52.

« Quand je suis rentrée à l’école primaire, y’a des gars qui ont voulu m’essayer. Ils se sont mis à me tirer les lulus. J’ai pas eu à me battre souvent. J’ai donné 3‑4 raclées et à partir de ce moment, on ne m’a plus jamais achalé [sic]. C’était moi la fille la plus respectée. » Plusieurs années plus tard, partout où elle passe, la championne du monde de tir au poignet Liane Dufresne impose encore et toujours le respect. Rien n’a changé, si ce n’est qu’elle n’a plus à faire parler ses biceps. Sa renommée la précède... 1995, Le Soleil, Québec, 23 mai, p. S15 (photo).

Bras de fer : invité au Kazakhstan, toutes dépenses payées [titre] L’histoire semble trop inhabituelle pour être vraie : le Québécois Alain Goyer se pinçait encore lui-même pour y croire, mercredi, au moment de prendre l’avion en direction du Kazakhstan, toutes dépenses payées, pour y disputer un « supermatch » de bras de fer. […] Champion de tir au poignet au Québec et au Canada, l’homme de 45 ans a été invité pour cinq jours à Chardara dans le cadre d’une grande compétition où des champions du Kazakhstan défie [sic] des opposants en provenance de différents pays. 2021, TVA Sports (site Web), 27 mai.

NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE

La force physique est un atout qui était grandement valorisé autrefois. Les hommes forts étaient admirés, leurs noms et leurs photos figuraient dans les journaux. On avait recours à leurs services, notamment pour maintenir l’ordre dans les chantiers et, lors d’élections, pour convaincre les récalcitrants à voter « du bon bord » à une époque où le vote se tenait en public et à main levée. M. Ferron et R. Cliche écrivent à ce sujet : « Pour comprendre l’importance et la signification des batailles et des rixes dans un milieu rural, il faut savoir que la force est l’attribut principal de l’homme et la puissance physique, la vertu la plus respectée. Le nombre d’enfants que l’habitant peut engendrer, la quantité de cordes de bois qu’il peut abattre, les poids énormes qu’il peut soulever, les bêtes qu’il peut asservir sont autant d’exploits glorieux. » C’est dans ce contexte que le tir au poignet, activité qui avait cours depuis longtemps, notamment dans les chantiers, est devenu un véritable sport au tournant du XXe siècle. On a alors établi des règlements, défini les catégories de concurrents d’après leur poids et organisé des tournois. Pour le public qui assistait à ces concours, le tir au poignet était essentiellement un « tour de force », la preuve étant que « tout amateur après avoir tiré une fois, se ressent d’une douleur au bras qui n’est pas toujours des plus douces », écrit le frère d’un champion de cette époque qui précise que le tir au poignet « était jadis l’amusement favori de nos ancêtres les vieux Canadiens. » L’auteur de cette lettre, publiée dans La Presse en 1905, notait déjà qu’il y avait un rapport entre la force à déployer et la distance entre les adversaires, et donc que la technique jouait un rôle. Les concours de tir au poignet ne font plus courir les foules de nos jours, mais cette activité compte toujours des adeptes. Il existe une association nommée L’Association les Bras de Fer du Québec (ABFQ), qui a pour objectif de promouvoir le tir au poignet au Québec. L’ABFQ est enregistrée auprès de la Fédération canadienne de tir au poignet, qui est l’une des plus vieilles fédérations du pays et la première à avoir organisé un championnat mondial.

Sources : Association les Bras de Fer du Québec; M. Ferron et R. Cliche (1972), Quand le peuple fait la loi, p. 105; R. Jutras (1992, 29 novembre), Tir au poignet? Bof!, Le Journal de Québec, p. 52 (reportage sur un concours de tir au poignet et échanges avec les participants); N. Lafleur (1970), La drave en Mauricie des origines à nos jours, p. 101‑103 (les loisirs dans les chantiers); É.‑Z. Massicotte (1922), La vie des chantiers, MSRC, t. 16, p. 25; La Presse (1905, 1er août), Montréal, p. 3; Le Trifluvien (1905, 7 novembre), Trois‑Rivières (compte rendu d’un tournoi de tir au poignet pour le championnat dans un collège). 

4

Vulg.Se passer un poignet : se masturber.

Rem.Relevé dans DesRExpr, RobMan2, Seutin, DesRexpr, DulCanad2; Lavoie 2386 l’a recueilli dans son enquête chez quelques témoins de Chicoutimi et du Lac‑Saint‑Jean (passer le poignet, passer un coup de poignet).

Fatigué de chercher une réponse des étoiles, je me mettais nu et les herbes me piquaient partout. Quand j’étais bien bandé, je me passais un poignet. Ça sortait comme des balles et la première goutte montant direct au ciel. 1973, J.‑J. Richard, Centre‑ville, p. 13.

Expressions diverses. S’en passer un, se passer un poignet. […] Se faire mousser le créateur. Même origine argotique que se faire sauter les joyeuses. Se hâler la broche est employé au Lac St‑Jean. 1974, Gh. Lapointe, Les mamelles de ma grand‑mère, les mamelles de mon grand‑frère, p. 53‑54.

Il s’arrêta, reprit son souffle, car l’émotion l’étreignait, puis : – Charles, ça faisait des mois que je n’avais pas touché à une femme… On a beau se passer un poignet, tu sais comme moi que ça ne suffit pas… Alors, j’ai craqué… Oui, j’ai craqué… 2005, Y. Beauchemin, Charles le téméraire, t. 2, p. 319.

Histoire

La prononciation [pɔɲɛ] est celle qui avait cours autrefois en France. « C’est seulement au cours du XIXsiècle que sous l’influence de l’orthographe mal comprise le groupe [wɑ] s’est généralisé dans moignon et dans poigne, poignet, poignard, empoigner, etc., bien que l’ancienne prononciation avec o n’ait pas encore disparu de nos jours (cf. cependant fr. famil. pognon). » (P. Fouché, Phonétique historique du français, vol. 3, 1966, p. 771; v. aussi ThurPron 525‑532, qui cite des grammairiens des XVIe et XVIIe siècles recommandant d’éliminer le i pour éviter la prononciation [pwɑɲɛ], notamment Dobert (1650, p. 541) : « D’autres écrivet yvroigne, vergoigne, temoigne, eloigne, ki est encore moins aprochant : & je ne sey où ils vont pécher sét i de vergoigne. »), La voyelle i avait été ajoutée devant le groupe gn pour rappeler que la consonne était une articulation mouillée. Des graphies utilisées par des notaires à l’époque de la Nouvelle‑France montrent que ce mot se prononçait [pɔɲɛ], comme dans l’extrait suivant, puisé dans les minutes du notaire Paul Vachon : 3 cornettes simple, 2 paires de pognets et une paire de bas de cotton brochez (1685, Beauport, BAnQQ, greffe P. Vachon, 13 février). Le grammairien belge Nicolas-Joseph Carpentier dénonçait cette prononciation dans son pays vers le milieu du XIXe siècle (v. Carp 1865). On la relève dans divers parlers locaux en France aux XIXe et XXe siècles (v. FEW pǔgnus 9, 515). L’orthographe poignet, qui est devenue standard, s’est imposée au Québec comme en France, mais la prononciation [pɔɲɛ] est demeurée courante. La prononciation [pɔɲɛ] est connue dans toute la francophonie nord-américaine (pour l’Acadie, v. PoirierG, s.v. pognet, Mass no 1874; pour la Louisiane, v. BrandLouis‑2, p. 455).

IDepuis 1678 (Montréal, BAnQM, greffe A. Adhémar, 10 octobre, p. 20 : Sept petits poignets de fil de rachant [fil utilisé pour la broderie] de diverses grosseurs). Se rattache au sens de « fausse manche qu’on met sur la chemise par protection », attesté en français de 1402 à 1868 (v. FEW id., 515a). La définition de Larousse 1866 confirme que le mot et la chose n’étaient plus en usage à son époque : « Poignet de manche ou simplement Poignet, Espèce de manchette qu’on mettait autrefois pour conserver le poignet de la chemise. » Le mot ne figurant plus dans les dictionnaires de France ou étant donné comme vieux à l’époque où les manuels normatifs et les glossaires québécois commençaient à paraître, leurs auteurs l’ont recueilli comme un écart par rapport au français de référence (p. ex. Dunn, Clapin, Dionne et GPFC) ou comme une faute qu’il fallait corriger (p. ex. Fréchette, cité ci‑dessus, sous I, Rinfret, Blanch1‑8, Barbeau2). Poignet français, depuis 1876 (dans L’Opinion publique, Montréal, 21 décembre, p. 585 : 450 chemises blanches, avec poignets français… 85c). Traduction de l’anglais French cuff défini ainsi dans Webster 1986 : « a soft double cuff that is made by turning back part of a large cuff band and that fastens by cuff buttons or cuff links ». 

II1Depuis 1748‑1749 (PotierH 122 : « Tirer au Poignet {jeu de main (longueuil) » (longueuil est le nom de l’informateur du père Potier; il s’agit du militaire Paul‑Joseph Lemoyne, chevalier de Longueuil (v. PotierH 316‑317). Compte tenu de l’ancienneté de cette première attestation, l’expression tirer au poignet doit être un héritage de France. Coucher du poignet, depuis 1929 (P. Poirier, « Glossaire acadien », dans L’Évangéline, Moncton, 23 mai, p. 11 : « Coucher du poignet, c’est ce que les Canadiens appellent tirer au poignet) »; formé à partir du sens général ancien de coucher « placer dans une position horizontale », ou « renverser, abattre » (v. TLF). Tireur du poignet, depuis 1885; de tirer et suffixe ‑eur 2Tire au poignet, depuis 1897. Découle de tirer au poignet. Voir l’explication sous le sens suivant.  3Depuis 1879. Tir au poignet a été formé à partir de tirer au poignet. Cette expression pourrait de la même façon avoir été apportée au Québec par les immigrants français; on en trouve quelques rares attestations dans la presse régionale de France, par exemple dans le journal La Provence (18 décembre 2011, région Aubagne, p. 2) : Le bras de fer (ou tir au poignet) est un exercice de musculation pour reconnaître le plus puissant des deux concurrents; suit une description de la technique qui permet de gagner à ce jeu). Cette locution, formée à partir du mot tir plutôt que tire, a pu être influencée par tir au pigeon, bien attestée au Québec depuis le XIXe siècle (p. ex. concours de tir au pigeon, dans L’Opinion publique, Montréal, 29 août 1878, p. 429). En toute logique, l’appellation d’origine doit être tire au poignet, malgré sa datation postérieure à celle de tir au poignet, car elle traduit l’action d’exercer une force qui rapproche l’objet de soi, ce qui correspond à l’activité de tirer au poignet, alors que tir implique qu’on déclenche une action qui éloigne l’objet. L’utilisation de tir dans cette locution doit s’expliquer par une confusion attribuable à l’homophonie.  4Depuis 1970 : Sanctus fait la pêche à la fouënne. Il n’a que des vaches de mer à offrir, fatiguées à part ça et bonnes au plus à te passer un poignet (Jean-Jules Richard, Faites leur boire le fleuve, p. 37). Cette expression a peut-être été créée en France, où l’on atteste au XVIIe siècle, chez Oudin, l’expression jouer du poignet « faire le péché de mollesse » (définition qui n’est cependant pas tout à fait claire), qui est rattachée à veuve Poignet, signifiant « masturbation » (v. FEW id. 515b et 520n, 11, où l’on atteste veuve Poignet depuis 1867, chez Delvau; en fait, cette locution figure déjà dans Lettre à la présidente : voyage en Italie (p. 24), de Théophile Gautier (texte de 1850 publié en 1890 par l’Imprimerie du Musée secret du roi de Naples) : La connaissance était faite, mais nous étions deux contre une, ce qui était presque aussi lâche que d’être cinq contre un, comme chez la veuve Poignet). Si l’expression se passer un poignet a été formée au Québec, il est évident qu’elle a sa source en France.

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : décembre 2021
Trésor de la langue française au Québec. (2021). Poignet. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 19 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/poignet