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EMMORPHOSER [ɑ̃mɔʀfoze] ou  AMORPHOSER [amɔʀfoze]
v.

Rem.

Variante graphique (dans les glossaires) anmorphoser.

  

v. tr. Vieilli(Dans la langue des conteurs). Métamorphoser (un être) de manière à le rendre incapable d’agir à sa guise, le paralyser, le retenir captif en recourant à la sorcellerie, à un maléfice quelconque; ensorceler (un être).

2022, TLFQ, Sorcier qui emmorphose un enfant en grenouille [vidéo].

 v. pron. Se métamorphoser, se transformer (en).

On avait beau nager et filer dru, on entendait toujours sa voix de réprouvé qui hurlait à s’égosiller : – Par le démon des Piles, par le chat noir des Forges, par le gueulard du St-Maurice, et par tous les jacks mistigris du Mont-à-l’Oiseau, j’te maudis, j’ t’emmorphose et j’ t’ensorcèle jusqu’à la troisième génération! 1898, L. Fréchette, « Coq Pomerleau », dans La Presse, Montréal, 24 décembre, p. 23.

Au bout du jardin, Petit-Jean aperçoit une mer de glace. À travers la glace passent des mâts de bâtiments. La princesse dit : « Tu vois là les bâtiments des princes qui sont venus pour me délivrer; la vieille fée les a amorphosés; elle a changé la mer en glace, et les bâtiments sont au fond, avec les princes et leurs serviteurs dedans. » 1914, Saint-Basile-le-Grand (Chambly), dans Jaf 30/115, 1917, p. 150.

Il est très puissant, il a tout amorphosé la ville, ici. Tu vois, là, les banneaux, les chariots de charbon, les chevaux? C’est tout figé là, ça grouille plus pantoute. Tout est arrêté. 1955, Rimouski, dans Ph. Desjardins et G. Lamontagne, Le corbeau du Mont-de-la-Jeunesse, 1984, p. 42.

Moi, il dit, je m’emmorphose de toutes sortes, pis je prends la forme de toutes sortes de bêtes. Là, il dit, je m’étais changé en crapaud, il dit, pour échapper à un ennemi. 1972, Squatec (Témiscouata), AFEUL, R. Santerre 10 (âge de l’informateur : n. d.).

Fig., vieilliv. tr. Enjôler, charmer, flatter (qqn). (PPQ 2286A et Lavoie 2390).

 v. pron. S’endormir. (Manseau 48).

 VieilliEmmorphosé, emmorphosée, ou amorphosé, amorphosée adj. (Chez les conteurs). Qu’on a emmorphosé.

Un homme emmorphosé en bête féroce, en serpent. Une princesse emmorphosée dans un château. Une ville emmorphosée dans le fond de la mer.

 Par ext. Immobile, absorbé dans ses pensées.

Il était tout amorphosé. (GPFC; voir aussi Dionne).

 (Variante par aphérèse). VieilliMorphoser, d’où le dérivé morphosé, morphosée.

 VieilliAmorphosement n. m. Maléfice.

Histoire

Depuis 1881 (s’amorphoser, Manseau; emmorphoser depuis 1898). Héritage des parlers de France; relevé dans le Nord-Ouest où sont en outre attestés les dérivés emmorphosé et amorphosé, notamment dans des contes populaires (v. par ex. P. Sébillot, Contes des marins, 1882, p. 154 : un petit nain m’a emmorphosé en ours; v. aussi G. Massignon, Contes de l’Ouest, 1953, p. 120 : être enmorphosé; OrBret, s.v. amorphosé, et FEW gr. morphé 63, 140b). Cp. en outre emmorphose « mode particulier de métamorphose de certains insectes » en français des XIXe et XXe s., dans la langue des entomologistes (v. par ex. Littré et Quillet 1937-1948). Amorphosé « absorbé dans ses pensées » est attesté en normand (v. FEW id.). La variante morphoser (depuis 1962) et son dérivé morphosé (depuis 1937) sont probablement aussi originaires de France comme le donne à penser leur attestation en créole antillais (v. PoullGuad, s.v. mofwazé, et FaineCr2, s.v. maphouésé); cp. en outre mofrazé « personne qui aurait le pouvoir de se transformer en animal », également en créole antillais (v. GermCréole 275).

 démorphoser.

Version du DHFQ 1998
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Emmorphoser ou amorphoser. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 29 août 2024.
https://www.dhfq.org/article/emmorphoser-ou-amorphoser