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CRAPET, CRAPETTE [kʀapɛ, kʀapɛt]
n.

Rem.

1. Le féminin de ce mot est rare (attesté surtout au sens 3). 2. Variantes graphiques crapais; (au masculin) crapette.

1

Vieux(Exprimant tantôt un léger reproche, tantôt une certaine admiration). Enfant coquin, rusé, malicieux.

Mon petit crapet!

 Par ext. Personne adulte dont le comportement est similaire.

Ah! le crapet! voilà une locution essentiellement canadienne que nous avons tous entendue de la bouche de nos mères, lorsque pour une taquinerie, une méchanceté, un mauvais tour, elles nous menaçaient de taloches de velours. 1897, A.-N. Montpetit, Les poissons d’eau douce du Canada, p. 83.

Moé, M. le journalisse, je reluquais le policeman pour voir s’il ne sortirait pas de son naturel, mais le crapais, il tenait bon. 1918, La Patrie, Montréal, 21 septembre, p. 11 (chron. humor.).

Dans notre char [« wagon »], il y avait pas mal de monde et pas mal d’enfants qui criaient et braillaient. L’un de ceux-ci regardaient [sic] Belzémyre et voulaient [sic] absolument jouer avec le géranium que ma vieille avait sur son chapeau des dimanches. Comme ce petit crapais était en arrière de nous, ne voilà-t-il pas, pendant que sa mère avait le dos tourné, qu’il finit par attraper le fameux bouquet. 1918, La Patrie, Montréal, 19 octobre, p. 9 (chron. humor.).

– Max : Comment, tu savais qu’elle était cachée là... – Jos : Ben oui! Je vous ai vus à travers la vitre et j’ai tout compris ce que vous disiez... – Max [parlant tout bas] : Le petit crapet! 1940, A. Rousseau, Les amours de Ti-Jos et les mémoires de Max Potvin, 17 décembre, p. 7 (radio).

 (Variante). VieuxCrapin n. m. Gamin. (Dionne, GPFC).

2

Fam.Sert à désigner une personne à laquelle on en veut, que l’on méprise.

 Par ext. Idiot, imbécile.

Rem.Peut s’appliquer à un animal auquel on prête un comportement humain.

J’me dis : C’est drôle qu’un ours ait sorti de sa ouache [« tanière »] de c’temps-cite; mais l’crapet a p’t’être ben cru que c’était l’printemps, rapport à la pluie, et fatigué de se licher la patte, i’aurait aussi ben voulu recommencer à manger pour tout de bon. 1899, L. de Montigny, « Une histoire de loup-garou », dans La Presse, 15 février, p. 7.

Va pas t’imaginer que l’crapet l’emportera en paradis, vu que le Club en question sera dirigé par un comité de belles-mères d’expérience, lesquelles ne prendront pas goût de tinette pour rappeler le fautif à l’ordre, avec des moyens scientifiques et persuasifs. 1938, A. Bourgeois, Voyage autour du monde de Joson et Josette, 16 janvier, p. 3 (radio).

Le gentleman casse-cou excite le monde, glisse jusqu’au bord de la tablette, fait mine de perdre l’équilibre, la [sic] reprend en se contorsionnant. Le monde en attente de sa chute commence à le trouver plate. « Saute! Qu’est-ce que t’attends, l’crapet? » 1983, J.-d’Arc Jutras, Délira Cannelle, p. 61.

On a tous été très touchés par la mort de Gerry. On a tous eu la nausée lorsque tous ces crapets qui le dénigraient quinze ans plus tôt se sont mis à le louer. 1991, La Presse, Montréal, 8 juin, p. D11.

3

Vieux(Dans le tour un crapet de ou une crapette de, suivi d’un nom propre ou d’un subst.). Sert à qualifier (général. de façon négative, parfois admirative) une personne, une chose.

Rem.Relevé dans des textes humoristiques.

Oh! oh! que je pensais à l’intérieur du paroissien, ce crapet de Baptiste est devenu savant en grand. Il parle en termes pas pour rire. Bonguienne! je ne peux plus le comprendre. Il parle mieux qu’un avocat. 1913, La Presse, Montréal, 1er mars, p. 10 (chron. humor.).

Trouve-moi donc quelque chose plus changeant que l’homme. Je connais ça, les hommes, moi, et j’peux te persuader [d’]une chose; c’est qu’il n’y a pas nulle part et même plus loin, une crapette de race aussi compliquée et aussi pleine de mystère que l’homme du sexe masculin. 1934, La Presse, Montréal, 24 février, p. 59 (chron. humor.).

Les loups, tu sais, c’est une crapette d’engeance, et quand même qu’un Canayen a pas frette aux yeux, il aime autant pas se trouver dans les mêmes parages que c’te congrégation-là. 1938, A. Bourgeois, Voyage autour du monde de Joson et Josette, 31 juillet, p. 2 (radio).

Rare(Servant à renforcer l’expression de la quantité nulle). Pas un crapet de (suivi d’un subst.) : absolument aucun.

Les vieux garçons ont disparu, comme s’il tombait de la neige en été. On a eu beau reluquer tous les coins, il n’y en avait pas un crapais dans la ville. 1918, La Patrie, Montréal, 7 septembre, p. 9; chron. humor.

Histoire

Crapet est une variante régionale ou dialectale du mot crapeau qui a été relevée en Normandie, en Anjou et en Saintonge (v. ALN 633, ALO 431 et CormMauges); on trouve aussi la forme crapette dans l’Ouest de la France en parlant d’un petit crapeau (v. ALO id.).

1Depuis 1894 (Clapin : « mauvais sujet, drôle, garnement »). Relevé en Anjou comme « terme d’amitié à l’égard des petits enfants » (v. CormMauges). Cet emploi de crapet en parlant ou à l’adresse d’un enfant correspond à celui de crapaud qui est enregistré en français au sens de « gamin » depuis 1847 (Flaubert, v. FEW germ. *krappa 16, 363a; v. aussi TLF, qui cite Zola, et PRobert 1993); crapaud est bien attesté avec cette valeur dans les parlers régionaux de France, par exemple dans les parlers wallons, comme « terme d’affection ou de léger reproche à l’égard d’un garçonnet » (aussi crapôte ou crapôde, en parlant d’une petite fille, v. FEW id.). Crapin, depuis 1906 (FSPFC). 2Depuis 1899 (« idiot », en parlant d’un animal). Rappelle des emplois voisins du mot crapaud qui connaît diverses valeurs négatives en français depuis le XVIIe s. : « personne de mauvaise volonté » (v. FEW id.), « personne malhonnête, ignoble » (v. TLF), terme d’injure qui n’implique pas nécessairement la laideur (v. Littré et Larousse 1866), notamment en parlant d’un homme de « petit génie » (v. Besch 1892). 3Depuis 1912 (La Presse, 17 août, p. 4 : ce crapet de Toussaint).

Version du DHFQ 1998
Pour poursuivre votre exploration du mot crapet, consultez notre rubrique En vedette.
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Crapet2, crapette. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 18 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/crapet-crapette