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COURRIEL [kuʀjɛl]
n. m.

1

Service de messagerie en ligne qui permet à deux personnes ou plus d’échanger des messages ou des fichiers par voie électronique.

Communiquer, correspondre avec qqn par courriel. Contacter, solliciter, (re)joindre, informer qqn par courriel. Envoyer, expédier un fichier, écrire à qqn par courriel. Transmettre, acheminer un document par courriel. Recevoir, diffuser un message par courriel. Demande, inscription, invitation, notification par courriel.

Rem.1. Le mot, dans cet emploi, est aussi usité ailleurs dans la francophonie, y compris en France (voir Larousse (en ligne) 2023‑01 et Robert (en ligne) 2023‑01), où on lui préfère néanmoins mail dans l’usage courant, quoique les formes e‑mail, email et E‑mail y soient aussi usitées à l’écrit; ces emprunts à l’anglais sont également en usage au Québec. En France, c’est le terme messagerie électronique qui a été officialisé en 2003 (voir FranceTerme, s.v. messagerie électronique, qui précise que les termes courriel et courrier électronique sont aussi employés dans ce sens en France). 2. C’est le terme courrier électronique qui a fait l’objet d’une recommandation par l’OQLF en 1998 (voir GDT).

Courriel [:] La messagerie électronique est une application courante sur les réseaux locaux et grande distance (notamment Internet). Elle permet un échange asynchrone de messages texte pouvant être accompagnés d’éléments multimédias (sons, images, vidéo ou autres documents informatiques). 1996, J.‑Cl. Guédon, La planète cyber : Internet et cyberespace, p. 120.

Un emploi sur Internet, ça se trouve [titre] […] Si vous voulez vraiment utiliser l’Internet à votre avantage, envoyez […] votre C.V. en « courriel » (courrier électronique) chez des employeurs potentiels. Avec ce premier contact branché, vous démontrerez votre ouverture aux nouvelles technologies. Bonne chance dans vos recherches! 1996, B. Guglielminetti, La Presse, Montréal, 11 novembre, p. A16.

Lorsque les organisations ont commencé à implanter des systèmes de messagerie électronique à la fin de la décennie passée et au début de celle‑ci, c’était dans le but de disposer d’une méthode de communication et d’information purement informelle. Cependant, le courrier électronique, ou courriel, a rapidement évolué pour devenir un des plus importants moyens de communication dans le cadre des activités organisationnelles. 1997, N. Périat, Politique de gestion du courrier électronique : des mesures à prendre, Cursus, vol. 3, no 1, p. [9].

[…] au‑delà de toutes les incertitudes qu’on peut soulever quant à l’avenir du Net, quoi qu’il puisse se produire dans les prochaines années, il est une chose qui restera solidement enracinée : le courrier électronique. Contre vents et marées, malgré toute la publicité qui a accompagné l’explosion du Web, l’humble courrier électronique, ou courriel, a fait son petit bonhomme de chemin et s’est rendu indispensable à bien des gens – et à des dizaines de milliers de compagnies. 1997, P. Lapointe, La Presse, Montréal, 19 novembre, p. B8.

On n’en finit plus d’accumuler les études démontrant que le courrier électronique, ou courriel, constitue la principale utilisation […] d’un grand nombre d’internautes. Pour les « branchés » de longue date qui ont établi au fil des ans un réseau de correspondants, qui se sont abonnés à des listes d’envois par courriel […] et ont de surcroît une fonction d’administrateur (de site Web, de média, d’association), le courriel en vient parfois à être la seule application d’Internet qu’ils ont encore le temps d’utiliser. 1999, P. Lapointe, Le journalisme à l’heure du Net, p. 37‑38.

J’appuie sur « envoyer », avec un air satisfait. Je réponds à quelques demandes spéciales des clients, leur indiquant par courriel les sommes impensables qu’ils devront débourser. Vers seize heures, juste au moment où j’allais lever le cul de ma chaise pour aller bavarder avec Janet, un courriel d’Alex m’arrive. 2004, S. Dompierre, Un petit pas pour l’homme, p. 92.

Un client se plaint par courriel. Devez-vous répondre par courriel? Je ne crois pas, c’est trop impersonnel dans bien des cas. Faites l’effort d’appeler ce client, de discuter, et peut-être ensemble trouverez-vous une solution à son problème. 2009, G. R. Villeneuve, Maximisez vos ventes par le pouvoir du service à la clientèle, p. 88.

Un souhait pour Noël [titre] Faites-nous parvenir les photos de vos petits bouts-de-choux [sic] ainsi qu’un souhait de Noël que nous publierons […]. Envoyer le tout par courriel […] avec la mention Vœux de Noël. 2016, Courrier Frontenac, Thetford Mines, 30 novembre, p. 12.

Offre d’emploi [:] Contremaître de production [titre] […] Veuillez faire parvenir votre CV par courriel […] ou par télécopieur[.] 2018, L’Oie blanche, Montmagny, 28 février, p. 30.

 (Dérivé). Rare Courrielleur n. m. Logiciel de courrier électronique.

Il existe certains programmes qui vérifient la légitimité des courriels en provenance de Twitter. Par exemple, […] [c]e petit « plug‑in » se greffe à presque tous les courrielleurs. Grâce à [cette] technologie, la validité et les origines de tous les messages qui entrent dans notre boîte de messagerie sont assurées. Et c’est gratuit! 2010, D. Talbot, Journal Métro (Montréal), 5 mai, p. 25.

Un courrielleur est une application indispensable pour toutes les personnes souhaitant organiser ses contacts, envoyer des messages de masse (à plusieurs dizaines, centaines ou milliers de personnes) et communiquer avec eux facilement sur une base régulière. 2020, H. Leblanc, Découvrez la puissance des communications par courriel pour booster la vente de votre art, Art x Terra (site Web), 24 juin.

 Rare Courriel, courrielle adj. Relatif au courrier électronique; qui s’effectue, fonctionne par courrier électronique.

Rem.Quoique relativement rare, l’adjectif courriel, courrielle est attesté un peu partout dans la francophonie, y compris au Québec.

Adresse, correspondance, signature courrielle. Compte courriel. Échanges courriels.

Jusqu’en décembre, [une compagnie de télécommunication] offre une promotion qui inclut un nom de domaine pour l’entreprise, un lien illimité permanent, cinq comptes courriels, 20 heures d’accès à distance en composant un numéro de type 800, 20 giga‑octets de transfert, l’assistance technique et l’inscription à l’info-courriel […]. 2000, Y. Barcelo, PME, 1er juin, p. 19.

Par ailleurs, c’est la dramaturge Jasmine Dubé qui me faisait savoir par voies courrielles, elle, que « si nous nous réjouissons que le répertoire jeune public soit repris, il ne s’agit pas d’une première […] ». 2004, M. Bélair, Le Devoir, Montréal, 14 décembre, p. B7.

En 2023, les citoyens de Mont-Saint-Hilaire ne pourront plus poser des questions par internet en temps réel durant les séances du conseil municipal. […] « Nous avons fait regarder ce qui se fait ailleurs pour modifier les fonctionnements des séances, commente le maire […]. Il faut aussi noter que des gens utilisaient des noms inappropriés ou de fausses adresses courrielles pour envoyer des questions. » 2022, L’Œil régional, Belœil, 21 décembre, p. 23.

2

Par méton. Message électronique transmis à un ou plusieurs destinataires.

Envoyer, transmettre un courriel. Expédier, transférer, acheminer des courriels. Recevoir, ouvrir, faire suivre un courriel. Écrire, rédiger, rappeler un courriel. Répondre à un courriel. Traiter, gérer, lire, consulter, classer, prendre ses courriels. Attacher une pièce jointe à un courriel. Inonder qqn de courriels. Échange, envoi, suppression, transmission, chaîne de courriels. Courriels promotionnels, indésirables, non sollicités. Courriel d’hameçonnage. Courriel automatique, sécurisé. Courriel de rappel. L’objet, les destinataires d’un courriel.

Boîte (de) courriel(s) : boîte aux lettres électronique.

Rem.Le mot, dans cet emploi, est aussi usité ailleurs dans la francophonie (voir Larousse (en ligne) 2023‑01 et Robert (en ligne) 2023‑01). Il a d’ailleurs fait l’objet d’une recommandation officielle en France en 2003 (voir FranceTerme), où on lui préfère néanmoins mail dans l’usage courant, quoique les formes e‑mail, email et E‑mail y soient aussi usitées à l’écrit; ces emprunts à l’anglais sont également en usage au Québec.

Vous aurez beau être en affaires, si personne ne sait que vous existez, que vous offrez des services dans un domaine en particulier, vous risquez de trouver les journées bien longues devant votre ordinateur à attendre un courriel (courrier électronique) ou un coup de fil. C’est pourquoi vous devriez songer à utiliser les répertoires [électroniques] de travailleurs autonomes. 1996, B. Guglielminetti, La Presse, Montréal, 4 novembre, p. B12.

Après avoir tourné le message de François Bérubé fils dans tous les sens, Marthe s’était mise au travail. Pendant des heures, elle avait écrit et réécrit sa réponse sans jamais être satisfaite du résultat. Le courriel de ce mystérieux correspondant la déroutait complètement. D’autant plus que son adresse Internet ne donnait aucun indice quant à l’endroit où il habitait. 1998, J. Savoie, Un train de glace, p. 14.

De plus en plus de travailleurs canadiens sont confrontés à des dizaines de courriels en entrant au bureau chaque matin. L’explosion des nouvelles technologies – faxs [sic], boîtes vocales et courriers électroniques – représenterait un danger pour la santé des travailleurs, contribuant à la dépression et aux maladies cardiaques. 1999, J. Blanchette, Le Devoir, Montréal, 20 janvier, p. B1.

[…] il suffit de quelques secondes au courriel pour atteindre la boîte aux lettres de votre correspondant. Évidemment, il est possible que celui‑ci ne ramasse son courriel qu’une fois par jour, ou même moins souvent, mais ça, c’est une autre histoire… 1999, P. Lapointe, Le journalisme à l’heure du Net, p. 39.

– Maud nous envierait si elle savait ce qu’on mange. – Elle ne doit pas faire pitié à Rome, tout de même! – Non, j’ai reçu un courriel où elle me nargue en évoquant le meilleur carpaccio de sa vie, ses orgies d’artichauts frits et un somptueux Barolo Chinato qu’elle a dégusté avec Alain! 2010, C. Brouillet, Sous surveillance, p. 15.

Lundi soir, déjà, le bento que j’avais acheté dans les environs de la gare était à peine entamé que j’ouvrais son courriel dans lequel elle me détaillait le programme de la soirée, du rendez-vous à la Place Hachiko à 18 h jusqu’au spectacle de 22 h. 2013, A. Girard, Tokyo Imperial, p. 93.

Les courriels. Oui, les fameux courriels! Combien en recevez-vous par jour? Trop, n’est-ce pas? Mais retournons un instant le problème et demandez-vous combien, vous-mêmes, vous en envoyez par jour? Ah! Ha! Se pourrait-il que vous en envoyiez trop? Hein? Se pourrait-il que vous soyiez une partie du problème? 2018, O. Schmouker, Vos courriels font peur malgré vous? Voici la solution (billet de blogue), Les Affaires (site Web), 6 février.

[…] se parler au téléphone, « comme dans le bon vieux temps », apporte d’agréables moments. Vous pouvez négocier sans allers-retours de courriels pendant trois jours. Vous goûtez la joie de la rétroaction instantanée. Imaginez faire une blague à un ami ou une amie et l’entendre rire en direct. Quel bonheur! Et si une phrase maladroite est prononcée, pas de problème : non seulement il n’en restera aucune trace, mais on pourra clarifier la situation rapidement. En effet, il est plus facile de faire baisser la tension, car la communication orale permet tellement plus de subtilités. 2020, C. Freslon, Québec science, janvier-février, p. 11.

Chaque matin, le journaliste déroule sa boîte courriel où le fiel des lecteurs se mêle aux exclamations ou aux déceptions de ceux‑ci. Sans compter les mots impolis qui vilipendent sur la messagerie d’un réseau social ou encore le message téléphonique les accusant de tous les maux. Mais le journaliste enfile sa cape de protection et poursuit sa quête de vérité, contre vents et marées. 2021, S. Desmeules, Le Charlevoisien, Baie-Saint-Paul, 6 octobre, p. 22.

Notice encyclopédique

Selon plusieurs sources, y compris l’OQLF, le mot courriel serait d’origine québécoise (voir GDT, qui ne fournit cependant aucune preuve à l’appui de cette hypothèse). Alain Rey, célèbre lexicographe et ex‑rédacteur en chef des dictionnaires Le Robert, a aussi affirmé, en 1998, dans le journal français Libération, que courriel était une invention québécoise, sans non plus fournir de preuve.

Beaucoup attribuent la paternité de courriel à Jean-Claude Guédon, écrivain et professeur québécois (d’origine française, mais résidant au Québec depuis le début des années 1970), qui utilise le terme dans le glossaire de son livre La planète cyber : Internet et cyberespace, publié en mars 1996 (voir l’exemple cité sous le sens 1). Toutefois, de l’aveu même de Guédon, il n’en serait pas le créateur, bien qu’il présume que le succès de son livre a pu contribuer à la diffusion du mot dans la francophonie dès 1996.

La création de courriel est aussi parfois attribuée à un traducteur grenoblois, qui aurait employé le mot dans les années 1980. Quelques professeurs de linguistique québécois ont également prétendu l’avoir inventé et fait circuler dans des réseaux panfrancophones dès la seconde moitié des années 1980. Cependant, cette paternité présumée n’a pas pu être démontrée à ce jour, puisque ces cas ne s’appuient sur aucune preuve concrète, malgré les recherches effectuées.

Selon une autre hypothèse, le mot courriel pourrait avoir été créé en Belgique. En effet, l’édition de décembre 1996 de L’Expression juste, un bulletin interne diffusé auprès des membres de l’Association des usagers de la langue française (ASULF), contient une fiche terminologique détaillée sur le mot courriel, préparée par le Cercle de qualité du français dynamique de Bruxelles. Cette fiche terminologique, rédigée par la linguiste belge Michèle Lenoble-Pinson, cite des attestations européennes de courriel remontant tout au début de 1996, notamment dans la presse écrite belge. D’autres attestations rapportées dans cette fiche révèlent que le mot courriel a pu circuler d’un océan à l’autre dans le contexte d’échanges entre associations francophones internationales, comme l’Association francophone internationale des directeurs d’établissements scolaires (AFIDES), basée à Montréal.

Si les attestations écrites relevées par Lenoble-Pinson semblent compter parmi les plus précoces dans l’histoire du mot courriel, il est toutefois possible de remonter un peu plus loin dans le temps en explorant des sources moins traditionnelles, comme les groupes de discussion sur Internet. En effet, des recherches effectuées dans les archives du Web montrent que, dès 1994, un utilisateur d’un forum du réseau Usenet (Dimitri Janczak, un Français rattaché à l’Université de Nancy) a proposé à ses contacts d’utiliser le terme courriel comme solution de rechange à e‑mail (voir Histoire). De plus, toujours dans Usenet, on peut voir qu’une compagnie de technologie montréalaise a utilisé le mot courriel dans une offre d’emploi en 1995 (voir Histoire). Ces deux cas nous prouvent hors de tout doute que le mot circulait déjà dès 1994 et 1995 chez les utilisateurs du Web, et ce, tant au Québec qu’en Europe. Des recherches exhaustives dans les archives du Web n’ont toutefois pas permis de remonter plus loin dans le temps, ce qui laisse planer de sérieux doutes sur l’exactitude des sources qui donnent 1990 comme date de première attestation du mot courriel sans preuve à l’appui (voir Usito et Robert (en ligne) 2023‑04).

Chose certaine, l’état actuel des recherches sur courriel démontre clairement que 1996 a été une année charnière dans l’histoire du mot. En effet, cette année‑là, il apparaît à la fois dans des sources européennes (en plus des attestations relevées par M. Lenoble-Pinson ayant été mentionnées précédemment, on relève des attestations de courriel dans le journal français Libération en juillet et en septembre de cette même année) et dans des sources québécoises (voir la citation de J.‑Cl. Guédon sous le sens 1, ainsi que les citations sous les sens 1 et 2, attribuables au journaliste de La Presse Bruno Guglielminetti, un spécialiste des nouvelles technologies et des médias numériques). Soulignons que, selon ses dires, ce journaliste aurait emprunté le mot courriel à Guédon. Il est tout à fait possible que ce journaliste ait joué un certain rôle dans la diffusion du mot au Québec, puisqu’il affirme avoir toujours eu la préoccupation de privilégier et de promouvoir, dans ses articles destinés au grand public, les mots français servant à désigner les nouvelles réalités liées aux technologies de l’information. Ajoutons aux données québécoises de 1996 sur courriel les attestations du mot présentes dans une édition du bulletin Le français à l’Université, publié à Montréal sous la gouverne d’une association internationale visant à promouvoir le français dans le monde. Cette présence de courriel dès 1996 dans une revue panfrancophone témoigne, encore là, d’une diffusion simultanée au Québec et en Europe très tôt dans l’histoire du mot.

Ainsi, courriel a-t-il été inventé au Québec, en France, en Belgique ou ailleurs en Europe? À l’heure actuelle, il n’est pas possible de trancher la question. En fait, il est plausible que le processus d’idéation derrière courriel se soit déroulé parallèlement au Québec et en Europe, dans une sorte de synchronicité, à la faveur d’échanges multidisciplinaires entre spécialistes et universitaires d’Europe et du Québec (linguistes, traducteurs, professeurs, terminologues, informaticiens, ingénieurs, etc.) dans la première moitié de la décennie 1990. Cette époque a été marquée par une grande effervescence technologique liée à l’implantation graduelle du Web (qui s’est d’abord effectuée en contexte spécialisé de recherche universitaire avant de se généraliser petit à petit dans les foyers à compter de la deuxième moitié des années 1990) et un engouement tout aussi grand dans le domaine de la terminologie, étant donné la multitude de nouvelles réalités à nommer et de nouveaux termes à traduire de l’anglais. Dans le cas de courriel, la contraction des termes courrier et électronique, qui, avantage non négligeable, permet de forger un mot‑valise s’insérant dans le paradigme des termes d’informatique en ‑iel (matériel, logiciel, etc.), a pu constituer une solution terminologique logique et naturelle entrevue spontanément, à la même époque, par plusieurs personnes s’y penchant de façon individuelle ou encore dans le cadre de petits groupes privés. Ainsi, la paternité du mot n’est possiblement pas attribuable à une seule personne.

Si l’on ne peut établir hors de tout doute de quel côté de l’Atlantique courriel a été créé ni déterminer quelle ou quelles personnes l’ont créé, outre Dimitri Janczak, on peut certainement affirmer que le Québec a offert un terreau fertile à l’implantation du mot, qui s’y est propagé rapidement dans la seconde moitié de la décennie 1990, et ce, à un rythme beaucoup plus rapide qu’en Europe. Cette diffusion est sûrement attribuable, entre autres, aux journalistes qui l’ont d’emblée adopté avec enthousiasme et au rôle d’influence joué par l’OQLF, qui le donne comme synonyme de courrier électronique dans un avis de recommandation officiel publié en janvier 1998. Soulignons qu’à la même époque, soit en 1997, la Commission générale de terminologie et de néologie recommandait plutôt à l’administration française d’adopter messagerie électronique, puis en 2003, elle recommandait son abréviation Mél. pour indiquer, par exemple, les adresses de courrier électronique sur les cartes professionnelles. Bien que messagerie électronique ait connu peu de succès dans l’usage courant, cette recommandation a tout de même probablement eu pour effet de freiner la diffusion initiale de courriel en France. Au Québec, à l’action de l’OQLF s’est conjugué le travail de promotion de l’Association pour le soutien et l’usage de la langue française (auparavant appelée Association des usagers de la langue française [ASULF]), qui prétend avoir envoyé plus de 800 lettres, à partir de la deuxième moitié des années 1990, à des personnes morales et à des entreprises québécoises pour les inciter à utiliser le mot courriel, plutôt que e‑mail, dans les textes publicitaires et informatifs destinés à leur clientèle. L’ASULF fournissait même à cette fin des modèles de lettres à ses membres. C’est dans ce contexte favorable que la population québécoise a spontanément accueilli et adopté courriel, qui fait désormais partie de ses mots phares.

Sources :

Agence universitaire de la francophonie (1996), Le Français à l’Université, (3), 5, 9 et 11; Association pour le soutien et l’usage de la langue française (1998), Vous voulez répandre l’emploi du mot courriel?, L’Expression juste, 12(1), 19; Association pour le soutien et l’usage de la langue française (2004), Courriel, né de père inconnu, L’Expression juste, 18(23), 10; G. L. Bastin (2020), André Clas : une vie consacrée à la traduction, la terminologie et la lexicologie, Meta, 65(2), 499 et 505‑506; P. Bouffard et P. Caignon (2006), Localisation et variation linguistique : vers une géolinguistique de l’espace virtuel francophone, Meta, 51(4), 821; Dico (1996, 13 septembre), Libération, multimédia, VII; J.‑Cl. Guédon (1996), La planète cyber : Internet et cyberespace, p. 120; F. Latrive (1998, 16 octobre), Quand le Petit Robert prend l’Internet au mot : Alain Rey, responsable du dictionnaire, commente l’entrée des mots du multimédia dans l’édition 98, Libération, p. 44; M. Lenoble-Pinson (1996), « E‑mail » ou courriel?, L’Expression juste, 10(1), 5; M. Lessard (2003, 13 décembre), Courriel, ou le mot sans père, Le Soleil, D4; Libération (1996, 27 juillet), événement, 4; N. Mercier (2012, 4 juillet), Sur les traces de l’inventeur du mot « courriel », L’Actualité [site Web], société (https://lactualite.com/societe/sur-les-traces-de-linventeur-du-mot-courriel/); N. Mercier (2012, 7 août), Langue française : ils sont géniaux, ces Québécois!, L’Actualité [site Web], société (https://lactualite.com/societe/langue-francaise-ils-sont-geniaux-ces-quebecois/); G.‑L. Racine (1998, 10 janvier), Gazette officielle du Québec (partie 1 : Avis juridiques), (2), 40‑41.

3

Par méton. Adresse (de) courriel ou (absol.) courriel : adresse de courrier électronique.

Entrer, donner, saisir son courriel.

Rem.Au Québec, c’est le terme adresse de courrier électronique qui a fait l’objet d’une recommandation par l’Office de la langue française en 1998 (voir GDT). Adresse de courrier électronique a par ailleurs été officialisé en France en 2003 (voir FranceTerme).

[…] conseil de spécialiste, n’enregistrez pas tout de suite votre adresse électronique auprès des divers services de répertoire d’adresses […]. Attendez d’avoir choisi votre fournisseur, ce qui devrait se faire au plus tard dans un mois et puis, lancez-vous dans la publicité et la promotion de votre nouvelle adresse de courriel. 1997, B. Guglielminetti, La Presse, Montréal, 6 janvier, p. A10.

On rencontre deux types d’adresses : celles qui commencent par http:// et celles qui contiennent ce mystérieux symbole @, appelé « arobas » ou encore « a commercial ». Les anglophones lisent simplement ce dernier « at ». La première adresse désigne invariablement un site Web; la seconde, un courriel. […] Les adresses de courriel […] se divisent en deux parties : à gauche et à droite du @. À gauche, c’est le nom de l’usager. À droite, le nom de domaine. 1999, P. Lapointe, Le journalisme à l’heure du Net, p. 10‑11.

La honte. Comment lui avouer qu’on n’avait pas d’ordinateur dans notre antre de dinosaures? Et que je n’avais pas d’adresse de courriel ni de compte Facebook parce que personne n’avait jamais voulu m’envoyer un message. 2010, A. Poulin, Miss Pissenlit, p. 164.

Un maximum de 72 joueurs [de hockey] répartis en six équipes seront acceptés. En janvier chacune des équipes sera convoquée pour l’inscription officielle à la ligue. Les parties auront lieu tous les mardis et jeudis soir. […] Pour te préinscrire ou t’informer, tu peux rejoindre les responsables […]. N’oublie pas de laisser ton nom, ton âge, ton numéro de téléphone, ton courriel et le quartier où tu habites. 2012, Progrès-dimanche, Chicoutimi, 18 novembre, p. 44.

Donne-moi ton courriel, je vais t’envoyer le lien du site de mon ami Henry, un Anglais qui organise une expédition géniale sur l’Everest. Il faut que tu partes avec lui, c’est le meilleur! Je vais même l’appeler si tu es d’accord, et lui dire que tu vas le contacter. 2016, I. Delagrange, Dévissage, p. 42.

– […] Votre adresse courriel, c’est quoi? Mais vous aurez pas les répets privées dans l’horaire par exemple. […] – Pas grave, Samuel. Juste l’horaire, ça va être parfait. Je vais m’arranger avec Caron pour le reste. Je te donne mon courriel... 2017, M. Laberge, Affaires privées, p. 146.

4

Par méton. Compte de courrier électronique associé à une adresse électronique; ensemble des messages entrants et sortants liés à ce compte.

Surveiller, regarder, vérifier, consulter son courriel.

J’ai passé la semaine dernière à traîner avec moi un ordinateur qui sonne. Ou était‑ce un téléphone […] que j’utilisais comme ordinateur? Chose certaine, [ce téléphone] m’a permis de consulter mon courriel un peu partout en ville. 1998, É. Bernatchez, La Presse, Montréal, 16 octobre, p. B5.

Bien que la carte ait été envoyée à son adresse privée […], il ne l’a jamais reçue. En fait, elle était bien dans son système de messagerie la première fois qu’il a vérifié son courriel, mais elle avait disparu quelques heures plus tard, lorsqu’il a voulu ouvrir le fichier. 2000, R. Lewandowski, Les Affaires, 27 mai, p. 5.

Le soir venu, Isabelle s’occupe d’Audrey. […] Quand Audrey est couchée, l’animatrice peut enfin regarder son courriel. Souvent, elle découvre de 30 à 40 messages! Elle ne peut répondre à tous, ni aussi rapidement qu’elle le voudrait. 2000, M.‑F. Léger, La Presse, Montréal, 5 octobre, p. B5.

Puis je flâne dans sa chambre à coucher. La vue de son ordinateur me donne une idée. Je consulte mon courriel pour voir si j’ai reçu des messages depuis ma mort. Aucun, pour la simple et bonne raison que mon adresse électronique n’existe plus. 2008, J. Boisvert, Mort et déterré, p. 75.

Si le tribunal conclut que la preuve obtenue en portant atteinte à votre vie privée ne déconsidère pas l’administration de la justice, votre employeur pourrait l’utiliser contre vous dans un litige civil. C’est ce qui est arrivé à un employé dans [une] affaire […]. Dans cette affaire, un employé s’était envoyé des informations confidentielles de l’entreprise de son courriel professionnel à son courriel personnel (Hotmail). Il avait ensuite transmis les informations à un concurrent de son employeur à partir de son courriel Hotmail. 2020, V. Brousseau-Pouliot, Vos droits et libertés en 45 questions, p. 153.

Histoire

Mot-valise formé à partir du nom courrier et de l’adjectif électronique. Il s’agit très certainement d’un québécisme d’usage, compte tenu de sa fréquence élevée au Québec comparativement au reste de la francophonie. Toutefois, les données disponibles à l’heure actuelle ne permettent pas d’affirmer qu’il s’agit d’un mot ayant été créé au Québec, malgré la perception courante à ce sujet. En réalité, l’origine et la date exacte de la création de ce mot demeurent incertaines (v. Notice encyclopédique). 

1Depuis 1995 dans une source québécoise : Alis Technologies est à la recherche de deux personnes pour combler des postes de concepteurs de logiciel Windows. S.V.P. répondre par courriel ou par télécopie (Alis Technologies (1995, 7 juillet), Concepteurs de logiciels Windows [offre d’emploi en ligne], qc.jobs [forum Usenet]). Toutefois, dès 1994, dans une source française : [M]oi je propose un néologisme : cour(r)el ou même courriel... ça n’est pas trop barbare (au sens étymologique du terme bien sûr)… (D. Janczak (1994, 4 novembre), Traduc. de e‑mail [page de discussion en ligne], soc.culture.french [forum Usenet]). Courrielleur, depuis 2003 (J.‑F. Barbe, LesAffaires.com, site Web, 20 janvier : Le Courrielleur, un outil de gestion de courrier électronique pour les entreprises[,] […] vise à faciliter l’envoi de courriels à des clientèles ciblées ou l’envoi de bulletins d’information à des listes d’abonnés). De courriel et du suffixe ‑eur. Courriel, courrielle (adj.), depuis 2000. Toutefois, relevé dès 1999 dans une source belge : Pourquoi par exemple demander à l’étudiant de remettre ses travaux via la boîte courrielle du campus virtuel et pas simplement par la poste? (M. Poumay et autres, Vers un campus virtuel wallon, Université de Liège, p. 15). Les données consultées suggèrent que, sans être un québécisme d’usage, cet emploi pourrait avoir été créé indépendamment au Québec et en Europe. 2Depuis 1996, par métonymie, à partir du sens précédent (cp. le mot courrier en français général, qui désigne à la fois le mode de transport, soit la poste, et ce qui est transporté, soit l’ensemble des lettres et des colis; v. FEW currere 2, 1572b). 3Depuis 1995, dans une offre d’emploi où le mot courriel est utilisé, suivi du deux-points, pour introduire l’adresse de courrier électronique d’une société informatique (Alis Technologies, ibid.). 4Depuis 1998.

 courrieller.

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : mai 2023
Pour poursuivre votre exploration du mot courriel, consultez notre rubrique En vedette.
Trésor de la langue française au Québec. (2023). Courriel. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 25 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/courriel