FALE [fal]
n. f.
1. Variantes graphiques : falle; vieilliphale, phalle. 2. Variante ancienne : faille.
(Pour désigner un organe interne).
VieilliJabot des oiseaux.
Rem.Relevé en ce sens dans différentes régions du Québec au début des années 1970, notamment au Saguenay–Lac-Saint-Jean, dans Lanaudière, en Abitibi-Témiscamingue, au Kamouraska, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, ainsi que dans les provinces maritimes et en Ontario (voir PPQ 598).
La main c’est le pied de l’oyzeau : ou la patte, ce terme ne s’applique jamais que pour les oyzeaux de rapine, et on parleroit improprement si on disoit la main d’une perdrix : ou d’une caille – il faut dire le pied de la perdrix, le pied de la caille, &c. Les serres, sont les ongles ou les griffes. Jabot, c’est la fale. Gésier, c[’]est l’estomach. 1685 env., L. Nicolas, Histoire naturelle, p. 148.
Au moment où j’écris, mes enfants m’apportent un jeune récollet [jaseur d’Amérique] mort au pied d’un arbre, d’une indigestion de cerises à grappe; il en a la falle si remplie qu’ils [sic] lui sortent par le bec. 1872, J.‑M. Lemoine, L’album du touriste, p. 233.
L’autopsie de l’animal est à peine finie que notre homme s’arrête stupéfié… interdit… Cette oie… n’avait pas de fale. 1876, Le Nouvelliste, Québec, 15 décembre, p. 3.
Lorsqu’on les fait jucher, les poules doivent avoir la fale bien pleine afin de pouvoir supporter le jeûne de la nuit. II est absolument nécessaire de leur donner de la nourriture verte sous la forme de légumes invendables, de trèfle ou de tontes de pelouses. 1894, A. G. Gilbert, La volaille en Canada, Documents de la session du Parlement du Canada, vol. 27, no 7, p. 21 (annexe du rapport du ministre de l’Agriculture pour 1893).
Reste à supposer que nos chasseurs n’eurent qu’à graisser leur fusil et qu’avec un grand sens d’opportunisme, chacun se mit avec enthousiasme vlin! vlan! à en abattre et à tordre le cou de ces bébittes qui devaient avoir belle falle. 1950, Le Canada, Montréal, 12 décembre, p. 6.
(Acadie). Si on voyait les perdrix là, soit dans des cormiers ou bien dans des merisiers pis après manger des bourgeons, bien là, i’ [= elles] étaient après s’emplir la fale pour la nuit pis le lendemain c’était de la neige, une bordée de neige, à tout coup. 1972, Nouvelle (Bonaventure), AFEUL, F. Leblanc 32 (âge de l’informateur : n. d.).
On va manger de la fale pour souper. 1980, Lac-à-la-Tortue, Centre d’études linguistiques de la Mauricie, S. Fournier (enquête) (âge de l’informatrice : 82 ans).
Pour pêcher, la pie, le geai, c’est bien bon, la fale, on y arrachait la fale, c’est une viande qui ne change pas à l’eau, qui reste rouge. 1980, Lac-Édouard, Centre d’études linguistiques de la Mauricie, S. Fournier (enquête) (âge de l’informateur : 80 ans).
(Par ext., en parlant des humains). Estomac.
(Dans des expressions). VieilliAvoir la fale basse, creuse : avoir faim.
Par métonymie Avoir la fale à terre, basse : être déprimé, découragé.
Voyons! un petit coup de cœur! Y a huit ans que mes amis sont dans la dèche. Ils ont tous la falle basse. Dépêchez-vous donc de nous donner une chance. Si [vous] êtes cassé [je] vous donnerai cinq « cents » pour la « luck ». 1886, Le Violon, Montréal, 27 novembre, p. [2].
(Fig.). Il y a si longtemps que les Rouges jeûnent, ils devaient avoir la fale basse en arrivant à Québec. Ils disent probablement : après nous le déluge. 1887, Le Violon, Montréal, 12 novembre, p. [2].
L’honneur du combat resta aux gens de la noce, mais ils n’étaient pas fâchés de voir s’éloigner leurs adversaires. Quand la bataille fut finie [,] les combattants entrèrent à la maison ou [sic] les attendaient leurs femmes épouvantées. Presque tout [sic] avaient la falle basse et la façon courte. 1900, Le Canard, Montréal, 14 juillet, p. 2.
Puis profitant de ce moment d’étourdissement, il répéta la dose par un autre coup dans l’estomac qui lui coupa net la respiration. Le marié se renfla de suite la falle et choqué voulut se venger, mais son adversaire fit un bon placement lui plantant poing sur un œil, ce qui le mit hors de combat. 1907, Le Canard, Montréal, 30 juin, p. 6.
Et vous, vous jeûnez ? […] Non, et même que j’ai la fale basse, depuis une heure que je ramasse les chaudières, avant que la neige, qui recommence encore, fasse trop de dégâts. 1953, L. de Montigny, L’épi rouge et autres scènes du pays de Québec, p. 210.
désentraillé départagé [/] par les poudrés les têtes de blôkes [/] les costauds les grands six pieds [/] me voilà bien quetouché le pleuma bas la phalle à terre [/] je veux naître au monde pouvoir m’acheter [/] quelques lamproies quelques menées [/] prendre une bière à ma façon [/] avec du sel et sans manière[.] 1967, G. Godin, Les cantouques, p. 35‑36 (poème).
On allait d’une prairie à l’autre de même, la neige était bonne en raquette aussi; c’était pas fatigant de marcher. Toujours le midi, ah, il était midi et demi, c’est pas François qui aurait parlé de manger, seulement que moi je commençais à avoir la fale basse, fait que j’ai dit : « On va manger ». 1971, Gaspé, AFEUL, J. Houde 2 (âge de l’informateur : 50 ans).
[…] aussi les garçons attèlent-ils le cheval pour s’y rendre en voiture, tout en grignotant une pomme : « on avait la fale creuse ». 1972, L. Morin, Le calendrier folklorique de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud, p. 10.
Pour tout de suite, tu vas aller chez Marsouin nous chercher à manger. Je commence à avoir la « falle » basse. 1978, M. Riddez, Rue des pignons, p. 106.
Il ne sait pas regarder les choses objectivement. Ni les hommes. Il ne voit, ne peut voir que lui partout. Et il est maladif à cause de sa phalle étrette qui va le forcer à jamais manger bien gros. 1979, V.‑L. Beaulieu, Race de monde, p. 55.
– On campe icitte, commanda Descôteaux. Pas question de grimper le portage avant demain matin. [/] Les hommes ne demandaient pas mieux. On dressa les tentes. [/] – C’est pas pour me plaindre, dit Alcide Perreault, mais j’ai la fale basse en torieu. 1981, J. Pellerin, Au pays de Pépé Moustache, p. 45.
Sous la table, Daniel poussa Médard du pied. Une étincelle railleuse faisait briller ses yeux. Les garçons, à seize et dix-sept ans, savaient que ce petit truc, appelé capote anglaise, tenait à l’abri des maternités. Daniel chuchota : – Le père va être de bonne humeur aujourd’hui. – Qu’est-ce que vous dites ? questionna Rose. – Je disais que papa devait avoir la fale creuse, répondit Daniel, peu habitué à mentir. 2012, M. Dalpé, L’affaire Brien : 23 mars 1834, p. 47.
Ce matin, notre camelot du journal des gens de la rue a la falle basse et le sourire un peu tremblant. « Des ennuis, Jean-Pierre? » Sans répondre à la question, il me demande combien je paie pour mon loyer. Chassé du précédent, il s’est trouvé un autre logement. « Un trois et demi : 650 $ par mois. Un trou que je n’ai même pas les moyens de me payer. […] ». 2018, J. Boulerice, Le Canada français, Saint-Jean-sur-Richelieu, 6 décembre, p. B5.
Après avoir fait sa parade et chanté la sérénade pendant deux heures, le gars se rend compte que la belle qu’il courtisait s’était donnée à un autre prétendant. […] Alors le gars prend son petit sac de bonbons et retourne tout penaud chez lui, la fale à terre et la queue (littéralement) entre les jambes. 2019, R. Martineau, Le Journal de Montréal (site Web), opinions, 17 octobre.
(Par ext. du sens I, pour désigner une partie visible du corps).
Fam.Partie antérieure du cou ou de la poitrine des oiseaux.
[…] en un mot je ne puis, ny se scay comment, je m’y prendrois pour vous faire comprendre toutes les varietés, et les melanges, du bec, du tour de bec, de la pleume, du duvet, des pennes, des paremens, des mailles, des petites pleumes, des poitrines, du manteau, du pleumage des espaules, du dos, du dessus et du dessous des ailes, la main, le pied, la pate, les serres, les griffes[,] les ongles, le jabot, la pochette, le gosier, la fale, l’estomach, et la mulette [= gésier], avec toutes les autres parties de l[’]oyseau […]. 1675 env., L. Nicolas, Traitté des animaux a quatre pieds terrestres et amphibies, ms. 12223, fo 65.
La faille d’un d’inde etc… La faille d’un gros coq[ :] un morceau des plus delicat[.] 1744, P. Potier, dans P.‑W. Halford, Le français des Canadiens à la veille de la conquête, 1994, p. 68.
À mon arrivée à Montmagny, en 1873, je me pris d’une belle passion pour l’oiseau noir, que je voyais pour la première fois. Il faut dire aussi, que, avec son plumage miroitant, pourpre-azuré sur la falle et la tête, et d’un beau noir lustré sur le reste du corps, avec ses yeux brillants comme des escarboucles, l’oiseau noir est incontestablement un bel oiseau. 1884, Journal des campagnes, Québec, 28 août, p. 8.
Un bataillon de goëlands [sic], qui nous avait suivis depuis notre départ du Sault, continuait à dessiner derrière nous les longs zigzags de son vol, tantôt se précipitant avec ensemble sur les rebuts des repas qu’on leur jetait, en agitant leurs ailes sur les flots assoupis, tantôt s’élevant dans l’air comme des flèches rapides, pour redescendre l’instant d’après, ailes déployées et immobiles, jusqu’au ras de lac, en lissant sur sa large croupe leurs longues et soyeuses fales blanches. 1890, L’Électeur, Québec, 1er février, supplément, p. [1].
Les sœurs mariées[,] plus sérieuses et surtout plus habituées que les filles, éventrent les oies plumées. C’est toute une besogne que d’éventrer une oie, comme une poule du reste. Il faut d’abord un couteau bien coupant; il faut ensuite avoir de l’accoutumance. Alors vous fendez la fale délicatement, vous rapetissez votre main, et vous allez chercher le gésier et les autres fonctionnements de l’intérieur. Vous ouvrez le gésier (car sans cela l’ouvrage n’est pas complet) et les marmots qui sont toujours dans vos jambes, grimpent autour de vous pour voir ce qu’il y a là-dedans. 1917, É. Gagnon, Le plumage des oies, dans [Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal], La Corvée, p. 113‑114.
Je vas vous conter qu’est-ce-que c’était que des tourtes; et puis pourquoi elles sont toutes parties pour ne plus revenir. […] C’était un p’tit brin plus gros qu’un merle. Ça avait du plumage grison avec une belle falle bleuette. 1925, Le Terroir, vol. 6, no 2 et 3, p. 36.
Séraphin : [en parlant de perdrix] Quins! mademoiselle, regardez-moi c’te fale! […] Une belle grosse fale. 1939, C.‑H. Grignon, Un homme et son péché, 20 septembre, p. 6 (radio).
C’était une jolie bergère qui gardait son troupeau, un jour dit à sa mère : « Ma mère, je vois un oiseau, la fale couleur de rose, les yeux couleur de diamant […]. ». 1967, Saint-Gabriel (Rimouski), AFEUL, I. Deschamps 104 (chanson) (âge de l’informateur : n. d.).
[…] j’avais d’la misère à y flatter une aile, c’te p’tit oiseau-là partait en peur. Encôre ben moins y flatter la phalle, […] t’sais quessé j’veux dire? 1975, J. Barrette, Dis-moi qu’y fait beau, Méo, p. 131.
Le vent vend des sifflets dans les sureaux. Et pour un rien, les lourdes corneilles rient à fale déployée. 1978, F. Leclerc, Le petit livre bleu, p. 239.
– Celui-là, lui lançai-je, c’est bien le Gros-Bec à poitrine rose? – Comment? – Le Gros-Bec à poitrine rose. – Il a une tache rouge sur sa « falle blanche »? – Oui. Son chant ressemble beaucoup à celui du merle – notre rouge-gorge – mais il est plus mélodieux. Vous l’imitez très bien. 1992, P. Morency, Lumière des oiseaux, p. 45.
(Fig.). Charles n’a que le goût de faire des ronds de jambes, de remettre le baise-main à la mode, d’écrire un sonnet ou de chanter comme un ménestrel. Il ressent une force intérieure, difficile à identifier, qui le pousse irrémédiablement vers cette femme. Le voilà parmi la mêlée de jeunes pigeons qui font la roue autour de cette merveille, s’enflent la fale et piétinent bien inutilement. 2008, L. Savignac, Charles, p. 123.
Il le vit surgir dans la lumière, et son pouls s’accéléra. Bon sang. Il [le faucon] était plus gros et plus effrayant que dans son souvenir, debout comme un bibelot sinistre sur ses pattes raides, dans la position où il l’avait laissé. Il s’ordonna d’approcher, il s’accroupit à côté de la chose, la lampe flageolant dans ses mains. Rien à faire, ça ne s’arrangeait pas de près, cette fale grise et gonflée, cette tête énorme chue monstrueusement de travers… 2008, M. Proulx, Champagne, p. 112.
(Dans des noms d’espèces spécifiques). Canard à fale rouge : huart à gorge rousse (PPQ 1479). (Hirondelle) à fale blanche, avec une fale blanche, à fale mauve : hirondelle des granges (PPQ 1523).
RareFale de pigeon : Couleur gris-bleu qui rappelle la teinte des plumes ornant la poitrine du pigeon.
[…] tâche de trouver, avant que le gros s’en aille, trois pièces de serge, de deux aulnes chacune, couleur prune, falle de pigeon et noir. 1972 env., G. Dufresne, Les forges du Saint-Maurice, épisode 38, p. 20 (télév.).
Si la trempe est « falle de pigeon », dans le cas d’un ciseau à froid par exemple, c’est qu’elle est réussie, que le tranchant de l’outil va résister. 1978, B. Genest, Arthur Tremblay, forgeron de village, p. 75.
Par ext., VieilliPartie antérieure du cou ou de la poitrine d’autres animaux.
Perdu. – Un petit chien black and tan, les oreilles coupées et pas de poil à la falle a été perdu, ces jours-ci. 1880, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 27 novembre, p. 3 (annonce).
Un chien « collie » jaune et les bouts des quatre pattes blanches, bout de la queue blanche, fale blanche et tache sur le cou, a été perdu dimanche soir vers 5 heures. 1913, Le Soleil, Québec, 15 avril, p. 11 (annonce).
Chat angora gris avec le bout de pattes blanc et fale blanche, perdu mercredi. 1936, Le Soleil, Québec, 7 février, p. 14 (annonce).
Pour se transporter de chez lui au restaurant, du restaurant à chez lui, Tanis avait un chien, un bon chien. Un terre-neuve noir, à poil long, avec une fale blanche, de grosses babines rieuses et de bons yeux d’ami responsable. 1943, F. Leclerc, Adagio, p. 113‑114.
Chienne d’un drab pas trop pâle, poil assez long, fâle blanche. Récompense. 1944, La Presse, Montréal, 15 février, p. 21 (annonce).
En chœur, l’équipage entonna, à l’adresse d’Aimé, une chanson gaillarde qui redonna à tous du cœur au ventre. La journée n’était pas terminée, loin de là! Il faudrait encore ébreuiller [= vider de ses entrailles] les milliers de poissons récoltés, en les entaillant du nombril à la fale pour enlever les tripailles, puis les étêter, les trancher et les saler. 2016, M. Durand, Le petit caillou de la mémoire, p. 88.
Par anal. (En parlant des personnes). Gorge ou poitrine.
Flatter la fale. Montrer sa fale.
Se couvrir, se cacher la fale : mettre un foulard pour se protéger du froid.
Avoir la fale à l’air : avoir le cou, la gorge découverts.
Par euphémisme, fam.Seins.
(Manitoba). Pensez, ma pauvre vieille, accoutumée à porter des souliers de bœuf et des jupes de petite étoffe : voyez-la donc marcher sur la rue avec cet attelage-là! Mes petites filles, avec leur jupe courte et la falle à l’air, comment vont-elles faire, cet hiver? N’allez pas croire que c’est pour moi ni pour elles-mêmes qu’elles compromettent ainsi leur santé! Et vous dites que nous sommes des égoïstes! 1919, La Liberté, Winnipeg (Manitoba), 28 octobre, p. 6.
Momo se débattait, ses grands bras faisaient jaillir des torrents d’eau. On le tirait par son sexe au fond de l’océan mais peut-être ne s’agissait-il que de la rivière Saint-Maurice charriant ses pitounes. Maman! Maman! hurla-t-il. Je viens te sauver, je viens juste pour te sauver! Il avait dû se frapper la tête sur une pitoune et il tournoyait dans le remous, la phalle en l’air. 1973, V.‑L. Beaulieu, Oh Miami Miami Miami, Montréal, p. 255.
Attache-toé un peu. Reste pas la falle à l’air de même. 1974, M. Tremblay, Bonjour, là, bonjour, p. 99.
L’été, faut se recouvrir la fale… 1980, Shawinigan, Centre d’études linguistiques de la Mauricie, S. Fournier (enquête) (âge de l’informatrice : 48 ans).
Écoute, j’ai déjà nourri à mon lait, j’sais c’que c’est [/] D’aimer le p’tit qui tète après toé, ben si j’ava’s juré [/] De l’fére comme t’as juré, même pendant qu’y m’ara’t gazouillé [/] su’a falle, j’y a’ra’s arraché l’teton des gencives [/] Pis j’y’ara’s craqué ’a tête en deux! 1983, M. Garneau, Macbeth, p. 41.
Le violent éclairage au néon des wagons du métro enlaidit et, de toute façon, je me sentais particulièrement vilain ce jour-là, alors je me suis renfrogné dans un siège de coin, les bras croisés, le menton sur la poitrine. Ma mère m’aurait dit : « Rentre-toi pas le menton dans la phalle comme ça, tu vas faire un trou! » Je trouve toujours que les passagers du métro ont l’air bête; ce jour-là, c’était mon tour. 1993, M. Tremblay, Le cœur éclaté, Montréal p. 47.
(Acadie). Un jour, elle [Katchou] lui confia que Prudence avait eu une attaque. […] – T’arais dû la ouère envaler sa langue! Wilfred a été forcé de lui enfoncer le poing dans la falle jusqu’à la gargotière. 1996, A. Maillet, Le chemin Saint-Jacques, p. 102.
(Acadie). Personne ne pourrait lui enlever ce privilège d’être né, d’avoir fini par séduire quelqu’un, un démiurge, un destin, un voyant, peu importe, par attirer l’attention, fût-ce d’un créateur fourbu, d’un dieu mineur, d’un auteur à bout de souffle en panne d’inspiration. Ouais… se dit Rien en grimaçant et en cherchant à déglacer ses mots englués dans sa salive : une créature oubliée des dieux. Et son menton lui tomba jusqu’à la phalle qu’il avait au plus bas. 2008, A. Maillet, Le mystérieux voyage de Rien, p. 42.
Je suis sorti de La Picarlène [une école de danse] en même temps que Michel […], à qui j’ai lancé, en le voyant en veston et en chemise déboutonnée, la « fale à l’air » : « En avril, ne te découvre pas d’un fil ! » La réponse du costaud représentant de Saint-Louis-de-France a été prompte. « Avant que le vent arrive aux os, il va avoir du chemin à faire. » 2010, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 13 avril, p. 26.
[…] lorsque mini-Karina Gould a eu faim, maman-Karina Gould n’a pas eu le choix de se mettre sur le cas. Elle a discrètement sorti le biberon de chair, a plogué bébé dessus et la vie politique canadienne a pu suivre son cours. Certains ont célébré la beauté du moment, ce magnifique lien entre un enfant et sa mère, ce geste qui permet enfin de faire taire le petit crisse qui pleure depuis 10 minutes. D’autres étaient moins enchantés. […] Parmi les critiques, on trouve la chroniqueuse [d’un quotidien]. Qu’une ministre ait le droit de se mettre « la fale à l’air » pour allaiter (quoique si [la chroniqueuse] veut vraiment voir de la fale, on lui suggère plutôt d’aller reluquer les décolletés sur la rue Saint-Laurent un vendredi soir, elle en aura pour son argent), elle veut bien, mais… 2018, M. Charlebois, L’Actualité (site Web), politique, 29 juin.
Sur les images, on peut la voir, la fale à l’air, dans un paysage enneigé. Elle n’est vêtue que d’un minuscule bikini noir, qui ne la protège certainement convenablement [sic] face aux rigueur [sic] du froid. 2022, Le Sac de chips (site Web), actualités (vedettes), 21 janvier.
Par méton., VieilliPartie d’un vêtement qui couvre la poitrine.
Fale de chemise : devant d’une chemise.
VieilliFale de pigeon : bride de chapeau de femme (GPFC).
VieilliFale (empesée) : plastron (voir PPQ 1917, 1918).
Je pense que les manches et la falle (devant) de la chemise étaient trop courtes pour Poitras. 1869, La Malbaie (Charlevoix-Est), Procès de Eugène Poitras, convaincu du meurtre de J.‑B. Ouellet, p. 22.
Elle se dévire vers lui. Jean-le-Sotte, lui, mange de la paparmane. Il sentait bon. Elle se fourre le nez dans la falle de la chemise de Jean-le-Sotte. 1916, Éboulements-en-Bas (Charlevoix), AFEUL, M. Barbeau, ms. 110, p. 3.
Voici maintenant un petit fait, qui est bien sérieux mais qui m’a fait rire tout de même : maman m’apporte $ 3.00 et me dit que c’était pour me faire des (falles) ou collets hauts, si tu aimes mieux, car elle ne veut plus me voir de petites pointes. Ça c’est une bonne idée, et j’ai 3.00 de plus dans ma sacoche. Bien! a [sic] l’avenir, tu ne seras pas surpris de me voir porter des falles! 1932, Lévis, dans R. Blondin, Chers nous autres, t. 1, 1978, p. 109 (lettre).
(Acadie). À deux heures après minuit, il prend sa chemise, son nom est écrit dedans, pis le nom de son père, pis le nom de sa mère, pis il plie ça, pis il envoie ça dans sa fale. 1954, Maisonnette (Gloucester, Nouveau-Brunswick), AFEUL, L. Lacourcière 1889 (âge de l’informatrice : 73 ans).
(Acadie). Il ramassait et mettait dans sa fale tout ce qu’il pouvait trouver d’objets hétéroclites, jusqu’à des renards morts et en décomposition. Il volait même. Ainsi chargé, il arrivait parfois qu’il eût un ventre proéminent. Un jour, il arrive ainsi fagoté chez Médouche Poirier dont la femme était enceinte de plusieurs mois. Celle-ci, en voyant petit Constant, lui dit : « Ah! Constant! tu as encore volé là! » Et lui, la pointant du doigt, de dire : « Cordjé! Je crois que t’as volé toi aussi! ». 1961, A. Chiasson, Chéticamp : histoire et traditions acadiennes, p. 254.
Elle lui allonge la main, lui arrache les doigts, arrache les siens puis les plante à la place. Voilà ça parti en montant! Ils ont manqué de passer tout droit à l’autre bout! Il a échappé un petit doigt qui s’est dessoudé, mais il s’en est pas occupé. Il prend les œufs, les met dans sa fale de chemise. 1984, P. Desjardins et G. Lamontagne (éd.), Le Corbeau du Mont-de-la-Jeunesse : contes et légendes de Rimouski, p. 105 (conte de 1955).
Histoire
Héritage des parlers de France. Se rattache à l’ancien normand fale « gosier, estomac » issu du norrois falr « tube » (FEW falr 152, 105a‑106a). Le mot a largement circulé dans les parlers normands (FEW id.), notamment en bas-normand (v. J.‑P. Chauveau, Les Mots bas normans de Gabriel-Joseph Du Pineau (vers 1750), 1993; LepBNorm et LepNormand cités dans ThibFrançais 106), ainsi que dans des parlers voisins au sud-ouest de la Normandie (FEW id., cité dans ThibFrançais). Dans les français d’Amérique, on relève fal(l)e dans le français de la Louisiane (v. DeblLouis, PhillLouis,) et de l’Acadie (v. MackMaill, PoirAc) ainsi qu’en français du Québec (v. notam. Bélisle1, Clapin, Dionne, Dunn, GPFC), de l’Ontario (v. BénMots) et du Manitoba (v. GabLang). Le mot a également été relevé dans les créoles atlantiques à base française (Guadeloupe, Guyane, Haïti, Louisiane, Martinique, v. TournGuad; D. Fattier, Contribution à l’étude de la genèse d’un créole, 2000; R. Ludwig et collab., Dictionnaire créole français, 2002 [1990]; G. Barthèlemi, Dictionnaire créole guyanais-français, 2007; R. Confiant, Dictionnaire créole martiniquais-français, 2007; ValdmCreole et ValdHait, cités dans ThibFrançais 107), ce qui suggère fortement que le mot était en usage dans les variétés de français parlées par les colons au XVIIe s. Littré présente fale comme « terme vulgaire », mais sans marque de restriction géographique, ce qui consolide l’hypothèse que le mot était vivant en français et n’appartenait pas uniquement à certains patois (v. ThibFrançais 106).
I1Depuis 1685 env. Fale « jabot des oiseaux » figure dès 1694 dans Ménage et a été relevé dans plusieurs parlers de France, plus particulièrement en Normandie (Manche, Calvados, Orne, Eure, Seine-Maritime), dans le Maine et en Bretagne; aussi relevé à Jersey et à Guernesey (v. FEW falr 152, 105). La variante faille (depuis 1744) n’est relevée que dans la région de Détroit, par le père Potier : faille f. : graisse à La gorge (PotierH 74), la glose maladroite accompagnant cette attestation renvoie très probablement au jabot. Cette variante figure aussi avec le même sens dans une glose : effâiller un d’inde canard etc. : ôter la faille (v. PotierH 94); elle s’inscrit sans doute dans une tendance bien attestée aux XVIIe et XVIIIe s. (mais d’origine plus ancienne) de remplacer la terminaison ‑al par ‑ail (p. ex. métail pour métal, cristail pour cristal, etc.) en raison d’une confusion découlant du fait que la finale -aux correspond au pluriel à la fois de mots en ‑al et de mots en ‑ail (v. JunPron 263). 2Depuis 1748, dans l’expression avoir la fale basse (avec la variante ancienne faille) « avoir faim » (PotierH 116 : avoir La faille basse… : faim… les crôcs [sic]). Fale « estomac » a été relevé dans des parlers de plusieurs régions de la Normandie (Eure, Calvados, Manche), et dans des zones plus ou moins limitrophes de la Haute-Bretagne et du Maine (v. FEW id.); la forme falle basse est attestée dès 1844 dans un toponyme désignant un bon endroit pour pêcher le long de la rivière Montmorency (The Quebec Guide, p. 157). L’expression avoir la fale basse (ou creuse) a été relevée en ce sens en Normandie ainsi que dans tous les parlers français d’Amérique du Nord (v. A. Thibault, Un normandisme qui s’est bien exporté : la fale à l’air!, Français de nos régions (blogue), 30 juillet 2019; v. aussi BeaucNorm, BourdNorm, LepNorm et DLF, s. v. fale). Il s’agit d’une métonymie (l’effet par la cause) reposant sur l’image d’un estomac vide, désigné par fale. En effet, avoir la fale creuse reproduit le modèle d’avoir l’estomac creux « avoir faim », et la variante avoir la fale basse rappelle d’autres constructions métonymiques où bas s’applique, par exemple, au niveau du contenu d’un réservoir (p. ex. : le réservoir est bas). Elle fait aussi écho à avoir l’estomac ou sentir son estomac (bien) bas, « avoir faim », attesté au XIXe s. en France : il avait mangé des pommes de terre à l’eau la veille, et, à midi, il avait l’estomac bien bas (G. Maroteau, Un malheureux, La Rue : Paris pittoresque et populaire, Paris, 28 septembre 1867, p. 7); – Allons, la petite, dit le capitaine en chant à adoucir sa voix, tu dois avoir faim. En effet, il était passé midi, et Jacquette sentait son estomac bien bas, car l’oignon et le gros pain bis de Gypto n’avaient pu la nourrir et le [sic] satisfaire complètement (H. O’Moore, La belle cavalière, Le Pays : journal des volontés de la France, 6 mai 1881, p. [3]). On peut aussi la rapprocher de avoir l’estomac dans (ou sur) les talons (v. TLF), expression aussi attestée depuis le XIXe s. (v. TLF et Robert (en ligne) 2024‑06, s.v. estomac).
Au sens d’« être déprimé, découragé », l’emploi d’avoir la fale basse (depuis 1900) et de la variante avoir la fale à terre (depuis 1967) paraît être une innovation québécoise, bien qu’il soit attesté un peu partout dans le Canada francophone (v. Thibault, ouvr. cité). Cet emploi découle lui aussi probablement d’une métonymie (l’effet par la cause), la faim pouvant affecter le moral de la personne affamée; il pourrait aussi avoir subi l’attraction sémantique de avoir la mine basse « avoir l’air triste, découragé; avoir l’air honteux, piteux » (v. Usito). Il s’inscrit dans une série d’expressions québécoises construites avec l’adjectif bas(se) et renvoyant à l’idée de déprime, de fatigue ou de dépit (cp. avoir le caquet bas « être cafardeux », avoir le coq à terre « avoir l’air fatigué, harassé, dépité » et vulg.avoir la p’lotte à terre « être épuisé, vanné », dans DesRExpr 1979, s.v. caquet, coq et p’lotte; cp. aussi l’expression avoir le moral à terre « être déprimé à l’excès » (v. ProtParl), attestée depuis au moins 1926 (Il avait le moral à terre, dans Le Soleil, Québec, 20 novembre, p. 5), qui pourrait avoir inspiré avoir la fale à terre.
II1Depuis 1675 env. 2Depuis 1851 (« 1 chevalle sou falle rouge », Cahiers de magasin d’Edouard Hamelin et descendants à Saint-Didace de Maskinongé, DGDAA, Fonds Louis-Edmond Hamelin (P311/H2/1), p. 41). 3Depuis 1897 (Clapin). Héritage des parlers de France. Cet emploi a été relevé en Normandie (Calvados, Eure, Manche, Orne), à Guernesey (« sein »), en Haute-Bretagne et dans le Maine; il est aussi attesté en Louisiane (v. FEW id.). Le sens de « partie d’un vêtement qui couvre la poitrine » a été relevé tel quel en France, dans des parlers du Maine, ainsi qu’en Louisiane; le sens de « devant de chemise » est attesté en Haute-Bretagne (v. FEW id.).