ÉPINETTE [epinɛt]
n. f.
1. Parfois au masculin dans la langue populaire. 2. Variantes graphiques : (au XVIIe s.) espinette (usuel à l’époque); (du XVIIe s. jusque dans la seconde moitié du XIXe s.) epinette; (plus rarement) epinet, épinet.
Conifère (genre Picea, fam. des pinacées) des régions froides et tempérées de l’hémisphère boréal, aux aiguilles rigides et pointues distribuées autour des rameaux, qui constitue une essence importante pour la production de pâte à papier et de bois de sciage.
Forêt, bois d’épinettes. Litt.Bouquet, bosquet, massif d’épinettes, fam.talle* d’épinettes. Têtes d’épinettes. Bois, bourgeons, branches, cocottes*, racines d’épinette. Gomme d’épinette. Des épinettes sèches, rabougries, maigrichonnes, rachitiques.
Tordeuse des bourgeons de l’épinette, tordeuse de l’épinette ou tordeuse d’épinette(s) : insecte défoliateur (Choristoneura fumiferana) dont la chenille décime l’épinette et le sapin en s’attaquant à leurs bourgeons.
Rem.1. Au XVIIIe s., le mot a été concurrencé par sapinette* dans le parler de l’élite française de passage dans les colonies de la Nouvelle-France. 2. Épinette est passé de la langue commune à celle des spécialistes, qui l’utilisent presque exclusivement à la place de épicéa, lequel est le mot usuel en France (où il est attesté depuis 1765). 3. Figure dans de nombreux noms de lacs et de cours d’eau du Québec (voir RTQ 1987).
Bois, écorce, rameau de ce conifère.
Épinette séchée. Planche, madrier d’épinette. Contreplaqué, pop.veneer d’épinette. Poutre d’épinette. Billot, bille d’épinette. Essence, huile essentielle, vieuxesprit d’épinette.
pruche (sens I.2); prusse (sens II); sapinette.
Il y a icy quantité de cèdres : ils nous servent de balais; force pins et sapins et espinettes qui sont verds l’hiver, nonobstant le froit; les autres arbres seichent comme en France. 1644, Marie de l’Incarnation, Correspondance, 1971, p. 225 (note en marge d’une lettre).
La cause de ces accidens [les feux de forêt] si étranges pourroit bien provenir, de ce que les bois d’icy ne sont composez que de petits pins, de prusses, & d’épinettes, tous arbres onctueux, dont la séve, sortant dehors, les enduit d’une gomme gluante, & visqueuse, qui rend une forest entiere, aussi susceptible du feu, que seroit un Navire, par la poix & par le goudron dont il se defend contre l’eau. 1662, The Jesuit Relations and Allied Documents, vol. 46, p. 278.
Les grands sapins, les pruches, les épinettes avec leurs larges palmes vert sombre couvertes de blancs flocons, ressemblaient à ces vieux rois du nord que nous montrent les légendes scandinaves – vieux rois drapés dans leurs manteaux sombres garnis d’hermine, et couronnés de chevelures d’argent. 1884, P. LeMay, L’affaire Sougraine, p. 304.
C’est encore une épinette à corneilles qui n’est pas pousseuse de hauteur; elle est étendue. 1959, Sept-Îles (Sept-Rivières), AFEUL, G. Landry 138 (âge de l’informateur : 78 ans).
L’épinette a bien d’autres ivresses à nous offrir. Si elle porte la musique dans la légèreté de son bois, elle la dispense également par les nombreuses espèces d’oiseaux qui vont nicher dans le réseau serré, sécuritaire, de ses peuplements touffus et qui parsèment la grande « pessière » nordique des chants les plus allègres. 1989, P. Morency, L’œil américain, p. 225‑226.
Les Innus se servaient des conifères pour les campements en forêt. Le bois de l’épinette servait de structure aux tentes que les Innus dressaient. Les branches de sapin, plus douces que celles de l’épinette, tapissaient le sol des abris. Les aulnes, quant à eux, servaient à la construction des matutishan, les tentes de sudation. Leurs branches étaient suffisamment souples pour ployer sans rompre. « Tout est présent pour survivre dans la forêt, il faut juste savoir comment utiliser tout ça. » 2019, Société Radio-Canada, Ici Nouvelles (site Web), 21 juin.
La forêt incarne un autre rapport au monde. C’est la figure de l’ermite qui va se terrer dans les bois pour rompre avec le bruit et la fureur du monde, se laver des salissures de la terre habitée. Les bois deviennent l’occasion d’une renaissance, d’une rédemption. […] C’est la figure de l’Autochtone, pour qui l’humain n’est pas au centre du monde, mais fait partie du monde, au même titre que l’épinette, la rivière ou la lune. 2020, M. Durand, Le Devoir, Montréal, 4 juillet, p. B5.
(Dans des noms d’espèces indigènes).
vieuxÉpinette blanche : (dans une ancienne nomenclature populaire, par oppos. à épinette rouge, voir sens II) nom donné à toutes les espèces de l’épinette (Picea) qui poussent dans l’Est nord-américain, au bois blanchâtre; mod.(dans la nomenclature scientifique, par oppos. à épinette noire et épinette rouge, ci‑après) espèce (Picea glauca) identifiable par ses rameaux dépourvus de petits poils et ses cônes allongés.
C’était cousu, ça [les canots d’écorce de bouleau], avec des racines d’épinette. [...] C’est une espèce d’épinette blanche qui pousse. Les racines sont à peu près grosses comme le doigt. […] Toute l’écorce était cousue avec ça. 1959, Moisie (Sept-Rivières), AFEUL, G. Landry 228 (âge de l’informateur : 78 ans).
Épinette noire : espèce (Picea mariana) identifiable par ses rameaux couverts de petits poils et ses petits cônes arrondis.
L’Épinette noire est l’espèce dominante de la forêt abitibienne, de la Côte-Nord et de l’Ungava central. A l’extrême nord, ainsi que sur la Côte-Nord, à l’est de Natashquan, et sur les hautes montagnes de la Gaspésie, elle cède graduellement la place à l’Épinette blanche. […] Le bois de cet arbre est léger, mou, faible, sujet à la torsion. Son usage par excellence est la fabrication du papier, pour laquelle sa fibre est supérieure à celle des autres bois flottables. On peut dire que durant le premier quart du vingtième siècle, l’Épinette noire aura été notre grande richesse nationale. 1935, frère Marie-Victorin, Flore laurentienne, p. 144.
Il y a l’épinette noire à part de ça, aussi […]. L’épinette noire, elle, c’est une épinette très, très dure. Souvent, c’est une épinette qui est tordue. Tu sais, c’est pas une... parce que l’épinette blanche, tu vas prendre une bûche, tu vas donner un coup de hache dessus, elle va la fendre droite. Tandis que l’épinette noire, ça se fend pas quasiment. Toute maillée, c’est plein de petits nœuds en dedans […]. L’écorce, les écales, là, sont plutôt noires, puis les branches, les aiguilles sont plus noires aussi […]. 1973, Saint-Narcisse-de-Rimouski (Rimouski-Neigette), AFEUL, Cl. Poirier 5 (âge de l’informateur : 67 ans).
Épinette rouge : espèce (Picea rubens) qui est fortement apparentée à l’épinette noire, dont elle se distingue difficilement (à ne pas confondre avec le conifère décrit sous le sens II).
On lavait la plaie avant avec de l’eau d’écorce d’épinette rouge; après, on soignait le bobo avec l’onguent de peuplier, de bourgeon de peuplier. 1971, Saint-Joseph (Beauce), AFEUL, M. Gagné 219 (âge de l’informatrice : n. d.).
(Dans des noms d’espèces introduites, souvent utilisées comme arbres d’ornement).
Épinette bleue (du Colorado) ou épinette du Colorado (Picea pungens), au feuillage vert bleuâtre, indigène de la côte ouest nord-américaine.
Épinette de Norvège (Picea abies), aux rameaux retombants, introduite d’Europe.
(Dans le nom d’une boisson). Bière d’épinette ou par méton., rare épinette.
Boire de l’épinette.
(Dans des noms populaires de l’épinette, d’après sa couleur, son habitat, ses propriétés; voir Notice encyclopédique, point 2).
VieilliÉpinette à (la) bière : nom donné à toute espèce d’épinette sans valeur marchande, considérée comme uniquement bonne à faire de la bière d’épinette.
Q. : Quelle est la qualité du bois sur cette terre‑là? R. : C’est du bois qui n’a aucune valeur; c’est de l’épinette à bière[,] des branches de sapin, etc. 1882, BAnQQ, Cour d’appel (Québec), cause no 11 (1882), factum de l’appelant, doc. de 1880, p. 13 (voir aussi PPQ 1640A).
VieilliÉpinette bâtarde : nom donné à l’épinette blanche (Picea glauca).
Vous ne pouvez faire de meilleur abri à votre verger que par une haie vive, et notre épinette blanche […], vulgairement épinette bâtarde, est la meilleure espèce que vous pouvez employer à cette fin […]. 1863, Gazette des campagnes, Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 2 janvier, p. 36.
Région.(Gaspésie). Épinette de pacage : nom donné à toute espèce d’épinette petite et rabougrie que l’on rencontre sur les rivages de la mer exposés aux forts vents du large.
VieilliÉpinette de savane : nom donné à toute espèce d’épinette d’aspect grêle que l’on rencontre dans les terrains marécageux.
La forêt de la plaine centrale [du Lac-Saint-Jean] renferme les essences suivantes : Epinettes blanches et noires, avec la forme spéciale dite épinette de savane, dans les terrains marécageux, le sapin baumier, aujourd’hui dépérissant par suite des attaques des insectes […]. 1919, G.‑C. Piché, Les Forêts du Lac Saint-Jean, Le Terroir, octobre, p. 137.
Région.(Île d’Anticosti). Épinette ferrée : Syn. de épinette de pacage (voir ci‑dessus).
Epinette ferrée […]. Ce sont sans doute les formes déprimées de l’épinette noire […], de l’épinette blanche [...] abondante au bord de la mer. Leurs troncs sont tordus, la croissance est très lente, si bien que les anneaux annuels de bois sont minces, d’où un bois très dur […]. 1946, J. Rousseau, Notes sur l’ethnobotanique d’Anticosti, Les Archives de folklore, t. 1, p. 64.
VieilliÉpinette grise : nom donné à toute espèce d’épinette à l’écorce grisâtre.
La variété [d’épinette noire] connue sous le nom d’Epinette grise est celle qui acquiert les plus grandes dimensions. 1867, O. Brunet, Catalogue des végétaux ligneux du Canada, p. 59.
Il y a l’épinette grise, là, ça, c’est l’épinette ordinaire, c’est l’épinette commune, ça. Puis, à part ça, il y a l’épinette blanche. L’épinette blanche, elle, par exemple l’hiver, là, elle va geler d’un travers à l’autre. Tandis que l’épinette grise, elle, elle va geler juste une petite affaire, à peu près un pouce, une couple de pouces peut-être bien. Dans le trou, par là, le cœur va geler. L’épinette blanche, elle, souvent elle va geler d’un travers à l’autre. [Puis quelle différence qu’il y a à les voir?] L’épinette blanche, elle, elle a l’écorce plus blanche que la grise, puis elle a l’écorce fine […]. Elle a l’écorce fine, tandis que la grise, elle, c’est toutes des écailles, comme des écales, là. 1973, Saint-Narcisse-de-Rimouski (Rimouski-Neigette), AFEUL, Cl. Poirier 5 (âge de l’informateur : 67 ans).
vieilliÉpinette jaune : nom donné à l’épinette rouge (Picea rubens), ou région.à l’épinette noire (Picea mariana) au bois de cœur jaunâtre.
Puisque je viens de te nommer les Épinettes, apprends que nous en avons au Canada trois variétés importantes : l’Épinette rouge, qui est un bel arbre d’ornement, l’Épinette blanche et l’Épinette jaune, d’aucuns disent noire. 1930 env., L.‑J. Gagnon, À travers les champs et les bois, p. 172.
Puis, il y a l’épinette jaune aussi. L’épinette jaune, ça ressemble à du pin, ça. Ça, c’est quasiment pas gelé […]. L’hiver, ça gèle pas un demi pouce tout le tour. Ça, il y en a même qui font des châssis, au lieu de faire des châssis avec du pin, ils font ça avec de l’épinette jaune. C’est un bois tendre, ça. Puis, c’est pas un bois qui est pourrissant. […] Une épinette jaune, c’est une épinette qui est très forte, par exemple, parce qu’on veut souvent de la grosse épinette. Puis, souvent, sur le dessus d’une montagne, comme les gars qui font des violons, là. Ils vont chercher de l’épinette jaune qui est plantée sur le dessus d’une montagne. […] Ça prend pas moins de dix-huit pouces d’épinette pour faire un bon violon. 1973, Saint-Narcisse-de-Rimouski (Rimouski-Neigette), AFEUL, Cl. Poirier 5 (âge de l’informateur : 67 ans).
(Sous le Régime français; hapax). Épinette verte : nom donné à toute espèce d’épinette (Picea) (par oppos. à épinette rouge (Larix laricina); voir la citation de 1664 sous le sens II).
(Variante, par aphérèse). DisparuPinette n.
Il se trouve a Pentagouet des Pinette propres a faire des mâts de hune. 1698, G. Massignon, Les parlers français d’Acadie, 1962, t. 1, p. 168.
Rem.Variante très rare, qui pourrait résulter d’un problème de notation (voir Histoire).
Épinettière n. f. Peuplement, plantation d’épinettes.
Mais, ayant trouvé des bas-fonds de cédrières et épinettières fort longs et pleins d’eau sans beaucoup d’égoût, nous avons été obligé [sic] de ponter ces endroits avec des lambourdes […]. 1784, J. Renaud, Mémoires et comptes rendus de la Société royale du Canada, 1918, t. 1, p. 74.
Rem.Mot connu surtout des forestiers et des ruraux (voir PPQ 1641 et Lavoie 258); les spécialistes emploient plutôt pessière.
(Dans un tour comparatif à valeur superlative). Litt.Droit, franc, grand, maigre, sec comme une épinette.
Je la trouve franche comme une épinette… une belle, en plein soleil. 1939, Cl.‑H. Grignon, Le déserteur, 27 février, p. 2 (radio).
Fig., rare ou région. Passer une épinette à qqn : duper qqn. Se faire passer une épinette : se faire duper.
sapin (sens II.2).
(Variantes). RarePasser à qqn une épinette pour du sapin, se faire passer une épinette pour du sapin.
Le grand public [...] est reparti déçu, comme trompé sur la marchandise [offerte par les bouquinistes], selon mes antennes. Il ne reviendra pas aussi nombreux l’an prochain, si ça se trouve. Il aurait été tellement plus simple d’annoncer la couleur. Les Québécois détestent se faire passer une épinette pour un sapin. 1994, L.‑G. Lemieux, Le Soleil, Québec, 10 août, p. B2.
NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE
1. Élément important de la forêt boréale nord-américaine, l’épinette compte de nombreuses espèces qui produisent toutes un bois léger, tendre, flexible et assez fort pour se prêter à diverses utilisations. Dès l’époque coloniale, ce conifère fournit un matériau prisé dans la construction navale; les Français et les Anglais s’en servent pour la fabrication de mâts, de mâtereaux et d’espars et, en outre, ils en tirent des bordages et des pièces courbes faites avec la partie comprise entre la base du tronc et la racine. Parallèlement à cet usage, l’arbre constitue une source importante de bois entrant dans la construction de charpentes, de planchers, de ponts et de quais. Aujourd’hui encore, l’épinette vient au premier rang pour la production de bois de sciage parce qu’elle constitue un matériau très utilisé dans la construction résidentielle et la fabrication de contreplaqués, et qu’elle représente – depuis la fin du XIXe s. – une source importante de bois de pâte à papier en raison de la longueur de ses fibres et de sa faible teneur en résine. Par ailleurs, l’épinette a souvent été reconnue pour ses nombreuses propriétés médicinales (voir sens I.2, Notice Encyclopédique). En 1709, l’intendant A.‑D. Raudot affirmait que l’on faisait une tisane propre à combattre le scorbut à partir des rameaux de l’épinette blanche (à l’époque, cette appellation était générique, n’étant pas encore réservée à l’espèce Picea glauca, comme c’est le cas aujourd’hui; voir Histoire). C’est peut-être ce qui a amené Fr.‑X. de Charlevoix à écrire que Jacques Cartier en avait utilisé les feuilles et l’écorce pour guérir son équipage atteint du scorbut lors de l’hiver 1535‑1536. À sa suite, bon nombre d’historiens et de botanistes ont prétendu que l’épinette blanche (identifiée chez eux à l’espèce Picea glauca) était l’arbre appelé annedda, mais cette interprétation est erronée.
2. Dans le passé, bon nombre de commentateurs ont essayé d’associer les noms populaires de l’épinette à l’une ou l’autre des espèces de ce conifère, comme l’entend la systématique moderne, ce qui a parfois donné lieu à des interprétations très différentes. En fait, ces noms s’appliquent souvent non pas à des espèces particulières, mais bien à des formes écologiques de l’épinette, c’est-à-dire à toute épinette – quelle qu’en soit l’espèce – présentant des caractéristiques observables qui sont généralement en rapport direct avec son habitat (lieux marécageux, lieux exposés aux vents, etc.). C’est ce qu’avait déjà reconnu le frère Marie-Victorin en 1927, époque où il avait cependant estimé – peut-être un peu trop hâtivement – que ces noms servaient tous à désigner des formes de la seule épinette blanche (Picea glauca) : « L’espèce se présente sous des formes très diverses, généralement ignorées des taxonomistes, mais que les forestiers ont depuis longtemps distinguées et nommées. […] L’‘Épinette jaune’ ne se distingue apparemment que par des particularités d’écorce et de couleur du bois. L’‘Épinette de savane’ est la forme caractéristique des lieux très humides. L’‘Épinette grise’ ou ‘Épinette blanche des champs’ est une forme où les cônes sont oblongs, jaunâtres, dépourvus de résine, faciles à ouvrir, à déhiscence précoce comme ceux du Pin blanc. Enfin, l’‘Épinette à bière’ paraît être la forme que revêt l’‘Épinette grise’ quand elle s’avance dans les lieux mouillés. » Toutefois, l’éminent botaniste n’en était probablement qu’à une étape de sa réflexion sur l’interprétation des noms populaires, puisque, en 1935, il croyait qu’ils pouvaient aussi révéler une conception populaire de l’espèce basée sur les états successifs des mêmes individus, donnant pour exemple qu’une même épinette pouvait d’abord être appelée épinette grise, et plus tard épinette jaune.
Sources : J.‑Chr. Langelier (1906), Les arbres de commerce de la province de Québec, p. 37; frère Marie-Victorin (1935), Flore laurentienne, p. 6; id. (1927), Les Gymnospermes du Québec, p. 13.
(Dans une nomenclature populaire). Épinette rouge : nom donné au mélèze laricin (Larix laricina, fam. des pinacées), conifère de l’est de l’Amérique du Nord dont l’écorce et le bois sont d’un brun rougeâtre; bois, écorce, rameau de ce conifère.
Lambourde, madrier d’épinette rouge.
Écorce d’épinette rouge, utilisée en médecine populaire pour soigner différentes affections.
Eau, tisane d’écorce d’épinette rouge (voir Notice encyclopédique).
Rem.1. Cette dénomination s’est d’abord inscrite dans un système de classification populaire s’étant développé sous le Régime français et maintenu dans la langue commune au moins jusqu’au XXe s.; elle ne s’appliquait qu’au mélèze laricin, seule espèce du genre Larix dans tout l’Est nord-américain, et s’opposait à épinette blanche, qui a d’abord servi à désigner toutes les espèces du genre Picea de cette même zone (voir Histoire). 2. Épinette rouge, dans cet emploi, a été critiqué par les spécialistes de la botanique, notamment par Marie-Victorin et l’ethnobotaniste J. Rousseau, qui le considéraient comme impropre (voir frère Marie-Victorin, Notes pour servir à l’histoire de nos connaissances sur les Abiétacées du Québec, 1926, p. 457, et J. Rousseau, dans Le Canada français, vol. 22, p. 584); les botanistes recourent plutôt à mélèze laricin et réservent le terme épinette rouge à une des espèces du genre Picea (sens I.1, ci‑dessus). 3. Épinette rouge est de plus en plus concurrencé par mélèze dans la langue courante. 4. En Acadie, on emploie d’autres mots pour désigner ce conifère, dont violon.
L’Epinette rouge est d’un bois plus ferme & plus pesant, & fort propre à bastir; elle se dépoüille de ses fueilles en Automne, & les reprend au Printemps : ce qui n’arrive point aux autres sapinages. L’escorce en est rouge; il ne rend point quasi de gomme, tout au contraire de l’Epinette verte [c’est-à-dire tout conifère du genre Picea] qui en a quantité. 1664, P. Boucher, Histoire veritable et naturelle, p. 43.
Epinette rouge du Canada est un veritable meleze ou laryx qui fait un grand et bel arbre […/]. Le bois de cet arbre etant resineux resiste a la pourriture, on l’emploie surtout pour faire des soliveaux qu’on met sur la terre dans les granges et dans les caves. C’est le seul arbre des coniferes ou sapinages en Canada qui quitte ses feuilles l’hiver. 1749, J.‑Fr. Gaultier, Description de plusieurs plantes du Canada (ms.), AnQ, fonds Jean-François Gaultier (P91), fos 255-256.
L’hiver, aux chantiers du Lac Gravel, nous habitions tous deux avec un nommé Demeules un petit campe de bois rond couvert de branches d’épinette et de sapin. Après le souper, pendant que nous fumions alentour du petit poêle de tôle noire qui réchauffait la cabane, je disais à Demeules : « Cinquante bons billots d’épinette rouge encore aujourd’hui; c’est de l’argent ça, pour le printemps ! » 1925, D. Potvin, La Baie, p. 55‑56.
Elle [une barge] était charpentée en épinette rouge, un bois qu’on voyait plus souvent dans nos parages autrefois qu’aujourd’hui. C’est pas pourrissant, ça durcit sans bon sens à l’âge, c’est pas tendre au sel de mer, mais comme tout bois, faut pas l’ensoleiller des années de temps. Ce qui avait pas résisté, sur ma barge, c’était justement les places trop exposées à du soleil de grève, et qui avaient été montées en d’autre bois que l’épinette rouge. 1970, Y. Thériault, Le dernier havre, p. 77‑78.
C’est l’ère du bois de papeterie. « Ç’a tout été coupé ! », lance l’historienne […]. « En 1860, les forêts de pins, il y en a déjà plus. » Après les pins destinés à la construction navale, les bûcherons s’attaquent aux épinettes rouges dont les billots poussés par les draveurs dévalent les cours d’eau jusqu’aux scieries pour en ressortir sous forme de planches et de poutres. « Là, on tombe sur l’épinette noire. Après ça, il reste quoi? », demande [l’historienne]. « On prend le bouleau pour se chauffer, le merisier, etc. » 2019, M. Bélair‑Cirino et D. Noël, Le Devoir, Montréal, 26 juillet, p. A10.
Les résultats préliminaires de la recherche [qui vise à documenter les savoir-faire et les connaissances des Hurons-Wendat sur les usages médicinaux des ressources végétales] ont permis d’identifier 13 plantes médicinales d’intérêt pour la Nation : thuya occidental (cèdre), mélèze laricin (épinette rouge), etc. 2020, Yakwennra : le journal de la Nation huronne wendat, Wendake, juin, p. 19.
Dans le fonds d[’une] famille [de l’Outaouais], composé essentiellement de correspondance entre les membres de la famille, [l’un d’eux] aime bien parler des remèdes utilisés pour guérir divers maux. Dans une lettre à son frère, il explique que sa mère a été saignée pour guérir une plaie à la cheville. Toutefois, c’est de l’onguent fabriqué à base d’épinette rouge qui réussit en fin de compte à guérir la plaie… même si une voisine a plutôt recommandé de tenir constamment un morceau de plomb de caisse à thé sur la cheville jusqu’à ce qu’elle guérisse… 2021, J. Duval, Aux grands maux les grands remèdes!, Instantanés : La vitrine des archives de BAnQ (site Web), 27 janvier.
NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE
L’épinette rouge, qui est le seul représentant du genre Larix dans l’est de l’Amérique du Nord, donne un bois dur, lourd et résistant à l’humidité. En raison de ces qualités, on l’a souvent employé pour en faire des pavés dans les granges et les étables, et on l’a préféré au chêne dans la construction navale. Dans les années 1870, l’espèce est presque complètement décimée par un insecte défoliateur, la mouche à scie; seules les jeunes pousses survivent à ce fléau et permettent la régénération de l’espèce. En médecine populaire, on a recouru abondamment à des décoctions d’écorce d’épinette rouge pour traiter différentes affections; certaines d’entre elles étaient préparées à l’aide de plusieurs sortes d’écorce. On attribuait à ces décoctions des propriétés antiseptiques et toniques. En usage externe, on s’en servait pour nettoyer les petites blessures, les plaies et diverses affections cutanées provoquant des démangeaisons; en usage interne, elles soulageaient le rhume, la grippe, la toux, les irritations de la gorge, les maux ou les ulcères d’estomac et elles permettaient de purifier le sang.
Histoire
Ce n’est que tardivement au cours du XVIIe s. que les habitants de la colonie laurentienne nomment épinette les conifères des genres Picea (sens I.1) et Larix (sens II). Auparavant, ils ne semblent pas avoir attribué un nom particulier à ces arbres pour les distinguer de tous les autres conifères à aiguilles, de sorte qu’ils les incluent certainement dans des noms tels que sapin* et pruche (ou prusse). L’apparition de épinette permet alors de structurer le système de classification populaire des conifères à aiguilles : sapin va s’appliquer spécifiquement à un conifère du genre Abies (et à un du genre Taxus en Acadie), pruche à un du genre Tsuga, épinette à ceux des genres Picea et Larix, pin et cyprès* à ceux du genre Pinus. Depuis les années 1930, on s’est souvent questionné au Québec sur l’origine du mot épinette, sans en arriver à un consensus. Dans les dictionnaires européens, la question est posée depuis la seconde moitié du XIXe s. et les explications proposées sont multiples (altération du mot sapinette, évoquée mais rejetée dans Larousse 1866; forme découlant de pinette, non attestée mais qui résulterait de la féminisation du mot pinet, du moyen français, avec voyelle initiale ajoutée, d’après Gam1‑2; dérivé de pin avec ajout du suffixe ‑ette, d’après TLF; dérivé de pin, avec influence de épine, d’après Larousse 1982). À la lumière de l’ensemble de la documentation, il faut pourtant se rendre à l’évidence que le mot est arrivé tel quel de France, où il pouvait s’appliquer autrefois à des réalités participant toutes du sens fondamental d’« épine »; il se serait étendu en Nouvelle-France aux conifères du genre Picea dont les feuilles sont en forme de petites aiguilles rigides et pointues (v. JunCompt 138‑139). En effet, selon les époques et les lieux, épinette a servi à désigner en France tantôt de petites épines végétales, tantôt des arbustes épineux, tantôt encore des lieux encombrés d’épines. Au sens de « petite épine », le mot a été relevé en français du XIIIe jusqu’au XVe s., tandis qu’au sens par extension d’« aiguille de conifère », il l’a été dans les parlers de l’Ouest; au sens de « buisson épineux », d’« aubépine » ou d’« épine-vinette », il a été relevé en français du XIIIe jusqu’au XVe s., puis dans des parlers du Nord, du Nord-Ouest et de l’Ouest; au sens de « lieu encombré d’épines, de ronces, etc. », il a été relevé en Aunis et en Saintonge (v. FEW spìna 12, 177a et 178a; JorFlore 12; RollFlore 5, 144; LaurBor, s.v. espinette; MussSaint; PégFrance; LeMJers, s.v. êpinnette; ALO 332). Ce dernier emploi a peut-être été déterminant dans l’application de épinette à des conifères nord-américains parce qu’il est associé à Les Épinettes ou L’Épinette, noms de très nombreux lieux-dits de la France (notam. du Nord, du Nord-Ouest et de l’Ouest, v. MussSaint; v. aussi P. Joanne (dir.), Dictionnaire géographique et administratif de la France, t. 3, 1894, s.v. épinette; E. Nègre, Toponymie générale de la France, vol. 2, 1991, no 23042; A. Dauzat et Ch. Rostaing, Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, 2e éd., 1978, s.v. Épinal, qui précisent que ces noms s’appliquent à de nombreux hameaux dans toute la France). À ce sujet, le frère Marie-Victorin (dans Notes pour servir à l’histoire de nos connaissances sur les Abiétacées du Québec, 1926, p. 449), faisant un lien avec épinette « petite épine », relevé au figuré dans un poème de G. de Machault, écrit : « Quiconque a essayé de marcher dans la grande forêt d’Épinettes n’aura pas de difficulté à admettre cette signification. » Toutes ces données concourent à infirmer les hypothèses mentionnées ci‑dessus, ainsi que celle qui est la plus souvent évoquée chez les spécialistes québécois, selon laquelle le mot serait un dérivé de pignet désignant un pin (ou de variantes pinet et pinette, qu’on ne trouve pourtant jamais en France en parlant d’un arbre), avec attraction de épine (v. Léo‑E. Pariseau, dans Le Journal de l’Hôtel-Dieu de Montréal, no 4, 1934, p. 260‑262, RoussAdd, Mass no 152, AugFor 69‑71 et PellFaune 245‑248). Les dictionnaires de France enregistrent effectivement pignet en parlant de l’épicéa, du XVIe jusqu’au XVIIIe s., mais ce mot n’a probablement jamais fait partie du français commun; dans cette acception, il appartenait aux parlers des domaines occitan et franco-provençal, comme le précisent d’ailleurs le dictionnaire de Estienne, en 1552, et le naturaliste Pierre Belon, en 1553 (v. FEW pìneus 8, 520b, et P. Belon, Les observations de plusieurs singularitez et choses mémorables, 1553, p. 41). De toute évidence, les dictionnaires des XVIIe et XVIIIe s. qui ont continué à consigner cet emploi de pignet ont omis d’indiquer qu’il s’agissait d’un mot régional, se contentant de le présenter comme « un nom que l’on donne à la pesse », qui est l’épicéa (v. Monet 1636, et Corn 1694, s.v. pesse et pignet; v. aussi Fur 1690‑1727, Trévoux 1704‑1771 et Richelet 1732). Appliqué au pin ou au sapin, pignet a été relevé en outre dans les parlers occitans d’où il est sans doute passé dans certaines localités de l’Ouest de la France, en Charente et en Charente-Maritime (v. FEW id., 521a, ALF 1190 et 1667, ALAL 271, ALLOC 181 et ALO 331). Reste le problème de pinet ou pinette, variantes phonétiques supposées de pignet, mais qu’on ne trouve nulle part en France en parlant d’un arbre. Le mot pinet paraît cependant attesté dans un document québécois de 1682, sous la graphie pinest, dans un passage qui se lit comme suit : 3 voyage de pinest […], 40 pinest que n[ous] avon donné, […] deux voyages de [pi]nest de sé peti pinest (v. JunCompt 34 et 138‑139). Dans ce contexte, on peut penser qu’il signifie « petit pin » (v. d’ailleurs l’ex. de 1662, sous le sens I.1, où l’on oppose petit pin à prusse et à épinette); quoi qu’il en soit, c’est une forme isolée, qui apparaît d’ailleurs bien après la première attestation d’épinette au sens d’« épicéa » (v. plus loin, sous I.1). Quelques spécialistes français et québécois ont pensé que le mot pinette pouvait avoir circulé en Nouvelle-France, où il aurait été appliqué à des conifères, avant de devenir épinette; cette variante est effectivement attestée dans la documentation relative à la Nouvelle-France, mais plus tardivement encore (1698, en Acadie) et très rarement; mais surtout, tout porte à croire que c’est plutôt épinette qui a été réinterprété à l’occasion en pinette (dans des séquences telles que bois d’épinette, devenue bois de pinette; on trouve notamment cette variante une fois chez Gédéon de Catalogne, mais cet auteur n’emploie partout ailleurs que la forme épinette ou epinette). Le fait que le mot épinette se soit imposé au Québec en parlant de l’épicéa alors que les Acadiens ont opté pour prusse permet de confirmer que l’évolution sémantique de ces mots s’est bel et bien passée au pays. Sous l’influence des voyageurs canadiens-français, épinette a pénétré dans des récits écrits en anglais (v. Craigie, Mathews, DictCan); on le rencontre en outre dans des variétés d’anglais oral aux États-Unis (au sens I.1 et au sens II, v. Webster 1993).
1Depuis 1644 (Marie de l’Incarnation), date qui n’est toutefois pas certaine, puisque le mot apparaît dans une note marginale dont on ignore si elle est de la main de l’auteure; de façon assurée, à partir de 1662, époque où le mot se répand et s’implante véritablement dans l’usage. Épinette blanche, depuis 1680 (AnQ, Québec, greffe P. Duquet, 23 janvier : Cent pieds D’arbres de bois despinette blanche), d’après la couleur du bois, qui est presque blanc. Au cours de son histoire, le syntagme épinette blanche s’est inscrit dans deux systématiques distinctes : l’une, d’origine populaire, et l’autre, d’origine savante. D’abord, pendant tout le Régime français (et même au‑delà), la langue populaire s’en est servie comme générique pour désigner toutes les espèces de conifères du genre Picea connues dans l’Est nord-américain, comme on peut le constater dans cet extrait du médecin du roi, J.‑Fr. Gaultier, en 1749 : L’Epinette blanche a au moins deux especes ou varietés dont l’une est brune par l’écorce et l’autre blanche (fo 260 du document cité sous I.2, Notice encycl.); à cette époque, épinette blanche s’opposait donc exclusivement à épinette rouge (sens II), appellation réservée à un conifère du genre Larix dont l’écorce et le bois sont de couleur rougeâtre. C’est à partir de Linné (milieu du XVIIIe s.) que s’installe progressivement la taxonomie botanique moderne qui est à l’origine de la distinction que pratiquent les spécialistes américains entre trois espèces du genre Picea appelées white spruce, black spruce et red spruce (white spruce depuis 1810 d’après le botaniste français Fr.‑A. Michaux, Histoire des arbres forestiers de l’Amérique septentrionale, t. 1, p. 18 et 133; black spruce depuis 1765 d’après Craigie; red spruce depuis 1801 d’après DictCan, dont l’exemple de 1777 réfère sans doute au mélèze plutôt qu’à l’épinette). De la traduction de ces termes anglais découle les appellations québécoises épinette blanche désignant exclusivement l’espèce Picea glauca, épinette noire désignant l’espèce Picea mariana, et épinette rouge désignant l’espèce Picea rubens. Bien que le botaniste français Fr.‑A. Michaux (ouvr. cité) signale dès 1810 les deux premières de ces appellations, cette nomenclature n’est attestée sous la plume de spécialistes québécois qu’à partir de 1856 (v. J.‑Ch. Taché, Le Canada et l’Exposition universelle de 1855, p. 50, qui atteste épinette blanche et épinette noire); épinette rouge ne fait son apparition dans les textes qu’en 1870 (v. L’Ordre, Montréal, 23 novembre, p. 2 : sirop de gomme d’épinette rouge, contexte qui permet de confirmer qu’il ne s’agit pas du mélèze; chez Taché, cette appellation ne renvoyait encore qu’au mélèze). L’implantation progressive, et chez les spécialistes avant tout, de la nouvelle terminologie explique que celle qui avait cours antérieurement se soit maintenue dans le peuple jusqu’au XXe siècle, en même temps que s’implantait une autre terminologie populaire dans le milieu des forestiers (v. plus loin). Épinette bleue, depuis 1925 (D. Potvin, « Aux noisettes », dans CF 12/6, p. 429), et épinette du Colorado, depuis 1939 (R. P. Léopold, La culture des fleurs et le jardin paysager, p. 15); de l’anglais américain blue spruce et Colorado blue spruce (v. Craigie, qui atteste le premier depuis 1884 et le second depuis 1897). Épinette de Norvège, depuis 1884 (J.‑Ch. Chapais, Le jour de la fête des arbres, p. 5); de l’anglais Norway spruce (v. Craigie, qui l’atteste depuis 1847). Parallèlement à la terminologie scientifique moderne, il s’est développé, dans le contexte des chantiers forestiers, une nomenclature populaire qui réfère à des espèces ou à des formes écologiques des espèces de l’épinette. Celle‑ci repose sur un découpage de la réalité distinct de celui qui guide les spécialistes dans l’établissement de leur taxonomie; elle exprime notamment les variations dans la couleur, la dureté et l’apparence qu’on observe chez les arbres d’une même espèce, variations qui s’expliquent par leurs conditions de croissance (habitat, ensoleillement, altitude, etc.) ou leur nature génétique (sur les procédés de formation des noms d’arbres au Québec, v. AugArbr 1169‑1171). Épinette à (la) bière, depuis 1810 (d’après le botaniste français Fr.‑A. Michaux, ouvr. cité, p. 18 : « Epinette noire, et Epinette à la bière, par les François-Canadiens »; v. aussi p. 123); d’après l’anglais beer spruce (v. Craigie, qui l’atteste depuis 1787). Épinette bâtarde, depuis 1863. Épinette de pacage, depuis 2002 (enq. du TLFQ). Épinette de savane, depuis 1862 (J.‑Ch. Taché, Collection des produits des eaux et forêts du Bas-Canada, p. 12); cp. l’anglais nord-américain swamp spruce « black spruce » (v. Webster 1993). Épinette ferrée, depuis 1946 (pour une description de l’arbre, v. frère Marie-Victorin, Les Gymnospermes du Québec, 1927, p. 73‑74). Épinette grise, depuis 1821 (AnQ, Québec, greffe J. Bélanger, 22 novembre, p. [2] : paver l’écurie en épinette grise en bois de trois pouces d’épaisseur). Épinette jaune, depuis 1856 (J.‑Ch. Taché, ouvr. cité, p. 95); de l’anglais américain yellow spruce, qui s’applique à l’épinette rouge (Picea rubens; v. Webster 1993). Épinette verte, 1664; appellation mort-née que P. Boucher applique indistinctement à toutes les espèces du genre Picea (conservant leur feuillage vert toute l’année) et qu’il oppose à épinette rouge (sens II), conifère du genre Larix, à l’écorce brun rougeâtre, qui perd ses feuilles. Pinette (1698‑1716, dans Mass no 152; v. l’explication plus haut). Épinettière, depuis 1784; de épinette, et suffixe ‑ière. Passer une épinette à qqn, depuis 1975 (La Tribune, Sherbrooke, 18 janvier, p. 2); la variante passer à qqn une épinette pour du sapin, depuis 1988 (v. La Presse, Montréal, 30 novembre, p. F2, dans un article où l’auteur, qui donne des trucs aux consommateurs pour éviter qu’on ne leur vende à Noël une épinette plutôt qu’un vrai sapin, joue sur les sens propre et figuré de l’expression).
2Épinette rouge, depuis 1664 (Boucher); d’après la couleur de l’écorce ou du bois du conifère. Cette appellation s’opposait à épinette blanche, servant anciennement à désigner toutes les espèces de Picea de l’Est nord-américain (v. l’explication sous le sens I.1, ci‑dessus).