CRU, CRUE [kʀy]
adj.
Froid et humide (en parlant du temps, de l’air ambiant).
Le temps est cru. Il fait cru dans la maison. Par méton. Une maison crue. Une nuit crue.
Rem.Peu usité chez les jeunes.
Remarquez que vous avez quitté la ville léger et court vêtu, que vous n’avez pu prévoir le mois d’octobre au mois d’août, que vous avez eu confiance dans le soleil, ce père de la nature, que vous n’avez mis en fait d’extras, dans votre bagage, qu’un caleçon de bain, ce qui est une garantie précaire contre le nord-est, que vous avez laissé flanelles, molletons, chaussettes de laine et camisoles dédaigneusement empilés dans les tiroirs, et que vous êtes là, maintenant, à deux pas de cette plage retentissante, enfermé misérablement dans une maison crue, mal bâtie, mal jointe, où le rhumatisme, compagnon inséparable du nord-est, vous attend comme une proie assurée. 1878, A. Buies, Petites chroniques pour 1877, p. 60.
Tu feras bien attention à Charles. Il doit s’ennuyer, le pauvre petit! Vois à ce qu’il ne manque de rien! Dis à Marie qu’elle ne le laisse pas jouer dehors quand il fait cru. Embrasse-le pour moi! 1924, H. Bernard, L’homme tombé..., p. 158.
Dans la nuit crue, triste et pesante de novembre que la pluie rendait plus lourde encore, on entendit tout à coup une clochette d’argent qui faisait monter, à intervalles égaux, une note déchirante de la campagne écrasée. 1933, Cl.-H. Grignon, Un homme et son péché, p. 95.
Comme toujours vers les minuit dans la maison, privée des présences humaines en mouvement qui y apportent leur chaleur, il faisait un peu cru. Madame Odile resserra autour de son cou le châle en pointes qu’elle s’était jeté sur les épaules. 1950, Fr. Gaudet-Smet, Racines, p. 126.
Le soleil! Pas faraud, le soleil. Il reste là, pendu comme une lanterne falote aux corniches des gratte-ciel. Des ballots de nuages lui roulent dessus à longueur de journée et le voilà parti, comme s’il y avait une panne de courant. – Avec ça que c’est cru! On a toujours un vent pointu qui nous farfouille dans la chemise. 1957, J. Pellerin, Le diable par la queue, p. 161.
(En emploi subst.).
Anne-Marie avait l’habitude de s’asseoir à son piano vers six heures le soir et d’improviser sur quelque lied de Schubert en même temps que les oiseaux rentraient chez eux. Comme on aime à faire un feu de foyer pour chasser le cru à l’heure du souper, elle aimait sacrifier au jour déclinant quelques gerbes de chaude musique. 1946, F. Leclerc, Pieds nus dans l’aube, p. 103.
Histoire
Depuis 1878. Héritage de France. Relevé au XIVe s. (sous la forme crut) chez Froissart, auteur originaire du Nord de la France, et bien attesté dans les parlers de la Bretagne française, de la Wallonie, de la Flandre, de la Lorraine, de même qu’en Savoie et en Suisse romande (v. FEW crūdus 2, 1369, TLF et Robert 1985).