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GRELOT [ɡʀəlo] ou  GUERLOT [ɡəʀlo], GORLOT [ɡɔʀlo]
n. m. et adj.

Rem.

1. La graphie guerlot est très familière. 2. Variantes graphiques gueurlotgarlot (voir Histoire).

I

n. m. Vieillipéjor.Bouche.

 Très fam.(Surtout dans des phrases impératives). Se fermer le guerlot (gorlot), fermer son guerlot (gorlot) : se taire.

– Ida : De quoi te mêles-tu, toi! – Clovis : Si tu te fermais le « guerlot »! 1972, G. Dufresne, Les Forges de Saint-Maurice, épisode 39, p. 61 (télév.).

II

n. m. Vieilli(Surtout guerlot et gorlot). Baie du plant de pomme de terre.

Du ketchup aux guerlots de patates.

 Fam.Petite pomme de terre.

2023, TLFQ, Grelots [photo].

Ramasser les gorlots.

 jarnotte.

J’ai oublié de vous dire que les baies ou grelots de patates étant aussi attaquées, il serait difficile de s’en servir pour renouveler la semence; cependant si on pouvait sauver les petites graines qui sont dedans [...], on préviendrait peut-être une grande calamité, surtout si la contagion sur cette précieuse denrée est épidémique dans notre affligé Canada. 1844, Le Canadien, Québec, 8 novembre, p. [3].

Pour ce grand [cheval] jaune-là, je donnerais pas deux minots de patates, moi, et je ne parle pas de patates triées à la main, je parle de guerlots! 1936, R. Choquette, Le curé de village, p. 17.

Un beau matin, je m’adonne à passer dans le jardin à patates, pis mon glaneur était arrivé avec sa pioche, là, pis il piochait. Pioche, pioche, il trouvait pas de patates, à moins, des fois, un petit grelot, pas bien gros. 1961 env., Baie-Saint-Paul, AFEUL, P. Perrault 91 (âge de l’informateur : n. d.).

Puis il faut arracher les patates. Toute la famille est réclamée pour les ramasser. Les plus grands ramassent les grosses; les enfants, les petites, les « gorlots ». Les unes et les autres sont empochées sur place. Si l’automne est pluvieux, on en vend le plus possible immédiatement, car elles sont pourrissantes. Sinon, on en encave le plus possible pour les vendre au temps où les prix seront élevés. 1966, Saint-Arsène (Rivière-du-Loup), AFEUL, I. Deschamps, ms. 1071.

(Acadie). Autrefois, et jusqu’à 1930 à peu près, il poussait des grelots sur les plants de patates. On n’en voit plus. Ces grelots servaient à faire des confitures. 1981, A. Chiasson, Les îles de la Madeleine, p. 71.

Les assiettes sont malheureusement trop petites pour rendre justice aux jolies présentations. Une mini-aubergine, des courgettes, des grelots et autres légumes de saison décorent cette assiette bien chargée. 1996, J. Blanchette, Le Devoir, Montréal, 20 septembre, p. B2.

 (Par anal. de forme). (Dans un toponyme). Roche ronde.

Le neufviesme may je fus camper a une demie lieue au dessus des rapides des grelots ainsi nommey, à cause que la grève et le fond de l’eau, sont remplis de grosses roches rondes. 1686, dans I. Caron (éd.), Journal de l’expédition du chevalier de Troyes, 1918, p. 38.

Région.(surtout à l’ouest de Portneuf). Motte de terre gelée (PPQ 1221, Lavoie 112).

Plais.(Général. au pluriel; surtout guerlot et gorlot). Testicule (d’un animal ou d’un homme).

Ah! toi Phaneuf là pendu par les gerlots [sic] jusqu’à temps qu’les oreilles t’en frisent. 1972 env., « Le juge », dans Ch. Hébert, Le burlesque au Québec, 1981, p. 262.

III

Fig., très fam.En parlant de personnes (guerlot ou gorlot).

Rem.La forme grelot n’est pas attestée en parlant de personnes.

1

n. m. Plais.ou péjor.Individu original, plaisantin, fanfaron, un peu canaille, qui aime blaguer.

 Niais, imbécile.

Un beau, un maudit, un méchant, un moyen, un vrai guerlot. (adj.). Avoir l’air guerlot.

 innocent, innocente.

Le bom’ Gustin aimait à faire des rimettes : Mon neveu, qu’y me dit, dit-il, v’là mon fils, j’te le confie pour son profit. [/] Fallait ben répondre sus la même air, c’pas. Je lui dis : Père Pomerleau, j’suis pas un gorlot, laissez-moi le ballot, sed libera nos à malo! 1898, L. Fréchette, « Coq Pomerleau », dans La Presse, Montréal, 24 décembre, p. 23.

[...] entécas, le lendemain, y téléphonait à Laprairie, au magasin de meubles, pour que les gorlots de là-bas viennent chercher le fauteuil. 1973, J.-M. Poupart, Chère Touffe, c’est plein plein de fautes dans ta lettre d’amour, p. 158.

Il y a bien sûr aussi le grand guerlot à Kris Kristofferson qui joue comme un pied, toujours fidèle à ses habitudes. Il ne me dérange pas trop, car voilà un film qui aborde des secteurs inquiétants et mystérieux de l’âme humaine. 1976, L’Actualité, septembre, p. 64 (chron. cinéma).

 (Hapax). Gorlotte n. f.

Tu manques d’imagination, la gouine! La gorlotte1973, J.-J. Richard, Centre-ville, p. 158.

2

adj. (Surtout gorlot). Un peu ivre, éméché.

Être pas mal gorlot.

Rem.Invariable en genre.

Pas mal gorlot, Francine. T’as bu quoi? 1973, J.-J. Richard, Centre-ville, p. 178.

Germain, i’ avait ouvert le champagne. On commençait à être feeling... [...] Après les photos, on a fini le champagne. On était rendu pas mal gerlots [sic]. 1981, L. Roy et L. Saia, Bachelor, p. 34.

– Clément : Très bien, votre visite m’a touché. – Manda : Nous aussi, Monseigneur. Nous nous sentons légèrement gorlos [sic]. – Clément : Il faut se méfier de mon cognac. – Manda : S’méfier n’est pas le mot. J’ai de la misère à me lever de ma chaise. 1982, L. Proteau, Les placoteuses, p. 237.

Nous débarquons le lendemain matin à huit heures quinze et, à peine le temps de déposer nos valises à l’hôtel, nous sommes déjà invités à visiter une cave à vin à dix heures trente. Nous dégustons raisonnablement, mais la fatigue et le décalage horaire se chargent d’accélérer et surtout d’augmenter les effets de l’alcool. Je deviens rapidement gueurlot. 1992, A. Montmorency, De la ruelle au boulevard, p. 120.

Histoire

Le mot grelot se rattache au moyen haut-allemand grillen (d’abord grilot au XIVe s., grelot depuis le XVIe, v. FEW 16, 58b-60a). Les variantes gue(u)rlot et garlot sont attestées en France (ibid. 59b-60a); elles s’expliquent par le jeu de tendances phonétiques enracinées au Québec depuis le début de la colonie : métathèse cons. + re > cons. + er (v. JunPron 228-230), d’où grelot > guerlot; ouverture de e en a devant r + cons. (ibid. 39-42), d’où guerlot > garlot; la voyelle précédant le r peut être remplacée par d’autres, notamment avec o, d’où gorlot, cp. bretelle > bertelle > bartelle > bortelle, formes bien attestées au Québec et en France (v. GPFC et FEW 151, 289b, ALF 174; sur cette question, v. PoirBell 69-71). Les emplois québécois de grelot (et variantes) se rattachent à des usages de France découlant du sens de « petite boule de métal creuse, renfermant un battant mobile qui le fait résonner au moindre mouvement », relevé depuis Richelet 1680 (v. FEW 16, 59b; au Québec depuis 1696). Fréquemment attestée au Québec au sens primitif de « petite boule... » (v. par ex. PPQ 434), la forme grelot est marginale dans les emplois analogiques (sens I et II) et n’a pas été relevée pour les emplois métaphoriques (sous III), ce qui traduit la spécialisation progressive de ses variantes.

IDepuis 1912 (BPFC 10/7, p. 272; déjà chez Dionne (1909), dans des expressions qui rappellent l’origine du tour mais qui ne sont pas attestées par la suite (Retiens ton grelot, achève de faire sonner ton grelot, on n’entend que ton grelot). Cp. en français de France grelot « voix » (faire entendre son grelot, mettre une sourdine à son grelot, etc.), aujourd’hui vieilli (v. TLF et GLLF).

IIDepuis 1844; héritage des parlers de France. Le sens de « fruit, baie globuleuse de la pomme de terre » est attesté dans les parlers du Nord et du Centre de la France (cf. guérlot dans VassPic, ghèrlò dans RollFlore 8, p. 108; aussi gairlou en Picardie, v. FEW 16, 59b); celui de « pomme de terre » est attesté en picard (sous la forme garlot, v. DubPic). Le sens de « testicule » (depuis 1941, LandryPap 102) a été relevé en argot (v. Robert 1985 et TLF). Tous ces emplois s’expliquent par une analogie de forme avec grelot « petite boule... » et doivent être pour la plupart anciens au Québec (cf. le sens de « roche ronde » relevé dès 1686).

III1Depuis 1898. Sans doute un héritage de France, cp. grelot au sens vieilli de « bavard » (TLF) et, en argot, au sens de « blagueur » (FrVerte) ou de « beau parleur dans les réunions publiques » (RigPar); cp. en outre grelot ou guerlot « personne qui parle beaucoup » dans le Bas-Maine et en Bretagne (v. FEW 16, 59b); en Bourgogne, gueurlu « personne ne se conduisant pas comme le commun des mortels, peu ardente au travail, aimant à fainéanter et à fréquenter les cafés » (v. FrançBourg), et guerlu « faiseur de mauvais tours » (v. AncMerc). Ces emplois découlent sans doute de grelot « voix » (voir sous I), sauf peut-être l’emploi bourguignon qui rappelle les locutions vieillies avoir droit au grelot, bien mériter le grelot « être fou, se conduire de façon insensée », le grelot étant depuis longtemps l’insigne de la folie, par référence aux marottes des fous de cour qui en étaient munies (v. à ce sujet TLF et Robert 1985). 2Depuis 1973. Emploi sans doute dérivé du précédent et peut-être hérité des parlers de France, ce que suggère cette phrase au sujet de l’emploi de gueurlu en bourguignon : les lend’(e)mains d’féte, en rencontre pô mau d’gueurlus dans les auberges « les lendemains de fête, on rencontre bon nombre de ‘gueurlus’ dans les auberges » (v. FrançBourg).

Version du DHFQ 1998
Pour poursuivre votre exploration du mot grelot, consultez notre rubrique Saviez-vous que.
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Grelot ou guerlot, gorlot. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 18 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/grelot-ou-guerlot-gorlot