MITAINE1 [mitɛn]
n. f.
Pièce de l’habillement recouvrant entièrement la main et ne comportant pas de séparations pour les doigts, excepté pour le pouce, que l’on porte pour se protéger du froid.
2022, TLFQ, Mitaines inuites en cuir retourné de caribou avec bordure en fourrure [photo], Collections de l’Université Laval.Mitaines de laine, de cuir, vieillide peau. Grosses mitaines, épaisses et chaudes. Mitaines doublées. Mitaines de ski. Paire de mitaines. Tricoter des mitaines.
Rem.Moufle, qui est le mot usuel en France, est plutôt rare au Québec (se rencontre surtout dans la langue soignée) (voir Histoire).
Cette rigueur demesurée n’a duré que dix jours ou environ, [...] quoy que le froid surpasse de beaucoup les gelées de France, il n’y a rien d’intolerable, & je puis dire qu’on peut icy plus aisément travailler dans les bois, qu’on ne fait en France, où les pluyes de l’hyver sont fort importunes. Mais il se faut armer de bonnes mitaines, si on ne veut avoir les mains gelées [...]. 1634, dans RJ 5, p. 124.
Les froids y sont-ils grands l’Hyver? Il y a quelques journées qui sont bien rudes, mais cela n’empesche point que l’on ne fasse ce que l’on a à faire; on s’habille un peu plus qu’à l’ordinaire; on se couvre les mains de certaines moufles, appellées en ce pays icy des mitaines [...]. 1664, P. Boucher, Histoire veritable et naturelle, p. 141.
Devant la vitrine de Glover il y avait un curieux, un homme âgé de plus de cinquante ans, pas gros, pas grand, cuivré, sans barbe, le blanc de l’œil un peu jaune et la bouche large fendue. Il portait un capot de couvertes avec une raie noire dans le bas, une ceinture flèchée, des mitaines de caribou, un casque de chat sauvage. 1884, P. LeMay, L’affaire Sougraine, p. 34.
Mme Anna Toutant aimait la musique et les vieux refrains. Tout en chantant [...] ses doigts de fée jouaient sur les mailles de son tricot qui tantôt prenait la forme d’une mitaine, tantôt d’une chaussette ou d’un bonnet. 1970, M.-A.-A. Roy, La Montagne Pembina au temps des colons, p. 167.
C’était une soirée d’une remarquable douceur, comme souvent après une grosse tempête de neige. [...] La neige scintillait et je me mis à penser à l’époque où je croyais qu’on pouvait ramasser chacun des diamants qui brillaient pour en faire des colliers, et à la fois où j’avais essayé avec mes mitaines d’abord, puis avec mes mains; la colère, la frustration, la crise... 1992, M. Tremblay, Douze coups de théâtre, p. 103.
(Dans des comparaisons).
Secouer qqn comme une vieille mitaine. Rejeter qqn comme une vieille mitaine.
Aller comme une mitaine à qqn : aller comme un gant à qqn.
(Dans des chansons folkl.). Mitaines pas de pouce, leitmotiv évoquant le manque de prévoyance, ou la misère.
En souliers d’bœuf, le nez morveux, dans l’bois tout l’temps, Beau temps, mauvais temps, Mon Dieu qu’c’est donc d’la misère, Pis des chaussons, pis des chaussettes, Pis des mitain’s pas d’pouce en hiverre. 1972, Chanson intitulée « Des mitaines pas d’pouce », dans Les chansons d’Ovila Légaré, p. 15.
Fig. Ôter, enlever ses mitaines : travailler plus rapidement, se hâter; faire preuve de plus de dextérité, d’habileté.
Il présente à Jeannette la boîte enveloppée d’un papier de fantaisie et d’une ficelle à fils d’or. Les doigts de Jeannette s’empêtrent dans la boucle de la corde. – Enlève tes mitaines, dit Jacqueline, qu’on voit [sic] ça au plus vite. 1951, R. Viau, Au milieu, la montagne, p. 132-133.
RareEmmitainer v. tr. Mettre des mitaines (à qqn).
v. pron. Mettre ses mitaines; par ext. s’habiller chaudement.
RareSe démitainer v. pron. Enlever ses mitaines.
Pièce de vêtement semblable servant à protéger la main lors de l’exécution de certaines tâches, de certains travaux.
Mitaines en toile. Mitaines à, de four.
2023, TLFQ, Mitaines de four [photo].Rem.En France, on dit plutôt gant (p. ex. gants de cuisine, pour saisir des plats chauds); mitaine s’emploie cependant en parlant d’un gant qui ne couvre que la moitié de la main, laissant les doigts libres pour le travail.
Pour sa part, Vincent taillait les pièces de cuir que les hommes s’appliquent aux genoux pour lier les veilloches, les mitaines de ceux qui fabriquaient des liens, les souliers de bœuf dont il fallait une ample provision. 1931, L.-P. Desrosiers, Nord-Sud, p. 67.
Il fallait prendre de grandes précautions dans la manipulation des morceaux de potasse. Bien que froids, ils pouvaient, comme le caustique, brûler les tissus, surtout les mains rendues humides par la transpiration. On avait donc soin de toujours porter une blouse, un grand tablier carré à bavette et de longues mitaines, en toile du pays. 1950, D.-M. Doyon, dans Les Archives de folklore, t. 4, p. 40.
Un couple qui commence prend normalement maison pour la première fois. Pour ce faire et afin de vivre convenablement, il a besoin d’un équipement ménager de base se superposant aux meubles [...]. En voici une liste indicative [...]. [...] serviettes de bain, débarbouillettes, ensemble de serviettes, nappes, napperons, mitaines à four, etc. 1981, Le Soleil, Québec, 24 janvier, p. E10.
Une façon ingénieuse de joindre l’utile à l’agréable : par souci de symétrie, on voulait deux portes sur le côté adjacent aux tiroirs. Résultat : un pratique endroit où ranger les mitaines pour le four. 1994, Coup de pouce, septembre, p. 159.
Enveloppe que l’on met aux mains des bébés pour leur protection.
Les ‘mitaines’ ressemblaient à de petits gants sans doigts que portait le bébé, pendant six mois ou un an, ce qui lui évitait de s’érafler la peau avec les ongles. 1979, J.-Ph. Gagnon, Rites et croyances de la naissance à Charlevoix, p. 67.
Dans le voc. des sports.
Au baseball, gant du receveur, ou gant du joueur de premier but, qui ne comporte de séparation que pour le pouce; par ext. gant utilisé par n’importe lequel des joueurs.
Passer un frappeur dans la mitaine, le retirer sur trois prises, l’éliminer.
Rem.Souvent utilisé dans les glossaires québécois pour définir mitt.
J’peux vous nommer ramasseur de billets à la porte de nos séances. Oui... La place est libre parce que Nénel Couture est à l’école de réforme pour trois mois. Il a une belle profession là-bas : il fait des balles de baseball puis des mitaines de catcher. 1937, Gr. Gélinas, Le carrousel de la gaieté, 30 septembre, p. 2 (radio).
Voyons maintenant l’équipement des joueurs défensifs. Ils portent tous un gant, à l’exception du premier but et du receveur. Il n’y a pas de loi qui interdise au 1er but de porter un gant [...] mais la majorité préfère la mitaine. Elle diffère du gant quant à la forme. Elle a un pouce mais les quatre autres doigts sont emprisonnés sous une seule pièce de cuir. 1970, B. B. Leblanc, Baseball Montréal, p. 74.
La fièvre du jour allait-elle l’atteindre enfin, [...] le tourner à l’envers pour qu’il ne fasse plus qu’un avec ce qui se vivait à l’extérieur, dans la rue où les automobiles faisaient des nuages de poussière, où les enfants marchaient bientôt, vêtus en joueurs de baseball, avec les mitaines enroulées sur les battes tenus à bout de bras [...]! 1972, V.-L. Beaulieu, Un rêve québécois, p. 140-141.
Menant 4-3 en septième et dernière manche, le Québec s’est soudainement retrouvé dans le pétrin avec deux coureurs de Vancouver sur les sentiers et aucun retrait. [...] La suite? [...] Un, deux, trois... Lavigne [le lanceur] a passé les trois frappeurs suivants dans la mitaine. 1990, Le Soleil, Québec, 12 décembre, p. S8.
Au hockey, gant du gardien de but, muni d’un grand panier et servant à attraper la rondelle.
(Par méton., général. dans bonne mitaine). Habileté (du gardien de but), facilité à se servir de sa mitaine pour attraper la rondelle.
Avoir, posséder une bonne mitaine.
Rem.Dans le vocabulaire spécialisé du hockey, on distingue la mitaine d’attrape de la mitaine de revers, cette dernière (souvent appelée biscuit, en raison de son apparence) servant plutôt à protéger la main qui tient le bâton.
Sur ces mêmes lancers dans le coin de la patinoire, lorsque la rondelle bondit et qu’il est imprudent de la jouer avec votre bâton, ramassez-la avec votre mitaine et retenez-la pour une mise au jeu, si vous êtes en avant de la ligne des buts. 1972, J. Plante, Devant le filet, p. 61.
Dans le premier cas, je l’avais à ma merci, mais il a réussi, dans un geste de désespoir, à arrêter la rondelle. La seconde fois, j’ai décoché un tir parfait du revers, dans le coin du filet, mais, à la dernière seconde, il a gobé la rondelle avec sa mitaine. Lorsqu’un gardien de but est en forme, il n’y a rien à faire pour le vaincre [...]. 1979, Le Journal de Québec, 10 décembre, p. 63.
Michel Dion m’a réellement impressionné [...]. Il est vraiment solide devant sa cage. Il couvre bien ses angles et reste debout. Il possède une bonne mitaine. Je n’ai que du bien à dire de ce gars-là. 1980, Le Soleil, Québec, 17 janvier, p. C1.
[...] sa blessure [...] est survenue de façon bien banale : « C’était une niaiserie lors d’un entraînement. Je narguais Chad Penney après un arrêt de la mitaine. Il s’est fâché un peu et a lancé une autre rondelle, que j’ai plongé pour arrêter. J’ai réussi, mais mon genou n’a pas suivi », a-t-il relaté. 1995, Le Droit, Ottawa-Hull, 2 février, p. 54.
Fig., péjor.Personne qui manque de caractère, qui fait preuve de lâcheté, qui se laisse facilement influencer; personne sans énergie, sans combativité.
Être une mitaine, par renforcement une mitaine pas de pouce. (Comme terme d’insulte). Espèce de mitaine. Traiter qqn de mitaine.
(En fonction attribut, avec valeur d’adj.).
Être pas mal mitaine.
On fait l’élog’ de nos grands pères dans des discours patriotards. J’crois qu’si les vieux r’venaient su’ terre. Y nous flanqu’raient leu pied quequ’ part. On est tout un peupl’ de mitaines; on s’laiss’ m’ner par le bout du nez. On veut mêm’ pas s’donner la peine de défendr’ c’qui nous ont donné. 1932, J. Narrache, Quand j’parl’ tout seul, p. 91-92 (poème).
La famille a désigné, pour effectuer la collecte au service [funèbre], Adrien pis son cousin Robert, un gars plutôt mitaine, plutôt quécaille, un flanc-mou. 1974, J.-M. Poupart, C’est pas donné à tout le monde d’avoir une belle mort, p. 124.
« Je réagirais comme lui si j’avais perdu mais il n’est pas une mitaine et il va se replacer. » C’est ainsi que le nouveau chef du Crédit social [...] voit les choses au lendemain du congrès au leadership qui l’a porté au pouvoir avec 610 voix des 1,252 délégués présents. 1976, Le Soleil, Montréal, 9 novembre, p. C1.
loc. adv. Fam.À la mitaine.
De façon manuelle, ou artisanale, sans recourir aux techniques de pointe; avec des moyens de fortune.
Travailler, faire qqch. à la mitaine.
De façon grossière, sans prendre le soin habituel. Se laver à la mitaine, rapidement, sans avoir le temps ou la possibilité de prendre un bain ou une douche.
[...] on organisait, en fin de veillée, une petite sauterie, après le réveillon. Le violoneux [...] commençait à nous enjôler par de petits airs sournois. On se faisait la jambe avec des gigues simples, puis un quadrille en règle mettait toute la maisonnée sur pied [...]. Pour boucler la soirée, avant de saluer la compagnie, le violoneux nous sortait un réel [« interprétait un reel, une musique vive d’origine écossaise »] joué à la mitaine. 1932, A. Bernard, La Gaspésie au soleil, 2e éd., p. 284-285 (absent de la 1re éd. de 1925).
Aujourd’hui, Arthur Bédard fait voir 82 acres en culture. Cette superficie est on ne peut mieux égouttée et clôturée et le maître souligne que la très grande partie de ces travaux ont été faits « à la mitaine ». 1957, ministère de la Colonisation, Rapport de l’Ordre de mérite du défricheur, p. 39.
L’industrie du sucre d’érable n’en est pas une. Elle est morcelée en quelque 9 000 petites exploitations artisanales disposant de 1 500 à 2 000 arbres en moyenne. [...] La plupart des sucriers québécois fonctionnent à la mitaine (75 p. cent utilisent encore les seaux), leurs installations sont archaïques et situées loin des voies d’accès. 1977, L’Actualité, mars, p. 22.
Dans bien des cas, l’informatique est venue systématiser certaines opérations faites auparavant « à la mitaine ». « Tout est informatisé [...], des caisses à la comptabilité. Ça nous permet notamment d’établir l’indice de popularité des mets et de les retirer de la carte s’ils ne sont que rarement commandés. » 1990, La Presse, Montréal, 28 février, p. D1.
Conduire, chauffer à la mitaine : conduire un véhicule automobile muni d’une boîte de vitesses à commande manuelle (non automatique).
(En fonction adj., en parlant d’un véhicule).
Char à la mitaine.
Samedi, Ben Doyon de Québec a fêté ses 65 ans. La veille, il avait effectué son dernier voyage en autobus entre Québec et Sherbrooke. [...] Vendredi, pour le taquiner, ses collègues lui avaient fait croire qu’il devait faire sa dernière route dans un vieil autobus « à mitaine ». 1980, Le Soleil, Québec, 16 septembre, p. A16.
Histoire
I1Depuis 1632 (G. Sagard, Dictionaire de la langue huronne, sous Ha (pour habits) : Gands, mitaines); héritage de France. Attesté en français depuis le XIIe s., mais donné comme vieux, vieilli ou régional par les dictionnaires qui le relèvent encore de nos jours (v. FEW mit- 62, 177a, TLF, Robert 1985). En France, le mot moufle a supplanté progressivement mitaine (v. par ex. Larousse 1982 qui donne mitaine comme synonyme ancien de moufle). Au Québec, mitaine est répandu depuis le début de la colonie, moufle (attesté depuis 1664) étant confiné à un usage marginal. Cet état de faits reflète sans doute la situation dans les régions de France au XVIIe s.; mitaine y est d’ailleurs encore relevé à époque récente (v. FEW id., DepFrance, MinVienne2 s.v. mitane, ALJA 1262; signalé également en Suisse, v. NicSuisse et DSR). Pour l’expression ôter ses mitaines (depuis 1910, ChartFig 243), cp. en français argotique enlève tes mitaines « se dit à un joueur qui distribue maladroitement les cartes, à un musicien qui commet des erreurs de notes, etc. » (v. ColArg). 2Depuis 1779-1795 (ASQ, S-221, p. 20 : pour des mitaines de cuir pour couper l’avoine). Héritage de France. Déjà dans Richelet 1680 : « Sorte de gans fourrez qui n’ont que le pouce & la main & qui ne servent d’ordinaire qu’aux chartiers, laboureurs & autres gens de cette sorte ». Relevé dans divers parlers de France, notamment dans le Nord-Ouest et l’Ouest, pour désigner une moufle conçue pour effectuer certains travaux (« gant qu’on met quand on coupe des épines », « gros gants pour couper le bois », « moufle de cuir épais pour couper des épines et fagoter », v. FEW id., RézOuest2).
II1Depuis 1914 (Blanch1, qui l’utilise pour définir mit); dès 1909 dans un journal franco-américain (v. La Tribune, Woonsocket, Rhode Island, 3 mai, p. [2]). Probablement d’après l’anglais nord-américain mitt (v. mitt, sous Hist.). 2Depuis 1972. Aussi d’après l’anglais mitt (id.); mitaine « habileté du gardien de but » est peut-être à mettre en rapport avec l’anglais glove « fielding ability », relevé dans le vocabulaire du baseball (he’s got a good glove, v. WebsterC 1989).
IIIDepuis 1932. Relevé dans le parler franc-comtois (v. FEW 62, 177a).
IV1Depuis 1932. Peut-être attribuable à l’anglais; cp. mitt « (Gen[erally] the mitt) Hand-work, work by hand » (v. PatrSlang5); cp. en outre mitten (ou sa forme abrégée mitt) « hand » (‘slang’, v. OED, s.v. mitten, et Webster 1986, s.v. mitt). 2Depuis 1980.