PISSEUX, PISSEUSE [pisø, pisøz]
adj. et n.
adj. et n. Fam.(Personne) qui mouille souvent son lit ou qui urine dans ses vêtements; (personne) qui urine souvent.
pissou (sens 1).
Rem.1. En parlant d’un enfant, relevé au tournant des années 1970 dans une quarantaine de localités du Québec, surtout dans la moitié ouest du territoire; le mot pisse-en-lit (voir pisser, sens 1) était alors beaucoup plus répandu (voir PPQ 1848 et Lavoie 2715). 2. En français de référence, au masculin, on utilise plutôt le substantif pisseur. Pisseux (-euse) y est également en usage comme adjectif, mais il signifie plutôt « imprégné d’urine, qui sent l’urine (drap, lit) », ou encore « dont la couleur est passée, jaunie » (voir PRobert 2019, TLF). Ces emplois sont peu attestés au Québec, et seulement dans la langue écrite (p. ex. beige pisseux chez Y. Beauchemin, Juliette Pomerleau, 1989, p. 332).
Ce logement, infecté de petits pisseux et d’une mère insouciante, nous embrassait d’une forte odeur d’urine se dégageant des couches sales qui traînaient un peu partout. 1961, M. Godin, La cruauté des faibles, p. 121.
Mais voilà, ma réputation de « pisseux au lit » m’avait précédé partout. Impossible de louer une chambre nulle part. Alors j’obtins du patron, la permission de dormir dans un des vieux chars usagés qu’il y avait sur son terrain. 1963, R. Laplante, Ti-Blanc, mouton noir, p 47.
Ses personnages [ceux d’un chanteur et écrivain québécois], qu’il s’agisse de Manon-Réné, ce singulier éphèbe à la tête de mongol-punk, de la chère Egoïne, de la belle Blistafil, du petit vieux pisseux incontinent et il y a en d’autres, tous, doit-on le préciser, ils sont haut [sic] en couleur. 1993, A.‑M. Voisard, Le Soleil, Québec, 1er mai, p. F10.
J’avais tout manigancé, tout imaginé, afin de semer la consternation et l’effroi parmi les sœurs. Un dernier coup avant de quitter l’établissement qui avait pris tout ce que j’avais de bon dans le cœur! Je savais que ça allait marcher, qu’elles allaient avoir peur, qu’elles allaient frémir, comme nous… quand la Cantin arrivait avec son bolo. Je voulais me venger d’elles, leur faire sentir ce que c’étaient des sueurs froides, venger les pisseux avec leur drap sur la tête […]. 1993, D. Monette, Les parapluies du diable, p. 289.
Je n’en peux plus d’entendre cette machine. Cette machine à laver. À laver. Le bruit dans mes oreilles de la machine à laver. Tous les matins de l’enfant pisseux depuis douze ans. Pisseux! Pisseux! Pisseux. Il rêve qu’il pisse et il pisse pour vrai. Je lave, je lave, je lave, je lave. Et c’est la machine qui fait tourner mon rêve en cauchemar. 2002, H. Bouchard, Mailloux : histoires de novembre et de juin, p. 78.
Luc a dit à Nathalie que je faisais pipi au lit. Quand elle l’a su, elle l’a dit aux autres enfants. Maintenant, tous les enfants m’appellent « pisseux ». Dès que je m’approche d’eux, ils s’enfuient en courant. Alors, je joue tout seul au Bonhomme-sept-heures. 2008, P. Gosselin, Fils de bourreau : les confidences d’un enfant martyr, p. 104.
J’étais invisible, inaudible ça va de soi, sans intérêt et sans saveur. Sauf quand j’avais peur dans mon lit et que je descendais coucher entre lui et maman. Sais pas pourquoi mais ça le faisait exprès, c’est seulement dans ces nuits-là que je mouillais le lit. [/] – Maudit pisseux! Il nous a encore arrosés. J’te l’avais dit! criait le vieux en sautant hors des couvertures. 2008, N. Audet, La Parade, p. 10.
n. m. VieilliNom donné à certains passereaux, en particulier au sizerin flammé (Acanthis flammea).
pissou (sens 1).
Enfin, voici une série de noms vernaculaires [d’oiseaux] pour lesquels nous ne pouvons donner de notes explicatives quant à leur signification, quoique les espèces auxquelles ils sont appliqués soient connues. […] Le Sirezin à tête rouge, Acanthis flammea, dans la région de Québec et peut-être ailleurs aussi, est appelé le Pissou ou Pisseux, P’tit pisseux et même Poussin. 1955, Le Soleil, Québec, 27 février, p. 9.
adj. et n. Fam.(Personne) qui est peureuse, lâche, craintive, qui recule devant les difficultés, l’adversité.
Gang de pisseux. Maudite pisseuse!
pissou (sens 2).
– « Oui, il faut se battre, nom de Dieu! » Hurlait-il, sur le perron de l’église, après la messe. Et il approuvait indifféremment le Kaiser, les Belges, les Autrichiens, Kitchener, la sentinelle qui a fait feu sur Notter, Poincaré. – « Des sacrés pisseux, ces Italiens, grommelait-il. Hourrah pour les contingents expéditionnaires canadiens. » 1914, Le Canada, Montréal, 1er septembre, p. 4.
Nous n’avons cure vraiment de ce que la Gazette peut bien penser de nous et dire sur notre compte. Demain elle aura changé d’opinion, car elle vire à tout vent. Et c’est entendu chez les Blokes de la Superrace qu’il faut manger du Canayen de ce temps-ci. On veut par là effrayer les quelques pisseux que nous avons parmi les hommes publics, et leur faire la conscription ou toute autre mesure aussi anti-canadienne. 1917, Le Progrès du Golfe, Rimouski, 8 juin, p. [1].
Le risque en valait la peine. Je voulais lui apprendre à pas s’attaquer aux femmes et j’ai vu comment il réagissait quand il avait un homme devant lui. Je l’ai pas manqué. […] Mais je me suis vite aperçu que j’avais affaire à un pisseux. Alors, quand il a voulu faire le frais, j’ai tapé dedans. 1962, J. Daigle, Margot, 28 février, p. 5 (radio).
Nous autres [les enfants], on ri [sic], mais jaune un peu, parce que c’est embêtant d’prendre pour papa. Pis c’est embêtant d’prendre pour maman itou. Les filles eux-autres, y auraient ben envie de disputer papa avec maman, mais y osent pas, y sont ben trop pisseuses. Moi, j’aurais envie de dire que papa a raison. […] Mais j’ose pas me mettre du bord à papa, pour pas faire de peine à maman. 1979, B. B. Leblanc, Y sont fous le grand monde!, p. 43.
Le même soir, le groupe [de jeunes cambrioleurs] a projeté le hold-up d’un magasin de Sutton, puis d’un dépanneur de la rue Sud à Cowansville. Les deux ont avorté : le premier, parce qu’il y avait trop de clients à l’intérieur, et l’autre parce que le jeune s’est désisté à la dernière seconde. Traité de « pisseux » […] il a fini par se commettre dans le hold-up d’un dépanneur de la rue Beaumont. 2000, La Voix de l’Est, Granby, 2 février, p. 3.
Tu joues à me regarder, à me désirer, à fantasmer sur moi! Moi, l’ado de seize ans qui t’excite à mort, même si t’oses pas te l’avouer clairement! Envoie! Dis-le, ostie de pisseux! Admets-le donc! 2001, P. Senécal, 5150, rue des Ormes, p. 173.
Je pouvais pas inviter Véronique pis Sarah, par exemple. Pascal disait que c’était rien que des pisseuses. Je les voyais moins, de toute façon, pis c’est vrai que c’était des pisseuses […]. Elles avaient peur de tout pis elles passaient leur temps à me faire la morale. 2014, G. Pettersen, La déesse des mouches à feu, p. 50.
[…] le pays des Géants [la région du Saguenay] bave sur un pont à Tadoussac et sur un lien ferroviaire à travers leurs [sic] bleuetières pis nous autres [les politiciens locaux], on va aller leur faire des mamours dans les oreilles. C’est quoi ces manières? On serait-y un brin pisseux ou bedon on veut-y se faire payer un voyage pour aller voir la Fabuleuse histoire d’un royaume? 2019, J.‑M. Pinel, Le Manic, Baie-Comeau, 25 septembre, p. 7.
adj. Rare(En parlant d’une chose). Qui témoigne d’un manque de courage.
La Province de Québec est représentée à Ottawa par un bloc solide […] de soixante-cinq députés libérâtres. […] Bloc! oui, pour la stupidité niaisement servile, la veulerie pisseuse; ah! oui, c’est un fameux bloc. Solides! je t’en passe un papier : depuis trois ans, ils ont solidement, solidairement plutôt tout abandonné, tout lâché. 1924, Le Matin, Montréal, 29 novembre, p. [1].
Le budget fédéral : pisseux ou opportuniste? [titre] 1993, Le Courrier Sud, Nicolet, 2 mai, p. 6.
C’est pas très brave de se cacher dans le haut des garde-robes. Quand on est petit, ça peut aller, mais à ton âge, c’est pisseux. C’est pas un vrai duel. 2000, J. Côté, Nébulosité croissante en fin de journée, p. 344.
(Variante; hapax). Pissoteuse adj. fém. (En parlant d’une chose). Qui témoigne d’un manque de courage.
Il y a quelques semaines déjà, la Cour suprême du Canada rendait son jugement concernant la loi 101 au sujet de la langue d’affichage au Québec. Peu de temps avant Noël, ton gouvernement adoptait la loi 178 stipulant que l’on pouvait afficher en français à l’intérieur d’un commerce. Décision qui veut sauver le chou et la chèvre, mais qui ne sauve ni l’un ni l’autre. Une option molle, moëlleuse [sic], pissoteuse. 1989, Le Courrier Sud, Nicolet, 24 janvier, p. 2 (lettre).
n. f. Péjor.et vieilliSurnom donné à une religieuse.
Une cornette de pisseuse. Une congrégation de pisseuses.
Rem.1. Relevé un peu partout sur le territoire québécois au tournant des années 1970 (voir PPQ et DulCanad2). 2. En parlant d’un frère, on utilisait le mot corneille en raison de la couleur noire de la soutane.
(Dans un jeu de mots). On avait fait venir une équipe de trois hommes pour étudier le problème. Les renvois d’eau n’avaient plus de force. Les hommes blaguaient subtilement entre eux : « Pas surprenant, avec un tel groupe de pisseuses! »… ils aperçurent le bas de la jupe noire, il était trop tard. Sœur Gertrude avait entendu. Ils se levèrent pour la saluer gauchement. Sœur Gertrude, la magnanime, fit comme si de rien n’était. 1966, Cl. Des Rochers, Le monde sont drôles, p. 15.
Les sœurs du Perpétuel Recommencement, appelées Sœurs du Perpette, que les petits dénommaient les Pisseuses tout en se demandant si les sœurs pissaient vraiment. 1970, Cl. Falardeau, La négresse blonde aux yeux bridés, p. 18.
Les enfants de chœur découvrent la qualité. La qualité de certaines choses. La qualité supérieure. La qualité des beaux tissus, ceux de l’autel, lingerie toujours immaculée et empesée grâce aux soins des « pisseuses » de Sainte-Croix qui se dévouaient à ces tâches. 1972, Cl. Jasmin, La petite patrie, p. 54.
On était toutes là qu’on la regardait… On finissait quasiment par avoir la bave à’bouche à force de se faire parler de corps de même… Mais Lucille a décidé de finir ça en farce en criant à tue tête : « J’espère au moins que les pisseuses ont bouché leurs chastes oreilles! » Pour moé y’es avaient pas bouchées parce que celle qui fumait s’est étouffée ben raide! 1973, M. Tremblay, C’t’à ton tour, Laura Cadieux, p. 103‑104.
Les fenêtres qui se découpaient dans les pierres grises donnaient sur une cour intérieure où se promenaient les pisseuses, trois fois par jour, récitant par paire des Ave. On brûlait aussi des cierges bénits, pour la beauté de nos âmes. 1981, J. Godbout, Les têtes à Papineau, p. 51.
– Steve : Pourquoi t’es sortie des sœurs? – Aline : J’avais des problèmes. […] De doute. […] pas sûre d’être… j’sais pas… un être vivant. – Steve : C’est vrai qu’les pisseuses… – Aline : Non, c’est pas les sœurs. C’est à cause des certitudes. La religion pis ses certitudes. Pas de place pour le doute chez les catholiques. 1991, M. Laberge, Le faucon, p. 28‑29.
J’ai vécu au temps des « orphelins de Duplessis ». Je n’ai pas tout vu, c’est certain, mais je crois que l’Église du Québec a fait pour les « orphelins » ce qu’elle pouvait faire dans les circonstances. Quant aux religieuses, les « pisseuses » comme on les appelait avec mépris, sauf quelques regrettables exceptions, elles ont été tout simplement admirables de dévouement et d’abnégation, n’en déplaise aux hérauts redresseurs des torts dont était affligée la société dans son ensemble il y a quelque soixante ans […]. 1999, La Presse, Montréal, 20 septembre, p. B2 (lettre).
Les religieuses, ces « féministes avant la lettre […] ont souvent réussi à évoluer avec plus de souplesse, d’ouverture d’esprit et de lucidité que nombre de Québécois qui, eux, ont reproduit dans la société décléricalisée et déchristianisée tous les travers, les tics et l’idéologie bornée du Québec de la catholicité étouffante ». Oubliées, les « pisseuses » – comme beaucoup les appelaient –, victimes revanchardes d’un système dont elles étaient aussi l’arrière-garde. 2014, Chr. Desmeules, Le Devoir, Montréal, 8‑9 novembre, p. F3.
Péjor.(Parfois comme terme d’insulte). Femme, petite fille.
Pleure, ma fille, tu as raison de pleurer. Pisseuse. Te voilà baptisée du seul nom sale et commun à toutes les filles. Fais-toi oublier. Sois sage. Tais-toi. Sois gentille. 1977, M. Bosco, Corps-mort, La Barre du jour, mai-août, p. 70.
[…] une pisseuse en chaleur en face des Rodrigue, lui, le pavaneur public! 1980, R.‑G. Bujold, Le P’tit Ministre-les-pommes, p. 37.
[…] les propos tenus par vos partisans étaient grossiers et sexistes. […] Une de mes amies s’est fait traiter de « niaiseuse, pisseuse […] ». 1983, Le Soleil, Québec, 8 mars, p. A15.
Étais-je bonne en classe? En tout cas, je ne suis ni première ni dernière, je me tiens au milieu, là où prolifère la médiocrité. Mes parents ne m’encouragent ni ne me poussent à faire mieux. On n’attend pas grand-chose d’une pisseuse, nom dont les petits garçons affublent les filles, comme si le fait d’uriner assise était un signe d’infériorité. 2004, J. Bertrand, Ma vie en trois actes, p. 34.
(Au jeu de cartes). VieilliDame de pique; par méton. jeu de levées dont l’objectif est d’obtenir le moins de points possible, et où la dame de pique est la carte qui vaut le plus de points.
Rem.Relevé en outre à Sainte-Foy (Québec), Sainte-Marie (Beauce), Lotbinière, Victoriaville (Arthabaska) et Saint-Jean-sur-Richelieu, en 1993 (FTLFQ (enq.)); voir aussi PPQ 2077 et Lavoie 3120.
Le carême! C’est le temps des parties de cartes à la salle paroissiale… pas de restaurant! Ou bien, on joue aux cartes chez soi, au « rough », au « bluff », puis à la « pisseuse ». 1954, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 25 février, p. 5.
Ce même soir, je m’attardai avec les gars de la bande. Une petite pisseuse, un black jack, quelques coups de fortifiant derrière la cravate, si bien que lorsque je regardai l’heure, il était celle de partir. 1972, La Voix de l’Est, Granby, 6 mai, p. 4.
On s’attablait par maisonnées les soirs de fête pour jouer au romain, au parchésy, à la pisseuse, au huit et au cinq cent. 1977, Le Jour, Ville Saint-Laurent, 24 juin, p. A27.
Alors que la pluie abondante faisait ployer l’auvent de leur tente-roulotte, [des campeurs], hilares, tuaient cette soirée diluvienne, en jouant aux cartes à la lueur de la lampe. Plus précisément à « la pisseuse ». 1988, Le Soleil, Québec, 24 juillet, p. A2.
Quand on joue à la dame de pique, on l’appelle la pisseuse, je sais pas pourquoi. 2000, Québec, Fichier lexical du Trésor de la langue française au Québec (enq.) (âge de l’informateur : 70 ans).
La plupart du temps, elle et Steve ne se livraient à rien qu’on puisse qualifier de « transports », ils jouaient aux échecs ou à la pisseuse, étudiaient côte à côte, regardaient des films ou la télé, discutaient de choses et d’autres, mais tout cela leur semblait nouveau et exaltant. Le fait d’être en compagnie l’un de l’autre leur suffisait […]. 2013, F. Blais, La classe de madame Valérie, p. 346‑347.
Journée d’hiver de jadis. Il fait très froid. Ma grand-mère est en visite à la maison. […] Ça fait à peine quelques heures qu’elle est arrivée qu’elle s’installe à la table de la salle à manger, avec un jeu de cartes dans les mains. Je suis content, on va jouer! J’arrive en courant : « Grand-maman! Grand-maman! On joue à la pisseuse ou au trou de cul? [»] (Désolé si les noms des jeux de cartes, dans ce temps-là, contrevenaient aux codes de la rectitude actuelle.) 2019, S. Laporte, La Presse+ (site Web), Montréal, actualités, 19 janvier, écran 19.
(Variante; hapax). Péjor.Pissotteuse.
C’est donc vrai que tu veux pas me raconter comment c’était quand tu étais tout mignon à la crèchette des bonnes sœurs, dites en joualon, les pissotteuses, et plus tard, chez les frérots à la queue pince-sans-rire, on se comprend, non? 1973, M.‑Cl. Blais, Un Joualonais, sa Joualonie, p. 21.
adj. et n. Fam.Pisseux, pisseuse de vinaigre : (personne) aigre, grincheuse, hargneuse, pessimiste.
SYN. pisse-vinaigre (usuel).
M. Mongrain traîne bien à sa suite quelques maires pisseux de vinaigre qui appuient ses dires. Mais leur attitude est loin de refléter l’opinion générale. 1952, Le Bien public, Trois-Rivières, 30 mai, p. 8.
Il restait là, planté au bord du champ de blé, incapable de trouver la moindre injure à l’endroit de son voisin. Au bout d’un moment, Jean-Léon se retourna et dit : – Surtout oublie pas de réparer la clôture! – Pisseux de vinaigre, lui cria Philémon. – On pisse ce qu’on peut, dit Jean-Léon. 1963, A. Thério, Ceux du Chemin-Taché, p. 150.
Laissons à leur sainte frousse les professionnels de la peur, les ratatins, les arriérés politiques, les prophètes de catastrophes et les pisseux de vinaigre, car ils n’ont qu’un horizon : l’arrière. 1977, D. Lussier, La Seigneurie, Boucherville, 20 avril, p. 6.
[…] quelle allure il [un chanteur franco-américain] avait! Il n’y avait pas d’homme qui se montrait aussi élégant physiquement, aussi fort, aussi en bonne santé. Les pisseux de vinaigre diront; « Oui, mais la vie de ces artistes, c’est pourri… [il] divorçait… ce n’était pas pour rien… ce n’est pas des vies… » 1980, J. Matti, Télé-radiomonde, Montréal, 31 août‑6 septembre, p. 6.
Ça fait […] des semaines que j’anticipe ce moment, que je rêve de lui dire toute la haine que j’ai pour les femmes comme elle, les sèches qui ne donnent jamais d’affection, les négocieuses de contrat, les tireuses de couverture, les pisseuses de vinaigre, les vieilles qui se déguisent en jeunes et les jeunes qui agissent comme des vieilles… 2012, Cl. Caron, Has been, p. 178.
Histoire
De pisser.
I1Depuis 1961. Héritage des parlers de France. Relevé avec le même sens ou dans des sens voisins dans plusieurs anciennes provinces, dont la Picardie (picheu « qui pisse souvent (enfant) » dans CartPic; písyœ́ « celui qui urine souvent » dans DebrNAm; pisyœ́ « qui pisse beaucoup; enfant qui pisse au lit » dans FlutreSomme; pissieu « qui pisse souvent » dans FEW *pissiare 8, 589b) et les Ardennes (picheu dans FEW id.). Ce mot régional est attesté dans le journal parisien Libération (7 octobre 1999, p. 44) : « Enfant, j’ai été élevé à Paris, pendant la guerre. J’en avais gardé la peur du noir, et la manie de pisser au lit. Le matin, ces connards [les religieux] nous accrochaient le drap mouillé, et nous faisait [sic] tourner dans la cour, devant les autres. » Un jour le « pisseux » a un petit plomb qui saute. Dans le sens de « oiseau », depuis 1918 (v. Le Canada français, Québec, vol. 1, no 1, p. 71). 2Depuis 1894 (Clapin), en parlant d’une personne; depuis 1924, en parlant d’une chose. Il s’agit probablement d’un héritage des parlers de France : on trouve pissieux « lâche » en Picardie (v. FEW id., 590a). A été relevé en outre dans la région du lac Sainte-Claire (région de Détroit), dont le peuplement à partir du Québec remonte au XIXe s. (v. BénDétr et BénMots 9). Se rattache à pisser (sens 3).
IIDepuis 1953 (DulBon). Cet emploi, qui a également été relevé en Acadie (v. J.‑Cl. Dupont, Héritage d’Acadie, 1977, p. 182), est d’origine incertaine. Pourrait se rattacher à un usage ancien en français, soit l’utilisation de pisseuse comme terme dépréciatif et populaire pour désigner une femme ou une petite fille (sens qui a subsisté en français québécois, comme en fait foi l’emploi secondaire sous II) : v. p. ex. Fur 1690, s.v. pisseur, euse, « On appelle aussi les femmes pisseuses, quoy qu’avec assez d’injustice »; DelArg 1896, s.v. pisseuse, « jeune fille; fille ou femme » (‘langage populaire’, dans la partie argot-français); v. aussi, s.v. pisseur, euse, Quillet 1937 « petite fille » (‘fam.’), GLLF « femme ou fille » (‘pop.’) et Larousse 1995 « petite fille; femme » (‘pop.’), ainsi que FEW id., 590a, qui le signale dans les parlers de France. Cependant, selon deux religieuses âgées, interrogées séparément, pisseuse au sens de « religieuse » viendrait du fait qu’autrefois, les religieuses passaient dans les villages, de maison en maison, afin de recueillir de l’argent, et qu’elles devaient demander de temps à autre la permission d’utiliser les toilettes. Quand les gens voyaient venir les religieuses et qu’ils n’avaient pas envie de donner de l’argent, ils disaient : « Tiens, les pisseuses arrivent » (FTLFQ, 1993 (enq.)). Le sens de « dame de pique » est attesté depuis 1971 (v. PPQ 2077), et celui de « jeu de cartes », depuis 1954. S’explique peut-être par la ressemblance entre la représentation du personnage sur la carte et l’habit des religieuses. La variante pissotteuse (non attestée en France) dérive de pissoter « pisser fréquemment », attesté en français depuis le XVIe s. (v. FEW id., 588b; Quillet 1937 ‘fam.’, GLLF et Larousse 1982 ‘pop.’), qui a donné en outre le dérivé pissotière, relevé en français depuis le XVIIe s. au sens d’« urinoir public réservé aux hommes » (v. TLF) et enregistré par Oudin, Tesoro de las dos lenguas española y francesa de Caesar Oudin, 1660, au sens de « membre de la femme » (cité dans FEW id., 589a). De plus, en moyen français, on relève pissote « action de pisser » et, dans le parler de Sologne (Centre), pissotiau, désignant l’urètre de la femme (v. FEW id., 589a). Pissotteuse a pu être formé au Canada en rapport avec cette famille.
IIIDepuis 1952. Variante de pisse-vinaigre « esprit chagrin, triste, morose », attesté en français depuis le XVIIe s. (v. TLF), ou de pisseur de vinaigre, forme absente des dictionnaires consultés, mais relevée sous la plume d’auteurs français (p. ex. P. Legendre, Vues éparses, 2009, p. 16 : Mais, voyez-vous, il y a deux manières d’entrer dans la vie : ou bien l’on devient un vindicatif, un protestataire, un pisseur de vinaigre; ou bien on en fait quelque chose. […] Je n’ai rien à voir avec les marchands de ressentiment.)