DÎNER [dine]
v. intr. et n. m.
v. intr. Prendre le repas du midi, le second repas de la journée.
Dîner à la maison, à la cafétéria, à la cantine. Dîner en retard, en vitesse.
SYN. déjeuner (dans la langue soignée).
Rem.L’emploi de dîner avec le sens de « prendre le repas du soir », comme en France, est bien attesté dans la langue soignée, l’usage protocolaire, etc.
A midi, Son Eminence a convié à dîner un grand nombre de membres du clergé. 1887, L’Événement, Québec, 6 avril, p. [4].
Les notes de l’Angelus du midi qui tombent, assourdissantes, du toit de l’église, couvrent toutes les voix et celle de Lésime; elles dispersent les flâneurs qui restaient encore sur la place. Puis, l’on entend, au loin, sur la route, les dernières voitures des rangs; et des maisons du village, maintenant, sortent des bruits de chaudrons et de vaisselle. L’on dîne. 1923, D. Potvin, « Croquis du terroir », dans Le Canada français, vol. 11, p. 38.
Pendant que les hommes déjeunent, le cuisinier, aidé de son marmiton, prépare les sacs de ceux qui, travaillant trop loin pour revenir dîner au « campe », devront collationner dans le bois. Pas de délicatesses ni de friandises pour ce repas qui n’aura rien d’un pique-nique; deux ou trois chanteaux de pain, une brique de lard bouilli, le tout roulé dans un sac de toile, et le lunch est préparé. 1935, P. Dupin, Anciens chantiers du St-Maurice, p. 60-61.
Ce midi, comme tous les midis depuis que nous ne travaillons plus ensemble, elle attendait, dans le petit parc des Beaux-Arts, que je vienne la chercher pour dîner. Elle tient à ce que nous dînions ensemble. Elle se hisse sur le cadre de mon triporteur à deux roues, et je l’emmène dîner. Elle se blottit dans le panier de ma draisienne à trois pattes, et je l’emmène manger des hot-dogs sur le boulevard Saint-Laurent. Il n’y a rien de répréhensible dans tout cela. 1967, R. Ducharme, Le nez qui voque, p. 254-255.
Seigneur! s’exclama la comptable en pénétrant chez elle. Onze heures vingt, je n’ai rien de prêt pour dîner et monsieur Pagé m’attend à son bureau à une heure moins quart! Eh bien! nous mangerons des restants de réveillon. 1989, Y. Beauchemin, Juliette Pomerleau, p. 387.
n. m. Repas du midi, second repas de la journée; mets composant ce repas.
Le dîner est prêt. Le dîner est servi. Sur l’heure du dîner. Après (le) dîner. Un dîner froid, un dîner chaud. Dîner d’anniversaire. Dîner de noces. Le dîner de Noël, du jour de l’An. Laver la vaisselle du dîner. Faire un petit somme après le dîner. Préparer un bon dîner. Prendre son dîner à l’école. Apporter son dîner au bureau. Avoir son dîner dans sa boîte à lunch.
SYN. déjeuner (dans la langue soignée).
Rem.On emploie aussi dîner avec le sens de « repas du soir », comme en France (voir sous 1).
Lundi 21 de Janvier dernier [...] deux marmitons de cette ville s’etant choqués au vif [...] se donnerent rendez-vous pour le lendemain, entre 10 et 11 heures du matin, sur la Bute-à-neveu, pour y discuter bravement leur différend à coup d’écumoir et de lavette. L’un des deux Antagonistes s’y rendit, accompagné d’un parrain, mais l’autre, apparemment plus poltron, ne jugea pas à-propos d’aller se faire débarbouiller le museau avec la lavette de son furieux adversaire, préférant de rester chez lui à manger un bon diner avec l’ami qui devoit l’accompagner sur le champ d’honneur. 1788, La Gazette de Québec, 14 février, p. [3].
Le dîner, qui a lieu à midi, est le repas principal. Il se compose généralement d’une soupe au bœuf ou au mouton, d’un plat de viande, bœuf, veau, mouton ou poulet, de pommes de terre ou de choux, carottes, navets, maïs, si le plat principal est un bouilli, enfin d’un dessert : confitures, pudding, crème, gâteaux ou fruits. 1904, St.-A. Lortie, dans P. Savard (éd.), Paysans et ouvriers québécois d’autrefois, 1968, p. 91.
A midi Maria sortit sur le seuil et annonça par un long cri que le dîner était prêt. Les hommes se redressèrent lentement parmi les souches, essuyant d’un revers de main les gouttes de sueur qui leur coulaient dans les yeux, et prirent le chemin de la maison. La soupe aux pois fumait déjà dans les assiettes. 1916, L. Hémon, Maria Chapdelaine, p. 55-56.
La chaleur verticale coulait comme du plomb fondu sur les champs immobiles et sur toute la campagne environnante. De très loin on pouvait entendre la stridulation des sauterelles. Une lassitude immense dominait la terre. Donalda, la femme à Séraphin, reprit quand même son courage pour les préparatifs du dîner, car l’horloge marquait onze heures et cinq minutes exactement. Serait-elle en retard? 1933, Cl.-H. Grignon, Un homme et son péché, p. 15.
Et nul besoin de passer la nuit à l’auberge pour s’asseoir à la salle à manger : on sert également petit déjeuner, dîner et souper à la clientèle de passage. 1985, Clin d’œil, novembre, p. 50.
Dîneur, dîneuse n. Personne qui prend part à un dîner avec d’autres; personne qui mange le midi dans un lieu public (restaurant, cafétéria).
Quand la viande eut disparu les dîneurs remplirent leurs soucoupes de sirop de sucre dans lequel ils trempèrent de gros morceaux de pain tendre [...]. 1916, L. Hémon, Maria Chapdelaine, p. 56.
Histoire
1Depuis 1613 (Les voyages du Sieur de Champlain, 2e partie, p. 49 : brochets, Carpes [...] & autres qui nous sont incognus, desquels ils disnoient & souppoient tous les jours). Maintien d’un emploi attesté depuis l’ancien français, v. ci-dessous. 2Depuis 1611, chez le père Biard (v. L. Campeau (éd.), Monumenta Novæ Franciæ, t. 1, 1967, p. 138 : après la messe et le disner). L’emploi de dîner (sens 1 et 2) en parlant du repas du midi, attesté depuis le Moyen Âge en français (v. FEW disjejunare 3, 94b, et TLF), se maintient encore dans toute l’Amérique francophone, en Belgique, en Suisse, et dans plusieurs provinces françaises périphériques (le Nord-Ouest, le Nord, le Nord-Est, l’Est, et çà et là dans le Midi; d’après DSR). Dans l’usage de Paris, l’heure des repas s’est graduellement déplacée au cours du siècle dernier, le mot dîner en venant à désigner le repas du soir (v. aussi déjeuner et souper); cette innovation ne s’est imposée que partiellement ailleurs. L’emploi de dîner en parlant du repas du soir, attesté depuis le XVIIIe s. en France (avant 1747, emploi verbal, v. TLF), se rencontre malgré tout assez souvent au Québec depuis 1788 (v. La Gazette de Québec, 10 janvier, p. 1, emploi subst.; 24 avril, p. [2], emploi verbal). Dîneur, depuis 1901 (Ch.-E. Rouleau, Légendes canadiennes, p. 13).