HUARD ou
HUART [ˈyɑʀ]
n. m.
Généralement écrit huard, sauf dans la langue spécialisée.
Oiseau aquatique plongeur (fam. des gaviidés) de taille légèrement supérieure à celle du canard, dont il se distingue également par un cou plus long, un bec droit et effilé, et qui fréquente surtout les lacs profonds et les grandes rivières, où il se tient seul ou en couple.
2020, August Schwerdfeger, Huard [photo], CC BY 4.0, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Loon_on_Lake_Harriet_2020-04-05.jpg 2022, TLFQ, Huard naturalisé [photo], Collections du département de biologie de l’Université Laval.Un couple de huards.
(Dans la langue spécialisée). Huart à collier (Gavia immer) : espèce la plus commune, connue pour son plumage noir marqué de stries blanches, ainsi que ses cris puissants et insolites. Huart à gorge rousse (Gavia stellata). Huart arctique (Gavia arctica).
Rem.1. En France, on donne généralement à cet oiseau le nom de plongeon, comme c’était le cas chez les spécialistes canadiens jusqu’au milieu du XXe s. En 1993, la Commission internationale des noms français des oiseaux (CINFO) a retenu le nom plongeon huard pour le désigner (voir GDT). 2. Dans la langue générale, huard sert principalement à désigner le huard à collier, et non le huard arctique, contrairement à ce qu’indiquent les dictionnaires français qui relèvent ce mot.
Quant à l’autre chasse du gibbier, il y abo[n]de grande quantité d’oiseaux de riviere, de toutes sortes de canards, sarcelles, oyes blanches & grises, outardes, petites oyes, beccasses, baccassines, alloüettes grosses et petites, pluviers, herons, grües, cygnes, plongeons [« grèbes »] de deux ou trois façons, poulles d’eau, huarts, courlieux, grives, mauves blanches et grises; & sur les costes & rivages de la mer, les cormorans, marmettes, perroquets de mer, pies de mer, apois, & autres en nombre infiny, qui y viennent selon leur saison. 1632, S. de Champlain, Les voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain, 1re partie, p. 5.
Je campai immédiatement au‑dessus [du lac de Saint François], & la nuit je fus éveillé par des cris assez perçans, comme de gens, qui se plaignoient. J’en fus d’abord effrayé, mais on me rassûra bientôt, en me disant que c’étoit des Huars, espece de Cormorans. On ajouta que ces cris nous annonçoient du vent pour le lendemain, ce qui se trouva vrai. 1744, Fr. X. de Charlevoix, Histoire et description générale de la Nouvelle France, t. 3, p. 193.
Il est inutile, je pense, de décrire le grand plongeon [...] ou huart commun, que tout le monde connaît et dont la peau mégissée constitue l’une des plus belles pelleteries que je connaisse. Il est peu de Canadien qui n’ait possédé un sac à tabac en cou de huart. 1900, H. de Puyjalon, Histoire naturelle à l’usage des chasseurs canadiens et des éleveurs d’animaux à fourrure, p. 382.
Il n’y avait que les huards qui se tenaient par couples isolés à animer les eaux. Les grands oiseaux étranges se dressaient debout pour plonger avec des gargouillements de délices. Autant le soir, et principalement aux abords d’un orage, leur cri strident, déréglé, répercuté par les montagnes, ébranlait les nerfs, autant le matin, limpide et musical, il reflétait l’allégresse des eaux dorées par le soleil levant. 1952, M. Le Franc, Le fils de la forêt, p. 48.
Le cri du Huart à collier, puissant et très varié, porte au loin. On l’a qualifié d’affolant, de lugubre, d’affreux, d’admirable et d’émouvant. Il y a trois cris principaux : un gai trémolo, un ioulement inquiétant et un cri plaintif qui rappelle celui du loup. 1986, W. E. Godfrey, Les oiseaux du Canada, p. 23.
Le huard détient toute une gamme de sonorités qui, lorsqu’entendues, nous invitent à rejoindre un monde où la beauté sauvage et énigmatique prend toute sa place. Le premier cri est un trémolo. C’est le cri de vol du huard. Ce cri peut servir à renforcer les liens du couple. Lorsqu’il se sent menacé, le huard pourra également laisser entendre son trémolo, une sorte de cri rieur, mais quelque peu hystérique. 2020, Le Sentier, Saint-Hippolyte, octobre, p. 19.
De la plage Douglass, un sentier longe le lac. Des Pygargues nichent sur l’île et sont visibles de la plage. Des canards, huards et grèbes peuvent flotter sur le lac. Et dans la forêt, le Viréo à tête bleue, le Troglodyte des forêts et d’autres passereaux migrateurs peuvent être présents. 2021, L’Info‑oiseaux, vol. 31, no 2, p. 21.
(Variante ancienne). Huat.
[...] Pyes de mer, Plongeons, Huats [...] & autres sortes [d’oiseaux] que je ne cognois point [...]. 1613, S. de Champlain, Les voyages du Sieur de Champlain Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine, 1re partie, p. 12.
(Dérivé). Huardeau n. m. Petit du huard.
Plusieurs jours plus tard, il [le fils du chef] se réveilla tout à côté d’un nid de huarts où mâle et femelle le soignaient et le nourrissaient de poissons qu’ils allaient pêcher pour lui et leurs deux huardeaux. 1996, P. Morency, La vie entière, p. 218.
néol., Par méton., Fam. Pièce de monnaie canadienne valant un dollar (mise en circulation en 1987), caractérisée notamment par une représentation du huard à collier sur le revers.
2022, TLFQ, Huard [photo].(Dans la langue des chroniqueurs financiers). Unité monétaire canadienne (considérée dans sa valeur d’échange par rapport aux monnaies étrangères).
dollar (sens II.1).
Deux secteurs d’activité profiteront également de l’existence de cette pièce. D’abord, les sociétés de transport en commun, qui économiseront quatre millions par année, seulement en évitant les frais de manutention des billets de un dollar pliés ou froissés. Mais les grands gagnants seront les propriétaires de machines distributrices qui récoltent actuellement près de $400 millions par an en pièces de 5, 10 ou 25 cents. Dans leur cas, en plus des frais de manutention moindre [sic], l’arrivée du huard doré permettra deux choses. 1987, La Presse, Montréal, 9 septembre, p. D7.
À la grande surprise des Canadiens, qui les boudent parce qu’ils les trouvent trop lourdes, les touristes américains raffolent des « huards », les pièces d’un dollar canadien. 1988, Le Soleil, Québec, 29 février, p. S12.
Entre-temps, le dollar a plongé hier de près d’un demi‑cent face à sa contrepartie américaine. Le huard cote aujourd’hui à 85,36 cents US sur les marchés interbancaires, son plus bas niveau depuis novembre dernier. 1990, La Presse, Montréal, 19 janvier, p. A2.
Quant au marché des devises, le huard a perdu des plumes par rapport au billet vert, ce qui a atténué la baisse du prix [du porc] québécois. 2021, Écho‑porc, vol. 22, no 17, p. 1.
L’envol du huard numérique [titre] […] Il s’agirait d’une monnaie numérique conçue et gérée par la Banque du Canada, le huard électronique, qui équivaudrait à un huard. 2021, L’actualité, 1er octobre, p. 12.
Histoire
1Depuis 1632 (huart, Champlain; huard, depuis 1703 dans les Mémoires de l’Amérique septentrionale du baron de Lahontan, p. 46 : Les Huards sont des Oseaux de Riviére gros comme des Oyes; dès 1613 sous la forme huat). Au sens d’« oiseau aquatique plongeur », le mot figure dans les dictionnaires français depuis le début du XVIIIe s., répertorié le plus souvent sous la forme huard (v. notam. Fur 1727, Littré, DG et TLF; les dictionnaires français plus récents ont tendance à présenter les deux variantes formelles, v. notam. Robert 1985, Robert (en ligne) 2022‑07, Larousse 1987 et PLar 2021, s.v. huard ou huart). Cet emploi est propre au français nord-américain, même si bon nombre de dictionnaires français, surtout ceux du XIXe s., le décrivent comme s’il avait cours en France, c’est-à-dire sans faire référence à l’Amérique du Nord ou à sa variété de français. Il découle de huard « nom donné à divers oiseaux rapaces diurnes au cri perçant (milan, orfraie, busard, etc.) », qui est attesté en français depuis le XIVe s. (d’abord sous la variante huart, depuis le XVIe s. sous la forme huard; dérivé de huer « pousser des cris », v. FEW hū‑ 4, 502b; Godefroy s.v. huart, huard; TLF, s.v. huard). 2Depuis 1987. Du sens 1, sans doute sous l’influence de loony (diminutif de loon « huard »), qui connaît les mêmes emplois en anglais canadien (v. notam. The Gazette, Montréal, 14 mars 1992, p. D1).