ORTOLAN [ɔʀtɔlɑ̃]
n. m.
Variantes graphiques : (dans des documents anciens) hortolan, ortolant, ortoland, etc.
VieilliNom donné à de petits oiseaux présentant certaines similitudes, en particulier l’alouette hausse‑col (ou cornue) (Eremophila alpestris), mais aussi le plectrophane des neiges (Plectrophenax nivalis).
2010, Donna Dewhurst, Ortolan (« plectrophenax nivalis ») [photo], domaine public, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Plectrophenax_nivalis1.jpg 2015, Tom Koerner, Ortalan (« eremophila alpestris ») [photo], USFWS Mountain-Prairie, domaine public, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Horned_Lark_on_Seedskadee_NWR_(24752443620).jpgRem.1. Au début des années 1970, relevé auprès de personnes âgées comme nom de l’alouette hausse‑col, dans l’ouest de la vallée du Saint-Laurent (à partir de Sainte-Anne-de-la-Pérade), dans le Bas-du-Fleuve (à partir de Rivière-du-Loup), en Abitibi, en Gaspésie, au Saguenay et sur la Côte-Nord (voir PPQ 1531). 2. En France, on connaît le bruant ortolan (Emberiza hortulana) (voir CINFO, no 9091), aussi appelé simplement ortolan, qui a quelques ressemblances avec le bruant des neiges mâle en plumage d’hiver ou les juvéniles, mais cet oiseau ne se retrouve pas sur le continent nord-américain.
De l’ortolan [titre] le pleumage, le goût, le chant, sont tous différents du nôtre [l’ortolan européen], et cet oyzeau est assés rare dans le pays, il est blanc, gris, noir, iaune. Il est de même corsage que ceux de ce pays. 1685 env., L. Nicolas, Histoire naturelle, ms. 24225, p. 131.
Une espece d’Ortolan, dont le Plumage est cendré sur le Dos, & blanc sous le ventre, & qu’on a nommé l’Oiseau Blanc, est celui de tous les Hôtes de nos bois, qui chante le mieux. Il ne le céde guéres au Rossignol de France; mais il n’y a que le Mâle, qui se fasse entendre; la Femelle, dont la couleur est plus foncée, ne dit mot, même en Cage. Ce petit Animal a la physionomie fort belle, & il est bien nommé Ortolan pour le goût. Je ne sçai où il se retire pendant l’Hyver; mais il est toujours le premier, qui nous annonce le retour du Printems. A peine la Neige est-elle fonduë en quelques endroits, qu’il y accourt en grande trouppe, & on en prend alors tant que l’on veut. 1721, Fr. X. de Charlevoix, Histoire et description générale de la Nouvelle France, 1744, t. 3, p. 156‑157.
Notre lièvre n’est‑il pas blanc comme neige en hiver, et couleur feuille morte en été? Il en est à peu près ainsi de la belette – et du lagopode ou perdrix blanche, de notre ortolan ou oiseau-blanc, – et de bien d’autres animaux qu’il serait oiseux d’énumérer ici. 1897, A.‑N. Montpetit, Les poissons d’eau douce du Canada, p. 26.
L’Ortolan se plaît dans les champs, les prés, sur les rivages des mers, les bords des fleuves et des rivières. J’ai vu cette Alouette en quantité autrefois, à St‑Denis de Kamouraska, au printemps et particulièrement à l’automne, se répandant par petites bandes, dans les champs de chaume et de pâturage, pour y chercher sa nourriture. Au printemps, on la rencontrait souvent associée aux bandes d’oiseaux blancs [bruants des neiges]. 1906, Ch.‑E. Dionne, Les oiseaux de la province de Québec, p. 269.
À Anchorage, en Alaska, on a vu des Bruants des neiges dormir à la belle étoile par des froids de ‑67o C [...]. Les premiers colons à venir s’établir au Québec croyaient que ces oiseaux ne se nourrissaient que de neige, ce qui donnait, semble-t-il, à leur chair son goût si délicat. D’où leur nom populaire d’« ortolans d’Amérique ». 1989, P. Morency, L’œil américain, p. 335.
Plusieurs dizaines d’alouettes cornues, des ortolans, comme on disait à une certaine époque, ont aussi été signalées le long de certains chemins de campagne dans le coin de Varennes. 1993, P. Gingras, La Presse, Montréal, 17 janvier, p. A12.
Le Bruant des neiges est le nicheur le plus nordique de tous les oiseaux terrestres et il est le tout premier passereau à revenir dans le Nord au printemps. Bien que ces oiseaux blancs, appelés ortolans, aient été anciennement chassés au printemps, cette pratique a été abandonnée en 1963. 2007, Le Sentier, Saint-Hippolyte, décembre, p. 16.
Rare Ortolan blanc. Plectrophane des neiges.
Oiseaux des Païs Septentrionaux du Canada. [/] Outardes. [/] […] Grosses Perdrix noires. [/] Perdrix roussâtres. [/] Gelinotes de bois. [/] Tourterelles. [/] Ortolans blancs. 1703, L. A. de Lahontan, Mémoires de l’Amérique septentrionale, p. 45.
Rem.Au XXe siècle, le synonyme bruant des neiges était en usage (voir NFOM, s.v. bruant). Cet oiseau est aussi appelé oiseau blanc et oiseau de(s) neige(s) dans la langue populaire (voir PPQ 1547).
(Par méton., souvent au plur.). VieilliMets préparé autrefois avec notamment des bruants des neiges, que l’on chassait abondamment à l’aide soit de filets, soit de collets, et qui constituait un plat de choix.
Friandises, mets rares et délicats (GPFC).
De leur inaction ce sont les moindres maux. [/] Bientôt nous les verrons, tout couverts de vermine, [/] Tel que Barthe autrefois, pressé par la famine, [/] Courir de porte en porte, implorant le secours [/] Du brave agriculteur pour conserver leurs jours. [/] Dans leur présomption, pourtant à les entendre, [/] Ils vont mettre dans peu tout le pays en cendre, [/] Si pour faire cesser leur dévorante faim, [/] Il ne les gorge pas d’ortolans et de vin. [/] Pour comble de malheur, dans leur commun délire, [/] Le ciel le veut ainsi, Jéhovah les inspire! 1848, Le Journal de Québec, 22 février, p. [1].
L’avenir nous sourit; jamais plus brillante aurore s’est levée sur le Canada; l’âge d’or va nous arriver; le St. Laurent va se changer en lait, l’Outaouais en miel; les ortolans vont nous tomber [du ciel], comme autrefois la manne aux Juifs : bref, nous n’aurons plus de taxe, plus de chemins de fer, plus de pont Victoria, plus de prêtres, plus de religion. Vive la démocratie! car c’est elle qui se charge de nous débarasser [sic] de cela […]. 1857, La Minerve, Montréal, 9 décembre, p. [2].
Le Pays, vaincu, devrait s’exécuter de meilleure grâce, parce que le parti qu’il représente n’a pu empêcher la confédération de s’accomplir. Il invente des émigrations prodigieuses qu’il met sur le compte de notre existence coloniale. Suivant son raisonnement, l’annexion [aux États-Unis] seule peut nous sauver et par sa magique influence nous verrions les ortolans nous tomber tout rôtis dans la bouche! Quel pays de cocagne, ce serait que le Canada alors! et quelle curée pour la démocratie qui jeûne depuis si longtemps! 1866, Le Journal de Québec, 22 mai, p. [2].
Le lunch eut en effet lieu à l’école militaire [de Saint-Jean] et rendez-vous fut à son issue pris par tous les convives, pour le soir, à Iberville au château princier. Pas n’est besoin de dire que le châtelain se pourlèchait [sic] les lèvres à l’avance. Il n’y avait pas à regimber contre pareille intimation, et la larme à l’œil, voyant fuir comme dans un beau rêve l’envolée des ortolans rôtis, des dindonnaux [sic] farcis, des grands crûs et des friandises glacées du châtelain, le Ministre dût contraindre son auguste palais à mastiquer les mets indigènes du marchand influent. 1896, Journal des campagnes, Québec, 20 août, p. 4.
Philias : [...] Vous avez l’air d’être bonne cuisinière? Malvina : Je fais l’ordinaire comme n’importe qui. Avec l’argent que Mme Dubois me donne, je peux pas leur faire des ortolans tous les jours! 1961, O. Légaré, Zézette, 26 août, p. 8 (radio).
Mets délicat, les ortolans [titre] L’oiseau blanc, de son nom scientifique, le bruant des neiges de l’île d’Orléans qui s’abat sur les terres en mars est une véritable manne, qui fait la gloire de certaines tables des villes de Québec, Trois-Rivières et Montréal. On a parfois servi ce plat d’ortolans à des banquets pour des invités royaux et des personnages de marque. Une dizaine d’insulaires en font un commerce. 1964, Le bulletin des agriculteurs, avril, p. 65.
Nous sommes 48 pensionnaires dont trois couples, bénéficiant d’un personnel efficace et souriant (un[e] cinquantaine d’employés). 80 % des recettes, tout comme dans les hôpitaux, passe [sic] en salaires. Le reste à la nourriture, le chauffage, les vadrouilles et les médicaments (500 couches par mois!). On n’y entend personne se plaindre; mais comme on ne nous y sert pas des ortolans à tous les jours, nous y avons en ce moment une diététicienne écoutant les doléances de chacun. 1984, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 16 février, p. 4.
Histoire
1Depuis 1664 (P. Boucher, Histoire veritable et naturelle, p. 72 : Il y a aussi grand nombre d’Etourneaux qui s’abandent en Septembre & Octobre : quantité de Griues, Merles, Hortolans). Il s’agit d’un terme de relation utilisé par les premiers voyageurs français pour désigner différents oiseaux leur rappelant celui qu’ils connaissaient en Europe. Emprunté au provençal ortolan (Robert (en ligne) 2022‑07) ou à l’italien ortolano, qui désigne une variété de petits passereaux depuis le XVe s. (TLF), ortolan est relevé en français depuis le XVIe s. sous l’orthographe hortolan comme nom du bruant ortolan (Emberiza hortulana) (v. FEW hortulanus 4, 488b), de même que dans des parlers régionaux, sous différentes variantes (v. FEW id. et RollFaune I‑II, p. 202 et X‑XI, p. 74). Larousse 1865 le signale comme « nom vulgaire d’un grand nombre de petits oiseaux estimés comme gibier », ajoutant même, en citant Alphonse Toussenel, qu’« à Marseille, tous les oiseaux qui ne dépassent pas la grosseur de l’alouette sont réputés Ortolans ». De nos jours, les dictionnaires français le relèvent pour désigner un bruant de l’Europe méridionale (v. p. ex. Robert (en ligne) id.) ou d’Europe et d’Asie occidentale (v. PLar 2021). Le terme est signalé également en français de la Louisiane (v. p. ex. ReadLouis). 2Depuis 1848. À mettre en relation avec des expressions ayant cours en France, où l’ortolan était un gibier recherché, telles que manger des ortolans, (ne pas) se nourrir d’ortolans « (ne pas) manger des mets délicats » et ne pas manger tous les jours des ortolans « ne pas bien manger ou ne pas manger tous les jours » (v. TLF, s.v. ortolan).