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ENVASER (S') [ɑ̃vɑze]
v. pron.

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VieilliS’enfoncer dans la vase (d’un chemin, d’un champ), s’embourber.

Rem.En France, l’emploi du mot est limité à l’enlisement dans la vase d’un plan d’eau (p. ex. en parlant d’une embarcation qui s’y enfonce), ou encore à un plan d’eau (un lac, une baie, une rivière, etc.) qui se remplit progressivement de vase. Cet emploi est aussi en usage au Québec.

Si les arbres et les serres étaient supprimés en cet endroit, que lhabitude nous fait nommer « le jardin Viger, » nos trisaïeuls pourraient y revenir sans crainte de surprise : ils ne pourraient constater aucune amélioration dans cette partie de Montréal alors extra muros et connue sous le nom de marécage. Effectivement, il est impossible, aujourd’hui, de traverser le « jardin » en question sans risquer de senvaser jusqu’à la ceinture. Seuls les équilibristes parviennent sans avarie au bout de la planche qui sert de passerelle. MM. les membres du comité des chemins ne pourraient-ils jeter un coup d’œil sur cette boue? 1890, La Presse, Montréal, 8 avril, p. [4].

Nous entrons dans l’Arizona. Infinie désolation du paysage. Rien, rien, que le désert, semé de petites touffes desséchées. Il tombe un peu de pluie, délayant les routes où les automobiles s’envasent. […] Elles ont bien du mal à se tirer de cette glaise détrempée, qui colle aux roues comme une cire. 1929, H. d’Arles, Horizons, p. 34.

S’il vous disait de vous aventurer dans un sentier, sachez que la monte pneumatique de [cette automobile] n’est aucunement adaptée pour jouer les tout-terrain : le frein moteur est presque inexistant; la garde au sol est peu élevée; les angles d’approche et de sortie sont beaucoup trop serrés; il n’y a aucune plaque protectrice et pas de boîtier de transfert. Bref, vous allez vous envaser dans la première ornière. 2015, Le Quotidien, Saguenay, 13 juillet, p. 20.

 VieilliEnvasé, envasée adj. Sali, couvert de vase, de boue; embourbé, enlisé dans la vase (d’un chemin, d’un champ).

De Ponoka je me suis rendu avec mon équipement au creek des Buttes-au-Castor, à environ 120 milles de distance, le voyage ayant duré six jours. Le temps était très mauvais et les chemins dans un état tel que les chevaux et les voitures étaient souvent envasés, ce qui avait pour conséquence inévitable des bris d’attelages et des délais. 1896, Rapport de J. E. Woods, A. T. F. : Arpentages dans le district d’Edmonton, Documents de la session du Parlement du Canada, 1897, vol. 31, no 10, partie 2, p. 25.

En effet, cette boue visqueuse et opaque s’enfonça d’abord le long du côté extérieur du mur de revêtement, et remonta ensuite par le fond, à l’intérieur de la gigantesque boîte où travaillaient les ouvriers! Le malheureux Joseph Choquette se trouva envasé et n’eut pas le temps de sortir de cette boue […]. 1931, Le Petit Journal, Montréal, 12 avril, p. [1].

Le père Edouard Morin se délesta de ses bottes envasées et gravit l’escalier d’un pas cassé. 1937, Le Bien public, Trois-Rivières, 8 juillet, p. 3 (section magazine).

Afin d’alléger leur voiture remplie de blé ou d’avoine ou de légumes qu’ils allaient vendre à Lévis ou Québec, afin de soulager leurs chevaux essoufflés, ils marchaient à pied... et ils arrivaient à Québec envasés jusqu’aux jarrets. Vous comprenez maintenant : pourquoi les Jarrets noirs! 1973, Le Soleil, Québec, 3 avril, p. [4].

[…] les torrents de boue ont charrié aussi bien les constructions effondrées que les carcasses de véhicules amoncelés et embourbés. De nombreux habitants des quartiers sinistrés assistent, le regard hagard et fatigué par une nuit blanche, aux opérations de déblaiement des routes envasées. 2001, Le Droit, Ottawa, 12 novembre, p. 19.

2

Fig. S’engager, s’enliser dans une situation fâcheuse ou confuse; se mettre dans le pétrin, dans une impasse.

Nous ne vous avons rien demandé nous[-]mêmes. Nous avez[-]vous seulement consultés avant de passer votre fameuse clause préférentielle? Non. Vous vous êtes envasés jusqu’au cou; tant pis pour vous. 1897, Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 20 juillet, p. [1].

J’ai vu de ces murs gris l’écrasante laideur, [/] Où tant d’êtres humains vieillis et las s’envasent [/] Endormis dans une torpeur [/] Qui les enveloppe et les blase. 1946, Le Droit, Ottawa, 4 février, p. 3

Nous nhésitons pas à dire que face au cinéma-industrie colossalement commercialisé dans le monde entier, nous sommes en présence dun art qui se fait souvent essayiste, mais nest‑ce pas le propre de l’art, d’un cinéma-vérité qui comporte des trouvailles intéressantes basées sur des recherches sincères en vue dune création nouvelle sortie des poncifs habituels dans lesquels commençait à croupir et à s’envaser sérieusement le 7e Art. 1961, La Patrie du dimanche, Montréal, 20 août, p. 24.

Avant sa sortie, on prédisait à ce documentaire-choc le parcours flamboyant d’une torpille […]. Au lieu de faire des flammèches, l’œuvre s’envase dans une désinvolture généralisée. 2007, Le Devoir, Montréal, 19 décembre, p. A6.

De nos jours, lors d’une affaire judiciaire de longue durée, pourquoi la justice pénale s’envase-t-elle dans un marécage procédural? Selon une opinion affirmée, la gestion judiciaire est un gage d’efficacité susceptible d’assouplir l’administration de la justice. 2014, Le Journal du Barreau, avril, p. 10.

 Fig. Envasé, envasée adj.

Notre pensée canadienne-française doit s’affranchir de la tutelle américaine matérialiste que lui imposent les journaux jaunes, que lui impose aussi l’exemple dangereux de nos compatriotes anglo-saxons, envasés dans le solide confort britannique. 1935, Le Droit, Ottawa, 10 avril, p. 2.

Au premier chef, le rôle inquisiteur du juge […] doit être signalé et la conduite insolite [...] [du] procureur de la défense, doit être dénoncée, sans compter l’éclairage du droit comparé qui met en relief un gouvernement envasé dans le populisme pénal. 2015, Le Journal du Barreau, février, p. 8.

Difficile de savoir pour le moment ce qui explique le départ [d’un président de compagnie]. De l’avis de certains conseillers en placement de cette firme de courtage, l’équipe de direction semblait envasée dans les problèmes technologiques liés à l’intégration [d’une autre société]. 2018, Finance et investissement, Montréal, 1er décembre, p. 8.

Histoire

1Depuis 1890, par extension du sens de « s’enfoncer dans la vase », attesté en français depuis 1616 (v. TLF, s.v. envaser, et FEW ancien bas‑francique *waso 17, 545b). Pourrait être hérité des parlers de France, qui comportent des formes verbales apparentées pouvant faire référence à une matière visqueuse autre que de la vase, dont de la boue; cp. envaser et la variante s’engaser « s’embourber » (formée à partir de gase, de même origine que vase), relevés en Normandie et dans le Perche (v. FEW id.). Envasé « sali, couvert de vase, de boue », depuis 1896. Cet adjectif est attesté en France au sens de « qui est recouvert par de la vase », en parlant d’une formation naturelle ou d’une installation (v. TLF id. et Robert (en ligne) 2022‑10). 2Depuis 1897. Pourrait être un héritage des parlers de France; on relève envazzé « qui est dans une mauvaise situation », en moyen français (v. FEW id.). Envasé, depuis 1935.

 vase; vaser; vaseux, vaseuse; vasière.

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : janvier 2023
Trésor de la langue française au Québec. (2023). Envaser (s'). Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 9 décembre 2024.
https://www.dhfq.org/article/envaser-s