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PIASTRE [pjastʀ] ou [pjas]
n. f.

Rem.

1. Souvent écrit piasse depuis la fin du XIXe s. dans les textes dialogués, humoristiques, etc. 2. La prononciation [pjas] est familière.

I

Monnaie de pays étrangers.

1

Hist. Pièce d’argent frappée en Espagne, puis dans les colonies espagnoles d’Amérique (Mexique, Pérou, etc.), qui a cours au Canada dès le XVIIe s. et qui, sous le Régime anglais, vaut généralement 120 anciens sous; valeur de cette pièce, prise comme unité de référence, pouvant, à partir du XIXe s., être représentée par des billets émis au Canada.

Piastre d’Espagne, piastre espagnole, piastre du Mexique. Demi‑piastre, demi‑piastre d’Espagne, du Mexique. Trois piastres (d’Espagne) en sols marqués. Un billet de dix piastres. (Sous le Régime anglais, s’insérant dans les systèmes de compte alors en usage, voir sou, sens II). La somme de 71 piastres, 4 chelins (shillings) et 2 pence. 21 piastres et 28 sols.

 Par anal. Pièce d’argent frappée en Angleterre (p. ex. la couronne) ou en France (p. ex. l’écu), de même valeur environ que la piastre espagnole.

Piastre anglaise, piastre française, rare piastre de France. Demi‑piastre anglaise, demi‑piastre française.

 dollar (sens I).

[...] il a été apporté en ce pays quantité de monnoies étrangères comme réaux, piastres et autres de toutes façons, qui sont pour la plupart légères [ne pesant pas leur poids d’or ou d’argent], ce qui cause une très grande perte à ceux qui sont obligés d’en recevoir, pourquoi les marchands les refusent [...], attendu le pressant besoin que les réaux et piastres, et même toute monnoie étrangère tant d’or que d’argent, soient prises aux poids selon leur prix [...] et que les dits réaux ou piastres du poids de vingt‑un deniers trébuchant, soient pris en ce pays pour trois livres, dix‑neuf sols un denier [...]. 1681, A. Shortt (éd.), Documents relatifs à la monnaie, au change et aux finances du Canada sous le Régime français, vol. 1, 1925, p. 50.

[...] la Livre [française] vaudra un Chelin du Cours établi par la Présente, la Piastre vaudra Six Livres [françaises] ou Six Chelins, et ainsi à Proportion pour chaque Monnoye ci‑mentionnée. Et comme il s’est introduit un Usage de couper les Piastres, et d’en circuler les Fragmens comme menu Change à une Valeur arbitraire, ce qui est sujet à beaucoup de Fraudes et d’Abus : Par cette Presente, il est en outre Ordonné et Déclaré, Que de la Date de la Publication d’icelle, les Parts ou Morceaux de Piastres, ou d’aucune autre Monnoye ainsi coupées ou autrement rognées, n’auront Cours en Guise de menu Change dans aucune Partie de cette Province [...]. 1764, ordonnance du gouverneur Murray, La Gazette de Québec, 4 octobre, p. 1.

[...] en outre moyennant le prix et somme de cinquante livres monnaye du cours actuel de Québec [livres anglaises selon leur valeur au Canada], égale à deux cents piastres d’Espagne, que le dit sieur George Hipps a reçu de mon dit sieur Cramahé, en monnaye d’or et d’argent comptée, nombrée et réellement delivrée à vue des notaires soussignés. 1778, Rapport de l’archiviste de la province de Québec pour 1921‑1922, 1921, p. 120.

Quatre piastres de récompense. Perdu, Ce matin, entre le marché de la Basse-Ville et St‑Roc. Un portfeuille rouge, contenant six billets de cinq piastres, et trente autres billets d’une piastre chaque, fesant un montant de £ 15. 1837, La Gazette de Québec, 22 avril, p. 2.

Il y avait cinquante louis [= livres anglaises] en or; c’étaient des pièces d’or de $ 5 [dollars américains]; il a remarqué qu’il y avait des aigles sur ces pièces. Il y avait aussi dans cette boîte dix à onze piastres françaises. Il y avait cent quarante piastres en trente sous, en rouleaux de $ 10. Il y avait aussi $ 150 en argent monnayé, de diverses descriptions; cette somme n’était pas en rouleau, mais avait été mise pêle-mêle dans la boîte. 1865, Montréal, Procès de Barreau, p. 18.

Le Moniteur du Commerce dit que les capitaux américains envahissent notre pays et lance le cri d’alarme. Je ne comprends pas bien cet effroi. C’est précisément le capital qui nous manque pour exploiter nos ressources. En quoi le capital américain peut-il donc nous faire plus de mal que les 800 millions de piastres anglaises placées au Canada? On sait bien que le capital n’a pas de nationalité. 1893, L’Électeur, Québec, 25 avril, p. [4].  

Les temps sont bien changés. Autrefois, on confiait au bas de laine, au vieux coffre de bois, des milliers de sous, d’écus, de vieilles piastres françaises. Mais aujourd’hui, c’est autre chose. De l’argent dans la maison, surtout de l’argent dans le gousset, ça brule!!! 1910, La Vérité, Québec, 22 janvier, p. 221.

Durant son sommeil, il [un voyant] parla d’un coffre, et le décrivit : à l’intérieur, il était rempli de papiers et surtout de grandes rondelles blanches. Plus de doutes, il s’agissait de piastres françaises ou portugaises. Mais comment localiser le coffre? C’est ce qu’on ne put faire. 1929, Le Progrès du Golfe, Rimouski, 19 avril, p. 3.

Mais il y a des chances pour que dans 20 ans les Français parlent encore de... francs – comme les Québécois qui continuent quelques siècles plus tard à utiliser le nom de la piastre espagnole qui eut cours au Canada dès le XVIIe siècle! 2002, Le Devoir, Montréal, 4 janvier, p. A7.

À mesure que se développe le commerce du bois d’œuvre, notre marchand s’oriente sur les ressources forestières et les moulins. En décembre 1825, un cultivateur de Sainte-Claire doit lui livrer 200 madriers de première qualité destinés à l’Europe et les mettre en pile à la grève de Beaumont pour 44 piastres d’Espagne. 2021, Le Gervaisien, vol. 26, no 10, p. 16.

(En parlant de diverses pièces de monnaie en or).

Piastre en or, piastre d’or.

Une consignation de 500 Parasols soie et coton [...] – Prix original Cinq Piastres en Or, – seront vendus à Deux Piastres en Argent de Papier, à notre magasin d’encan, rue St. Jean. 1867, L’Événement, Québec, 5 juillet, p. 3.

(Milieu du XVIIIe s.). Argent de piastre : métal provenant de piastres d’argent fondues.

Neuf cuilleres et neuf fourchettes d’argent de piastre pesant ensemble cinq marcs trois onces deux gros. 1746, Québec, BAnQQ, greffe Cl. Barolet, pièces judiciaires et notariales 1433, p. 36.

 (Du milieu du XVIIIe s. jusqu’au début du XIXe). Piastre : mesure de poids pour des objets en argent (vases précieux, couverts, ustensiles de cuisine), prenant la pièce de monnaie comme référence.

Un ostensoir pesant six piastres.

Un petit vase aussi d’argent fait en forme d’une petite écuelle à oreilles pour recevoir les quêtes faites dans l’Église a couté huit piastres et a pesé cinq piastres et deux chelins. 1810, L’Islet, BAnQQ, fonds J. Panet, 2 janvier, p. 9.

2

(Dans des comparaisons, par allusion à la dimension de la pièce de monnaie). Vieilli Avoir les yeux grands comme des piastres, vieux comme des piastres françaises, disparu comme des piastres d’Espagne, mexicaines, rare avoir les yeux ronds comme des piastres : avoir les yeux grand ouverts (d’étonnement, d’admiration, etc.).

 vingt-cinq cents (s. v. cent, sens II.2); trente sous (s. v. sou, sens II.2).

Jamais je n’ai vu d’expression de surprise aussi profonde que celle exprimée par la figure de Béchard, en ce moment. – Comment! me dit-il, en se levant tout d’une pièce, tu n’est [sic] pas fou! [.../] Béchard avait toujours les yeux grands comme des piastres. 1862, F. Poutré, Échappé de la potence, p. 36.

Il s’arrêta et se mit à chanter. Ses collègues [iroquois], s’étant aussi levés debout, marquaient la mesure avec leur hé! qu’ils tiraient du fond de leur poitrine, se promenaient à grands pas et gesticulaient d’une étrange manière. Mornac ouvrait des yeux grands comme des piastres d’Espagne, et retenait à grand’peine un fou rire qui lui chatouillait la gorge. 1873, J. Marmette, Le chevalier de Mornac, p. 13.

Joachim Crête, tout surpris, se revire en mettant son tombleur [= verre] sus la table, et reste figé, les yeux grands comme des piastres françaises et les cheveux drets sus la tête. 1900, L. Fréchette, La Noël au Canada, p. 273.

T’as pas été franche Frisette, t’as trigaudé! Trigaudé, c’est le mot! Quand même tu me regarderais avec tes yeux grands comme des piastres françaises, je te répète que t’as trigaudé. Puis Bertrand est pas sans le savoir!... Ça fait que s’y faut que je reste pour te surveiller, je vas rester puis je vas envoyer la partie de cartes en l’air! 1951, J. Bernier, Je vous ai tant aimé, 19 novembre, p. 6 (radio).

Que de cuisses… dans la parade de la Saint-Jean-Baptiste. Les vieux garçons en avaient les yeux grands comme des piastres. Les Jean-Paul, Marquis, Horace, etc., en avaient plein les yeux. Çà [sic] peut leur donner le goût du mariage, qui sait? 1962, L’Avenir du Nord, Saint-Jérôme, 27 juin, p. 3.

« À Prague […], j’ai rencontré le Dr Startsny qui m’a guidé dans une clinique de hockey qu’il dirigeait. Je peux vous dire que c’est vraiment étudié et précis le hockey, chez eux. Nous avons du chemin à faire. J’avais les yeux grands comme des piastres à voir ces jeunes à l’œuvre. Ils savent qu’il ne faut pas mettre du ruban gommé sur le manche de leur bâton, ne pas lacer le dernier œillet de leurs patins pour ne pas couper la circulation du sang aux chevilles […] » 1979, La Presse, Montréal, 15 juin, p. C5.

Grand-papa Marcel, âgé de 62 ans, continuera à fabriquer ses merveilles de bois tant que la santé le lui permettra. « Ce n’est pas et ça n’a jamais été une question d’argent, de revenus. Fabriquer des jouets est une façon pour moi de relaxer. C’est tout. Mon profit? Je l’obtiens lorsque les enfants arrivent devant mes jouets et qu’ils ont des yeux grands comme des piastres. » 1998, La Revue, Terrebonne, 2 décembre, p. C12.

Au programme, ateliers sur les oiseaux, randonnées dans les sentiers, pique-nique, plein d’oiseaux à observer et, en prime, Dame Nature a offert une maman ourse et ses deux petits. Tout le monde avait les « yeux grands comme des piastres » pour admirer à distance respectable ce beau spectacle de la nature sauvage. 2008, Le Soleil, Québec, 21 juin, p. M24.

Saint-Georges a de nouveau terrassé le dragon le 15 juin dernier. Le dragon s’est incliné devant des enfants aux yeux ronds comme des piastres et environ 200 personnes près du Centre culturel Marie-Fitzback. L’endroit choisi, bénéficiant d’un amphithéâtre naturel, offrait un décor vallonneux des plus appropriés pour la reconstitution fabuleuse de Saint-Georges terrassant le dragon. 2013, L’Éclaireur-progrès (site Web), Saint-Georges, histoire et culture, 17 juin.

II

Monnaie canadienne.

A
1

Hist. Appellation officielle de l’unité monétaire canadienne valant cent centins.

Deux piastres et vingt‑cinq centins.

 Mod., fam. Dollar canadien.

Deux piastres et quarante (cents ou sous). Une piastre et demie, une piastre et quart. Une couple de piastres, quelques dollars. Une centaine de piastres. Billet de cinq piastres. Piastre canadienne (par oppos. à piastre américaine, désignant le dollar américain). Gagner six piastres de l’heure, quatre cents piastres par semaine.

loc. Vieilli Cinq (dix, etc.) cents (sous) dans la piastre : cinq, dix, etc. pour cent de la valeur estimée.

Acheter, vendre, payer qqch. (à) vingt-cinq cents dans la piastre. Une faillite qui rapporte cinq cents dans la piastre. Un dividende de dix cents dans la piastre.

 Cour. (Par ellipse du mot billet). Un cinq, un dix, un vingt piastres (souvent même abrégé en un cinq, un dix, un vingt).

Un dix piastres rond, en un seul billet. Casser un vingt, un cinquante piastres, le changer pour de plus petites coupures, pour de la monnaie.

(Précédé d’un adj., pour insister sur l’importance relative de la somme). Perdre un beau cinquante piastres. Économiser quelques vieilles piastres. Se désâmer pour un petit deux piastres. Gagner un gros cinq piastres.

 Billet de banque.

Des piastres flambant neuves.

 dollar (sous II.1).

Les dénominations de monnaie du système monétaire de cette province seront, louis, piastres, chelins, deniers, centins et millins [...]; la piastre équivaudra au quart d’un louis, le centin sera la centième partie d’une piastre, et le millin la dixième partie du centin; – et dans tout exposé relatif à de l’argent ou à des valeurs en argent dans tout contrat, indictement ou procédure légale, elles pourront être désignées en louis, chelins et deniers, ou en piastres, centins et millins [...] selon qu’il sera considéré expédient. 1859, Acte concernant le cours monétaire, Les Statuts refondus du Canada, p. 197.

Le fait est que, dès la veille, il avait décidé de faire un cadeau aux enfants du maçon et, à cet effet, il avait apporté avec lui sa bourse contenant toute sa fortune, – deux piastres en pièces de cinq et de dix centins, toutes neuves et brillantes; il cherchait donc une occasion de présenter cette offrande pour laquelle il avait complètement dévalisé sa petite banque. 1875, N. Legendre, À mes enfants, p. 102‑103.

À dix heures, on remonta les stores, on ouvrit les portes de la banque. [...] Alexandre s’installa, ses piastres à côté de lui, son tiroir-caisse à la main, sa petite figure sèche dans l’encadrement du guichet. 1954, G. Roy, Alexandre Chenevert, p. 40.

J’aurais si ben pu aller défricher une terre en Abitibi, oùsqu’y rouvrent des villages neufs. J’aurais eu 800 belles piasses, pis une terre à moé. 1981, M. Laberge, C’était avant la guerre à l’Anse à Gilles, p. 66.

Est-ce qu’une dame parmi vous serait prête à organiser une démonstration pour permettre à madame Robichaud de gagner son beau bol à gâteaux?... Le règlement dit qu’y faut cent dollars de ventes ou deux prospects, mais je serais prête à lui arranger ça pour son quatre-vingt six piastres et vingt cennes, si elle avait au moins un prospect... 1985, M. Claudais, J’espère au moins qu’y va faire beau!, p. 305.

À l’Auberge depuis trois mois, il tente de se retrouver. La vente du journal lui permet d’arrondir ses fins de mois et de laisser libre cours à son caractère extraverti. « La plupart des gens me répondent oui ou non, d’autres pas. Y t’ignorent! Y en a qui ont le gros sourire, pis d’autres qui me courent après en me disant : ‘Hey! J’en veux un!’ Y a même une vieille dame qui m’a donné cinq piasses : ‘Pour les jeunes itinérants, les sans-abri… J’veux les encourager’. Ça fait plaisir. Et puis j’en profite pour parler au monde. » 1996, L’Itinéraire, Montréal, septembre, p. 15.

Si vous sortez dans les bars de Montréal, peut-être avez-vous remarqué ces anciens « smoke shops », transformés en machines à culture. Au lieu d’un paquet de clopes, on peut y obtenir une cassette de musique, un mini‑CD, une plaquette de poésie, une petite BD ou d’autres créations locales. Tout ça pour un beau deux piastres tout rond. 2006, La Presse, Montréal, 1er décembre, cahier Actuel, p. 3.

Le pouvoir d’achat des travailleurs canadiens a augmenté de 53 $ au cours des vingt-cinq dernières années, nous a appris Statistique Canada la semaine dernière. 53 piasses!?! Après vingt-cinq années de croissance économique dans l’un des pays les plus riches du monde!?! 2008, É. Desrosiers, Le Devoir, Montréal, 5 mai, p. A5.

« Dans la région où je suis, dans un rayon de cinq kilomètres, on était cinq fermes familiales en 1997. Aujourd’hui, elles sont toutes fermées ou rachetées par d’autres personnes à perte. Moi, j’ai eu 25 cents dans la piasse », raconte celui qui dit être passé « de héros à zéro » en perdant tout ce qu’il avait bâti au fil des ans avec sa famille. 2012, La Voix de l’Est, Granby, 1er septembre, p. 43.

Cette année, Marc Bergevin a donné une équipe très compétitive à Claude Julien. Malheureusement, il a échoué. Si Ducharme ne parvient pas à replacer pas [sic] la barque, il faudra regarder du côté de son patron… mais je mettrais volontiers un vieux deux piastres en papier que le nouvel entraîneur-chef par intérim va causer une très agréable surprise. 2021, Le Reflet témiscamien, Ville-Marie, 2 mars, p. 2.

Par ext. Monnaie de papier imitant un billet de banque, utilisée dans des jeux de société, dans des commerces.

Piastre de Monopoly. Piastre Canadian Tire.

La vice-présidente du même syndicat […] s’était attiffée [sic] d’une toque de cuisinier épinglée de piastres de « Monopoly », et portait la tenue d’un bûcheron : « Tout ce qu’il me reste à faire, c’est de me faire embaucher aux chantiers de la Baie James. » 1975, La Presse, Montréal, 13 novembre, p. D12.

Gardez vos piastres de Canadian Tire… [titre] Quelle est la différence entre l’argent imprimé par Canadian Tire et un éventuel dollar d’un Québec indépendant? Il y en a toute une, de dire le torontois Steven Kelman : « J’ai confiance dans la monnaie de Canadian Tire. » Mais absolument pas dans un éventuel dollar québécois! 1995, La Presse, Montréal, 7 octobre, p. F5.

2

(Dans des comparaisons ou des expressions fam.). Vieux (En parlant de qqn). (Essoufflé(e)) comme un cheval de quatre piastres, comme un vieux canasson. Vieilli Habillé(e), chic, etc., comme un cheval de quatre piastres : mal vêtu, habillé avec peu de goût; par antiphrase tiré à quatre épingles, habillé avec recherche. Cour. Changer, échanger quatre trente sous pour une piastre : voir sou (sens II.2).

 Proverbe. C’est avec des sous qu’on fait des piastres (ou variantes) : c’est en économisant, petit à petit, qu’on arrive à amasser une grosse somme.

 (Dans des expressions où piastre, précédé d’un nombre, sert à exprimer la grande valeur qu’on accorde à qqch.). (Être prêt à) payer, donner cent, mille piastres (pour voir qqn, pour faire qqch., etc.) : tenir absolument (à qqch.), le désirer fortement. Ne pas manquer qqch. pour cent piastres, pour rien au monde. Ça vaut cent piastres, en parlant de qqch. de particulièrement intéressant, ou de drôle.

 (Dans des locutions où piastre, précédé d’un nombre, sert à exprimer un haut degré de difficulté). Une question à cent piastres (ou variantes), dont la réponse est difficile, voire impossible à trouver. Des mots à une piastre et quart, à dix, à cent piastres : des mots savants, trop recherchés.

Lozet, entrant : Ces amoureux! ces amoureux! ça dépense! ça dépense!..... Ruzard : C’est avec des sous qu’on fait des piastres. Lozet : Oui, mon cher François, et c’est avec des piastres qu’on achète des propriétés. 1876, P. LeMay, Les vengeances, p. 12.

À la fin, Agapit et Sophie se lâchèrent les menottes et ils commencèrent à prendre leur grand air de circonstance. Nom d’une sedlisse [interj.], m. le journalisse, ça valait ben cinq piastres de reluquer ces deux binettes-là. 1919, La Patrie, Montréal, 18 janvier, p. 13 (chron. humor.).

Et les sous s’amassent et font des piastres, des dix, vingt, cinquante, cent, et d’autres cent piastres et après quatre heures de fête, on en a recueilli neuf cents. Neuf cents dollars dépensés par ces pauvres qui n’ont pas le sou, et à qui la charité la plus exquise fournit la meilleure joie du monde : celle de donner, de faire l’aumône. 1922, H. Dessaulles, Lettres de Fadette, 5e série, p. 65‑66.

Joséphine [parlant à Rita, la fiancée d’Ovide] : Ovide vient justement de partir pour chez vous. Y s’est mis chic comme un cheval de quatre piastres. Ta tante Eva te fait dire de ne pas plier du milieu... de pas lui tomber dans les bras. Fais l’indépendante... Parle-lui sévèrement... Pis tu vas l’avoir... 1961, R. Lemelin, La famille Plouffe, 30 octobre, p. 3 (radio).

[I]ls connaissaient ça les vieux! aie pas peur! c’est changer quatre trente sous pour une piastre, comme on peut dire en bon canayen pis avant que ça gèle ça te donne le temps de tout reparfaire l’étoupe; patarafer éiousque faut que la patarafe passe; si tu fais pas ça avant que ça gèle le printemps tu repars le bateau est encore gelé d’un travers à l’autre! 1966, île aux Coudres (Charlevoix-Ouest), P. Perrault, Les voitures d’eau, 1969, p. 25 (film).

Je paierais mille piastres pour leur voir la tête [aux ministres], moi. C’est pas juste, on manque le show. 1974, M. Capistran, Bingo, p. 135.

Les mots du cœur! Y a pas une femme, à part toé, qui peut s’vanter que j’l’ai bercée su mes g’noux! Peuh! Les mots du cœur! C’est pas moé qui étais maîtresse d’école pour t’sortir des mots à dix piastres! 1980, J.‑M. Delisle, Un reel ben beau, ben triste, p. 96.

Malheureusement, en Occident, à l’école, on n’apprend pas à développer son sixième sens. Malgré que c’est vrai que cela doit être difficile à enseigner. Ça me fait penser à un ami qui est monté à Montréal pour un colloque de théâtre. Une des questions posées était justement : « Est-ce que le jeu d’acteur s’enseigne? » Question à cent mille piasses. 1998, La Quête, no 14, p. 13.

Si vous aviez vu la binette, insultée au possible, du cycliste. C’était « sa » rue, et la fourgonnette n’avait pas à s’y trouver, voilà ce qui était écrit sur ce visage. Mais, pas folle, j’ai moi aussi pris ma leçon. Et lorsque, un peu plus loin, le même type s’est apprêté à faire le même manège, vous auriez dû entendre le coup de klaxon que j’ai lancé! La face du gars, ça valait mille piastres! M’est avis que la prochaine fois, il va regarder avant de traverser en écervelé… 1998, Le Quotidien, Saguenay, 30 juillet, p. 12.

C’est sûr que si on se dit : Ah ça ne vaut pas la peine si c’est juste moi qui le fais. Eh bien si on se dit tous ça nous allons détruire la terre comme nous sommes en train de le faire. N’oubliez pas que c’est avec les cents qu’on fait les piastres2002, Progrès-dimanche, Chicoutimi, 17 février, p. B18.

Plusieurs diront que le design, « c’est ce qui rend les choses belles, ce qui rend notre vie plus belle ». D’autres seront moins enthousiastes. « C’est un beau mot à 10 piasses qui sert à fonder plein d’écoles et à vendre du vent. C’est artificiel », répondra un passant. 2004, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 13 mars, p. T4.

« La première fois que je suis allé voir un agronome, on venait d’acheter et je lui ai dit que je voulais possiblement faire du bio. Il m’a répondu : ‘Moi changer quatre trente sous pour une piastre, là!’ Mais quelques [sic] temps après, cet agronome-là est devenu un vendu du bio! » […]. 2021, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, 8 septembre, p. 20.

3

(Par ext. du sens 1, au pluriel). Fam. Argent; montant indéterminé d’argent.

Compter, empiler ses piastres. Gagner quelques piastres pendant l’été. Économiser quelques vieilles piastres.

Pour une poignée de piastres : pour pas cher.

Question de piastres et de cennes, de sous et de piastres : question d’argent. Penser en cennes et en piastres, en termes d’argent.

Être proche de ses piastres : syn. de être proche de ses cennes (sens II.4).

 (Au sing.). La piastre : l’argent.

Le souci de la piastre, l’odeur de la piastre.

Être à la piastre : syn. de être à l’argent (sens II.4).

Faire la (ou une) piastre, se faire une piastre : (se) faire de l’argent, gagner beaucoup d’argent. Il y a une piastre à faire, de l’argent, beaucoup d’argent, à gagner.

  bidoucent (sens II.4); coppe (sens I.4); dollar (sens II.2); token (sens 1, par ext.).

Ceux de Québec ne couteront pas fort cher au Gouvernement puisqu’un bon nombre d’eux sont de ces mêmes Messieurs qui, à la déclaration de guerre fabriquerent une cavalerie pour se soustraire billets noirs. Ils s’y jeterent pêle mêle, et à l’appétit de quelques piastres, s’habillerent en cavaliers; ainsi ils sont tout équipés. 1814, Le Spectateur, Montréal, 11 octobre, p. 80.

[…] la bonne femme, mais surtout la fille ou demoiselle, comme on dit en langage moderne, ne saurait se passer d’une ou de deux robes de gros de Naples : elle doit avoir du thé et de la cassonade, faire des visites en chapeau de velours et en shawl. Aussi le cultivateur n’a plus de piastres dans ses coffres : mais il en doit joliment au marchand du fort, qui avance toujour [sic], le note dans son gros livre, avance encore jusqu’à ce que tout y ait passé […]. » 1837, Le Glaneur, Saint-Charles (Saint-Hyacinthe), février, p. 36‑37.

L’erreur de mon huissier me coûta quelques piastres que je ne regrettai guère; j’avais ri pour mon argent, et mes amis en avaient profité. 1866, Ph. Aubert de Gaspé, Mémoires, p. 330.

Sous ce titre [Soyons pratiques], le Canada reproduit quelques-unes des remarques que nous avons faites sur la démonstration du 24 Juin [sic] prochain et termine en observant que nous avons tort de faire de la question de notre existence nationale une question de sous et de piastres. 1880, Le Nord, Saint-Jérôme, 5 février, p. 1.

Max : Tout ce qu’on avait à faire, c’était de ramasser du sable au fond de l’eau avec un plat, et de brasser, de brasser, jusqu’à ce que le sable et la terre soient montés sur le dessus et que les pépites d’or soient descendues au fond du plat. Jos : Oui, oui, oui, coudonc, vous avez dû vous faire une piastre en pas grand temps, avec ce ptit jeu‑là? 1940, A. Rousseau, Les amours de Ti‑Jos et les mémoires de Max Potvin, 28 mai, p. 4 (radio).

J’ai travaillé à Gagnon deux étés. Je suis pas allé à Shefferville, mais j’en ai entendu parler. Il paraît que le taux de dépressions nerveuses dans ces places-là, comparé à ce qu’il est dans les places plus au sud, est effrayant […]. C’est quasiment pas habitable, ça fait des petites villes là, de 3000, 4000 de population qui sont plantées dans le bois, sur des caps de roche, pis c’est pas vivable dans ces places-là. Les gens y vont pour faire une piasse vite, pis ils en reviennent le plus vite possible. 1973 env., Rouyn-Noranda, AFEUL, P. Perrault 83 (âge de l’informateur : n. d.).

La piastre. Toujours la piastre. Les amateurs de hockey sont en maudit contre les joueurs à cause de la piastre. Tout le monde, ou à peu près, est scandalisé par les salaires des joueurs de hockey et de baseball. Personne ne semble être scandalisé par les profits des Yankees ou des Maple Leafs de Toronto. Tout le monde voudrait un plafond pour les salaires des joueurs mais personne ne parle d’un plafond pour les profits des propriétaires. 1994, R. Tremblay, La Presse, Montréal, 29 octobre, p. H1.

Naturelle donc, est la peur de l’inconnu, mais trop naturelle aussi la tentation de l’exploiter sans penser aux conséquences futures, pour vendre de la copie, augmenter sa cote d’écoute, ou engranger un vote vite, comme on dit parfois de certains entrepreneurs qu’ils veulent faire une piastre vite. 2007, Journal SSJB, Montréal, juin, p. 10.

Un étranger vient de violer l’espace privé de la maison de mes parents en plein après-midi en emportant avec lui le cumule [sic] d’une vie! Toi, le voleur, tu as emporté souvenirs de ma mère, notre mère, pour une poignée de piastres. Pourquoi ne pas t’arrêter quelques secondes et réfléchir sur le mal que tu fais autour de toi tandis que mes parents n’ont fait que le bien. 2010, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 6 janvier, p. 12.

Si l’odeur du sang excite les requins, l’odeur de la piasse émoustille leurs cousins. Ça frétille dans le milieu des « vraies affaires ». 2016, D. Goudreault, Le Soleil, Québec, 10 décembre, p. 26.

Malgré toutes nos avancées, force est donc de constater que nous n’avons pas encore atteint cet objectif fondamental de la loi 101, qui consistait précisément à faire du français, la « langue de la piastre », comme disait René Lévesque. 2020, Le Patriote, Montréal, juin, p. 27.

B

Signe de piastre : symbole ($) représentant la piastre, le dollar.

Rem.Pour l’utilisation du symbole $, voir la Notice encyclopédique ci‑dessous et dollar, sens II.1, Rem. 2.

 Fig. Symbole de l’argent, de la préoccupation pour l’argent.

Calculer, penser en signe de piastre.

(Dans des expressions). Avoir les yeux en signes de piastre : ne penser qu’à l’argent, ne voir que l’argent, le gain possible. Avoir un signe de piastre à la place du cœur : faire passer l’argent avant les sentiments, avant les considérations humaines.

[…] la page fut marquée « solide » et donnée à un ouvrier compositeur tout fraîchement entré; il se vantait de composer aussi rapidement que l’éclair et lisant le manuscrit; il composa l’introduction en un clin d’œil, mais lorsqu’il arriva au manuscrit, il saisit un A capital, le rejette, puis dans la case de Y, il remet le caractère à sa place et s’empare d’un signe de piastre; comme aucune phrase ne peut commencer par un signe de piastre, le typo s’arrête, pose un pied sur la barre de son rang et réfléchit. 1874, Le Franc-parleur, Montréal, 20 novembre, p. [2].

Leur méthode est toujours la même : ils prennent les noms de ceux qui ont fait le plus de mal et qui, tant à la tribune que dans la presse, ont les plus contribué à déjouer leurs gigantesques spéculations, Mercier, Langelier, Beausoleil, Pacaud, etc., et vis-à-vis de chacun ils impriment en gros caractères un chiffre quelconque avec le signe de piastre, et le tour est joué. 1891, L’Électeur, Québec, 10 août, p. [1].

Je [...] n’insisterai même pas sur la petitesse de l’argument [le fait que le gouvernement perçoit des droits pour chaque arbre coupé] parce qu’on sait assez couramment que le signe de piastre « $ » constitue, de nos jours, le plus bel ornement du blason des gouvernements et qu’au point de vue constitutionnel, le patriotisme n’est qu’une balançoire – mais, n’a-t-on donc jamais mis en regard, d’un côté, les maigres milliers que nous rapportent les droits de coupe et de l’autre tout ce que ravit à l’État l’exode des milliers de Canadiens que notre système colonial chasse vers l’exil? 1901, H.‑G. de Montigny, Étoffe du pays : études d’économie politique canadienne, p. 40.

On leur créera [aux Africains] toutes sortes de besoins factices et on leur dira : si vous voulez satisfaire ces besoins, travaillez à extraire de la terre, les richesses de votre pays; donnez-nous-les, et, en retour, on vous donnera de l’alcool, des liqueurs, du tabac, du cinéma, des jeux, des plages, etc. [...] Le pauvre petit curé, lui, courra après ses brebis violées et tondues. Telle sera, à mon avis, la situation du missionnaire d’Afrique, pendant la dernière moitié du vingtième siècle. Ce sera la lutte entre le signe de la Croix et le signe de piastre. 1953, E. Arsenault, Les loisirs d’un curé de campagne, p. 359‑360.

Or, il y a quelque temps, un gros monsieur, carrure de costaud, voix coléreuse, est venu me voir. Il veut couper implacablement tous les bois durs de cette vallée. C’est le signe de piastre qu’il voit sur les arbres de mon pays. 1973, F.‑A. Savard, Journal et souvenirs I, p. 189.

Les nombreux zéros qui suivent les signes de piastre dans la colonne de chiffres du grand argentier de la F.1 [Formule 1] [...] ont de quoi laisser indifférent tellement ils sont loin de la réalité de tous les jours. 1994, La Presse, Montréal, 8 juin, sports, p. 5.

Des groupes de pression réclament qu’on remplace la croix du Mont-Royal par un symbole non-religieux [sic]; on propose une valeur universelle : un signe de piasse illuminé. 2008, Le Couac, Montréal, novembre, p. 2.

« Les lignes d’autobus entre Rimouski et Gaspé sont fermées […]. Il y a des personnes pour qui l’argument du signe de la piasse fait la loi. Mais si on réduit tout au signe de piasse, on ferme les régions. Il y a un choix social à faire, qui est celui de maintenir nos régions vivantes, allumées, jeunes, dynamiques, ouvertes aux projets, aux innovations. C’est un coût qu’on devrait percevoir comme un investissement. […] » 2018, La Gatineau, Maniwaki, 22 mars, p. 6.

Femmes enceintes, aînés, jeunes familles, résidants depuis 50 ans : tous doivent avoir quitté les lieux le 30 juin prochain, pour une période d’au moins sept mois. L’entreprise propriétaire a accordé le délai minimal prévu par la loi – trois mois tout juste, au jour près – pour les cas de chantiers majeurs. « Son idée c’est de nous mettre dehors. Combien de monde après sept mois va avoir l’argent et l’énergie pour revenir? », a déploré [une] femme de 68 ans qui occupe son deux et demie depuis 13 ans. « Ce qu’il fait, c’est inhumain. J’ai l’impression d’être un signe de piasse. » 2021, P. Teisceira-Lessard, La Presse (site Web), Montréal, actualités (Grand Montréal), 2 avril.

Rare Signe de la piastre.

[...] une des faces de la piastre espagnole représente les colonnes d’Hercule, entourées d’une sorte d’oriflamme en forme d’S. C’est là l’origine du signe de la piastre américaine ou canadienne : $. 1866, Le Foyer canadien, t. 4, p. 179.

Parce qu’on était embourgeoisé et qu’on évaluait tout par le signe de la piastre ou par un profit [...]. 1973, R. Jodouin, En‑d’ssour, p. 165.

NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE

Au XVIIe s., la piastre espagnole circule un peu partout en Europe et en Amérique; il n’est donc pas étonnant qu’on la retrouve en Nouvelle-France, en dépit des réticences des autorités. La piastre y vaut environ quatre livres françaises. À la suite de la Conquête, la piastre se fixe au taux de cinq chelins (shillings), ou six livres françaises, soit 120 anciens sous, après quelques années de fluctuation (voir livre2 et sou, sous Notice encyclopédique); ces équivalences entre les monnaies prévalent jusqu’à la disparition des systèmes français et anglais, bien après la création du système décimal en 1858. Dans la première moitié du XIXe s., la piastre tient généralement lieu de monnaie de compte dans les transactions, mais il y a de moins en moins de pièces d’argent pour représenter cette unité monétaire. L’utilisation de la monnaie de papier émise par les banques (et même par des particuliers) est de plus en plus courante. C’est à partir de 1851 que les autorités tentent d’introduire par législation un système monétaire décimal calqué sur le modèle du dollar américain, d’où les premières attestations de piastre au sens d’« unité monétaire divisée en cent centins ». L’Acte concernant le cours monétaire entre en vigueur en 1858. Cette loi prévoit que l’ancien système britannique (louis, chelin et denier) continuera d’avoir cours parallèlement au nouveau système décimal (piastre, centin et millin) dans le Haut et le Bas‑Canada. Le symbole $ apparaît dans les documents en français pour représenter la piastre dans les années 1850 (au départ souvent utilisé en plus du mot piastre écrit en toutes lettres), mais il était déjà couramment employé pour l’équivalent anglais dollar, qui référait tantôt à la piastre espagnole, tantôt au dollar américain (voir dollar), comme en font foi les billets de l’époque. Le mot piastre prend donc à cette époque une valeur officielle (désignation de l’unité monétaire canadienne), s’ajoutant aux divers emplois que le mot connaissait; en effet, on l’utilisait déjà non seulement pour parler de la monnaie espagnole, mais aussi de pièces d’argent de valeur équivalente frappées en Angleterre et en France (voir ci-dessus, sous I.1), et même à l’occasion en parlant de billets imprimés aux États-Unis (p. ex. dans le passage suivant tiré de La Gazette de Québec, 10 octobre 1776, p. 2 : Les Messieurs dernierement arrivés de la Géorgie ont apporté quelques nouvelles piastres, les unes sont une bonne piece de bon argent [...]; les autres, cette nouvelle espèce, ne sont qu’un morceau de papier avec une ligne ou deux tirées en taille douce et signé par ordre du Congrès). En 1871, peu de temps après la Confédération, on confirme les monnaies décimales (piastre, centin, millin) dans leur rôle officiel et les monnaies anglaises sont écartées. En 1906, la loi concernant le cours monétaire fait de dollar, cent et mille les dénominations officielles de la monnaie canadienne. Ce changement survient au terme d’une discussion qui divise les puristes depuis la fin du XIXe s.; les uns décriaient l’emploi de dollar parce que c’était un anglicisme, et les autres prétendaient qu’il fallait le préférer puisque l’Académie l’acceptait depuis 1835 et que piastre référait à une ancienne monnaie ou à une monnaie étrangère de valeur moindre que l’unité monétaire canadienne. La faveur que piastre connaissait déjà dans la langue familière ou populaire se confirme; de nouvelles expressions voient le jour et la graphie piasse, correspondant à la prononciation usuelle, accède à l’écrit.

Sources :

The Charlton Standard Catalogue of Canadian Paper Money (1980), p. 196; Gazette du Canada (1858, 11 décembre), 17(51), 3758‑3759; J. Hamelin et Y. Roby (1971), Histoire économique du Québec 1851‑1896, p. 327‑331; A. B. McCullough (1987), La monnaie et le change au Canada : des premiers temps jusqu’à 1900; F. Ouellet (1966), Histoire économique et sociale du Québec 1760‑1850, p. 45‑71; H.‑P. Rousseau (1981), L’histoire de la monnaie au Canada : de 1608 à 1933, p. 3 et 11‑19; R. Sédillot (1955), Toutes les monnaies du monde, p. 134‑137, 406‑407 et 409‑410; A. Shortt (éd.) (1925), Documents relatifs à la monnaie, au change et aux finances du Canada sous le Régime français, vol. 1, p. XLVI et 50‑60; Statuts du Canada (1871), p. 22‑25; Statuts provinciaux du Canada (1851), p. 1799‑1800; Les Statuts refondus du Canada (1859), p. 197‑200; Les Statuts revisés du Canada 1906 (1907), vol. 1, p. 317‑321.

Histoire

De l’italien piastra « nom d’une ancienne monnaie d’argent » (v. TLF, s.v. piastre, qui atteste cet emploi en français depuis 1595). Le mot piastre est relevé dans les dictionnaires français depuis Cotgrave 1611 (« a Turkish coyne worth about iiij s sterl. [= probabl. 4 shillings sterling] ») et, de façon plus précise, depuis Trévoux 1771 (« monnoie d’argent qui vaut un écu [...]. Il y a des piastres [...] que l’on appelle piastres du Pérou; d’autres [...] piastres Mexicaines »). Relevé jusqu’à nos jours au sens d’« unité monétaire (actuelle ou ancienne) de divers pays » (v. p. ex. TLF). La graphie québécoise piasse a cours dans les textes imprimés depuis 1867 (La Gazette de Sorel, 13 juillet, p. [3] : Coudon, Baptiste, sais-tu que M. Maccarthy va donner une piasse par tête à ceux qui vont voter pour lui? Ah ben José, c’est d’valeur que j’ne ressemble point à ceux qui jasent ben devant tout le monde! Pourquoi ça Baptiste? Parce que j’aurions ben plus qu’une piasse); la prononciation dont elle rend compte se rattache à une tendance ancienne (v. JunPron 205‑208).

I1Depuis 1681. Piastre d’Espagne, depuis 1703 (chez Lahontan, lettre de 1694) jusqu’en 1861, employé par la suite comme terme historique; relevé en France depuis Trévoux 1771 (piastres ou écus d’Espagne; cependant piastre de Seuille [Séville] déjà dans Fur 1727). Piastre espagnole, de 1758 à 1807, employé par la suite comme terme historique; attesté en France depuis Larousse 1866. Piastre du Mexique, de 1694 à 1844, attesté en France depuis Fur 1727. Demi‑piastre, de 1683 à 1858, relevé en France depuis Fur 1727. Piastre anglaise (1760‑1841). Piastre française (depuis 1760, encore relevé dans des enquêtes au XXe s.). Piastre de France (1789‑1849). Piastre « mesure de poids pour des objets en argent » (1764‑1810). 2Depuis 1862.

IIA1Depuis 1859 (avec valeur officielle), mais déjà dans des documents antérieurs depuis 1851 (v. ex. sous cent, sens II.1). Piastre canadienne, depuis 1920; piastre américaine, depuis 1870; cependant, demi‑piastre américaine, de 1820 à 1837 (AnQM, greffe Th. Bédouin, 26 juillet 1820 : quarante‑quatre demi piastres Americaines cinq livres dix chelin). Cinq, dix, etc., cents dans la piastre (depuis 1877). Piastre précédé d’un adjectif, depuis 1866 (Ph. Aubert de Gaspé, Mémoires, p. 454 : trente belles piastres). 2Comme un cheval de quatre piastres, depuis 1879 (Le Vrai Canard, Montréal, 23 août, p. [2] : je soufflais comme un cheval de quatre piastres). C’est avec des sous qu’on fait des piastres, depuis 1876. Ça vaut X piastres (en parlant de qqch. de particulièrement intéressant, de drôle), depuis 1919. Pour question à cent piastres (depuis 1989), cp. en France question à 100 francs (v. PRobert 1993, s.v. question). 3Depuis 1814; se répand après les années 1860. Question de sous et de piastres, depuis 1880 (dans un journal), question de piastres et cents, depuis 1929 (id.); cp. dollars‑and‑cents en anglais américain (v. dollar, Hist., sens II.2). (Se) faire une piastre (depuis 1940). BSigne de piastre, depuis 1874; cp. en anglais dollar sign (v. Webster 1986, s.v. dollar mark). Au figuré (depuis 1901).

 baise‑la‑piastre.

Dernière révision : mai 2023
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Trésor de la langue française au Québec. (2023). Piastre. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 8 décembre 2024.
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