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GOUJON [ɡuʒɔ̃]
n. m.

Rem.

Variante graphique gougeon.

  

Nom donné à divers poissons d’eau douce (fam. des cyprinidés et des catostomidés) que les pêcheurs rejettent à l’eau ou utilisent comme appâts.

Des petits, des gros goujons. Des lacs infestés de goujons.

 poisson-appât (s.v. poisson, sens I.2).

Rem.1. Jusque dans les années 1970, les spécialistes ont utilisé le mot dans les noms officiels de quelques cyprinidés d’Amérique du Nord, par exemple goujon à fines écailles, pour le ventre citron (Phoxinus neogaeus), et goujon à ventre rouge, pour le ventre rouge du nord (Phoxinus eos). 2. En France, le mot ne s’applique qu’à une espèce de cyprinidés (Gobio gobio), inconnue en Amérique, dont on apprécie la chair en friture.

Ce Village est situé sur le bord d’un petit Lac, où les Sauvages pêchent quantité de Brochets & de Goujons. 1703, Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan, t. 1, p. 143.

Vers le commencement du mois dernier, nous étions plusieurs à pêcher sur le lac Carillon, derrière St. Ubalde. L’on fait des trous dans la glace, et l’on amorce les lignes avec du gougeon que l’on prend soin de conserver aussi vivant et actif que possible. 1876, Le Naturaliste canadien, vol. 8, no 3, p. 81 (lettre).

Pour les petits [poissons], les ables, ablettes, vérons, brêmes-rosses, rotengles, qui se comptent par milliers d’espèces sous le nom de goujons, lorsque le goujon n’existe pas au Canada, non plus qu’aux États-Unis, nous ne leur faisons pas même l’honneur de les croquer en friture. Ils servent de pâture absolue, sans conteste, à nos poissons carnivores d’eau douce, le brochet, le doré, l’achigan, le maskinongé, le crapet, la perche, et tutti quanti. 1897, A.-N. Montpetit, Les poissons d’eau douce du Canada, p. 505.

Les ruisseaux sont, le plus souvent, les cours d’eau où le pêcheur a l’occasion de faire ses premières armes. La plupart des ruisseaux offrent en effet une bonne population de poissons, souvent d’espèces différentes. Le petit ruisseau contenant goujons et poissons blancs saura captiver l’attention du pêcheur en herbe. 1980, P.-R. Mercier, La pêche à la ligne, p. 15.

Lorsqu’il s’agit du meunier noir, que l’on appelle parfois goujeon [sic], carpe à gueule de cochon ou encore « sucker » selon la terminologie anglaise, la prolifération de l’indésirable a provoqué une baisse de 30 à 60 p. cent du succès de pêche à l’omble de fontaine. 1991, La Presse, Montréal, 27 avril, p. H7.

Histoire

Depuis 1703; probablement même dès 1672 chez N. Denys (v. Description geographique et historique des costes de l’Amerique septentrionale, t. 2, p. 274 : j’y ay pris [dans quelques rivières d’Acadie] des barbeaux, des petits barbillons & du goujon; v. le commentaire sur ce passage, ci-dessous). Comme nom donné à divers cyprinidés de même qu’aux petits poissons en général, goujon a été relevé en français des XVIIIe et XIXe s. (v. ValmHNat 1764 et Besch 1847-1892). Cet emploi est issu, par extension, du sens que le mot connaît depuis le XIIIe s. en France en parlant d’un poisson d’eau douce de petite taille appartenant à la famille des cyprinidés (Gobio gobio), très commun dans les eaux d’Europe (v. FEW gōbius 4, 183b, TLF, Robert 1985). Goujon est également attesté dans le parler franco-américain de la Louisiane, mais avec un sens distinct de celui du Québec et de celui de France; il sert à désigner un poisson à barbillons (Pylodictis olivaris) ressemblant beaucoup à la barbotte* (v. ReadLouis 5 et BrandLouis 2, p. 442). Cet emploi a été emprunté par les anglophones vivant dans cette partie des États-Unis et dans la vallée du Mississippi, puis il a été diffusé par les ouvrages spécialisés et les dictionnaires américains (v. DARE, Craigie et Mathews; v. aussi Webster 1905 et 1986, Random 1983). Ce sont les écrits des spécialistes qui ont pu amener W.F. Ganong à soutenir que N. Denys avait appliqué le mot goujon à la barbotte brune (Ameiurus nebulosus) plutôt qu’à des poissons de la famille des cyprinidés et des catostomidés, comme on le fait au Québec; son hypothèse ne peut être vérifiée, mais elle ne fait pas l’unanimité (v. W.F. Ganong (ed.), The Description and Natural History of the Coasts of North America (Acadia) by Nicolas Denys, 1908, p. 358-359, n. 3, et GanPlants 219; pour une remise en question de l’hypothèse de Ganong, v. P. Morisset, dans R. Ouellet (éd.), Œuvres complètes de Lahontan, t. 1, 1990, p. 391, n. 453).

Version du DHFQ 1998
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Goujon. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 15 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/goujon