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FONTAINE [fɔ̃tɛn]
n. f.

I

Syn. de abreuvoir.

2022, TLFQ, Fontaine extérieure [photo]. 2022, TLFQ, Fontaine intérieure [photo].

Boire à la fontaine.

Rem.Terme recommandé pour remplacer abreuvoir, lequel demeure courant. 

 Bonbonne d’eau en position renversée sur un appareil réfrigérant muni d’une manette réglant l’écoulement de l’eau.

Prendre de l’eau à la fontaine.

L’un après l’autre, les candidats au leadership essayèrent héroïquement de parler en français [...]. L’un après l’autre, ils patinèrent pathétiquement autour des concepts piégés de la langue, de la clause « nonobstant » et de l’accord du lac Meech... [...] Patients mais désenchantés, les néo-démocrates francophones écoutaient les discours, regardaient au plafond, et ceux qui n’en pouvaient plus se levaient et allaient bavarder à l’arrière de la salle ou près de la fontaine. 1989, L. Gagnon, dans La Presse, Montréal, 25 novembre, p. B3.

Quand elle se présenta chez le notaire à deux heures moins dix, Antoine Désy s’était déjà levé cinq fois de son fauteuil pour aller boire à la fontaine de la salle d’attente [...]. 1989, Y. Beauchemin, Juliette Pomerleau, p. 537.

Prendre les eaux populaires à Saratoga Springs! [titre] [...] La moitié du building a été transformée en bureaux de la... police des parcs. Lorsqu’on y entre par la grande porte on voit deux belles petites fontaines qui font jaillir de l’eau pétillante et je me suis lancé pour en boire. [...] Mais les policiers, moins confiants, eux, enlevaient leurs grands feutres pour boire l’eau chlorée municipale dans les fontaines ordinaires comme celles de La Presse. 1991, La Presse, Montréal, 24 août, p. E15.

La pensée devenait si intolérable, si déchirante qu’il fut debout sans s’être levé, dans le corridor sans avoir marché. Penché sur la fontaine, il buvait de l’eau en essayant de se calmer, de raisonner l’irrationnel, de contrôler la panique totale qui l’habitait. 1992, M. Laberge, Quelques adieux, p. 60.

J’ai alors appris qu’on a enlevé les fontaines pour faire place à des distributrices payantes d’eau en bouteille... [...] dans un parc payé par nos impôts et où on va voir couler de l’eau [il s’agit d’une chute]!.. Le mercantilisme a des limites. 1993, Le Soleil, Québec, 28 juillet, p. A8.

II
1

VieuxFontaine à soda, soda-fontaine ou, par ellipse, fontaine : machine distributrice d’eau gazéifiée sous pression dont on se servait dans la préparation de boissons rafraîchissantes ou de desserts.

Rem.Ce type de machine fut populaire dans la première moitié du XXe s.

 Par méton. (Dans un restaurant, un hôtel, un magasin, etc.). Comptoir où était installé ce type de machine et où on servait des boissons, des desserts ou des repas légers.

Commander un ice cream soda, un banana split à la fontaine à soda.

Fille, homme de fontaine, qui y faisait le service.

Jeune fille demandée pour servir à un « tea room » et fontaine à soda, parlant les 2 langues [...]. 1920, La Presse, Montréal, 7 janvier, p. 10 (annonce).

Quand on voyait deux ’tites filles de notre grandeur qui s’en venaient, on les suivait presque sur leurs talons. Je faisais sonner mes cents dans ma poche, puis on parlait de restaurant, puis de crème à la glace [...] puis qu’on voulait dépenser notre argent, puis qu’on savait pas avec qui, puis on le disait fort. [...] Puis on allait les attendre devant la vitrine d’un restaurant. [...] Mais, un coup rendus assis devant la fontaine, on était récompensés de notre audace. Vous avez jamais vu une belle ’tite fille devenir toute rouge en vous entendant commander un soda aux ananas, puis ensuite le boire avec vous, paille contre paille, joue contre joue? 1937, Gr. Gélinas, Le carrousel de la gaieté, 4 novembre, p. 5-6 (radio).

Essuyant ses larmes, il sort de la cabine [de téléphone] et boit un café au comptoir. Il s’aperçoit dans la glace de la « fontaine », les traits tirés, les yeux battus, et esquisse le geste rapide de reprendre ses lunettes noires, mais il hausse les épaules. « Ça n’a plus d’importance. Plus rien n’a d’importance. » 1949, Fr. Loranger, Mathieu, p. 208.

Ah, cette vieille Titine! [...] J’aimerais ça, la revoir. On se raconterait toutes les folies qu’on a faites. Tiens, par exemple, quand toutes les deux, on était filles de fontaine au cinq-dix-quinze... 1962, L.-M. Tard, dans M. Couture et al., Chez Miville, p. 117.

A l’intérieur de ce comptoir, et dans la partie qui lui était réservée en propre, le propriétaire de la place [un restaurant] s’était équipé de différentes formes de glacières où étaient conservées au froid vif plusieurs variétés de crème à la glace [...]. [...] ce fut là que, pour la première fois de notre vie, nous avons assisté à l’opération magique de l’énorme réservoir circulaire nickelé, ou argenté, qu’on a appelé à l’époque une soda-fontaine. En effet, par le jeu d’un simple robinet attaché au bas de cet appareil impressionnant, installé au centre du grand comptoir, on pouvait maintenant obtenir à volonté [...] de grandes rasades d’une eau gazeuse tout effervescente [...]. Alors, comme clou d’une visite au restaurant ensorceleur, il fallait bien sûr être capable de se payer une généreuse portion de crème glacée, de notre couleur préférée, qui était déposée au fond d’un grand verre de haute fantaisie et que le Grec, ou la serveuse, arrosait ensuite jusqu’au bord de l’eau toute ruisselante de la soda-fontaine. 1972, H. Grenon, Nos p’tites joies d’autrefois, p. 129-131.

2

(Dans un restaurant, un bar, une cafétéria). Machine distributrice de boissons dont l’écoulement est commandé par une manette ou un levier.

Fontaine à liqueurs, à jus. Coke à la fontaine ou en bouteille. Se servir à la fontaine de la cafétéria.

Caisses enregistreuses, [...] fontaines à liqueurs, compartiments à restaurants, etc. 1944, La Presse, Montréal, 20 septembre, p. 23 (annonce).

Elle ne pouvait pas s’empêcher de suivre les allées et venues du garçon de table et de jauger son incompétence : à la dix, on lui réclamait des verres d’eau pour la troisième fois. Tout à coup, elle eut le goût d’aller les leur porter. Elle était assise tellement près de la fontaine! 1983, Fr. Noël, Maryse, p. 68.

Huit travailleurs de la centrale ont été exposés dernièrement à un niveau de radiation quatre fois plus élevé que la norme prescrite après avoir bu à une fontaine du réfectoire de la centrale. On croit que quelqu’un a pu verser environ une tasse d’eau lourde légèrement radioactive dans la fontaine d’une contenance de 20 litres, qui est similaire aux fontaines à jus de fruits utilisées dans les restaurants. 1990, La Presse, Montréal, 5 mars, p. A2.

La bière, les sueurs, les bécos, les accolades coulent à flots. Le plancher de danse ne fournit pas. Le barman à patins à roulettes spine devant sa fontaine et l’unique serveuse dans la place en a plein son cabaret. 1991, La Presse, Montréal, 2 juin, p. A6.

III

Vieilliet région.(à l’est de Québec). Puits.

Item un petit bâtiment construit en charpente sur une fontaine contenant environ quinze pieds de long sur environ onze pieds de large entouré et couvert en planche et pardessus en bardeau [...]. 1811, île d’Orléans (Montmorency 2), BAnQQ, gr. A. Larue, 8 juillet, p. [15].

De son petit pas trotte-menu, elle allait de la maison à la laiterie, coulant le lait dans les « crémeuses » qu’elle plaçait dans la fontaine, surveillait le souper dont la cuisson s’achevait et enfin disposait le couvert. C’était une grande travailleuse que cette femme. 1932, E. Chenel, La terre se venge, p. 59.

Fais-la disparaître. Quiens, a dit, va-t-en chez vous pis envoye-la qu’ri de l’eau. Envoye deux valets. Ta fontaine est creuse, hein, y avait vingt-cinq pieds. Quand a viendra à se pencher pour prendre de l’eau, fais-la sacrer à l’eau pour la neyer là. 1956, Hébertville (Lac-Saint-Jean-Est), AFEUL, C. Laforte, ms. 493, p. 3.

Voudriez-vous, elle dit, j’ai oublié de remplir la petite bombe du roi. Remplir la petite bombe d’eau, elle dit, il y a une belle petite fontaine dehors là pis ça y prend de l’eau de ressource de fontaine des rocheuses. 1968, Saint-René-de-Matane (Matane), AFEUL, J.‑Cl. Marquis 384 (âge de l’informateur : 57 ans).

(Autres emplois). Techn.Réservoir d’une lampe à huile.

Lampe à huile dont la fontaine est ornée de losanges et d’éventails [...]. 1971, M. Lessard et H. Marquis, Encyclopédie des antiquités du Québec, p. 318, illustr.

Cour.Plume(-)fontaine.

VieilliFontanelle.

La fontaine de la tête.

Histoire

IDepuis 1967 (Dagenais1, s.v. abreuvoir, qui recommande de dire fontaine). Par extension du sens usuel de « construction, généralement munie d’un bassin, aménagée pour l’écoulement et la distribution de l’eau » (TLF, qui atteste notam. fontaine d’eau potable; Robert 1985, s.v. fontaine, sous le sens 3, relève fontaine hygiénique ou fontaine à boire, « conçue pour permettre de boire sans contact entre les lèvres et le robinet », mais on ne trouve pas en France d’autres exemples de ces deux appellations); il n’est pas nécessaire, pour expliquer l’emploi québécois, d’invoquer l’influence de l’anglais (drinking) fountain qui est la façon usuelle de nommer en anglais l’appareil permettant de boire grâce à un mécanisme commandant un jet d’eau (v. Webster 1986 et Longman 1992, s.v. drinking fountain, OED s.v. fountain). Fontaine peut en outre se dire en France d’un « récipient muni d’un couvercle, d’un robinet et associé à un bassin, dans lequel on garde de l’eau pour les usages domestiques » (TLF), emploi auquel peut se rattacher de façon naturelle le sens de « grande bouteille d’eau... », en usage au Québec.

II1Depuis 1844, sous la forme fontaine à soda-water (Le Canadien, Québec, 5 avril, p. [3]). D’après l’anglais nord-américain (soda) fountain (ou soda-water fountain) qui connaît le sens de « machine distributrice d’eau gazéifiée » de même que celui de « comptoir où l’on servait des boissons, des repas légers, etc. » (v. Mathews, s.v. soda : « A container from which soda water is drawn off by faucets. Also a counter at which soda water and other soft drinks, as well as light meals, are served »; v. aussi Webster 1986, Collins 1992, Gage 1984, s.v. soda fountain, ainsi que OED-Suppl 1986, s.v. soda, et Craigie, s.v. soda-water fountain). Enfin, on trouve en anglais les formes fountain man (ex. de 1955, cité dans OED-Suppl 1972, s.v. fountain) et soda-fountain boy (ex. de 1876, ibid. 1986, s.v. soda) qui sont sans doute à l’origine des appellations homme ou fille de fontaine, qui ont eu cours en français du Québec. 2Depuis 1944. D’après l’anglais nord-américain fountain, emploi que l’on trouve dans les journaux du Canada anglais mais qui ne figure pas dans les dictionnaires (v. par ex. dans The Globe and Mail, Toronto, 23 juin 1995, p. B3 : sell soft drinks and some juice-based beverages for food-service fountains; aussi ibid., 16 mars 1991, p. B10 : soft-drink fountain).

IIIDepuis 1811. Héritage de France; cet emploi est connu dans les parlers de la Bretagne romane, dans la région de Nantes (v. ALF 1104, ALO 787 et BrassNant). Le sens de « réservoir d’une lampe à huile » (depuis 1971) vient de l’anglais fountain (v. FunkC 1982, Harrap 1983, OED). Celui de « fontanelle » (depuis 1966, AFEUL, Th. Latour, ms. 34) représente une survivance d’un emploi attesté en français dès le XIIIe s. (v. TLF, s.v. fontaine; v. aussi FEW fontana 3, 697b), qui figure dans les dictionnaires jusqu’à Larousse 1928 mais qui avait sans doute disparu bien avant dans la langue générale au profit de fontanelle, attesté depuis 1690 (v. TLF, s.v. fontanelle).

Version du DHFQ 1998
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Fontaine. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 9 décembre 2024.
https://www.dhfq.org/article/fontaine