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PAIRE ou  PAIR [pɛʀ]
n. m.

Rem.

Variantes graphiques per, perre, père, pêre.

1

Région.et ruralMamelle d’une bête laitière (surtout de la vache); par ext. mamelle d’une truie, d’une jument.

2013, Stux, Paire de vache [photo], Pixabay. https://pixabay.com/fr/photos/pis-vache-femelle-ox-ongul%c3%a9s-orgue-168821/

Un paire de vache. Un gros, un petit paire. Laver, nettoyer, essuyer, égoutter le paire. Avoir le paire enflé.

Rem.Répandu à l’est d’une ligne reliant Berthier, Yamaska et Brome; à l’ouest de cette ligne, pis est le mot usuel. En Acadie, on utilise plutôt remeuil.

 remeuil.

Il n’avait pas de misère à les tirer [les vaches]; elles avaient le paire gros. Il y avait longtemps qu’elles n’avaient pas été tirées. 1916, Les Éboulements (Charlevoix-Ouest), dans JAF 32/123, 1919, p. 154.

Ils mang’nt du pair’ de truie, ils dis’nt que c’est bien bon, Mais ils trouv’nt qu’ça raboudine quand ça bouill’ dans l’chaudron. 1963, Amqui (Matapédia), dans M. Béland, Chansons de voyageurs, coureurs de bois et forestiers, 1982, p. 215.

J’ai vu la troisième meilleure vache laitière du Canada, d’une valeur de $30,000. C’est une énorme usine à lait avec le paire comme une cuve. 1978, F. Leclerc, Le petit livre bleu de Félix, p. 198.

Faire du (ou son) paire : avoir le pis qui se gonfle de lait; être sur le point de vêler. (PPQ 502B, Lavoie 1304).

 ameuiller.

 Fig.Se reposer, paresser. (GPFC).

Être lente (mettre ou prendre du temps) à faire son paire : avoir une gestation lente (en parlant d’une vache).

 Fig.Être lente à agir (en parlant d’une personne) (voir p. ex. GPFC et Bélisle1-3, s.v. pêre).

2

Par anal.Plais.ou grivoisPoitrine volumineuse d’une femme.

Avoir un beau paire.

Rem.Dans cet emploi, le mot est homonyme de paire n. f. (qui peut se dire de la poitrine d’une femme, par exemple dans en avoir une belle, une bonne paire, par ellipse du mot seins).

Histoire

La forme paire est une variante complexe de pis, lui-même issu du latin pĕctǔs (v. FEW 8, 111b); elle découle d’une prononciation [pɛ] ou [pe], connue notamment dans le Nord-Ouest et le Centre de la France où l’ancienne triphtongue [iei], issue du ĕ latin + yod, ne s’est pas réduite à [i] comme en français, mais généralement à [ɛ] ou [e] (v. PignPoit 121-127). L’ajout de [ʀ] à la finale peut être dû à une hypercorrection (dans les mots en [ɛʀ], écrits -ère, -aire, etc., le [ʀ] a eu tendance à s’amuïr précisément dans ces parlers, v. JunPron 169). Il y a peut-être lieu également d’évoquer la possibilité d’une attraction homonymique du français paire n. f. (les animaux portant une ou plusieurs paires de mamelles).

1Depuis 1746-1747, dans PotierH 94 : Paire de vache (pour : pis). Héritage de France. Relevé en français des XVIe et XVIIe s., notamment dans le passage suivant qui est une traduction de 1606 d’un texte italien : De jeunes agneaux [...] quand ils oyent le loup pres d’eux hurler, soudain tous peureux se retirent sous le pair de leur mere (v. Huguet, s.v. pair, qui n’a pu élucider cet exemple; autre ex. s.v. amouillé). Bien attesté également dans les parlers du Nord-Ouest et du Centre (v. FEW 8, 112a, ALO 488 et ALCe 408). Pour faire du (ou son) paire, cp. faire du [pɛ] (ou du [pe]) et faire du (ou son) pis attesté dans le même sens dans les parlers du Centre et de l’Est (v. ALCe 409 et ALFC 624). 2Depuis 1969 (d’après PichJur 261, dans un juron). Est peut-être un héritage de France; cp. pis « seins trop volumineux d’une femme » et « seins d’une femme » en français populaire au XIXe s. (v. FEW 8, 111b-112a); aussi piche (variante de pis) « poitrine (surtout en parlant de femmes jouissant d’une santé plantureuse) » en Picardie (v. EdmStPol 431).

Version du DHFQ 1998
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Paire ou pair. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 28 mars 2024.
https://www.dhfq.org/article/paire-ou-pair