GOGLU [ɡɔɡly]
n. m. et adj.
1. Variante graphique : (jusque vers le milieu du XXe siècle) goguelu. 2. Les formes féminines gogluse et goglue sont attestées au sens 3.
n. m. VieilliHâbleur, individu qui aime se faire valoir (souvent à l’excès); railleur, mauvais plaisant, joueur de tours.
Faire le goglu.
Il réunit dans son long hypostase plusieurs titres et qualités; il est Magistrat, Major, Marchand, notaire et de plus dans les désastres politiques de l’hiver dernier il fit l’office de delateur auprès de ses concitoyens; si l’on remonte à son arbre généalogique, cette chétive vampire tire son origine d’une famille illustre qui habitait autrefois une des paroisses du district de Québec; ayant quitté son endroit natal, il vint s’établir à Varennes comme notaire, n’ayant pour toute fortune qu’un petit habit verd [sic]; ne pouvant réussir dans une profession qu’il ne connaît que par un bout, il prit un petit négoce […]. Il fait maintenant le goglu, se promène à pas carrés dans le village, se ronge les ongles quelquefois jusqu’au sang, et ne pouvant faire entrer de l’esprit dans son cerveau fêlé, il y fourre en revanche du tabac à fortes doses. Quoiqu’il essaie d’entortiller son grand corps dans la peau du lion quelquefois par mégarde il laisse apercevoir un petit bout d’oreille d’âne […]. 1838, La Quotidienne, Montréal, 7 juillet, p. 1.
Il n’était pas rare autrefois de rencontrer dans le district de Québec des fiers-à-bras, serviteurs de la Compagnie du Nord-Ouest, partis de Sorel, de l’Assomption et d’autres paroisses de Montréal, dans le but unique de provoquer des athlètes dignes de lutter contre eux, qui se qualifiaient de loups, parmi les moutons du bas du fleuve Saint-Laurent. S’ils s’en retournaient les yeux pochés, ils s’en consolaient avec leur éternel « ce n’est pas un goglu qui m’a accommodé au beurre frit de la sorte ». 1866, Ph. Aubert de Gaspé, Mémoires, p. 478.
L’autre jour, à Montréal, un employé dans un magasin d’épiceries fut envoyé par ses patrons payer un compte de $70. En route, il rencontra une jeune fille de 19 ans et fit la noce avec elle. Ils se rendirent ensemble dans une maison malfamée, où il prétend avoir été volé par elle de tout son argent. Elle a été condamnée à trois mois de prison aux travaux forcés pour vagabondage. Et lui, ce goglu qui est la cause de tout ce mal, on lui permet de continuer à « faire le mosieu ». On punit la victime et on récompense le coupable! 1888, Le Progrès de l’Est, Sherbrooke, 3 avril, p. [2].
Tu sais que j’aime à rire, que j’suis pas rancunier, Mais tout l’mond’ peut t’dire qu’j’aim’ pas à m’fair’ maganner, Aussi, quand d’leur bouillotte, Ils m’ont fermé la porte, J’me suis dit: mes goglus, R’gardez bien mon menu. 1937, A. Bourgeois, Voyage autour du monde de Joson et Josette, 28 février, p. 6 (chanson; radio).
Tout de même, donner six mille lots de cent acres en échange de cinq cents, et en plus assurer le pillage de ces cinq cents lots c’était de la belle besogne. Ces goglus ne devraient pas dévoiler ça quand bien même ça ferait longtemps que c’est passé. 1941, Le Guide, Sainte‑Marie (Beauce), 29 octobre, p. [4].
Y faudrait que nous autres on fasse pareil et qu’on se tanne une fois pour toutes et qu’on arrête de se faire baver dans la face par tous les ceusses qui risent de nous autres. Moi, je sais quoi c’est faire la prochaine fois qu’un goglu de Toronto ou d’ailleurs y essayera de m’éceourer [sic, écœurer]. J’appelle direct le général De Goal sans passer par Ottawa (t’es averti, Trudeau), et je le ramène au Forum et là le Grand Charlie y va lever ses grandes baguettes en l’air et y va leur dire, à ma gang de têtes carrées : Vive le hockey libre… […]. 1968, La Patrie, Montréal, 24 mars, p. 64.
Rareadj.
Josette : Ah! ah! vieux chenapan, vieil effronté! Et qu’est‑ce que tu dis de ce papier que j’ai trouvé dans tes poches? [...] Non, mais ça prend‑il un vieux grigou pour écrire des choses de ce poil‑là à une p’tite créature qui habite à l’autre bout du pont d’Ottawa. Ah! le vieux singe. (elle lit, d’une voix de plus en plus mordante [la lettre, pleine de promesses, que Joson destinait à une jeune admiratrice]) [...] Non, mais y a‑t‑il du bon sens d’être goglu à ce point‑là? 1936, A. Bourgeois, Voyage autour du monde de Joson et Josette, 29 novembre, p. 1‑2 (radio).
– Te souviens‑tu, dans l’temps de la drave, si on en voyait de la pitoune? – Certain. On était bien plus trimbaleux qu’aujourd’hui, quand le vent nous silait dans les oreilles pis qu’il fallait sortir de notre ouache [= cache], avec notre égoïne. – Oui, m’sieur. On avait pas peur de se maganer… mais les fois qu’on prenait un p’tit coup de caribou, ça nous arrivait d’être un peu chaudasse… […] – Mais, t’étais un beau tocson dans le temps, hein mon vieux snoreau? – J’étais pas plus goglu que toi… 1958, M. Lebel, Le Bien public, Trois‑Rivières, 5 décembre, p. 4.
n. m. Vieux Personne aimant rire. (Clapin).
n. m. Rare Appellation familière à l’adresse d’un enfant.
Rem.Aussi attesté comme sobriquet; p. ex., le personnage Goglu dans la pièce du même nom de J. Barbeau, créée en 1970.
Mon petit goglu!
Notre père nous interpellait parfois en nous disant : « toi mon espèce de goglu attends un peu ». Voulait‑il nous féliciter ou plutôt nous manifester sa réprobation? 2012, J. Léveillé, Journal de Montréal (site Web), 4 avril.
n. m. Région. (Beauce) Goulu, glouton.
Un vré goglu, i mange comme deux c’t homme‑là. 1977, M. Lorent, Le parler populaire de la Beauce, p. 84.
n. m. Oiseau d’Amérique qui fréquente les lieux couverts d’herbes hautes et dont le mâle, en été, est connu pour son plumage fortement contrasté (tête et parties inférieures noires, nuque ocre et dos blanchâtre), ainsi que pour son chant singulier et enjoué (Dolichonyx oryzivorus).
2009, Dobak, Goglu [photo], CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dolichonyx_oryzivorus_Dobak.jpgRem.1. Dans ce sens, chez les ornithologues, parfois écrit avec une majuscule : Goglu. 2. Cet oiseau est parfois appelé ortolan de riz (voir ortolan). Son appellation officielle, selon la Commission internationale des noms français des oiseaux (CINFO), est goglu des prés. En France, certains dictionnaires encyclopédiques l’enregistrent sous son nom anglais de bobolink.
Le rossignol même est un exemple de l’injustice de nos versificateurs; grâce à eux il se pavane, fait le difficile, et ne chante que lorsque l’idée lui en prend et l’idée lui en prend rarement, tandis que le pauvre goglu, si négligé que son nom n’a peut-être jamais orné la moindre poésie, fait de son mieux pour plaire, chante sur tous les tons, se pare en vain des plus belles couleurs! Ô injustice des hommes vis‑à‑vis des petites bêtes! 1844, Le Fantasque, Québec, 1er juin, p. 181.
Aux suaves harmonies du rossignol se mariaient le gazouillement du goglu et au bêlement lointain des troupeaux dispersés dans les vastes prairies; mille exhalaisons parfumées embaumaient l’air; toute la nature semblait enivrée d’amour et d’ambroisie. 1854, [H.‑É. Chevalier], La vengeance d’une Iroquoise, La Patrie, Montréal, 26 septembre, p. 1.
Le Goglu est célèbre, sinon pour la douceur, du moins pour la bizarrerie, et l’étendue de son chant. On distingue très bien le mâle, le printemps et l’été par le blanc couleur de crème qu’il a sur la tête, sur les ailes et sur le croupion. Peu de prairies, peu de champs de foin en Canada au printemps, qui ne contiennent le nid de deux ou trois couples de Goglus. […] Planant au dessus du pré verdoyant […], il donne libre cours à une mélodie dont les notes, rapides, liquides, saccadées, joyeuses ressemblent au chant réuni de plusieurs oiseaux de la même espèce. Une personne qui toucheraient [sic] au hasard et rapidement les clefs hautes et basses d’un piano, tout en tirant autant de sons hauts et bas que possibles, donneraient une idée faible mais approchante du thème musical du Goglu, à coup sûr l’un des musiciens les plus connus et les mieux appréciés en Canada. 1861, J. M. LeMoine, Ornithologie du Canada, p. 275.
Pendant l’été de 1652, – si je nourrissais la moindre prétention au beau style de certains romanciers, – je dirais : par une belle matinée d’été, éclairée par un soleil ardent, dont les rayons de feu doraient la surface endormie du St. Laurent, tandis que les oiseaux chantaient, perchés sur les branches flexibles des érables au feuillage épais, et que les goguelus voltigeaient dans la prairie émaillée de fleurs odorantes, etc., etc. […]. 1862, L’Écho du Cabinet de lecture paroissial de Montréal, 1er mai, p. 203‑204.
Le goglu, au printemps et en été, est un oiseau qui fréquente les champs de foin et de trèfle. On peut le voir tous les jours d’été, perché sur une clôture du voisinage ou s’élançant dans les airs en frissonnant des ailes et faisant entendre son chant extatique. […] Au moment de quitter le Canada pour ses quartiers d’hiver en Amérique du Sud, il s’arrête quelque temps dans les champs de riz des Carolines où il est reconnu non pas comme le goglu, gai chanteur, aimé de tous tant pour des raisons pratiques que sentimentales, mais comme l’ortolan de riz qui s’abat par milliers sur les récoltes et devient le fléau de l’agriculteur. 1920, P. A. Taverner, Les oiseaux de l’Est du Canada, p. 164.
[...] le Goglu ne cherche pas à se cacher au printemps. Il a d’autres soucis en tête. Il lui faut chanter son bonheur, réclamer un territoire, se mettre en ménage. À ce moment il déborde de vie et la prairie où il a choisi de s’arrêter, si grande soit-elle, ne peut contenir son cœur. Comme celui de l’Alouette hausse-col le ciel lui-même a peine à le loger. Le Goglu s’y élance fréquemment pour y égrener son chant très personnel, vibrant comme le cristal heurté, véritable cascade de notes claires et joyeuses. 1940, Cl. Mélançon, Charmants voisins, p. 134.
J’ai longuement observé le vol plané des goguelus vers des pistes d’atterrissage improvisées dans les champs. Les grands jets ne font pas mieux sur les pistes de 10,000 pieds. 1967, Le Soleil, Québec, 8 juin, p. 39.
Un tel artiste vocal suscite bien sûr les éloges. Arthur Bent écrira : « Le chant du Goglu, c’est un délire bouillonnant de musique envoûtante qui fuse du gosier de l’oiseau comme un vin pétillant. » Un autre Américain exprime ainsi son ravissement : « Le chant est une folle et nonchalante fantaisie, une irrésistible irruption d’allégresse. » 1992, P. Morency, Lumière des oiseaux, p. 124.
M. Grondin peint les oiseaux depuis 30 ans. Chaque semaine, il marche dans la nature. Armé de jumelles, il les observe. Il imprime leurs couleurs et leurs mouvements dans sa tête et les reproduit sur ses toiles. Aujourd’hui, il a le vague à l’âme. Le goglu se fait de moins en moins voir et entendre, constate le peintre, connu mondialement pour la précision et la vivacité de son coup de pinceau. 2000, La Presse, Montréal, 11 novembre, p. B3.
Le Goglu des prés mâle peut en confondre plusieurs en automne. De l’oiseau noir avec une large bande alaire blanche, un croupion blanc, et une nuque d’un beige chamois, il se transforme en un oiseau généralement jaune avec des rayures noires sur le dos et les flancs et deux bandes noires ou brunes sur la tête. Il ressemble alors à la femelle de l’espèce. 2020, Journal des voisins.com (site Web), vol. 9, no 6, p. 30.
À la confluence de la rivière Châteauguay et du fleuve Saint-Laurent se trouve l’un des milieux naturels les mieux conservés de l’archipel d’Hochelaga. En plus de ses milieux humides que fréquentent canards et échassiers, comme le grand héron et le petit blongios, ce bout de terre compte aussi de vastes prairies où virevoltent le goglu, le tyran tritri, le merlebleu et d’autres espèces. 2021, Châtelaine (site Web), Montréal, 27 juillet.
Fig. Bon chanteur (GPFC).
Bertrand. – Qui nous aide à rester bons garçons et nous éloigne des compagnons dangereux? C’est maman! Robert. – Qui est bien contente quand j’arrive premier en classe? C’est maman! André. – Voilà qui est bien. Mais pourquoi ne pas y ajouter la jolie chanson « maman » qui est bien de circonstance? Bertrand. – Tope‑là. Ton idée, André, est épatante. Je propose que Jacques, notre petit goglu, en chante les couplets. Tous. – Oui, oui. À toi, Jacques. 1945, L’Abeille, Laprairie, mai, p. 268.
Goglu, gogluse, Raregoglue n. Fig., vieuxPersonne qui dirige le journal Le Goglu, le finance ou y collabore; personne qui embrasse les idées politiques d’extrême-droite véhiculées par les fondateurs de ce journal.
adj. Relatif aux idées politiques promues par les fondateurs de ce journal, au mouvement qu’ils ont animé et à ses adhérents.
Rem.Le nom est parfois écrit avec la majuscule : Goglu, Gogluse, Goglue.
Quand un Goglu ou une Gogluse sont mal pris, ils sont heureux d’être défendus par Me J.‑Antonin Lepage. 1929, Le Goglu, Montréal, 8 août, p. 7 (annonce).
[…] M. Camilien [sic] Houde, maire de Montréal, et chef de l’opposition « goglue », a refusé la discussion à l’assemblée de Sainte-Julienne où se trouvaient les deux ministres qu’il devait terrasser et annihiler. 1929, L’Union des Cantons de l’Est, Arthabaskaville, 14 novembre, p. [1].
M. Taschereau, lui, premier ministre de la province, l’homme poli et si délicat qui n’insulte personne, lui, neveu du cardinal, fils de juge, et petit‑fils de seigneur a répondu que Houde est le chef des « goglus » et que les « goglus » suivent les chevaux pour picorer dans leurs excréments. 1929, Le Devoir, Montréal, 15 novembre, p. 2.
L’immense « cage » de la salle Saint-Pierre [à Québec] était impuissante à contenir tous les « goglus » et « gogluses » qui auraient voulu assister au discours de quelques chefs de leur espèce. La cage était remplie de « goglus » de tous les calibres et de toutes les classes. Le barreau, la médecine, la comptabilité, le notariat, le génie forestier, l’arpentage, même la gent étudiante avaient des représentants « goglus ». On a vu également un « goglu » aviateur, célèbre par sa chasse aux marsouins… 1930, Le Devoir, Montréal, 14 mars, p. [3].
Orateur d’une personnalité hors de l’ordinaire, le jeune chef de l’opposition gogluse au gouvernement Taschereau a été l’objet de plusieurs ovations spontanées au cours du ralliement d’hier. […] Les applaudissements éclatèrent presque continuellement durant les discours de MM. Arcand et Joseph Ménard, éditeurs des journaux préconisant la politique gogluse. 1930, Le Droit, Ottawa-Hull, 27 mars, p. [4].
Les houdistes [= partisans de Camillien Houde] ont perdu la première manche [titre] Ils ne mettent que 30 candidats dans 35 quartiers [sous-titre] Les embêtements que causa la faction « goglue » [chapeau] 1930, L’Autorité, Montréal, 30 mars, p. [1].
Dans une analyse de la situation du judaïsme en divers pays et notamment au Canada que publie le dernier numéro [de la revue B’nai Brith, éditée à Cincinnati], nous lisons : « […] Avec l’assistance de journaux d’expression française comme le Devoir, le Canada et le Patriote, Chalifoux et ses associés du mouvement goglu ont entrepris une campagne systématique contre les Juifs ». 1934, O. Asselin, L’Ordre, Montréal, 18 mai, p. [1].
Il n’y a pas très longtemps la cinquième colonne a tenu réunion à la résidence du dénommé R. C., à Giffard. Étaient présents la patriotard N. D., l’ami des « goglus » F. D., le funambulesque R. C., le crache-dessus E. G., quelques autres finauds bien connus dans la région […]. 1942, Le Jour, Montréal, 27 juin, p. 2.
Il y a eu au Canada avant la guerre un Parti social chrétien qui était dirigé par Adrien Arcand, Joseph Ménard et autres goglus dont on connaît l’action néfaste dans notre démocratie. 1947, Le Canada, Montréal, 2 août, p. 4.
NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE
Avec Joseph Ménard, le journaliste et homme politique d’extrême-droite montréalais Adrien Arcand fonde le journal satirique Le Goglu en 1929. L’hebdomadaire, publié de 1929 à 1933, devient rapidement une courroie de transmission d’opinions politiques extrémistes, racistes et anticommunistes. Le symbole du journal et de ses fondateurs est l’oiseau du même nom (voir sens 2). Si Le Goglu est d’abord financé par Camillien Houde, candidat du Parti conservateur à la mairie de Montréal, ce dernier désavoue toutefois ce journal peu de temps après son élection en avril 1930, à l’occasion d’un différend profond concernant la création d’une commission scolaire juive à Montréal, réforme appuyée par Houde, mais condamnée violemment dans Le Goglu. Arcand, dont le pseudonyme est Émile Goglu, est un antisémite notoire, un partisan du fascisme et un sympathisant d’Adolf Hitler. En 1929, Arcand prend part à la fondation de l’Ordre patriotique des goglus, qui constitue un groupe de pression ultranationaliste canadien-français et qu’il dirige jusqu’en 1934. Les membres et partisans de cette organisation sont qualifiés de goglus et de gogluses. Arcand dirige le Parti national social-chrétien de 1934 à 1938, puis le Parti de l’unité nationale du Canada, duquel il a été à la tête de façon intermittente, de 1938 à 1967, l’année de sa mort.
Sources : V. A. Horrall (1999), R. B. Bennett, la poste et l’affaire Goglu, Cap‑aux‑Diamants, (56), 53‑53; G. Martin (2013), Dictionnaire des onomastismes québécois, 76; J. Tremblay (2015), La contribution des conservateurs à la longue survie des organisations fascistes d’Adrien Arcand : un élément d’explication, Globe, 18(1), 47‑64.
Gogluant, gogluante n. et adj. VieuxGoglu (sens 3); relatif aux goglus.
Si nous étions à la place du chef gogluant, nous aurions honte de porter la responsabilité indirecte des vulgarités et truculences contenues dans ces feuilles ignobles, composées par des inconscients ou des cerveaux surchauffés. […] Nous n’avons pas à défendre ici l’exécutif de Montréal, bien qu’il ait à combattre M. Houde, mais nous voulons montrer la facilité de mensonge que possèdent les houdistes et gogluants. 1930, Le Soleil, Québec, 12 mars, p. 4.
L’Académie des Saints-Anges regorgeait de monde : une forte partie de l’électorat de Delorimier devait être là. L’assemblée a été animée, enthousiaste, mais nullement tumultueuse; il devait s’agir des gais « goglus » et non des monstrueux « gogluants » dont parle M. Mercure. 1930, Le Devoir, Montréal, 22 mars, p. 3.
Les lettres-patentes du Secours Mutuel sont produites. On y voit les promoteurs suivants : […] Joseph Ménard, publiciste (de gogluante mémoire) […]. 1941, Le Canada, 14 août, p. 5.
Gogluiste adj. VieuxRelatif aux goglus (sens 3).
Rem.Les pages du Goglu renferment plusieurs autres dérivés du mot goglu, tels que gogluade, gogluer, goglusien et engogluée, dont l’usage éphémère est demeuré limité à cette publication (voir FTLFQ).
Pour une défaite, c’en est une. C’est même une déconfiture comme jamais chef oppositionniste ou gogluiste n’en a connue. Vraiment M. Houde peut parler fort, mais le bon sens du peuple est plus sonore encore. 1929, L’Union des Cantons de l’Est, Arthbaskaville, 7 novembre, p. 5.
La soirée a été paisible. Deux interrupteurs ont voulu manifester leur opposition au programme gogluiste, mais ils furent expulsés automatiquement. Ils se vengèrent en jetant dans la cage des boules puantes « H2S ». Heureusement que cet acte n’eut pas de suite. Grâce à leur résistance naturelle et à l’aération, les « goglus » résistèrent tous. 1930, Le Devoir, Montréal, 14 mars, p. [3].
M. Joseph Ménard est le premier Goglu à ouvrir le feu! Brrr! de la campagne Gogluiste. Il s’attendait à recevoir des briques… et pourtant l’assistance fut des plus paisibles. Il faut avouer que la population de St‑Hyacinthe n’a pas à recevoir des « Goglus » des leçons de politesse. Si M. Ménard prend St‑Hacinthe pour des gens aussi polissons que les baveux qui rédigent les feuilles gogluistes […], il a dû constater que ces « briques » […] furent façonnées dans sa seule imagination […], car les personnes qui assistaient à cette réunion ont laissé pleine libertée [sic] de paroles aux orateurs gogluistes. 1930, Le Clairon, Saint-Hyacinthe, 20 juin, p. [1].
Histoire
1Depuis 1838. Dérivé de l’ancien français gogue « plaisanterie, raillerie » et du suffixe ‑u avec [l] de transition (v. TLF, s.v. goguelu et goguette), le mot goguelu, ou goglu, a eu cours en français de France du XVe au XIXe s., le plus souvent orthographié goguelu et, au féminin, goguelue (prononcé [gɔgly], v. TLF) (v. FEW gog‑ 4, 187a). Les dictionnaires français l’enregistrent surtout en tant qu’adjectif (v. Godefroy, Fur, Académie 1694, Trévoux 1704‑1771, TLF), mais parfois en tant que substantif (v. Nicot, Boiste 1808) ou comme adjectif et substantif (v. Huguet). On le présente généralement comme bas, populaire ou burlesque (v. Fur, Académie 1694, Trévoux 1704‑1771, TLF) et dans des sens à valeur tantôt dépréciative (Godefroy : « vain, glorieux, fat, présomptueux »; v. aussi Huguet et TLF), tantôt neutre ou méliorative (Boiste 1808 : « fier de ses richesses »; Académie 1694 : « Qui aime à se réjoüir »; Huguet : « Joyeux, plaisant, gaillard »), tantôt ambivalente (Fur et Trévoux : « Qui a du bien, qui est à son aise; ce qui le rend glorieux ou insolent »). Relevé par ailleurs dans bon nombre de parlers d’oïl, notamment dans les parlers normand (faire le goglu « faire l’important », gog’lu « hautain et vantard », goguelu « railleur, ricaneur »), picard (« présomptueux »), champenois (goguelu, goglu « plaisant, railleur, mystifié, ébahi ») et de la Flandre française (« mauvais plaisant ») (v. FEW id.; CorblPic, s.v. goglu; TarbéChamp, s.v. goguelu, goglu). La variation sémantique de goguelu, ou goglu, en France, dont les contours sont plus ou moins flous, s’est transposée dans une certaine mesure en franco-québécois, comme l’exprime Dunn en 1880 : « [goglu] a un sens difficile à préciser. ‛Vous êtes un fier goglu’, sig., suivant le ton, Vous êtes un aimable plaisant, ou Vous êtes un indigne hâbleur ». Comme appellation familière appliquée à un enfant ou comme sobriquet, depuis 1912 (BPFC 10/6, p. 231); du sens 1, avec influence possible du sens 2 (cp. le sobriquet la mère Goguelu, qui se dit, dans le parler bourguignon, d’une personne chargée de paquets, v. FEW id.). Goglu « glouton » a été relevé dans le parler de l’île anglo-normande de Jersey (« gourmand », v. LeMJers, s.v. goguelu, où cet emploi est mis en rapport avec le mot goulu); à rapprocher du sens « homme qui a double menton, & qui est fort gras » (Fur, s.v. goguelu) et celui d’« homme replet », relevé dans des parlers du Centre de la France (v. FEW id.). 2Depuis 1840 : Mais il paraît que les braves habitants des campagnes où j’avais erré n’étaient point pour le moment plus heureux que moi; car je ne pus trouver ni canard, ni bécassine, ni même le plus maigre goglu (N. Aubin, Le fantasque, Québec, 21 septembre, p. 318). Découle du sens 1, sans doute en raison du chant riche et extravagant de cet oiseau qui aurait évoqué le comportement d’un individu hâbleur et aimant se faire valoir, ou plutôt celui d’une personne rieuse et habile à jouer des tours. Au sens de « bon chanteur », depuis 1912 (v. BPFC 10/6, p. 231). 3Depuis 1929; le féminin gogluse (depuis 1929) est formé par analogie plaisante avec des formes féminines d’adjectifs et de substantifs en ‑us (camuse, infuse, obtuse, percluse, recluse, etc.). Du nom du journal Le Goglu et du pseudonyme (Émile Goglu) d’un de ses fondateurs (A. Arcand), lequel est utilisé par toute l’équipe de rédaction (v. M.‑S. Tremblay, 2015, p. 41; v. aussi G. Martin, 2013, s.v. Goglu, Le). À rattacher au sens 1, pris au sens de « railleur, mauvais plaisant », avec influence du sens 2 sur le plan représentatif. Gogluant, depuis 1930. Gogluiste, depuis 1929.