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PLAINE [plɛn]
n. f.

Rem.

Variantes graphiques : (XVIIe, XVIIIe et XIXe s.) pleine; ​​(plus rarement) plenne (XVIe s.), plesne (XVIIe s.), plène (XXe s.).

  

Rural Nom donné à l’érable* rouge, dont la sève peut servir à la fabrication des produits de l’érable.

Eau, sirop, sucre de plaine.

Écorce de plaine, utilisée autrefois pour teindre en violet.

 Par ext., Région. (surtout dans le sud du Québec) et rural Nom donné aux espèces de l’érable autres que l’érable* à sucre.

2022, Catherine Seres, Plaine en automne [photo], Saint-Isidore-de-Beauce.

 Bois de l’érable rouge et région. d’autres espèces de l’érable.

Une autre espece d’arbre, que l’on appelle de la Plaine, est quasi comme l’Herable; mais un peu plus tendre, qui sert à brusler. 1664, P. Boucher, Histoire veritable et naturelle, p. 47.

La Plesne est appellée femelle de l’érable en ce quelle luy ressemble et produit de leau sucrée comme l’érable, son bois est fort ondé mais plus palle que celuy la. Le terroir qui la produit est umide fertille en toutes sortes de grains et legumes. 1712, G. de Catalogne, Bulletin des recherches historiques, 1915, vol. 21, no 9, p. 260.

Pas une souche n’apparaissait dans toute la vaste étendue de la ferme. Ça et là, des ormes, des plaines, des érables épandaient vers la terre leurs rameaux touffus. […] La partie défrichée de la terre formait quatre-vingt-dix arpents, sans compter les six arpents où se trouvaient le jardin, la maison, le moulin et les autres bâtiments. 1864, A. Gérin‑Lajoie, Jean Rivard, économiste, Le Foyer canadien, t. 2, p. 270‑271.

Jajouterai que, depuis le Saguenay, on peut semer et planter le négondo ou érable à Giguières qui semble beaucoup en faveur, mais je ferai ici la remarque que lérable rouge, appelé plaine partout dans la province, me paraît présenter les mêmes qualités que le négondo, tout en étant un arbre de plus longue durée. 1885, Journal des campagnes, Québec, 23 avril, p. 8.

Là-bas, c’est une terre que j’ai là-bas là, douze arpents de large, puis vingt-cinq de long, tout en bois, en beau épinette pis en beau sapin pis du bouleau pis de la plaine. 1962 env., Isle‑aux‑Coudres (Charlevoix-Ouest), AFEUL, P. Perrault 788 (âge de l’informateur : n. d.).

Je suis né un vingt mars, à l’arrivée du printemps 1890, au commencement des sucres. Ce jour‑là, mon père et mon grand-père étaient allé [sic] entailler les plaines. Mon frère aîné, qui devait avoir sept ans, est allé au bois dire à mon père qu’il y avait une belle petite fille d’arrivée à la maison! 1980, Fl. Morvan Maher, Florentine raconte…, p. 91.

Dès le début du XVIIIe siècle […], on retrouve des références explicites au sucre d’érable qui semble bien intégré au régime alimentaire de la population. Il est à noter qu’à l’époque on entaille aussi bien les plaines que les érables et qu’on transforme une partie de la sève en vinaigre. 1993, A. Laberge (dir.), Histoire de la Côte‑du‑Sud, p. 116.

Les érables ont commencé à couler mardi seulement dans les montagnes du chemin des Lacs, la dernière zone vraiment érablière du nord du Québec. Il n’y a pas d’érables dans le parc des Laurentides. Et les rares cabanes à sucre du Saguenay s’abreuvent plutôt à la plaine, essence cousine de l’érable. 2006, A. Bouchard, Le Soleil, Québec, 2 avril, p. B1.

Les érables à sucre (Acer saccharum) sont principalement à flanc de colline ou de montagne. Il s’agit de l’arbre le plus recherché pour le sirop d’érable et celui qui procure l’eau la plus sucrée. Dans les basses terres, on retrouve l’érable rouge (Acer rubrum), communément appelé la plaine, qui produit également de l’eau d’érable. Les puristes ne jurent que par l’érable à sucre, même si le sirop de plaine est très bon. 2016, Le Journal de Montréal, 3 avril, p. 8.

Bois de chauffage érable plaine 110 $/corde, bouleau 95 $/corde, tremble 85 $/corde, planches 60 $/corde, rondin 80 $/corde, livraison inclus [sic]. 2021, L’Étincelle, Windsor, 10 novembre, p. 17 (annonce).

 Rural (Dans des noms spécifiques). Plaine (à) Giguère : érable* à Giguère. Plaine bâtarde : érable* à épis. Plaine blanche : érable* argenté. Plaine rouge : érable* rouge.

Nous insistons de nouveau pour que la Corporation y fasse planter des arbres dès cet automne. Pourquoi pas essayer une plantation de « plaines à Giguères »? Il est de fait que ces arbres s’accommodent de tous les sols et poussent avec une rapidité extraordinaire; ils ont du reste un fort beau feuillage. 1882, Le Journal des Trois-Rivières, 21 septembre, p. [2].

La forêt des bois durs est composée de merisiers qui sont énormes, de bouleaux blancs et rouges, francs frênes, arbres communs, cormiers, frênes rouges, frênes de savane, frênes noirs, merisiers blancs, petites merises, plaines bâtardes, saules noirs et vinaigriers. 1887, L’Électeur, Québec, 31 octobre, p. [4].

L’Érable rouge est très commun dans la province de Québec; il croît dans les lieux humides, particulièrement dans les terrains inondés au printemps. Cette affection pour les terrains bas a valu à la Plaine rouge le nom d’érable des marais. […] La Plaine blanche possède un bois d’un grain fin, très blanc, qui manque de force et pourrit facilement. 1950, L’Action catholique, Québec, 22 juin, p. 4.

En choisissant les arbres à planter, évitez ceux dont la semence se répand à profusion comme le châtaignier, la plaine à Giguère et l’ailante, parce qu’il faut continuellement détruire les jeunes plants. 1966, La Revue de Terrebonne, 6 mai, p. 2.

L’abondance de la nature, les boisés et les arbres sont des caractéristiques des villes laurentiennes. […] L’écosystème laurentien repose sur un équilibre qui est maintenu en place par des espèces indigènes de tout genre. Pour reprendre l’exemple des érables, les intéressés noteront qu’il reste peu d’érable à sucre à Prévost (Acer saccharum), nous y trouvons d’avantage [sic] de plaine bâtarde (Acer spicatum), espèce qui est tout de même indigène dans l’est de l’Amérique du Nord. 2010, Le Journal de Prévost, 19 août, p. 24.

 Vieilli (Surtout dans la langue des artisans du bois). Plaine ondée : bois de plaine dont le fil est ondulé plutôt que droit.

Table, commode de plaine ondée.

[Il] a exécuté un damier en marqueterie dun travail vraiment remarquable. Ce damier contient 3,893 morceaux différents, et le dessin est vraiment artistique. Treize sortes de bois ont été employés dans sa construction : bois de rose, racine de bois de rose, noyer noir, merisier, acajou, cerisier, buis, ormes, frène [sic], cèdre rouge, érable, chène [sic], plaine ondée. 1879, La Patrie, Montréal, 28 février, p. [2].

La plaine […] ne vient pas aussi grosse et ne vit pas aussi longtemps que l’érable. Son bois est plus léger, plus mou, moins durable. Comme tous les arbres qui poussent dans les terrains humides et les savanes, la plaine a beaucoup d’aubier […]. Elle a le grain fin, ce qui en fait un bon bois de tour et la rend susceptible d’un très beau poli. Quand les fibres de ce bois sont disposées en ondes, on le désigne par l’appellation de « plaine ondée ». 1906, J.‑Chr. Langelier, Les arbres de commerce de la Province de Québec, p. 77.

Magnifique set de chambre 5 morceaux […] ayant coûté $ 300.00, une commode en plaine ondée de 10 tiroirs, une couchette trois quarts en fer, valise, bien bon marché. 1923, La Presse, Montréal, 4 octobre, p. 13 (annonce).

Jamais durant les années 1925 à 1950, il ne fut autant question dérable piqué, de plaine ondée, de cerisier rouge, de frêne et de tous veinages riches de sève éloquente; de laine et de lin. La guerre mondiale, bien cadrée « de l’autre bord » par là, les petites guerres permanentes par ici... et lÉcole du Meuble apparut comme un boulet à rêveries […]. 1970, F. Gaudet-Smet, Le Devoir, Montréal, 24 septembre, p. [4].

 (Variante). Rare Plane.

Rem.Cette variante n’a probablement jamais eu d’existence réelle dans la langue commune au Québec; on ne la relève guère plus que dans certains écrits (journaux, littérature), sans doute sous l’influence des dictionnaires de France qui n’enregistrent que la forme plane (voir Histoire).

Un jour Ephrem était allé couper de la plane et il avait trouvé à la fourche d’un jeune arbre une croix d’une si belle forme naturelle qu’il l’avait apportée. 1945, G. Guèvremont, Le Survenant, p. 146.

Histoire

Depuis 1664; peut-être dès 1630 env., dans la variante plane, qui n’a toutefois jamais eu cours dans la langue commune au Québec (v. G. Marcel (éd.), Mémoire en requête de Champlain, 1886, p. 22 : Chastaigniers, Planes, Erables, Pruniers); v. la remarque ci‑dessus sur la variante plane. Plaine est un legs des parlers de France où il sert à désigner (en plus du platane, grand arbre de la fam. des platanacées) des espèces de l’érable (fam. des acéracées), telles que l’érable sycomore ou faux platane (Acer pseudoplatanus) et l’érable plane ou faux sycomore (Acer platanoides, espèce introduite au Québec, où on l’appelle érable* de Norvège). Il a été relevé dans les parlers du Nord‑Est et de l’Est, parfois avec le genre féminin, de même que dans des parlers franco-provençaux dans des variantes qui leur sont propres (v. FEW platânus 9, 36, et RollFlore 3, p. 158 et 160‑161; v. aussi ALCB 576, ALFC 391, ALB 539, ALLR 144, ALF‑Suppl, s.v. sycomore). Le mot plaine est une variante dialectale de plane (issu du latin platanus), qui s’est lui-même appliqué en français au platane, du XVIe jusqu’au XIXe s., et à l’érable plane, du XVIe jusqu’au XXe s.; en parlant de ce dernier arbre, plane ne paraît plus être usité en français général (sauf dans érable plane), mais il se maintient dans les parlers du Nord‑Est et de l’Est (v. FEW id., BW5, s.v. platane, Larousse 1960, Robert 1985 et TLF; néanmoins, Larousse 1982 et 1987 le donnent encore comme « usuel »). En 1755, Duhamel du Monceau a décrit l’érable rouge (Acer rubrum) ou plaine d’après les renseignements (usages, noms, etc.) que lui avait fournis le botaniste J.‑Fr. Gaultier; cela explique la présence du mot plaine dans les éditions de l’ouvrage de Valmont de Bomare et, partant, dans quelques dictionnaires français du XIXe s. (v. ValmHNat 1764, Larousse 1866 et Besch 1892). Plaine à Giguère, depuis 1882 (v. la citation ci‑dessus); d’après érable* à Giguère. Plaine bâtarde, depuis 1862 (J.‑Ch. Taché, Collection des produits des eaux et forêts du Bas-Canada, p. 7). Plaine blanche, depuis 1862 (J.‑Ch. Taché, id.; les spécialistes ont d’abord nommé l’érable argenté Acer dasycarpum avant de recourir à Acer saccharinum); d’après érable* blanc. Plaine rouge, depuis 1838 (AJM, greffe Th. Bédouin, 19 octobre); d’après érable* rouge. En ce qui a trait à la façon d’utiliser le mot plaine au Québec, le botaniste B. Boivin a remarqué qu’il n’avait une valeur de générique que dans certaines régions du Québec : « […] dans les régions (v.g. Saint-Jean, Iberville) où Acer rubrum et Acer saccharinum sont tous deux d’occurrence fréquente, l’homme de la forêt a besoin d’une distinction et les deux espèces sont appelées respectivement plaine rouge et plaine blanche. Par contre, là où l’Acer rubrum se présente seul (v.g. Charlevoix), on le désigne plus simplement sous le nom de plaine. » (v. BoivPlant 148; le même phénomène avait d’abord été observé par un autre naturaliste en 1935, dans Le Devoir, Montréal, 7 septembre, p. 10). Plaine ondée, depuis 1809 (AnQQ, greffe J. Bélanger, 28 septembre); mais le nom avait certainement déjà cours en Nouvelle-France sous le Régime français, car, dès 1755, le botaniste et agronome français Duhamel du Monceau indique que les Français ont « des fusils montés avec le Plaine ondé ou tacheté du Canada & de l’Isle Royale », et l’arpenteur et cartographe français de Catalogne mentionne, en 1712, que le bois de la plaine est fort ondé (v. H.‑L. Duhamel du Monceau, Traité des arbres et arbustes qui se cultivent en France en pleine terre, t. 1, p. 36, et G. de Catalogne, dans BRH 21/9, 1915, p. 260). Le mot plaine a été relevé chez les francophones de la région de Détroit (avec une valeur de générique, d’où des appellations spécifiques telles que plaine de sucre pour l’érable à sucre et plaine rouge pour l’érable rouge), de la Louisiane et de la vallée du Mississippi (v. AlmDétr 151, BénMots, HickmJeff 216 et McDermMiss 119). La variante plane a été signalée à Windsor (Ontario) et en Louisiane (v. HullWinds 325 et ReadFr 80).

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : mars 2023
Pour poursuivre votre exploration du mot plaine, visionnez notre capsule vidéo Dis-moi pas!? sur le site Web du Trésor de la langue française au Québec
Trésor de la langue française au Québec. (2023). Plaine. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 9 décembre 2024.
https://www.dhfq.org/article/plaine