GOMME [ɡɔm]
n. f.
Résine des conifères.
Gomme de pin, de cèdre (blanc).
Gomme de sapin : résine de ce conifère, utilisée autrefois pour imperméabiliser les embarcations et dans la préparation de remèdes traditionnels (voir Notice encyclopédique).
Gomme d’épinette : résine durcie de ce conifère, utilisée autrefois comme encens ou gomme à mâcher, dans l’imperméabilisation des embarcations et dans la préparation de remèdes pour soigner différentes affections.
Ramasser de la gomme d’épinette. Une mâchée de gomme d’épinette.
(Dans la pharmacopée traditionnelle). VieilliSirop de gomme d’épinette (rouge), dans lequel entrent des extraits de plantes et de gomme d’épinette, reconnu pour soulager les symptômes de maladies telles que le rhume, la bronchite, l’asthme, etc. (voir Notice encyclopédique).
Bouffie de gomme, vessie de gomme, boule de gomme, bosse de gomme, etc. : bulle de résine qui se forme sur les arbres.
[…] noz gens allerent par les bois recuillir tant qu’ils peurent de gommes de sapins dont ilz brayerent leur vaisseau. Ilz se servirent aussi de mousses d’arbres pour le calage ou calfeutrage. Quant aux voiles, ils en fire[n]t de leurs chemises & draps de lit. 1617, M. Lescarbot, The History of New France, vol. 1, p. 254.
[…] je nay pas voulu metre dedans [le petit quart], une Gôme d’epinet rouge dont les propriétés sont merveilleuse pour toutes sortes de douleur, et meme de mal de poitrine et destomac, en sen servant comme dembrocation, ont la dissous au feu avec de lhuil dolive et cela fait une espece donguent claire dont on se frote, et ont aplique un papier brouillard imbibé sur les parties avec un linge, cela est fort estimé et recherché en ce pays […] outre cela je vous envoye avec ce paquet de Gôme rouge qui pèze environ 2ll une bouteille de Beaume du paÿs […]. 1749, mère Geneviève Duplessis de l’Enfant-Jésus, Nova Francia, vol. 6, no 2, 1931, p. 109‑110 [dans ce passage, il faut interpréter Gôme d’epinet rouge comme une gomme d’épinette qui est rouge, et non comme une gomme provenant de l’épinette rouge, puisque le mélèze, que désignait à cette époque l’appellation épinette rouge, ne fournit pas cette résine durcie; d’ailleurs, la religieuse emploie un peu plus loin Gôme rouge].
[…] l’on fit des briques et un fourneau, dans lequel fut placé un alambic pour clarifier la gomme de sapin et en faire du goudron; […]. 1859, F.‑X. Garneau, Histoire du Canada, t. 1, p. 45.
– Viens, dit Serge en sortant un mouchoir propre de sa poche, je vais laver ta blessure et la panser. [/] Le garçon, plus confiant, le suivit, laissa laver sa blessure que Serge couvrit ensuite d’une couche de gomme de sapin et banda avec le mouchoir. 1934, A. Roy, Têtes fortes, p. 109‑110.
Marche, marche… Une délicieuse odeur de gomme de pin et de plantes sans nom. Soudain, trois oiseaux bleus en avant, comme trois guides. Si quelqu’un m’avait soufflé à l’oreille : « Les fées sont sous la voiture… », je l’aurais cru. 1946, F. Leclerc, Pieds nus dans l’aube, p. 72.
Pis là, ils mettaient de la gomme, ils prenaient de l’épinette, de la gomme d’épinette avec de la graisse, pis ils faisaient fondre ça comme il faut, pis là ils ciraient ça comme il faut, ben étanche. Pis, après ça, la petite chaudière, elle était accrochée dans le devant du canot, une petite chaudière de gomme. […] Si vous fessiez une roche en montant, ou quelque chose, l’écorce [du canot] fendait, ben on mettait le canot à terre, on déchargeait, pis on faisait chauffer la chaudière, pis on graissait ça. 1959, Moisie (Sept-Rivières), AFEUL, G. Landry 28 (âge de l’informateur : 78 ans).
Dans les régions nordiques, s’il [l’autochtone] a une dent gâtée, il n’a pas sous la main la gomme de cèdre blanc pour l’obturer et faire mourir le nerf. Il limera la tête de sa hache, le plus souvent sur une pierre rugueuse, il en amassera la limaille et après l’avoir rendue brûlante, il fera l’obturation de sa dent et du coup obtiendra la mort du nerf. 1967, T.‑E. Giroux, Laval médical, vol. 38, no 10, p. 955.
« Si vous avez une plaie qui est à l’état d’enflammation [sic], la gomme de sapin est marveilleuse [sic] à condition que vous la faites flamber. […] » 1973, N. Lafleur, La vie traditionnelle du coureur de bois aux XIXe et XXe siècles, p. 258.
Je n’ignorais rien des joies simples dont elle s’était toujours souvenue : la cueillette des fruits sauvages, la chasse aux marmottes, le ramassage de la gomme d’épinette qu’elle adorait mâcher, la construction de forts de neige en hiver. 1985, D. Bombardier, Une enfance à l’eau bénite, p. 184.
Pendant que Gitpìgun maintient le canot au centre du courant, Tapui’tqamu allume la torche en écorce de bouleau badigeonnée de gomme d’épinette qu’il tient au-dessus de la surface. Il fait des mouvements. Il guette dans le noir liquide. Puis l’ombre passe. Attirée par la lumière, la chose rôde. 2017, É. Plamondon, Taqawan, p. 131.
L’Abitibi-Témiscamingue évoque les grands espaces. Dans mon imaginaire à moi, il me semble que c’est toujours en Abitibi que partent les gars de bois, les aventuriers qui ont un penchant pour le doré et la gomme d’épinette. C’est le folklore entourant la grosseur des moustiques, aussi, et le dur labeur des mineurs qui bossent pour dénicher les pépites d’or. 2020, J. Custeau, La Tribune, Sherbrooke, 11 juillet, p. M18.
L’écorce des jeunes sapins est parsemée de vésicules saillantes remplies de sève, la fameuse gomme de sapin qu’on appelle aussi baume du Canada. Les Premières Nations ont rapidement découvert et profité des nombreuses propriétés du sapin baumier. Retenons de leur riche savoir ancestral que les bourgeons et les jeunes pousses de ce conifère se mangent en salade, que la résine a des propriétés antiseptiques et que les décoctions préparées avec les aiguilles ou la sève de sapin sont riches en vitamine C. 2022, Tremblant Express (site Web), Mont-Tremblant, 17 décembre.
(Composé). Vieilli, rareGomme à ciroène (ou sirouenne). Gomme de conifère servant à faire des emplâtres.
[…] il y a à peu près trois ou quatre ans, elles avaient ouvert un magasin de six pieds carrés avec un assortiment des plus considérables, consistant en oranges et citrons pouris [sic], « bouilzailles » sûres à la chieure de mouches, bonbons crasseux, petite bière à l’eau de vaisselle, cachetée avec de la gomme à siroine, etc., etc. 1905, Le Canard, Montréal, 1er avril, p. 3.
Joncas vendait de la gomme à sirouenne pour le mal de reins. Elle était faite avec de la gomme de pin […]. Elle décollait quand le mal était parti. 1967, Saint-Arsène, I. Deschamps F351, AFEUL, ms. 427.
Des quêteux, il en venait d’en dehors […]. Ils vendaient de la gomme à ciroène […]. Ils guérissaient les malades. Ils faisaient des choses pas ordinaires, on va dire, là. 1972, Québec, AFEUL, R. Poirier 8 (âge de l’informateur : n. d.).
Il y avait aussi Joncas, un gros bonhomme courbé, sale et portant la barbe. Il vendait de la gomme à sirouenne pour faire des emplâtres. En fait, c’était de la gomme d’épinette qu’il avait fait bouillir pour la vendre en palette enveloppée dans une écorce de bouleau. Il était malcommode et les enfants qui le croisaient en revenant de l’école s’amusaient à lui crier : « Joncas, Joncas! ». 1981, J.‑Ph. Michaud, Kamouraska, de mémoire…, p. 49.
NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE
La médecine traditionnelle a fait grand usage de la gomme ou résine durcie qui se forme sur l’écorce des différentes espèces de l’épinette et du sapin. Dès le Régime français, la gomme de sapin s’employait dans la médecine populaire pour la prévention et le traitement du scorbut, comme antiseptique et en cataplasme sur les brûlures. Aussi connue sous le nom de baume du Canada, présente dans toutes les maisons, la gomme de sapin était également employée pour traiter le rhume, la constipation et le tour de reins (en cataplasme), entre autres. Quant à la gomme d’épinette, elle servait à faire des onguents et des emplâtres destinés à soigner certaines maladies telles que le rhumatisme et la goutte et à nettoyer et désinfecter les plaies. On estimait également que cette gomme – qui se dégageait de l’écorce quand on la mâchait – était excellente pour nettoyer les ulcères de gencives. C’est peut-être de là qu’est venue l’habitude de s’en servir comme gomme à mâcher, que l’on pouvait se procurer dans le commerce, voire directement des mains des forestiers. Ces derniers la vendaient telle quelle ou la traitaient en la faisant bouillir dans de l’eau jusqu’à ce qu’elle ne colle plus au palais, puis ils la filtraient, la laissaient refroidir dans de l’eau et l’étiraient pour en faire des « mâchées de gomme d’épinette ». Vers les années 1870, la gomme d’épinette connaît un regain de popularité parce qu’elle entre dans la préparation de différents sirops qu’offrent les pharmaciens à leur clientèle incommodée par le rhume, la toux, l’asthme ou d’autres affections des voies respiratoires. Ces remèdes de composition variable issus de la pharmacopée traditionnelle sont commercialisés – au moins jusque dans les années 1940 – sous des noms tels que sirop de merisier composé, sirop Gauvin pour le rhume, sirop de gomme d’épinette rouge de Gray, sprucine.
Sources : J.‑Fr. Gaultier, Description de plusieurs plantes du Canada (ms.), 1749, BAnQQ, fonds Jean-François Gaultier (P91, D2), surtout fos 18‑19; les renseignements donnés par mère Geneviève Duplessis de l’Enfant-Jésus, dans l’exemple de 1749 ci-dessus, pourraient avoir été communiqués par Gaultier lui-même; D. Goulet, Le commerce des maladies, 1987; Fr. Marie-Victorin, Flore laurentienne, 1935, p. 146; J. Nadeau, La médecine populaire dans quatre paroisses du comté de Bellechasse, Revue d’ethnologie du Québec, no 3, 1976, p. 52‑104.
Fig., VieuxAller, envoyer (qqn) à la gomme : Envoyer (qqn) au diable.
Va donc à (la) gomme!
Rem.Interprétée littéralement, au sens propre, l’expression signifie « aller recueillir la gomme (d’épinette, de sapin) des arbres », tâche qui oblige le cueilleur à s’enfoncer, à s’éloigner dans la forêt.
– Joly : […] Je suis quasiment certain à c’t’heure que l’on tiendra bon jusqu’au boute. – Mercier : Pour ça, j’en suis sûr, parce que Chapleau, Loranger et Taillon vont s’en retourner chez eux avec leur petit bonheur. Ils croyaient bien au commencement qu’ils nous enverraient à la gomme. Aujourd’hui ils ont l’air moins coq sireau [sic]. Ils font pas tant leur jarres. 1879, Le Vrai Canard, Montréal, p. 2.
Le char est habituellement si malpropre, qu’il est impossible de s’y asseoir, de toucher à quoique [sic] ce soit, sans se salir ou souiller sa toilette. On dirait que l’eau et les balais sont inconnus de ces messieurs! Et si vous vous en plaignez, on vous a vite envoyé à la gomme. 1881, L’Union des Cantons de l’Est, Arthabaskaville, 3 septembre, p. [2].
– J’épouserai quelque vieux singe, [/] Ayant plus d’or que de vertu. [/] Je serai prince du royaume [/] Des gommeux. Tous mes créanciers [/] Pourront s’en aller à la gomme, [/] Accompagnés de leurs huissiers. 1883, R. Tremblay, Caprices poétiques et chansons satiriques, p. 167.
Tous mes ministres ont les oreilles dans le crin depuis quatre jours, parce que les libéraux les ont envoyés à la gomme. 1886, Le Violon, Montréal, 2 octobre, p. [2].
Alors les autorités municipales sont intervenues, mais il leur a été répondu d’aller à la gomme, car la station des charretiers de la rue du canal est sur la réserve de l’Ordonnance et que ni Dieu ni diable ne peut l’en faire disparaitre. 1900, Le Journal, Montréal, 18 août, p. 11.
Quand on voulait autrefois expédier quelqu’un peu poliment, dans notre province, on lui disait de s’en « aller à la gomme ». 1917, Le Devoir, Montréal, 29 mars, p. 1.
J’ai eu ce matin une lettre de la compagnie, et ils ne payent pas les dépenses. Parconséquent [sic] ils vont aller à la gomme. 1936, Correspondance de madame Coulombe, 5 juillet, p. [28].
Vâ don à la gomme, i’ dit, grand calâb’ de câlin qu’t’es, toé! I’ dit, t’és bon à r’guien. Si j’te mè’ ’a main su’ l’dos, i’ dit, tu vâs t’aparce’oèr… 1959, Sturgeon Falls, dans G. Lemieux, Les vieux m’ont conté, t. 8, 1976, p. 249.
Gomme à mâcher ou (par ellipse, et plus usuel) gomme : Pâte élastique parfumée fabriquée à partir d’un latex comestible et que l’on mâche sans l’avaler.
S’acheter de la gomme (à mâcher). Mâcher de la gomme. Une mâchée, une chique de gomme. Un carré, un paquet, une palette de gomme (à mâcher). Coller sa gomme sous la chaise. Avaler, perdre, jeter, se débarrasser de sa gomme, de sa vieille gomme. Gomme sans sucre. Gomme à la nicotine. Odeur de gomme à mâcher.
Machine à gommes : distributrice de gommes.
Rose gomme : rose bonbon.
Rem.1. Gomme à mâcher a connu un certain usage en France au moins jusqu’aux années 2000, mais son usage est plus courant au Québec (voir Histoire). 2. En France, on dit couramment chewing-gum (pratiquement inusité au Québec); on appelle boule de gomme (ou pastille de gomme) un bonbon différent, fait à partir de gomme-résine, vendu en pharmacie pour le soulagement des maux de gorge.
Gomme chimique à mâcher. [/] Préparation supérieure de gomme d’épinette, très propre à enlever les matières visqueuses qui s’amassent à la racine des dents, et à les conserver. Cet article est aussi d’une efficacité admirable pour adoucir l’odeur d’une respiration malsaine. Préparé par Curtis et Perkins, droguist [sic], à Bangor, état [sic] du Maine. 1850, Le Journal de Québec, 5 octobre, p. [3] (annonce).
J’ai vu telle femme de ministre ou de juge, mâcher de la gomme en pleine rue ou dans la chambre d’assemblée, durant les séances. La gomme est une maladie générale à Québec, et une femme se croirait bien malheureuse si elle n’avait une boule de gomme à mâcher, et une chaise berceuse pour bercer ses espérances. 1855, Le Pays, Montréal, 15 septembre, p. [2].
Pendant ce temps-là, Tarte mâchait une palette de gomme qu’il avait achetée sur le marché Jacques-Cartier d’un électeur de M. Garneau. Il l’a mâchée toute l’après-midi, sans s’arrêter. 1877, L’Événement, Québec, 16 novembre, p. [2].
Les habitants de l’État du Maine, qui recueillent de la gomme d’épinette pour les fabricants de gomme à mâcher, gagnent à eux tous $40,000 par année. 1881, La Patrie, Montréal, 24 décembre, p. [2].
Les Deux Records, comme la plupart des petites boîtes de ce genre dans le quartier, était moins restaurant que tabagie, bar casse-croûte et débit de liqueurs douces, de crème glacée, de gomme à mâcher. Il tirait d’ailleurs son nom d’un commerce fort éloigné du métier de restaurateur : la vente de disques, chansons françaises et américaines dont la vogue dépérissait dans Montréal mais qui plaisaient encore beaucoup dans Saint-Henri. 1945, G. Roy, Bonheur d’occasion, p. 51.
Une serveuse, qui mâchait sa gomme en ruminant son foin, s’immobilisa devant la table de Méo et d’Adrienne. Méo préférait la bière douce. Il commanda deux Frontenac Bleues. 1951, G. Proulx, Chambre à louer, p. 28.
T’es un mouton, pis t’essaies de faire le lion, et puis, à ce moment-là, bien, tout est vers l’extérieur, tu mâches de la gomme, tu tapes du pied, tu insultes des filles quand i’ [= elles] passent. 1964 env., Montréal, AFEUL, P. Perrault 1224 (âge de l’informateur : n. d.).
Je m’endors tant bien que mal. Je rêve d’une grande femme aux cheveux rouges et à la peau très blanche. Elle fait des « ballounes » avec sa gomme à mâcher. Elle danse seule au milieu du parquet de la Salle Palmer à Pointe-Calumet. Il n’y a qu’elle et moi. Personne d’autre. Elle me fait des signes de l’index. Elle m’invite à danser avec elle. J’ose y aller. 1973, Cl. Jasmin, Pointe-Calumet Boogie-Woogie, p. 88.
Un des fabricants qualifie la gomme de « sucette de bébé pour adultes ». Un autre cadre de l’industrie la définit comme une « tétine sucrée de longue durée pour grandes personnes ». Même si certains adultes refusent de croire que leur plaisir à mâcher de la gomme est lié à l’analogie avec la tétée, il reste que l’augmentation des ventes de gomme durant la Prohibition et la Deuxième Guerre mondiale, par exemple, indique qu’on tend à en consommer davantage en période de stress et d’insécurité. 1989, Protégez-vous, vol. 15, no 12, p. 47.
Ils ont demandé si ce serait tout, l’interpellant en particulier, en hommage à son charme. Elle a demandé s’ils avaient de la gomme. Ils ont bien ri. Elle s’en est offensée, se renfrognant comme si elle n’allait plus jamais ouvrir son cœur à personne. Ça s’est réglé chez le dépanneur, en une demi-heure, le temps qu’elle renonce aux autres couleurs de Chiclets et se résigne aux seules bleues… 1994, R. Ducharme, Va savoir, p. 45.
Lorsque l’enfant porte à sa bouche, ses doigts, son crayon, son col ou sa manche de chandail ou joue constamment avec ses cheveux, on peut compenser son besoin de stimulation en lui permettant d’avoir une gourde d’eau pour boire entre les leçons ou les tâches, de mâcher une gomme ou de manipuler une balle antistress. 2007, L. Massé et C. Lanaris, Ces enfants qui bougent trop, La Foucade, vol. 8, no 1, p. 7.
Ici, ils étaient si nombreux à espérer quelques sous en échange d’un paquet de gomme, d’une bouteille d’eau ou de quelques babioles, fort probablement subtilisés aux commerçants du coin. 2017, M.‑L. Brière, La fleur d’Hibiscus, Le Passeur, no 42, p. 38.
(Dans une expression). (Ne pas) (pouvoir, savoir, être capable de) marcher et mâcher de la gomme en même temps, (plus rarement) mâcher de la gomme et marcher en même temps : (ne pas) pouvoir faire deux choses à la fois; (spécialement, dans le vocabulaire de la politique) (ne pas) être (un gouvernement, un ministre, un maire) polyvalent, compétent.
Rem.On trouve en France, dans le même sens, marcher et mâcher du chewing-gum. L’expression est apparue au Québec sous la même forme, sans doute par influence de l’usage de celle-ci en France (voir Histoire).
Un autre libéral déçu décrit [un politicien] comme suit : « Il est incapable de penser et de sourire en même temps », paraphrase de la description du président américain […], qui peut marcher et mâcher de la gomme en même temps, selon ses critiques les plus acerbes. 1975, A. Ouimet, Le Soleil, Québec, 20 septembre, p. B2.
Comme gouvernement, nous avions raison de dire qu’il fallait avant tout s’occuper de la crise économique, mais, de la même façon qu’on peut en même temps marcher et mâcher de la gomme – si je peux me permettre de reprendre le mot du député de l’opposition […] –, on peut en même temps gouverner et réfléchir. 1984, P. de Bellefeuille, Sauf vot’ respect : lettre à René Lévesque, p. 27‑28.
Un échéancier sur trois ans aurait été réalisable. Comme il est possible de mâcher de la gomme et marcher en même temps, ils auraient pu travailler simultanément sur plusieurs chantiers […]. 1998, Le Soleil (édition L’Est et la Côte-Nord), Québec, 7 octobre, p. A3.
La réunion est commencée. Trop occupée à scruter les traits de l’orateur pour pouvoir se concentrer sur ce qui sort de sa bouche, Éva a raté le début. Elle voit Dan brandir en parlant le numéro du Colon qui arbore à la une l’article écrit par son père. Il paraît qu’on peut marcher et mâcher de la gomme en même temps, mais Éva se découvre incapable de regarder et d’écouter Dan Dubois. 2016, L. Hamelin, Autour d’Éva, p. 68.
Quelle stratégie privilégie-t-on alors? Il nous faut inévitablement apprendre à marcher et à mâcher de la gomme (faite en plastique en passant) en même temps, c’est-à-dire adopter un éventail d’approches qui s’inscrivent dans des démarches structurantes (par exemple taxer la pollution ou dresser des plans de transition énergétique et économique appuyés de mesures concrètes). 2019, Jean-Patrick Toussaint, Anthropocène, Québec science, vol 58, no 4, p. 49.
(Acadie). La ministre de la Défense nationale, Anita Anand, a assuré vendredi que le Canada pouvait marcher et mâcher de la gomme en même temps, alors qu’on lui demandait si l’armée canadienne serait trop sollicitée. 2022, Acadie Nouvelle, Caraquet-Moncton, p. 30.
(Variante). Rare(Pouvoir) marcher et manger de la gomme en même temps.
Mais, dira-t-on, la question environnementale doit être l’enjeu numéro un et passer bien avant la question nationale. Mais même si ceci était exact, n’est-il pas possible de marcher et manger de la gomme en même temps? 2011, L’Action nationale, vol. 101, no 9‑10, p. 85.
« On peut marcher et manger de la gomme en même temps. Il faut avoir une vision résonné [sic] des choses. Enlever ces algues, ce sont des centaines de kilos en moins qui se retrouveront au fond du lac. On peut faire une première intervention avant qu’un plan ne soit adopter [sic]. Mais nous avons des élus qui se croient experts en environnement. » 2020, Les Versants (site Web), Saint-Bruno, 22 juin.
(Parfois avec un trait d’union). Gomme baloune, gomme balloune ou vieilligomme à baloune : gomme à mâcher avec laquelle on peut faire des bulles en la soufflant; (en particulier) celle se présentant sous forme de boule recouverte de sucre dur coloré.
Rem.Variantes graphiques : raregomme balloon, gomme-balloon.
Machine à gommes baloune.
Concours de gomme baloune : concours où les participants doivent souffler la plus grosse bulle possible.
Cartes (de) gomme baloune : paquets de cartes à collectionner présentant un joueur de hockey ou de baseball qui étaient vendus avec une palette de cette gomme.
(Par référence au parfum sucré typique de la gomme balloune). Saveur, parfum de gomme balloune. Crème glacée à la gomme balloune. Sentir, goûter la gomme balloune.
M. Emery Lemay, magnat de la gomme à baloune, sera présent. C’est assurer la soirée d’un énorme succès! 1934, L’illustration, Montréal, 27 janvier, p. 17.
– On dirait que ça sent la gomme « baloune », ici! – Veux-tu te taire, toi! intervint Jacqueline! As-tu déjà vu ça! Parler de la gomme « baloune » à la messe! 1940, L. Deshaies, Le Devoir, Montréal, 29 août, p. 5.
[…] c’est l’histoire d’une petite fille qui aime la gomme à « balloune » et qui fait sans cesse le tour des membres de sa famille, du grand-père au petit cousin, pour obtenir un morceau de la précieuse gomme. 1948, Radiomonde, Montréal, 24 janvier, p. 17.
Mais le sable était encore fade et croûteux de l’autre côté de la clôture et le sol était parsemé de morceaux de carton pourri, de papiers, d’emballages déchiquetés. Ah! celui-là? … intéressant. Oui, c’était bien un papier de gomme baloune. Il lui en fallait encore cent-trois pour échanger pour le bolo-bat. Chantal passa son bras entre les fils de fer de la clôture, mais ses doigts ne rejoignaient pas le papier. Elle essaya son bras gauche… mais il était trop court aussi. Elle regarda autour d’elle… Avec quoi l’attraper. Là! Un petit bout de branche. Voilà! Et c’était bien de la gomme Bingo! Elle lissa le papier, souffla dessus pour enlever le sable et le mit dans sa poche. 1966, C. Mailly, Le cortège, p. 265.
Que c’était beau pour Germain quand il était enfant. Oui qu’ils étaient fascinants ces bateaux de guerre sur cartons illustrés, trouvés dans des paquets de « gomme-balloune ». Ces croiseurs, avec des canons terrifiants, ces destroyers et ces avions de chasse. 1976, Cl. Jasmin, Revoir Éthel, p. 39.
C’est la gomme baloune à saveur de cerise qui remporte la palme de popularité cette année dans les cabinets de dentistes où l’on badigeonne les dents des enfants d’une solution de fluorure aromatisée. Ce liquide anti-carie est offert en plusieurs saveurs dont chocolat et raisin, mais c’est la gomme baloune à saveur de cerise qui est la plus en demande […]. 1980, La Presse, Montréal, p. J6.
Quel soulagement, Irène n’assiste pas à la messe. Elle fait du tap dance. Sa mère, qui se prend pour la danseuse étoile américaine Ginger Rogers, sous prétexte qu’elle lui ressemble physiquement, la traîne auditionner au programme d’amateurs de la Living Room Furniture. Irène n’a jamais rien gagné à ce programme. Elle fait la Living Room Furniture deux fois par année, parce que Mme Nelson est une cliente importante de ce magasin. Moi, je pense que c’est arrangé avec le gars des vues. Les gars gagnent les montres et obtiennent les contrats. Les filles? Jamais une gomme baloune… 1983, J.‑d’Arc Jutras, Délira Cannelle, p. 34‑35.
[…] je réalise que demain l’école recommence : les travaux, l’étude et le stress aussi. Pire! Que se trouve peut-être devant moi la dernière crème glacée de mon été. Que les 15 petites minutes passées à ma table extérieure préférée ne seront plus sans culpabilité… Perdue dans ce choc, je brusque mon choix et sélectionne la saveur gomme balloune dans un cornet gaufré. À chacun son côté funky. 2014, Le Collectif, Sherbrooke, vol 38, no 01, p. 13.
Le vendredi midi, juste avant d’aller à l’école, je vais donc chercher ma piastre. Je sais ce que je vais faire avec : je vais acheter des cartes de hockey, cinq sous le paquet, quatre cartes dans chaque paquet, plus une gomme baloune en forme de palette avec un genre de farine dessus. 2016, C. Tétreault, Histoires de sport, p. 17.
« Il y en a un [champignon] que j’aimerais beaucoup trouver pour son odeur, l’Aphrodite odorante. D’abord, parce qu’il détient le nom de la déesse grecque de l’amour […], mais aussi parce qu’il aurait une odeur de gomme balloune. » 2022, Journal Les 2 Vallées, Gatineau, 22 juin, p. 26.
Fig.
N’eût été des Japonais, les Américains fabriqueraient toujours leurs bagnoles comme dans le temps : des bateaux, gréés de moteurs d’avion et d’une suspension en gomme baloune. 1993, L’Actualité, vol. 18, no 14, p. 37.
En tout, cinquante ans de comptes de dépenses pharamineux [sic] accordés au moindre fonctionnaire faisant la navette entre Québec, Chicoutimi et Val-d’Or; un demi-siècle de lunchs à trois Martinis, de suites hiltoniennes et de permanence bétonnée pour 40 000 fonctionnaires hauts, moyens et bas; cinquante ans de paires de Gucci au Menisse des finances, cinquante ans de routes pavées de gomme baloune noire, donc à repatcher chaque été […]. 2000, G. Gourdeau, La répression tranquille, p. 37.
Fig. n. Production culturelle enfantine, légère, facile.
Par ext., Péjor.Production culturelle puérile, naïve, insignifiante.
Morale, psychologie à la gomme balloune.
Après tout, pourquoi le psychédélisme serait-il plus intelligent, plus noble, plus sacré que la « gomme baloune » des années 50? 1971, La Presse, Montréal, 20 mai, p. E4.
Je lis le journal, je sais tout ce qui arrive, je me documente, mais moi je fais du show-business, de la « gomme baloune ». Je fais du rock, j’ai le goût que les gens viennent relaxer, rêver. 1985, La Vie en rose, no 30, p. 26 (entrevue).
[…] le film ne manque pas de qualités : un début enlevant, une mise en scène qui n’est pas dénuée d’idées quoique paresseuse au bout du compte, des acteurs justes dans le genre « film pop-corn à la gomme balloune ». 2006, M. Cloutier, La Presse, Montréal, 29 juillet, cahier Cinéma, p. 12.
– Vous avez là une preuve que la détresse déclenche parfois des remises en question, clama Pisse-Allée à l’auditoire. – Ne commence pas à nous étourdir avec ta psychologie à la gomme baloune, cria Pisse-Bonté à sa fille stupéfaite. 2015, R. Roy, Le casse-tête de Miasandra, p. 93.
(En fonction adj.) Qui vise un public d’enfants et d’adolescents; qui est léger, facile.
Un album, un film gomme balloune. Musique pop gomme balloune.
Par ext., Péjor.Qui est puéril, naïf, insignifiant.
Ces musiciens, jeunes pour la plupart (de 18 à 30 ans) sont incroyables. Sans le dire à personne, ils sont en train de créer un authentique rock québécois. Sans farce. Ça sort des meilleurs conservatoires ou ça ne sort que d’eux-mêmes. Ça a gagné des prix d’interprétation et de composition dans des écoles de musique officielles ou bien ça a appris chez eux ou sur la bum à coup [sic] de salles de danse et d’orchestres gomme baloune. 1975, L.-G. Lemieux, Le Soleil, Québec, 19 juillet, p. C3.
Il faut aussi souligner la capacité de notre industrie à fabriquer des phénomènes pop réservés au public préadolescent. L’immense succès de Mitsou il y a quelques années, est certes le plus vibrant exemple de cette capacité à cuisiner un fast food attrayant, « gomme balloune », sexy… et éphémère. 1998, A. Brunet, La chanson québécoise d’expression francophone : le paysage sonore en 1998, p. 28.
En 2001, le premier album du groupe […] avait été reçu avec enthousiasme. On parlait d’un album libérateur du pop « gomme baloune », un genre qui dominait les palmarès à l’époque. 2006, La Presse canadienne, La Tribune, Sherbrooke, 15 avril, p. S10.
À la suite du succès monstre de leur album précédent, […] les Black Eyed Peas proposent un album un peu moins « gomme balloune », mais toujours très pop. 2010, É. Côté, La Presse, Montréal, 27 novembre, Arts et spectacles, p. 15.
VieilliGomme-ballon. Syn. de gomme baloune.
La fameuse gomme-ballon de retour sur le marché [titre][.] 1947, La Presse, Montréal, 19 avril, p. 43.
– Ah! Non… Je ne sors pas avec un garçon si mal élevé! – Qu’est-ce qu’il t’a fait? … – Imagine-toi donc qu’il mange de la gomme-ballon… 1959, La Patrie du dimanche, Montréal, 7 juin, p. 53.
Pour régaler vos petits visiteurs le soir de l’Hallowe’en, voici des sacs de patates chips, de gomme-ballon, de sucettes géantes, de gaufrettes et autres friandises. Procurez-vous en [sic] une bonne provision à ce prix modique. Hâtez-vous! 1971, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 28 octobre, p. 8 (annonce).
Par le temps qui court, le monde se rue sur les vraies aubaines. Difficile à trouver le « beau, bon, pas cher » en bas d’une piastre, même qu’une dragée de gomme-ballon, dirait le linguiste, coûte maintenant « deux cennes ». 1980, J. Arteau, Le Soleil, Québec, 28 novembre, p. B‑2
RareGomme à bulles. Syn. de gomme baloune.
Tablettes de chocolat, gomme à bulles[,] articles à un sou, bonbons à la pesée. 1947, La Presse, Montréal, 22 mai, p. 24 (annonce).
J’ai une idée, dit le conducteur en mâchouillant sa gomme à bulles. On va lui montrer ce qu’est une Chevrolet Bel‑Air 56… Hey, la tartine aux fraises, tu veux faire la course jusqu’au coin de la rue, là-bas? 1981, A. Mathieu, Chérie, p. 12.
Avant de partir pour l’école, le sac sur le dos, la visière de sa casquette derrière la tête, Charlemagne mâchonnait une gargantuesque gomme à bulles. Tout en douceur et en supplications, il réclamait à sa mère une bicyclette neuve pour se rendre à l’école. 2017, R. Gougeon, Les saisons de l’espérance, t. 1, p. 379.
NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE
Au milieu du XIXe siècle, l’habitude de mâcher de la gomme d’épinette est répandue, entre autres chez les travailleurs forestiers (voir Notice encyclopédique, sous I.1). En 1848, une préparation de gomme d’épinette purifiée est inventée dans le Maine. Ce produit, commercialisé sous forme de portions recouvertes de fécule de maïs et entourées de papier parchemin, gagne rapidement en popularité, et devient la première gomme à mâcher commerciale. Dans les journaux de Montréal, dès 1850, on trouve des traces de ce produit, alors vendu comme une solution pour nettoyer les dents (voir p. ex. La Minerve, Montréal, 3 octobre 1850, p. [3] : « L’usage de mâcher de la gomme est tellement répandu dans ce pays, et les gommes ordinairement employées sont si impures et si dégouttantes [sic], que le public nous saura gré de lui offrir une nouvelle préparation chimique de gomme d’épinette admirable pour détruire le tartre des dents, les conserver et les nettoyer […]. »). Ce n’est qu’à partir de 1859 que le chiclé, une résine naturelle s’apparentant au latex et importée du Mexique, entre dans la composition de la gomme à mâcher. Quelques années plus tard, en 1866, quand du sucre et différentes saveurs sont ajoutés à la préparation, la gomme à mâcher moderne est née. Dans les années 1920, la gomme à base de chiclé conquiert les consommateurs, aux dépens des produits à base de gomme d’épinette purifiée et des préparations à base de paraffine, de cire d’abeille ou d’autres substances qui sont alors présentes sur le marché. En 1928, une modification expérimentale de la recette de la gomme à mâcher donne naissance à la gomme balloune.
Sources : Le Journal de Québec, 5 octobre 1850, p. [3]; N. Lafleur, La vie traditionnelle du coureur des bois aux XIXe et XXe siècles, 1973, p. 238‑239; J. P. Mathews et G. P. Schultz, Chicle : The Chewing Gum of the Americas, from the Ancient Maya to William Wrigley, 2009, p. 38‑49; La Minerve, Montréal, 3 octobre 1850, p. [3].
La haute gomme, rareles hautes gommes : la haute société, la bourgeoisie.
Faire partie de la haute gomme. Fréquenter la haute gomme.
Les dirigeants, les officiels (d’une équipe sportive, d’un organisme, etc.).
Rem.Cet emploi est vieux et argotique en France (voir Histoire).
Un petit de la haute gomme passe sur le boulevard. Chapeau demi-pointe avec rebords imperceptibles, pantalon mexicain cachant absolument les pieds, jaquette à grands carreaux, cigare de cinquante centimètres. 1875, Le Constitutionnel, Trois-Rivières, 29 septembre, p. [2].
Moi, j’f’rais un train d’vie sus l’pied d’ma fortune, dit Sirop. Je m’mêl’rais avec la haute gomme, je jouirais d’parler fort au gros monde, je m’montrerais dans le lobbé [sic] du Ritz et j’irais danser dans les salons d’Outremont. Ben des filles s’raient contentes d’connaître un gars qu’a cent dix-neuf mille tôles! 1931, Le Goglu, Montréal, 26 juin, p. 7.
En plus du meeting secret d’hier, spécialité de [l’entraîneur de l’équipe de hockey] les autres années, la haute gomme de la flanelle tricolore a lancé un SOS au meilleur joueur offensif des Voyageurs de la Nouvelle-Écosse […], qui d’ailleurs était déjà à l’exercice par ce beau mardi de décembre 79. 1979, T. Lapointe, Le Soleil, 11 décembre, p. C1.
Quand j’suis devenue belle à mon meilleur, j’ai pu m’tailler une place au bordel le plus chic de Montréal. Quelque chose pour la haute gomme de première classe. 1982, J.‑P. Filion, À mes ordres, mon colonel!, p. 139.
Il se fait tard sur la Grande Allée. L’atmosphère est sinistre. Un recteur d’université, la mine longue, quitte une table bien arrosée où on a disserté sur les malheurs de la haute gomme de l’État. 1996, Gh. Rheault, Le Soleil, Québec, 29 février, p. A5.
Vois-tu, Jobin, il est minuit et on vient de tomber en fin de semaine. Alors, à partir de maintenant, selon nos boss, les hautes gommes des quartiers généraux, il faudrait payer des centaines d’heures supplémentaires. Et ça, ils ne le veulent pas. Trop cher! 2008, A. Jacques, La tendresse du serpent, p. 435.
Sans oublier la gloutonnerie des courtiers et de hautes gommes de Wall Street qui s’en sont mis plein les poches, en toute impunité, en jouant l’argent du peuple comme s’il s’agissait de billets de Monopoly, grâce à des produits financiers « extrêmement complexes ». 2011, N. Provencher, Le Soleil, Québec, 29 janvier, p. A29.
Après avoir zappé un moment d’une émission idiote à l’autre, il tomba sur un film américain où on s’agitait beaucoup et tenta de saisir le fil de l’histoire. Mais, au bout de quelques minutes, ce conflit de famille de la haute gomme autour d’une écurie de course, plein de cris et de hennissements, lui parut tout à coup absurde et lointain; le doublage en français synthétique n’arrangeait rien. 2016, Y. Beauchemin, Les empocheurs, p. 49.
(Variante). La grosse gomme, rareles grosses gommes.
À en croire les bruits qui courent, le corps expéditionnaire qui accomplit ce coup était composé de certaines personnes « de la grosse gomme de notre ville et l’on va jusqu’à chuchoter que certains oficiers [sic] du gouvernement les accompagnaient. […] » 1921, Le Droit, Ottawa, 29 juin, p. 7.
M. Watt, qui est âgé de 63 ans, a dit qu’on avait fait du colonel DeTracey le bouc émissaire de l’accident et qu’il avait été déplacé par « les grosses gommes » à Ottawa. 1985, La Presse, Montréal, 14 avril, p. 23.
Ce colonel Perry est de la grosse gomme. Il vient du département de l’inspecteur général! 2002, É. Chartrand-Déry, Maurice Beauregard, O.M.I., p. 56.
Ce soir-là, toute la grosse gomme interlope de Montréal était à la réunion. Tous les représentants des quatre secteurs bien délimités de la ville, l’est, le nord, l’ouest et le centre. 2017, B. Tétrault, Bye, bye la police!, p. 8.
Histoire
I1Depuis 1617 dans gomme de sapin. Gomme d’épinette, depuis 1749 (p. 13 du doc. cité sous Notice encycl., sens I.1). Sirop de gomme d’épinette, depuis 1870 (dans L’Ordre, Montréal, 23 novembre, p. [2]); d’après la marque de commerce Gray’s syrup of red spruce gum (v. p. ex. l’illustration dans La Presse, Montréal, 6 mars 1920, p. 10 (annonce)). Du latin tardif guma, variante de gummi (ou cummi), « substance visqueuse que rendent certains arbres » (DictLatFr, s.v. gummi). La forme latine a été empruntée du grec avec ou sans intermédiaire, le grec l’ayant lui-même empruntée à l’égyptien, langue dans laquelle le mot désignait le produit de la plante donnant la gomme arabique (vachellia nilotica) (ErnÉtym, s.v. cummi). En ancien français, à partir de la fin du XIe siècle, on trouve gomme dans un sens qui se rapproche du sens latin : « substance mucilagineuse qui exsude de l’écorce de certains arbres et que l’on employait dans la fabrication de médicaments, de l’encre et comme aromate » (DEAF, s.v. gome1). Le mot résine désigne alors une « matière inflammable qui découle naturellement ou par incision de certains arbres », par exemple la gomme de pin (GodCompl, s.v. résine). La notion d’emploi médical présente dans le mot gomme permet d’avancer qu’un sens générique de gomme, englobant les gommes de plantes et d’arbres feuillus ainsi que les résines de conifères, se serait rapidement imposé en France. Ce sens générique s’est maintenu en moyen français, période pendant laquelle gomme désigne une « substance qui exsude de l’écorce de certains arbres », incluant le pin (DMF, s.v. gomme). Chez Richelet, la définition de gomme reste générique, mais la définition de résine touche uniquement le suc s’écoulant de conifères (« pin, sapin, cyprès, térébinthe ») (Richelet, s.v. résine). Certains lexicographes à partir de Furetière distinguent formellement les gommes et les résines selon qu’elles sont solubles dans l’eau ou dans l’alcool, respectivement (Furetière, s.v. gomme). Cette distinction n’est toutefois pas systématique dans les ouvrages publiés après l’Encyclopédie universelle, ce qui indique que le sens générique de gomme se maintient dans l’usage. L’emploi de gomme pour désigner la résine des conifères a par ailleurs été relevé dans différentes régions de France, notamment dans la Loire (v. ALBRAM 345) et la Lozère (FEW gŭmmi 4, 324a). Les formes [gumɔ] et [gɔma] désignant la résine des arbres ont été relevées dans les Alpes-Maritimes pour la première, et dans le Vaucluse et en Bourgogne pour la seconde (v. ALP 573; ALJA 492). Aujourd’hui, en France, l’emploi de gomme se limite à la sève de certains feuillus (v. TLF, s.v. gomme). Gomme à ciroène, depuis 1905, de gomme et ciroène, emploi attesté depuis le XIIIe siècle en français (FEW cēra 2, 597a) qui désigne une « espèce d’emplâtre tonique principalement formé de cire et de vin » et qui est vieux en France de nos jours (v. TLF, s.v. ciroène). 2Depuis 1879.
II1Gomme à mâcher, depuis 1850, d’après l’anglais chewing gum (v. Webster 1986 et OED (en ligne) 2024‑04, s.v. chewing-gum) avec influence du sens I.1. Cette influence vient de ce que, traditionnellement, on mâchait les gommes des conifères, en particulier la gomme d’épinette, comme de la gomme à mâcher. La locution est connue en France, mais n’est pas d’usage courant (RézTél; v. aussi GladczBS). On trouve gomme à mâcher dans PRobert dès 1967 : le composé est marqué ‘région. Canada’ à compter de 2007, et ‘courant au Canada’ à compter de 2008. Il est absent de PLar avant l’édition de 2010, dans laquelle il est présenté avec la marque ‘Québec’. Dans les ouvrages de référence québécois, gomme à mâcher est marqué comme un particularisme dès 1937 (DufrAngl, p. 260‑261 : Gomme à mâcher, que les Canadiens ont adopté pour chewing-gum, est correct, mais sonne assez mal.; v. aussi Bélisle, RobMan.). La forme elliptique gomme, attestée depuis 1877, a pu être influencée par l’anglo-américain gum, abrégé de chewing gum (v. Webster 1986 et OED (en ligne) 2024‑04, s.v. gum). Marcher et mâcher de la gomme en même temps, depuis 1975. De l’anglais américain to walk and chew gum at the same time, expression attestée dès 1956 pour exprimer l’idée d’être en mesure d’accomplir deux tâches simples simultanément, ce qui implique, lorsqu’employée à la négative à propos de qqn, que celui-ci manque d’habilité, de compétence ou de moyens (v. OED (en ligne) 2024‑04, s.v. walk). Elle sert ainsi parfois à faire allusion à un individu « particulièrement stupide » (FergCatch 84). Elle aurait été popularisée par Lyndon B. Johnson (FarkCatch 281), président américain de 1963 à 1969, qui, parlant de Gerald Ford, aurait dit : « Jerry is too dumb to walk and fart at the same time » (S. Shaffer, On and Off the floor, 1980, p. 265). Par euphémisme et sans doute par influence de l’expression déjà existante, les médias auraient changé la citation (ibid.). Aucune source primaire ne donne la date de la citation de Lyndon B. Johnson et la documentation consultée ne prouve pas qu’il ait réellement prononcé ces paroles (la citation est parfois rapportée sous la forme so dumb he can’t fart and chew gum at the same time (FarkCatch; R. Hendrickson, The Facts on File Encyclopedia of Word and Phrase Origins, 4e éd., 2008, p. 151; R. Reeves, A Ford, not a Lincoln, 1975, p. 25). Mentionnons qu’on trouve dès 1974 l’expression au Québec sous la variante française avec chewing-gum (Montréal-Matin, 21 décembre, p. 10 : Pendant longtemps l’« intellect » de M. Ford avait été l’objet d’anecdotes amusante [sic] sur le Capitole, et Lyndon Johnson disait de lui : « C’est le seul homme que je connaisse qui ne puisse marcher et mâcher du chewing-gum en même temps »). L’attestation de l’expression française dans la presse québécoise suggère la possibilité d’une seconde voie de pénétration par l’entremise de journaux français, dans lesquels l’expression apparaît la même année (Réalités, Paris, 1974, nos 343‑347, p. 93 : […] marcher et mâcher du chewing gum). L’expression a néanmoins rapidement été adaptée à l’usage québécois, et on trouve très rarement sa forme française dans les sources linguistiques québécoises de nos jours. Gomme balloune, depuis 1934 sous la forme gomme à baloune. Cet emploi n’a pas été relevé ailleurs dans la francophonie. Au sens figuré, depuis 1971. D’après l’anglais bubblegum, qui a le même sens, mais qui ne s’emploie que comme adjectif (v. OED (en ligne) 2023‑06, Webster (en ligne) 2023‑06). Gomme-ballon, depuis 1947. On trouve fréquemment cette variante dans les ouvrages de référence québécois, où elle est proposée comme équivalent français de gomme balloune, malgré son absence des ouvrages de référence français (v. Seutin‑5, DenAngl). Gomme à bulles, depuis 1947, essentiellement dans la langue écrite. Cet emploi est proposé dans diverses sources comme équivalent français de gomme balloune (v. RobMan, Turenne2, Dulong, Colpron), bien qu’il ne soit pas attesté dans les ouvrages de référence français, et qu’il soit essentiellement employé en contexte de traduction de l’anglais américain ou canadien dans les sources linguistiques françaises. 2Depuis 1875, relevé en français argotique (v. TLF et FrVerte).