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FRAPPE-À-BORD [fʀapabɔʀ]
n. m. invar.

Rem.

Variantes graphiques : frappe à bord; (plus rarement, portant parfois la marque du pluriel) frappe‑abord, frapabord, frappabord.

1

Nom donné au taon (fam. des tabanidés), en particulier aux espèces de petite taille (genre Chrysops) dont les ailes sont généralement marquées de taches foncées.

Se faire piquer par un frappe‑à‑bord.

 mouche (sens I.B.1); taon (sens 2).

À part les brulôts, variété perfectionnée de maringouins, il existe une espèce de mouches très cruelles que les cultivateurs du Saguenay nomment des frappe-à-bord ou frappe-à-mort. Ces guêpes s’acharnent avec une telle rage sur les chevaux qu’elles les mordent au point de faire couler le sang à travers le poil de l’animal [qu’elles] rendent furieux de douleur. 1882, E. Myrand, Sur le chemin du lac St‑Jean, Le Canadien, Québec, 25 août, p. 2.

Nous traversons l’estuaire pour aborder l’autre rive. Le sable s’étend au loin en lignes de dunes alternant avec des vallécules abritées. Il faut marcher au milieu d’un nuage de mouches noires qui luttent contre le vent et cherchent l’abri de nos nuques. Comme si ce n’était pas assez, les moustiques et les terribles frappe-abord se joignent aux mouches noires pour nous harceler et pousser à bout notre patience. 1926, frère Marie-Victorin, Almanach de l’Action sociale catholique, p. 26.

Bien que mal entraîné à la rude vie des coureurs de bois, il doit oublier ses propres fatigues pour s’occuper de Jeannine encore moins bien préparée à affronter les marches en forêt, les crampes de canot et surtout les terribles moustiques du Canada, les brûlots, maringouins, mouches noires et leurs féroces parents les « frappe à bord », ceux‑là, prétend‑on, qui après avoir enlevé le morceau de chair, vont le déguster sur une souche voisine. 1928, Cl. Mélançon, Par terre et par eau, p. 98.

Il faut remarquer que les moustiques ont, eux aussi, leurs heures de sommeil et de travail; les maringouins (ceux qui chantent) sont à l’œuvre de 3 heures à 9 h. a.m. par temps clair; par temps sombre et pluvieux, ils travaillent jusqu’à 9 heures de l’après-midi, sans relâche. À 9 h. du matin, les mouches noires qui ont une tache blanche sur les ailes, les « frappabords » s’amènent. Les brûlots prennent leur tâche en même temps et au bout d’une heure disparaissent pour revenir le soir de 4 h. à 6 h. 1938, Le Progrès du Saguenay, Chicoutimi, 9 juin, p. 2.

Nous n’avons pas écrit sur ces charmants compagnons que sont les moustiques! Comme l’an passé, ils étaient au rendez-vous, toujours aussi agressifs. Mais depuis deux ans, ils se heurtent à des produits nouveaux que l’industrie a savamment inventés pour les faire fuir. C’est heureux pour les campeurs car les maringouins, les brûlots et les « frappe-à-bord » gâtent la vie en plein air. 1960, Le Soleil, Québec, 27 août, p. 27 et 29.

Aujourd’hui les vaches sont sur le flanc. Couchées toutes trois ainsi que leurs veaux. A ne rien faire qu’à se laisser délivrer par le vent chaud des mouches, taons et frappe-à-bord. [...] Je ne les avais jamais vues jusqu’ici que se grattant d’une patte, se grattant de l’autre, la queue en moulinet, les oreilles agitées, le dos parcouru de tressaillements, en état de défense tout le temps contre les insectes qui les torturent. 1972, G. Roy, Cet été qui chantait, p. 115.

En sortant du taxi, la dame échappe son loup noir et on voit sa figure un instant. C’est comme un éclair. Ça m’aveugle. Elle replace vite le masque sur les yeux bleu foncé. Les épaules nues et les seins presque autant, la voyez-vous? Des gars se mettent à siffler et ça me tourne autour de la tête comme des frappabords, ces grosses mouches à chevreuil. 1973, J.‑J. Richard, Centre‑ville, p. 20.

Ah oui, les frappe-à-bord, ça, c’est…c’est une mouche! C’est gros, ça, les frappe-à-bord. 1980, Saint-Mathieu (Saint-Maurice), AFEUL, S. Fournier 16 (âge de linformateur : n. d.). 

Si je refaisais ma vie, j’entreprendrais une étude de doctorat sur la diversité des bibittes que l’on retrouve sur le nez des voitures en été. Papillons, mouches noires, brûlots, mouches à chevreuil, frappes à bord, libellules, maringouins, je ferais des cohortes, des types et des classes, je concevrais un programme et tirerais des conclusions. Certaines bibittes meurent sans le vouloir. Elles ne tiennent pas à se faire écraser mais il arrive qu’une voiture les frappe inopinément. 2001, S. Bouchard, Le Devoir, Montréal, 13 août, p. A1.

Mais mon fils, un ingénieur forestier, me raconta qu’un jour, dans un champ, lui et son compagnon de marquage furent attaqués par des centaines, voire des milliers de mouches à chevreuil, les damnés « frappe-à-bord » (ou frappe-d’abord). Ce ne fut qu’une course effrénée vers leur véhicule qui les sauva in extrémis. Les frappe-à-bord sont plutôt insensibles aux insectifuges. Affamés, ils peuvent très bien mordre à travers les vêtements. […] Le frappe-à-bord tournoie et vire et fait du vacarme. C’est plus le zignage incessant et finalement infernal qui oblige sa victime à faire quelque chose que la morsure elle‑même. Mais si par hasard un frappe-à-bord mord, c’est sérieux […]. Lorsque le frappe-à-bord produit son méfait, ça fait mal, peut-être moins qu’une piqûre de guêpe, mais… 2010, J. Désy, L’Esprit du Nord, p. 124‑125.

Au cours des derniers étés, nous avions l’habitude d’aller en France et, sur notre trajet, nous passions quelques jours avec des amis qui habitent la Bretagne, plus précisément le Morbihan. Or, cette année, ce sont eux qui nous rendent visite et nous aurons le plaisir de leur faire découvrir notre belle région, de les gaver de sirop d’érable, de poutine et de crèmaglace molle, de les voir se battre avec les maringouins, les brûlots et autres « frappe-à-bord » sanguinaires, de leur apprendre de belles expressions d’ici […]. 2011, Beauce média, Sainte-Marie, 21 juillet, p. 8.

Vous auriez probablement ressenti de la nausée en nous voyant surgir sur les berges du Saint-Laurent : une nuée de frappabords, en une seule main sombre et vorace, caressant les herbes hautes au lever du soleil. 2024, M. Gagné, Frappabord, p. 31.

 (Variante principale). Vieilliou région.(Surtout dans le nord de la grande région de Montréal, en particulier dans la région des Laurentides, voir PPQ 1567). Frappe‑d’abord.

Rem.Variante graphique : frappe d'abord.

Mais le plus grand supplice sans lequel tout le reste ne serait qu’un jeu; mais ce qui passe toute croyance, ce que l’on ne s’imaginera jamais en France, à moins qu’on ne l’ait expérimenté, ce sont les maringouins, c’est la cruelle persécution des maringouins. La plaie d’Egypte, je crois, n’était pas plus cruelle […]. Il y a ici des frappe-d’abord; il y a des brûlots; ce sont de très-petits moucherons, dont la piqûre est si vive ou plutôt si brûlante, qu’il semble qu’une petite étincelle est tombée sur la partie qu’ils ont piquée. […] il y a des guêpes, il y a des taons; il y a en un mot omne genus muscarum : mais on ne parlerait point des autres sans les maringouins : ce petit animal a plus fait jurer depuis que les Français sont au Mississipi, que l’on n’avait juré jusqu’alors dans tout le reste du monde. 1727, Lettre du père du Poisson, The Jesuit Relations and Allied Documents, vol. 67, p. 292.

Pour nous autres, nouveaux voyageurs dans ce Nouveau Monde, à peine eûmes-nous souper comme nous pûmes, avec notre viande ainsi cuitte, que nous fûmes nous coucher sous un berre. C’est une toille au moin de 12 aulnes, avec laquelle on couvre un berceau fait de perches pliés qui enveloppe votre lit de campagne. Sans cette précaution on ne pouroit dormir et l’on souffriroit beaucoup par l’importunité et piquures de plusieurs insectes, comme des maringuoins ou « cousins », des moustiques, ou petittes mouchés nommé des « frape d’abord », ou des « tons ». 1747, J.‑F.‑B. Dumont de Montigny, Regards sur le monde atlantique : 1715‑1747, 2008, p. 111.

[…] nous partimes le 4 [juillet 1757] pour Carillon […], nous fumes campér ce jour la à la pointe aux Fers a 11 lieues du fort St. Jean et 2 lieues dans le lac Champlain, je remarquay en cet endroit une quentité extraordinaire des mouches à feu. Le 5 juillet, le lac étant trés agitté par un gros vent nous ne partimes qu[’]a 10 heures qu[’]il êtoit un peu apaizé, nous fïmes 9 lieues et campames à la pointe Skononton[,] d’où nous partimes a minuit pour nous tirér du marthyre des insectes qui nous devoroient; moustiques, frapedabord [sic], maraingoiens, bruleaux et cousins y êtoient aussi épaix que l’air. 1793 env., J.‑B. d’Aleyrac, Campagne et quartiers d’hyver de 1757, Suitte des Mémoires militaires de la guerre, campagnes et remarques faites en canada ou la nouvelle France (ms.), BAnQM, Fonds Jean Baptiste d’Aleyrac (ZF8), image 34.

C’est de ce grouppe d’Iles situées à l’entrée du Lac St. Pierre, près de Sorel, que partent, de temps en temps, ces innombrables Colonies que vous avez vues répandues dans les différentes parties du Canada. Ce sont les Iles aux Maringouins enfin, qui fournissent, depuis un temps immémorial, à ces bruyantes et incalculables émigrations. […], ces Iles, qui jusque‑là avaient appartenu à différents peuples, tels que Brulots, Frappe-d’abord, Moustiques, &c. furent soumises par les Maringouins, peuple belliqueux, entreprenant, et le plus nombreux de tous ceux qui, comme eux, habitaient cet Archipel. 1816, Ma Saberdache, no IX, La Bibliothèque canadienne, avril 1827, p. 181.

Il est vrai que c’est par curiosité que notre mère Eve mangea le fruit défendu. Avec le résultat qu’il nous est désormais interdit de passer nos journées à nous promener dans le jardin d’Eden [...]. Au lieu de cela, du fait de notre première mère nous habitons les rives du Saint-Laurent, mangeons notre pain à la sueur du boulanger et sommes soumis aux attaques des bêtes féroces telles que moustiques, brûlots, frappe-d’abord et inspecteurs du Revenu. 1965, Ringuet, Confidences, p. 83.

 Par ext., Région.et vieuxNom donné au hanneton.

Tous les coléoptères sont généralement des barbeaux, et à part [...] nos hannetons (Lachnosternes) qu’en certains endroits on nomme frappe-d’abord, je ne sache pas qu’il y ait un seul autre qui porte un nom particulier. 1876, L. Provancher, Le Naturaliste canadien, vol. 8, no 2, p. 44.

 (Variante secondaire). RareFrappe(‑)à(‑)mort. (Voir ex. de 1882, cité sous le sens 1).

La misère, c’était aussi certains ennemis insaisissables et multiples : maringouins, brûlots, frappe à mort. Pour se protéger, les chasseurs allumaient le soir des feux de bois pourri ou de feuilles en décomposition et « se graissaient le visage et les mains avec une couène de lard boucané ». 1973, N. Lafleur, La vie traditionnelle du coureur de bois aux XIXe et XXe siècles, p. 194.

(Pour la variante frappe‑d’abord). Sous le Régime français, surnom donné à des soldats affectés à la défense de la colonie.

Rem.Sur les hommes ainsi surnommés, voir Dictionnaire généalogique des familles canadiennes, vol. 1, 1871, p. 241, art. sur Frapped’abord dit Quesdra, soldat de M. Dumesny; vol. 1, id., p. 505, et vol. 6, 1889, p. 481, art. sur François Quesdra, soldat de la compagnie de Duluth; vol. 4, 1887, p. 207, note 1, art. sur Jean Gaultier, soldat de la compagnie de Saint‑Martin; vol. 5, 1888, p. 261, art. sur Jean-Baptiste Leduc; vol. 7, 1890, p. 168, art. sur Esprit Senet, soldat de M. de Latour; voir aussi R. Jetté, Dictionnaire généalogique des familles du Québec, 1983, p. 442, art. sur un soldat de la compagnie de Dumesny, et p. 804, art. sur Martin Meunier, soldat de la compagnie de Grandville; voir enfin BRH, vol. 43, 1932, p. 358).

Le procureur general du Roy joinct a l[’]encontre de Martin Minier d[i]t Frapedabord[,] soldat de la compagnie dalogny [= d’Alogny][,] prisonnier es [= ès « dans les »] prisons Royaux de cette ville accuse d’avoir volle plusieurs choses dans les magazains du Roy, par lequel le Cons[ei]l a declaré les procedures faites a l[’]encontre dud[i]t Frapedabord nulles et ordonné qu[’]elles seroient recommancées pardevant MFrançois Mathieu Martin Delino[,] conseiller commis à cet effet […]. 1712, Ordre de procéder au récolement des témoins dans la cause de Martin Minier dit Frapped’abord […], 7 mars, AnQ, Fonds Conseil souverain (TP1, S28, P9290), p. 1.

[...] le nommé frappedabore qui possede Trois arpens front sur lad.e profondeur chargés des mesmes Cens et rentes lequel n’a q’une maison et sept arpens de terre Labourable. 1725, Revue d’histoire de l’Amérique française, 1949, vol. 2, no 4, p. 587.

 (Comme sobriquet). Plais.

M. Frappe-D’abord […] avait la manie, surtout lorsqu’il n’avait plus soif, de faire de la gymnastique à coups de poings et de pieds d’une manière désobligeante pour ceux qui se trouvaient sous sa main. […] il fallait qu’il se délassât par une grêle de taloches. 1876, Le Courrier du Canada, Québec, 17 novembre, p. [4].

 (Hapax). Affidé d’une figure politique qui harcèle les opposants de celle‑ci.

Oh! Le bon Mr. Armstrong, après avoir fait lire neuf fois ses règlemens de Police à la porte de l’Eglise, après les avoir fait homologuer, après avoir lâché ses frappe-d’abord sur ceux qui ne lui témoignent pas obéissance passive à cet égard, il ne veut pas qu’on les mette en force. Qu’il est généreux, c’est un saint[,] l’ami de tout le monde d’abord, sans lui vous seriez tous mis à l’amende disent ses frappe-d’abord aux pauvres villageois ou vous quitteriez la place. Aimez‑le donc. Les frappes-d’abord [sic] ne disent pas que si l’homologation eut été exécutée, 15,000 électeurs venaient sommer Mr. Armstrong de donner sa résignation […]. 1843, L’Aurore des Canadas, Montréal, 14 octobre, p. [2].

2

Fig.vieilliIndividu fanfaron, prétentieux, vantard; individu batailleur, frondeur, querelleur.

Un moyen, un vrai frappe-à-bord.

Faire son frappe-à-bord, le fanfaron.

Agacés par ce spectacle qui rempironnait toujours, tous les hommes s’emparèrent alors de l’arsenal de la cuisine, tisonnier, balais, fourchettes, lavettes, cuillères-à-pot et crachoirs, puis sortirent de la maison en criant comme des morts, où il s’en suivit un ratapia épouvantable, qui ne fut pas un échange de douceurs. […] Contre ce nouveau renfort, la résistance fut impossible, et malgré leur bravoure, les frapabords succombèrent sous le nombre de leurs adversaires. Ils abandonnèrent la partie, trouvant la soupe trop chaude, et s’empressèrent de décamper […]. 1907, Le Canard, Montréal, 30 juin, p. 6.

Les journaux ont dernièrement fait beaucoup de réclame pour Carpentier du fait que ce dernier a démoli douze « punching bags ». Dempsey se contente actuellement de démolir des entraîneurs qui ne sont pourtant pas des « frappe à bord ». De douze pugilistes qui sont venus au camp du champion je suis le seul qui ait tenu bon jusqu’aujourd’hui. 1921, La Tribune, Sherbrooke, 18 juin, p. 10.

Su’l’Ottawa, on s’amusait, nous autres, un peu moins, rapport qu’il est bon d’vous dire qu’y avait là trop d’englishs et d’Irlandais dans les campes et qu’on était toujours en chicane avec c’monde‑là. Si vous aviez vu ça, mes p’tits! Ça s’battait tous les saints soirs que l’bon Dieu amenait. Nous autres, vous savez, les Canayens, ça va pas avec les englishs et les Irlandais. Ah! les frappe‑abords! 1925, D. Potvin, Le Français, p. 221.

Le frappe-à-bord [titre] Les Dolphins de Miami ne savent plus où se tirer, avec ce maniaque qui n’arrête pas de leur chercher des puces. Cette mouche à cheval grandeur humaine […], avocat de son métier, et c’est ce qui le rend particulièrement malfaisant. 1975, Le Soleil, Québec, 14 février, p. B3.

Le forgeron Lessard de Saint-Odilon, sans rival pour construire un beau cercueil, amusa bien son auditoire, un jour, tout en donnant une bonne leçon à un buveur du village. Antoine, un « frappe-à-bord » du village « fêtait » plus souvent qu’à son tour; ce n’était un secret pour personne, l’alcool le jetait dans les « bleus » alors, il brutalisait sa famille. Le père Lessard, voyant arriver l’ivrogne à la boutique, en profita pour amuser ses gens et leur dit « Antoine est ‘chaudaille’, on va lui donner une leçon ». 1979, J.‑Cl. Dupont, L’artisan forgeron, p. 262.

Rose : Antime devait filer un mauvais coton. Manda : Il s’est retenu pour ne pas sauter à la gorge de Paradis, un frappabord. Ça s’prend pour l’évêque Dumoulin. 1982, L. Proteau, Les placoteuses, p. 110.

C’était pas facile pour moi, j’étais orgueilleux et timide; dans ce temps‑là j’étais même trop gêné pour entrer prendre un coke au restaurant, je ne me trouvais jamais assez bien habillé. C’est là que j’ai appris à foncer, à devenir un « frappe-à-bord », comme on disait chez nous, c’est à dire une grosse bibitte qui t’arrive en plein front au moment où tu t’y attends le moins. 1982, La Presse, Montréal, 13 février, p. A9.

Régis Labeaume est rentré de vacances, il y a deux semaines, en promettant d’adoucir le ton et d’arrondir les coins. « Je vais peut-être me calmer un peu. » Personne n’y a vraiment cru et lui-même s’est dépêché de semer le doute. « N’essayez pas de me packager », a‑t‑il répondu à ses proches collaborateurs qui l’invitaient à plus de retenue. « Il faut être bien dans sa peau et avoir un minimum de plaisir », se défend le maire. Au risque d’avoir l’air parfois « d’un dictateur ou d’un frappe-à-bord ». « J’ai mon style », dit‑il. On avait remarqué. 2008, Le Soleil, Québec, 10 mars, p. 9.

Histoire

1Depuis 1874 (Le Canadien, Québec, 13 août, p. [2] : Mouches, maringouins, brulots, frappe-à-bord). Le mot résulte d’une adaptation de frappe-d’abord, par amuïssement de la consonne [d]. La variante frappe-d’abord, qui est attestée en français canadien dès 1726 (P.‑M. Laure, Apparat français-montagnais, p. 613, qui l’associe cependant au brûlot, sans doute erronément), paraît avoir été la seule employée sous le Régime français (v. aussi PotierVoc, p. 181, petit vocabulaire huron-français élaboré par le père Potier, vraisemblablement entre 1744 et 1752 dans la région de Détroit). Frappe-d’abord se rattache, par son premier élément, au sens général de « donner un ou plusieurs coups » (v. Richelet, s.v. fraper), mais sans doute plus particulièrement au sens plus spécifique d’« attaquer », en usage en Nouvelle-France (v. Rézeau, 2003, p. 115-116), voire à des sens plus anciens, comme celui de « se jeter, se précipiter violemment (en parlant d’une personne, d’un animal) », attesté en français du XIIe au XVe s., ou encore celui d’« enfoncer quelque part un instrument pointu », attesté en moyen français (v. FEW frap‑ 3, 762b). Quant à d’abord, il aurait le sens de « aussitôt, tout de suite », emploi courant en français depuis le début du XVIIe s. (v. FEW ancien bas‑francique *bord, 151, 186a). Frappe-d’abord est relevé dès 1727 chez les francophones présents dans la vallée du Mississippi (v. citations du père du Poisson et de Dumont de Montigny), ce qui indique qu’il circulait entre la vallée du Saint-Laurent et la Louisiane (où il est encore attesté; v. ReadLouis 39, ValdmCreole, s.v. frap‑dabòr, et McDermMiss 4 et 78) par l’intermédiaire des explorateurs, des voyageurs et, probablement, des soldats postés dans les différents forts français qu’on commence à ériger entre la colonie canadienne et la Louisiane dans les années 1680 (v. Havard, 2017, p. 61). La présence militaire dans la région de la vallée du Mississippi devient d’ailleurs plus significative à compter de 1715 (v. Havard et Vidal, 2019, p. 125), soit quelques années avant les premières attestations de frappe-d’abord comme nom donné à un taon. Cet emploi de frappe-d’abord pourrait d’ailleurs avoir pris naissance, par analogie, dans le parler des militaires français déployés en Nouvelle-France, à partir d’un emploi plus ancien attesté dès le XVIIe s., dans lequel le composé est utilisé comme surnom attribué notamment à des soldats appartenant à diverses compagnies affectées à la défense de la colonie laurentienne (p. ex., un dénommé frapedabord est accusé de voie de fait dans la Requête de Vincent Dugas dit Lafontaine, 31 août 1684, AnQ, Collection Pièces judiciaires et notariales, TL5, D3239). Cet emploi, attesté en France depuis au moins 1650 comme sobriquet donné à un homme enclin à frapper qqn qui le contrarie (v. Les prodiges arrivez à l’emprisonnement, et le triomphe du duc de Beaufort, p. 6‑7), est aussi relevé en 1747 comme nom d’un navire corsaire français naviguant dans la mer Baltique (v. Gazette, Paris, 10 juin, p. 265). Il est permis, du reste, d’établir un lien entre un individu prompt à frapper son ennemi et le taon avide de piquer sa proie. Les premiers historiens de la Louisiane ont expliqué le nom de l’insecte piqueur d’après son comportement : [...] des frappe-d’abord, espèce de mouches aussi grosses que des guêpes, & qui ont été ainsi nommées, parce que d’abord qu’elles se sont posées sur la peau, elles y enfoncent aussi‑tôt leur aiguillon (J.‑F.‑B. Dumont de Montigny, Mémoires historiques sur la Louisiane, t. 1, 1753, p. 113), et encore : Les Frappes-d’abord [sic] sont des Mouches longues & jaunâtres, que l’on nomme ainsi, parce qu’elles piquent dans le même instant qu’elles se posent (A. S. Le Page du Pratz, Histoire de la Louisiane, t. 2, 1758, p. 146). Le cas échéant, l’emploi de frappe-d’abord « taon » procéderait d’une analogie établie avec le comportement agressif associé aux individus surnommés Frappe-d’abord. Ce composé est aussi attesté en 1771 comme nom d’un insecte volant piqueur (peut-être une espèce de taon) présent dans l’ancien royaume de Siam (Thaïlande actuelle) : Les cousins & les melgues sont très-incommodes dans ce pays, au commencement de la nuit, jusques vers les dix heures du soir; & les mouches d’éléphant, qu’on appelle frappe-d’abord, sont insupportables pendant le jour, parce qu’aussi‑tôt qu’elles se posent, elles piquent sensiblement, même au travers de la chemise. Les Siamois les appellent mouches d’éléphant, parce qu’elles suivent ce quadrupede […] (1771, F.‑H. Turpin, Histoire civile et naturelle du royaume de Siam, t. 1, p. 351). Il pourrait s’agir ici d’un emprunt livresque fait au français de Louisiane, adapté à une réalité naturelle asiatique, d’autant plus que l’emploi louisianais était diffusé dans plusieurs ouvrages, dont un dictionnaire trilingue paru en 1770 : frappe-d’abord y est traduit par « Sorta di mosca » et décrit comme une mouche de la Louisiane, avec un renvoi à l’ouvrage de Dumont de Montigny édité par Le Mascrier (v. A. Antonini, Dictionnaire françois, latin et italien, 5e éd., t. 2, p. 296). En parlant du hanneton, frappe-d’abord est attesté depuis 1871 (v. ProvIns 140; v. aussi MahIns, p. 314 : [...] ce nom ne leur convient [aux hannetons] qu’à demi, car s’ils frappent d’abord, ils frappent ensuite, et aussi longtemps que la lampe n’est pas éteinte). Frappe()à()mort, depuis 1882; résulte sans doute d’une adaptation de frappe-à-bord par suite d’une étymologie populaire ou d’un simple jeu de mot (la locution à mort ayant souvent une valeur superlative). 2Depuis 1907; se rattache soit au nom du taon (figurativement), soit directement au surnom donné à des soldats sous le Régime français (v. ci‑dessus).

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : novembre 2022
Pour poursuivre votre exploration du mot frappe-à-bord, consultez notre rubrique En vedette sur le site Web du Trésor de la langue française au Québec.
Trésor de la langue française au Québec. (2022). Frappe-à-bord. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 9 décembre 2024.
https://www.dhfq.org/article/frappe-bord