MANCHE2 [mɑ̃ʃ]
n. m.
Partie d’un instrument, d’un objet, par laquelle on le tient.
VieilliManche de plume : porte-plume.
VieilliTuyau d’un calumet, d’une pipe.
Manche de pipe. Pipe à long manche.
[...] Trois Calumets de pierre rouge a Six Chelins [...] Trois Manches a Calumet a Trois Chelins [...]. 1784, Montréal, dans RAPQ 1947-1948, p. 49.
Si je contrarie vos plans dans cette touche-ci, n’allez pas de dépit broyer le manche de votre pipe entre vos dents; nous finirons peut-être par nous entendre. 1880, Z. Lacasse, Une mine produisant l’or et l’argent, p. 64.
Y en avait comme ça [des imprécations] une rubandelle [= ribambelle] qui finissait pus; que ça nous faisait redresser les cheveux, je vous mens pas, raides comme des manches de pipes. 1898, L. Fréchette, « Coq Pomerleau », dans A. Boivin et M. Lemire (éd.), Contes II. Masques et fantômes, 1976, p. 189.
(Hapax). Calumet.
Mon Parent, C’est avec grande joie que je fume dans ton manche et que je reçois ta parole. 1889, Fr. V. Malhiot, 1804, dans L. R. Masson, Les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest, t. 1, p. 249.
Crosse d’une arme à feu.
Manche de fusil, de carabine.
Vieilliou région.Perche, longue perche de bois.
(Spécial.; souvent dans manche de ligne). Canne à pêche.
James Mitchell prend la liberté d’informer ses amis et le public qu’il a reçu partie de ses marchandises du printems, [...] consistant en [...] lignes à saumons et pour pêcher la truite à la mouche avec les manches, et une variété d’autres articles dont il disposera à des prix très modiques, pour argent comptant ou à court crédit. 1805, La Gazette de Québec, 16 mai, p. [5] (annonce).
[...] c’était le moment pour nous [...] de sortir nos lignes et de nous couper un bon manche dans les cerisiers. À cette heure chaude du jour, les grosses carpes dormaient au soleil, immobiles, remuant imperceptiblement leurs nageoires et leurs branchies. 1919, Frère Marie-Victorin, Récits laurentiens, p. 85.
Écoute-moi bien : Quand j’aurai rendu le dernier soupir, tu appelleras mon vieux compagnon de pêche Alfred Gibault, et tu lui demanderas de déposer dans mon cercueil un bon manche de ligne (en trois bouts, c’est plus commode pour le voyage), des hameçons, des ficelles et des plombs, un grand casseau [« contenant »] de vers, des gros et des longs; ceux de la tombe sont trop minces! 1932, Vieux Doc, En guettant les ours, 2e éd., p. 258 (absent de la 1re éd.).
– Père Pelletier : Avez-vous des bons manches de ligne? – Ti-Toine : J’ai la canne à pêche téléscope de mon père. – Pierre : Et moi aussi. [...] – Père Pelletier : Pensez-vous que vous allez prendre plus de poisson parce que vous êtes greyés en Américains, mes petits gars? [...] J’vas vous prêter des bons vieux manches en bambou... C’est aussi bon. J’aime pas le fancy, moi... – Ti-Toine : Merci, j’aime autant me servir de ma canne à pêche. – Pierre : Et moi de la mienne. 1938, A. Audet, Madeleine et Pierre, 22 novembre, p. 7 (radio).
(Dans des comparaisons à valeur péjorative, superlative).
Vieilli(En parlant d’un couteau). Couper comme un manche de hache : couper mal, très mal.
Vieilli(En parlant de qqn). Avoir la face, la figure taillée comme un manche de hache, en manche de hache : être laid, très laid.
Fam.(En parlant de qqn). Maigre, mince comme un manche à balai, ou gros comme un manche à balai : très maigre, très mince.
Fig.
Vieux(En fonction attribut). Gros manche (avec qqn) : qui est en relation privilégiée, en très bons termes (avec qqn), qui ne fait qu’un avec lui.
Être, se mettre, se faire gros manche avec qqn.
Tarte [...] mettra de l’eau dans son vin. S’il parle contre moi, c’est par jalouserie. Il me voit gros manche avec les bleus et il voudrait bien avoir ma place. 1879, Le Vrai Canard, Montréal, 8 novembre, p. 2.
M. le rédacteur du Violon [...]. Notre chien est mort. La feuille de M. Beaugrand a passé de vie à trépas, parce qu’il n’était pas assez gros manche avec M. Mercier. 1887, Le Violon, Montréal, 5 novembre, p. 2.
Quand j’ai montré mon argent il y avait un homme portant un chapeau de castor gris qui essaya de devenir gros manche avec moi. Il a fait tout son possible pour me tirer les vers du nez. J’étais un peu lancé et j’ai pu parler un peu trop. 1898, H. Berthelot, Les mystères de Montréal, p. 67.
VieilliJumper, sauter le manche à balai, le manche du balai : devenir enceinte avant le mariage.
vieilli(N’)être pas un manche d’alène : ne pas être dépourvu d’aptitudes physiques, de capacités intellectuelles, ne pas être un incapable.
– Vous savez pas? Y a Bourassa qu’a parlé à Montréal... – Bourassa!... Bourassa?... – Ouais! Pi i’ leur-z-a dit qu’i’s avaient pas d’affaire à se mêler des chicanes des vieux pays. Et pi i’ leur-z-a dit que les canayens iraient pas [à la guerre]. – Bourassa! dit Euthérius, c’est pas un manche d’alène! 1938, Ringuet, Trente arpents, p. 162.
Il ne faut pas oublier, mes amis, que Sainte-Adèle ç’a été une des premières paroisses du Nord. Les gens d’en haut viennent tous d’en bas. Ben durs sur la hache! C’étaient pas non plus des manches d’alène, dans le temps de la drave! 1938, Cl.-H. Grignon, Le déserteur, 14 octobre, p. 3 (radio).
Narrateur : En plus de cela, la belle Nanette était instruite jusqu’au bout des ongles. [...] Quant à notre Thomas Saindon, lui... – Interprète : C’était pas un manche d’alène non plus, laissez-moi vous dire rien que ça! Il faisait son grand cours à Ste-Anne-de-la-Pocatière. 1945, J. Narrache, Les contes de chez nous, 16 septembre, p. 3 (radio).
(Surtout dans le langage enfantin). Manche de pelle : surnom dérisoire qu’une personne s’attribue, général. par simple refus de donner son nom véritable ou pour éviter d’engager la conversation avec une autre personne qui l’aborde en lui demandant son nom.
Rem.Aussi écrit Manche de Pelle.
Manche de pelle! Manche de pelle! C’est mon nom de bâtard! Moi l’enfant du désert sans Maman sans Papa [...]! 1975, R. Bouchard, « And Now, Ladies & Gentlemen, Reynald Bouchard! », p. 46.
Je m’appelle Alexandra G..., a dit la femme d’une voix inspirée [...]. [/] Un long silence a suivi. Est-ce que j’aurais dû connaître ce nom? Ce nom signifie-t-il que j’ai une dette envers celle qui le porte? Moi, je m’appelle Manche de Pelle, mon nom ne vous dit rien? 1986, S. Jacob, dans La Gazette des femmes, juillet-août, p. 35.
– Comment tu t’appelles? – Je m’appelle Manche de pelle pis, quand le manche est cassé, je m’appelle plus! 1989, Château-Richer (Montmorency 1), FTLFQ (enq.).
Histoire
I1Depuis 1857 (BAnQQ, livre de comptes 1857-1858, p. 327 : 1 manche de plumes). Héritage des parlers de France; relevé en champenois ([mẽt dy plœm], v. FEW manĭcus 61, 219a). 2Depuis 1784. Attesté également en créole haïtien (manch pip, v. ValdHaït 364), ce qui permet de penser qu’il s’agit d’un héritage des parlers de France. 3Depuis 1941 (d’après LandryPap 201). Hérité de France; a eu cours en moyen français (v. FEW 61, 218b). Cp. en outre mange de canon en ancien franco-provençal (v. PierrNeuch, s.v. mange1).
IIDepuis 1805. Probablement hérité des parlers de France; cp. la variante manja « perche qui sert à porter des paniers » en ancien provençal (v. FEW 61, 225b-226a); cp. aussi [la mɑ̃s] « la petite fourche à l’aide de laquelle les enfants guident leur cerceau », en créole réunionnais (v. ChaudRéun 805-806).
III1Depuis 1910 (ChartFig 246). 2Depuis 1913 (BPFC 11/8, p. 335, s.v. hache). 3Depuis 1910 (ChartFig 246). L’expression maigre comme un manche à balai n’est pas inconnue en français de France (v. ReyExpr, s.v. balai), mais elle est absente de la plupart des dictionnaires de l’usage actuel (v. par ex. GLLF, TLF et Robert 1985); cp. cependant manche à balai « personne maigre », bien attesté dans la langue familière (v. par ex. ReyExpr, TLF et Robert 1985, s.v. balai).
IV1Depuis 1879. 2Depuis 1959 (DulChét 30). Selon G. Dulong, cette expression ferait référence à une ancienne coutume selon laquelle, en Acadie tout au moins, un jeune homme et une jeune fille pouvaient, à défaut de prêtre, se marier devant deux vieillards pris à témoins et devant qui ils sautaient symboliquement ensemble par-dessus un manche à balai (ibid.). 3Depuis 1938. 4Depuis 1975.