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COUREUR DE BOIS [kuʀœʀdəbwɑ] ou  COUREUR DES BOIS [kuʀœʀdebwɑ]
n. m.

Rem.

1. La variante coureur des bois, rare avant le milieu du XIXe s., devient de plus en plus courante à partir de cette époque, notamment dans la littérature. 2. Variantes graphiques : (de la fin du XIXe s. jusqu’au milieu du XXe) coureur-de-bois, coureur-des-bois.

1

Péjor., hist.En Nouvelle-France, hors-la-loi qui désertait les lieux de colonisation pour aller faire la contrebande des pelleteries avec les Amérindiens et qui adoptait le plus souvent leur mode de vie.

Ordonnance contre les coureurs de bois. Arrêter, punir les coureurs de bois.

Donner retraite à un coureur de bois, l’héberger secrètement.

Amnistie accordée aux coureurs de bois.

Rem.1. Souvent associé aux mots libertin, vagabond et volontaire dans les documents d’époque. 2. Peut s’abréger en coureur. 3. Le mot figure parmi les « canadianismes de bon aloi » (voir OLF-Can), illustré par des exemples à valeur définitoire qui se rapportent à divers emplois du mot.

Et voyant la necessité q[u’il] y a d’apporter un prompt remede au mal que causent les coureurs des bois, dont nous avons appris q[ue] le nombre augmentoit tous les jours, et qui estoient soubztenus par quelques habitans qui ouvertement ou secretement leur vendent ou prestent des marchandises au moyen desquelles ils continuent leur commerce avec les Sauvages au prejudice de la tranquilité publique et de la generalité de la colonie [...]. 1672, le comte de Frontenac, BAnQQ, Archives des colonies, Correspondance générale (Canada), vol. 3, fo 222.

[...] il y a de deux sortes de coureurs de bois. Les premiers vont a la source du castor dans les nations sauvages des Assinibouels[,] Nadoussieux, Miamis, Islinois, et autres, et ceux la ne peuvent faire leurs voiages qu’en deux ou trois ans. Les seconds qui ne sont pas en si grand nombre vont seulement au devant des Sauvages et des François qui descendent jusques au long Sault, la petite nation et quelques fois jusques a Michilimakinac afin de profiter seuls de leurs pelletries, pour lesquelles ils leur portent des marchandises et le plus souvent rien que de l’eaue de vie contre la deffence du Roy dont ils les enyvrent et les ruisnent, ceux la peuvent faire leurs voiages a peu pres dans le temps qui vous a esté marqué [6 mois] [...]. Il n’est pas facille de prendre les uns et les autres [...]. 1681, J. Duchesneau, BAnQQ, Archives des colonies, Correspondance générale (Canada), vol. 5, fos 296-297.

Ils avoient dans leur canot d’écorce environ 300 [livres] de castor qui ont esté saisis et confisqués. Ces voyageurs ont esté conduits a Montréal ou ils furent mis en prison : Sur le soupçon que ces hommes etoient des coureurs de bois leur proces a esté instruit a Montreal [...]. 1736, les sieurs de Beauharnois et Hocquart, dans L. Lamontagne (ed.), Royal Fort Frontenac, 1958, p. 420.

Aiant été de plus informé que nombre de voiageurs qui montent dans les Païs d’en haut y fixent, sans notre permission, leur demeure soit pour commercer furtivement d’un poste à l’autre et soit encore pour libertinage avec les Sauvagesses et voulant remedier à un abus aussi préjudiciable au bien de la colonie à tous égards; ordonnons au s[ieur]... de nous renvoier ceux qui dans l’étenduë de son poste ne seront pas reconnus domiciliés à... [Michilimakinac] et qui sont réputés coureurs de bois. 1755, A. Duquesne, BAnQQ, Archives des colonies, Correspondance générale (Canada), vol. 100, fo 42.

D’un autre point de vue, l’accaparement de la traite par les coureurs de bois provoquait le gaspillage d’une importante partie des revenus de la traite en dépenses inutiles [...]. 1960, J. Hamelin, Économie et société en Nouvelle-France, p. 57.

Rare(Personne, animal) qui vit dans les bois. (En parlant d’un Amérindien).

Nos coureurs de bois font de tres beaux ouvrages de leurs grands jongs, et entre autres les fammes les entrelassent si bien qu’elles en font de fort belles nates taintes de divers couleurs et ornées de beaucoup de figures. Ce jong etant tiré hors de l’eau fournit un ragout aux sauvages qui le suceant par le bout d’en bas font couler dans leur bouche une humeur fort sucrée [...]. 1685 env., L. Nicolas, Histoire naturelle, ANC, ms. 24225, fo 10.

Rem.Attesté en outre quelques fois à la fin du XIXe s. et au début du XXe (p. ex. dans La Gazette de Joliette, 7 août 1883, p. 2).

 (Hapax, en parlant d’un orignal).

Vers la fin du mois d’aout ce grand coureur de bois, et cet animal de passage entre en rut, et sa femmelle qui ne differe en rien de luy qu’en ce qu’elle n’a point de bois, luy produit un fan les 2 premières années qu’elle met bas vers la fin du mois de may [...]. 1685 env., L. Nicolas, Histoire naturelle, ANC, ms. 24225, fo 94.

notice ENCYCLopédique

1. Les débuts de la traite. Au début de la colonie laurentienne, ce sont les Amérindiens qui viennent porter leurs pelleteries directement aux comptoirs de traite des Français (Tadoussac, Québec, etc.) entretenus par les compagnies qui bénéficient d’un monopole accordé par le roi. À mesure que la colonisation prend de l’importance, les autochtones peuvent aussi, en règle générale, traiter avec les Français fixés au pays, à condition que ces derniers revendent les pelleteries aux magasins des détenteurs du monopole qui, seuls, ont le droit de les exporter en France. Ces échanges surviennent notamment lors des foires de fourrures qui se tiennent à Trois-Rivières et à Montréal. À ces occasions, les habitants et les marchands font des avances de marchandises aux Amérindiens que ces derniers reviennent payer l’année suivante. Les différentes nations amérindiennes sont incitées à venir commercer dans la colonie laurentienne par de jeunes Français que les autorités ont placés chez elles pour servir d’interprètes (ou truchements) et d’agents de liaison (par ex. Étienne Brûlé, Jean Nicolet). Plusieurs d’entre eux adoptent largement le mode de vie des nations qui les hébergent. Toutefois il ne semble pas que ces hommes aient été qualifiés de coureurs de bois avant le XIXe s. (sous la plume d’historiens).

2. Des Français comme intermédiaires. À la suite de la destruction de la Huronie (1648-1652), les Français perdent leurs principaux intermédiaires avec les nations de l’Ouest qui fournissent les pelleteries. Une fois la paix conclue avec les Iroquois (1653), commence le phénomène des voyages de traite au cours desquels des Français vont chercher eux-mêmes les pelleteries directement chez les nations amérindiennes de l’Ouest pour les revendre à leur compte dans la colonie; dès 1654, un congé, ou permission des autorités, est nécessaire pour se livrer à cette activité qui, dès 1656, est interrompue par une nouvelle guerre iroquoise. Coureur de bois n’est pas attesté à cette époque. En 1663, la Nouvelle-France passe sous administration royale. L’année suivante, le monopole du commerce des fourrures est concédé à la Compagnie des Indes occidentales. La route vers l’intérieur devenant plus sûre après la fin de la guerre iroquoise en 1667, les voyages de traite sont plus fréquents, notamment pour des raisons d’ordre économique; concurremment, la traite de boissons enivrantes, interdite depuis l’époque de Champlain, prend de l’ampleur. L’anarchie s’installe et on commence à se plaindre de ceux qui quittent les habitations pour aller faire la traite en territoire amérindien, majoritairement des fils d’habitants. Les autorités réitèrent (en 1669 et en 1672) l’obligation d’obtenir un congé avant de partir pour la traite. Les contrevenants, qu’on qualifie de vagabonds et de libertins et qu’on associe pour un temps aux volontaires avant de leur attribuer l’appellation explicite de coureur de bois (à partir de 1672, voir sens 1), risquent la mise à l’amende, la confiscation des pelleteries et des marchandises, les galères et même la peine de mort. Ces mesures ont peu d’effets.

3. Un indésirable. Les raisons pour décrier le coureur de bois sont nombreuses et diffèrent selon les groupes sociaux. Pour les habitants et les marchands qui ne s’associent pas à lui, il pratique une concurrence déloyale puisqu’il intercepte les Amérindiens et leurs pelleteries en amont de Montréal. Ce faisant, il nuit aux foires de fourrures et empêche plusieurs habitants et marchands de recouvrer leurs créances. Pour les missionnaires, il est une menace à l’évangélisation et au bien-être des Amérindiens car il leur fournit des boissons alcoolisées; par son libertinage et son goût du gain, il leur donne une mauvaise opinion des Français; il les empêche aussi de venir recevoir la religion auprès des habitations. Pour les administrateurs, qui partagent également l’opinion des groupes précédents, il représente l’indiscipline, l’ensauvagement des Français (jugement que traduit bien le mot coureur de bois puisqu’avant l’avènement des voyages de traite, les expressions courir les bois et courir dans les bois sont surtout attestées en parlant des Amérindiens) et le retard du défrichement des terres; il est un intervenant incontrôlable dans les relations franco-amérindiennes, un contrebandier qui détourne une partie importante des pelleteries vers les colonies anglaises, où il achète aussi des marchandises, et il entraîne une baisse importante des revenus du gouvernement par le non-paiement des droits sur les castors et les orignaux. Paradoxalement, le coureur de bois compte plusieurs complices dans toutes les classes de la société : habitants, marchands et membres du gouvernement s’associent à lui pour profiter de son commerce lucratif.

4. Le système des congés. À partir de 1681, le gouvernement instaure un nouveau système de congés de traite qui légalise et tente de contrôler la course des bois. Un certain nombre de coureurs régularisent leur situation soit en obtenant un congé (souvent en l’achetant de particuliers peu fortunés qui l’avaient reçu gracieusement des autorités), soit en s’associant à des marchands qui en ont obtenu un ou à des commandants de postes dans les pays d’en haut. Ils commencent alors à être désignés par le nom de voyageurs. Ce titre, donné d’abord aux coureurs expérimentés qui font de la traite en territoire autochtone leur principale occupation, est par la suite appliqué également aux hommes de service, couramment appelés engagés, appellation qui insiste sur leur statut par rapport à leur employeur (détenteur du congé ou du privilège de la traite) qui les engage comme hommes de peine et qui leur interdit, sauf exception, la traite à leur compte. L’expérience que le coureur de bois acquiert de la vie en forêt le rendant utile dans les expéditions guerrières, les autorités sollicitent ses services, notamment à l’occasion de la guerre iroquoise (1682-1701) et de celles contre la nation algonquienne des Renards (1712-1716, 1728-1734); le mot désigne ainsi un combattant rompu à la « petite guerre » (voir sens 3). Il arrive que ses réalisations et son mode de vie suscitent même une certaine admiration (Lahontan). Toutes ces raisons font en sorte que la connotation péjorative associée à coureur de bois s’atténue quelque peu et que le mot acquiert le sens d’« aventurier » de la traite des pelleteries, surtout dans les écrits de ceux qui n’appartiennent pas au gouvernement (voir sens 2). Néanmoins, la situation légale du coureur de bois est instable; ainsi, plusieurs préfèrent demeurer parmi les Amérindiens et refusent de rentrer dans la colonie au terme de leur contrat (si contrat il y a eu) et sont considérés comme déserteurs, ce qui arrive notamment pendant les périodes où le système des congés est aboli (de 1696 à 1716, puis de 1719 à 1728). Le coureur de bois peut perdre son statut illégal au gré des amnisties accordées par le roi (1681, 1703, 1714 et 1716). Il peut être néanmoins perçu comme hors-la-loi s’il fait du commerce hors des limites du poste prescrit dans son congé, s’il s’aventure dans certains territoires de traite réservés ou s’il enfreint certaines règles de conduite.

5. Une appellation longtemps marquée. Le personnage, tout comme son nom, conserve donc une certaine ambiguïté, et, tout au long du Régime français, les autorités continuent à désigner ainsi ceux qui enfreignent les règles de la traite en territoire amérindien. C’est ce qui explique que le nom de voyageur, qui est au départ plus neutre, devient en vogue et est préféré par ceux qui font de la traite des pelleteries en territoire amérindien leur véritable métier et qui veulent être bien perçus; dans les actes notariés le concernant (contrats de société, obligations auprès de marchands, contrats d’engagement, contrats de mariage, etc.), jamais un professionnel de la traite des fourrures ne se donne le titre de coureur de bois. Il faudra attendre le milieu du XIXe s. pour que cette appellation prenne des connotations nettement mélioratives, à travers la vision mythique que donneront du coureur de bois les historiens et les romanciers. 

Sources : L. Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, 1974, p. 171-180; G. Lanctôt, Histoire du Canada, 1959-1964, 3 vol.; M. Trudel, Initiation à la Nouvelle-France, 1968, p. 207-211; M. Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, vol. 3, t. 1, 1979, p. 223-224, et t. 2, 1983, p. 298-306.

2

Par attén., Hist. Aventurier adapté à la vie en forêt qui, bénéficiant d’un permis des autorités, ou « congé », allait en territoire amérindien pour faire le commerce des pelleteries avec les autochtones, soit pour son propre compte, soit pour le compte d’un marchand ou d’une compagnie avec lesquels il signait un contrat d’engagement.

Grand canot conduit par huit coureurs de bois. Peines portées contre les coureurs de bois sans congé. Flottille des canoteurs ou coureurs de bois. Coureurs des bois ou voyageurs des pays d’en haut.

Rem.Peut s’abréger en coureur.

 voyageur (sens 1).

 Mod. Figure héroïque, mythique et folklorique de l’histoire nord-américaine, symbole d’errance, d’indépendance, de liberté, d’esprit d’aventure et de métissage avec les autochtones, souvent considérée comme un des archétypes traditionnels des Canadiens français.

Les intrépides coureurs de bois. Un hardi coureur des bois. Les descendants des coureurs de bois. Avoir le sang des ancêtres coureurs de bois. Avoir une âme de coureur des bois. Les coureurs des bois et les Métis.

Il sera tres a propos que nos Canadiens meintienent le poste que le S[ieu]r Dulhu a retranché au detroit du Lac Erié. De cette maniere nos coureurs de bois pouroient prendre le chemin pour venir de Michilimaquina par le lac Erié [...]. 1686, Brisay de Denonville, BAnQQ, Archives des colonies, Correspondance générale (Canada), vol. 8, fo 162.

Coureurs de Bois. Sont des François ou des Canadiens ausquels on donne ce nom, parce qu’ils employent tout le tems de leur vie au rude exercice de transporter des Marchandises dans les Lacs de Canada, & dans tous les autres Païs de ce Continent, pour les trafiquer avec les Sauvages. Et comme ils entreprennent des voyages de mille lieuës en Canot, malgré les dangers de l’eau & des Iroquois, on devroit, ce me semble, les appeller plûtôt Coureurs de risques, que Coureurs de Bois. 1703, Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan, t. 1, p. 272.

L’existence insouciante et vagabonde des marins, si bien décrite par Byron, lui [F.-X. Garneau] fait songer à la vie aventureuse et romanesque des anciens voyageurs canadiens, nos intrépides coureurs de bois. « Quelle source de poésie que les courses et les découvertes de ces braves chasseurs, qui, s’enfonçant dans les solitudes inconnues du Nouveau-Monde, bravaient les tribus barbares qui erraient dans les forêts et les savanes, sur les fleuves et les lacs de ce continent encore sans cités et sans civilisation. » 1866, H. R. Casgrain, F. X. Garneau, p. 29.

Elle [Émilie Bordeleau] a refusé le petit bonheur tranquille et confortable avec l’inspecteur qui va vivre éventuellement dans le bastion anglophone de Westmount, comme Maria Chapdelaine dans le temps avait refusé le prétendant qui faisait fortune aux États-Unis pour vivre sa passion avec François Paradis. Dans les deux cas, les hommes aimés sont des coureurs de bois, des êtres « physiques », tout le contraire du « mièvre » intellectuel ou brasseur d’affaires, l’idée qu’on se fait collectivement d’un vrai homme et d’un vrai Québécois. Il y a là de quoi passionner les analystes de l’âme québécoise pour longtemps... 1991, La Presse, Montréal, 28 février, p. E1.

Bref, à la fameuse question « What does Quebec want? », la réponse s’impose d’elle-même à chaque fin juin : déménager! Eh oui! C’est ce qui nous rend si distincts, le grand branle-bas annuel du déménagement; comme quoi ce sport national prouve bien que nous avons dans les veines le même sang que nos ancêtres coureurs des bois et explorateurs, atteints de bougeotte chronique. 1993, Le Soleil, Québec, 27 juin, p. A8.

 (Par ext., chez les historiens). Mod.Explorateur, interprète, agent de liaison (entre les nations amérindiennes et les autorités coloniales) dont les activités le conduisent à adopter plus ou moins le mode de vie amérindien et à acquérir une grande familiarité avec la vie en forêt.

Nicolet sut se le faire indiquer [le chemin], et peut-être fut-il guidé par ces peuples eux-mêmes dans un voyage qui promettait aux Indiens une suite de rapports avantageux avec les compatriotes du hardi coureur de bois1876, B. Sulte, Mélanges d’histoire et de littérature, p. 429.

 (Au fém., hapax). Coureuse des bois.

Aux partis [sic] de chasse elle est toujours la plus intrépide et la plus adroite. A preuve que les Abénaquis l’ont surnommée la Coureuse des bois1854, H.-É. Chevalier, « La batelière du St. Laurent », dans La Patrie, Montréal, 24 octobre, p. 33).

3

Par ext., Hist.Au cours des guerres coloniales, combattant servant dans les expéditions en forêt, notam. à titre d’éclaireur, et pratiquant les techniques de guérilla des Amérindiens.

Des compagnies de coureurs de bois canadiens. Un parti, un corps de coureurs de bois. La grande troupe des coureurs de bois.

Rem.Pendant la guerre de la Conquête et les premières années du Régime anglais, le sens de « combattant » est nettement distinct de celui d’« aventurier de la traite des fourrures », sans doute parce qu’il devient l’équivalent de l’anglais ranger (lui-même attesté à quelques reprises dans le français du Québec à cette époque).

Cette compagnie [la Compagnie du Nord] [...] n’a rien epargné pour faire rendre le change auxdits Anglois, et elle a esté asses heureuse que son argent donné sans epargne aux coureurs de bois du Canada leur a fait entreprendre de chasser les dits Anglois des trois maisons et magazins qu’ils avoient fortifiés de garnisons et de canons au fond de la ditte baye. 1686, BAnQQ, Archives des colonies, Correspondance générale (Canada), vol. 8, fo 67.

Les Coureurs de bois faisoient l’avant-garde avec une partie des Sauvages dont l’autre faisoit l’arriére-garde, les Troupes & les Milices étoient au milieu. Le premier jour nos découvreurs marcherent à la tête sans rien apercevoir. La marche de l’Armée fut de quatre lieuës ce jour-là. 1703, Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan, t. 1, p. 98.

Le détachement anglais était de 73 h[ommes] dont 6 officiers et 10 sergens, commandé par Robert Rogers, cap[itai]ne d’une des quatre compagnies de coureurs de bois que les Anglais nomment Rangers, dont le service est d’aller à la découverte dans les bois. 1757, le comte de Bougainville, « Journal de l’expédition d’Amérique commencée en l’année 1756, le 15 mars », dans RAPQ 1923-24, p. 248-249.

Le mois prochain un corps de deux mil coureurs de bois, aux frais communs des deux provinces, se mettra en marche pour aller fixer les limites et en marquer les bornes [de la Caroline du Nord et de la Caroline du Sud] [...]. Ces coureurs de bois seront accompagnés de 150 forestiers [...]. 1770, La Gazette de Québec, 20 septembre, p. 1.

[...] quelques coureurs des bois que M. de Longueuil avait envoyés sur le champ de bataille pendant qu’on revenait vers la ville, nous ont rejoints comme nous y rentrions. 1877, J. Marmette, Le tomahahk et l’épée, p. 171.

4

Mod., vieilliChasseur, trappeur, guide de chasse ou travailleur forestier rompu à la vie dans les bois.

1895, James MacDonald Oxley, Coureur de bois, [photo], Internet Archive Book Images, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:My_strange_rescue,_and_other_stories_of_sport_and_adventure_in_Canada_(1895)_(14597394100).jpg

Un vieux coureur de bois. Un vrai coureur des bois. Une cache de coureur des bois. Une veste à carreaux de coureur de bois.

 voyageur (sens 3).

 (De nos jours). Amateur de chasse et de pêche en forêt.

Et quand il [Nicolas Denys] cause de chasse ou de pêche, quel horizon n’ouvre-t-il pas à ces piètres coureurs de bois de nos jours qui s’esquintent toute une après-midi pour assassiner une perdrix ou faire lever une bécasse? 1877, Faucher de Saint-Maurice, De tribord à bâbord, p. 331.

La vie solitaire en pleine forêt enlève l’habitude des conversations longues et superflues. Un coureur de bois [...] accusé de plusieurs effractions sur des wagons de fret qui stationnent près de son « shack » à plusieurs milles de Parent, Abitibi, a mis ainsi fin aux questions du juge [...] : « Amenez des témoins pour prouver que je suis coupable et cessez de me questionner [...] ». L’individu avait une mine sauvage et peu communicative. Il semblait regretter la vie libre et sans contrainte du Nord et n’avoir qu’un désir : celui d’y retourner au plus tôt. 1937, L’Événement, Québec, 11 novembre, p. 9.

Nous avons constaté que le coureur de bois n’était plus seulement un chasseur et un pêcheur mais qu’il était devenu un bûcheron, un draveur, un constructeur de cages, un piqueur de gomme. Nous avons rencontré des hommes qui ont aimé la forêt [...]. En outre, nous avons pu interroger des témoins, âgés de soixante-dix ans et plus, dont les pères, le plus souvent, avaient été des coureurs de bois. 1973, N. Lafleur, La vie traditionnelle du coureur de bois aux XIXe et XXe siècles, p. 280.

Monsieur mentionnait tout à l’heure qu’il y a une équipe de coureurs de bois, toujours sur les chantiers de construction. C’est vrai, j’ai travaillé à Labrieville quatre ans, moi […] J’en revois aujourd’hui, sur l’Hydro, ils en ont peut-être deux cents, si vous voulez ? Il y en a peut-être soixante-quinze de ces gars-là qui ont passé leur vie à courir ça, les chantiers de construction pis ces choses-là. Ils ont fait Churchill, ils ont fait Manic. 1973 env., Rouyn-Noranda, AFEUL, P. Perrault 85 (âge de l’informateur : n. d.).  

La victime [...] était allée visiter ses collets en tracteur. Sur le chemin du retour, le coureur des bois a emprunté une pente mais a perdu le contrôle du véhicule, qui s’est renversé sur lui. Deux chasseurs ont fait la macabre découverte. 1986, Le Soleil, Québec, 16 novembre, p. A5.

« René Richard n’était pas un trappeur de fin de semaine, mais un vrai de vrai coureur des bois, qui pouvait passer des mois en forêt. Il lui arrivait de partir à pied de Baie Saint-Paul pour monter dans le grand Nord », explique M. Goudreau, qui est particulièrement fier de pouvoir montrer des dessins de l’artiste [...]. 1996, Le Soleil, Québec, 16 mars, p. D9.

Par anal., Rare(En parlant d’un véhicule automobile adapté aux routes difficilement carrossables).

La Suzuki Sidekick sait comment s’y prendre sur les routes enneigées et dans les chemins impraticables. [...] Malheureusement [...], ses qualités de coureur des bois et sa suspension handicapent son comportement sur l’autoroute. 1993, Le Soleil, Québec, 20 décembre, p. C2.

Rare(En emploi adjectival).

Les endroits les plus redoutés des hommes et des chiens sont les rivières congelées, parce qu’elles se hérissent de glaçons aigus, fixés dans un pêle-mêle horrible. Ce sont, en langage coureur-des-bois, les bordillons ou bourguignons. » 1921, R. P. Duchaussois, Aux glaces polaires, p. 59.

 (Variante). Vieilliou région.Coureux de bois (parfois coureux).

Les Acadiens n’ont jamais eu de ‘coureux-de-bois’, comme les Canadiens; ils n’ont pas connu la grande forêt, sous la domination française, ni non plus l’industrie de la coupe réglée du bois sur une échelle commerciale. Cette vie qu’ils vont mener sur le haut de la rivière Miramichi est tout à fait nouvelle pour eux. 1927, P. Poirier, dans MSRC 21/1, p. 240.

Histoire

Mot associé à l’histoire de la Nouvelle-France, qui figure pour la première fois dans les dictionnaires français chez Fur 1727 (« Terme de Relations. On appelle coureurs de bois dans le Canada, des gens qui vont porter les marchandises dans le fond du païs, pour trafiquer avec les Sauvages »). Le mot apparaît par la suite chez Richelet 1732, Trévoux 1752 et Enc qui en rendent compte dans des définitions originales correspondant grosso modo à la première partie du sens 2 ci-dessus, donc sans connotations négatives (Enc et, plus tard, Larousse 1866 le présentent d’ailleurs comme un terme de commerce). Coureur de bois est la seule forme enregistrée dans les dictionnaires de France jusqu’à Larousse 1928 qui ne relève le mot que sous sa variante coureur des bois. Le sens moderne du mot (sens 4 ci-dessus) est évoqué dans les dictionnaires Robert (depuis 1953 : On appelait les trappeurs du Canada les Coureurs de bois) où l’on néglige par contre les emplois à valeur historique qui demeurent les plus importants (v. encore PRobert 1993 : « Au Canada, coureur de (des) bois : chasseur et trappeur »). Le mot a pénétré en anglais dès 1700 en parlant de Canadiens français (Severall of the French Coureurs de bois or hunters are there at this time, cité d’après OED-Suppl 1972) et, bien qu’il ait été utilisé depuis cette époque en anglais, il demeure perçu comme un mot français (v. sur ce point DictCan et Random 1983). Le mot a donné lieu au calque wood(s)-runner, attesté depuis 1716 (v. DictCan; v. aussi Mathews, s.v. wood, dont l’exemple de 1743 traduit la perception que les Anglais de l’époque ont eue de cet aventurier : No Europeans could undergo such Hardships as those French that intercept the English Trade, who are inur’d to it, and are called by us Wood-runners, or Coureurs de Bois). Coureur de bois est généralement présenté dans les dictionnaires anglais sous une définition large qui rend compte surtout des emplois modernes du mot (« woodsman », « hunter », « trader », « boatman », « trapper », v. Craigie, Mathews, OED-Suppl 1972, Random 1983 et Webster 1986); celle de DictCan correspond au sens 1 ci-dessus (« an unlicensed trader who ranged the forest in search of furs »).

1Depuis 1672 (coureur des bois, v. ex. cité; aussi, la même année, coureur de bois, dans une autre lettre de Frontenac, v. BAnQQ, Archives des colonies, Correspondance générale (Canada), vol. 3, fo 260). Découle de l’expression courir les bois (variante courir dans les bois), attestée au Canada depuis 1616, surtout en parlant des Amérindiens (l’emploi transitif de courir « parcourir, sillonner » est relevé en français depuis le début du XIIIe s., v. TLF). Il est probable que coureur de(s) bois s’est dit d’abord en parlant des Amérindiens, pour souligner leur mode de vie, comme le suggère le passage tiré de l’Histoire naturelle de Louis Nicolas (1685 environ), avant de s’appliquer aux Français qui les imitaient et d’être associé à ceux qui faisaient la contrebande des pelleteries avec les Amérindiens. Le mot tient manifestement ses connotations négatives également de l’emploi de coureur au sens de « débauché » (attesté en français depuis 1566, d’après TLF) et au sens de « libertin, vagabond » (attesté à l’époque de la Nouvelle-France, v. Trévoux 1704-1752, et, plus récemment, dans différents parlers du Nord, du Centre et de l’Ouest de la France, notamment sous la forme coureux, v. FEW cǔrrĕre 2, 1570b), ce que suggèrent les premières attestations du mot et les appellations libertin, vagabond et volontaire par lesquelles les autorités ont aussi désigné le coureur de bois. 2Depuis 1686. En parlant de la figure héroïque et mythique, depuis 1847 (G. Lévesque, « La croix du Grand Calumet », dans L’Écho des campagnes, Berthier, 18 novembre, p. [2] : le plus brave des courreurs [sic] de bois). Au sens d’« explorateur, interprète », depuis 1876. 3Depuis 1686. À mettre en parallèle avec coureur « éclaireur », attesté en français depuis le XIIe s. (v. TLF); cp. aussi coureurs en parlant de « ceux qui sortent d’une garnison pour picorer », en usage à cette époque (v. Fur 1690 qui définit picorer par « aller à la guerre à la dérobée pour faire quelque petit butin »). 4Depuis 1877. En emploi adjectival, depuis 1921. Coureux de bois, depuis 1927; la prononciation [kuʀø], usuelle au XVIIe s. malgré la graphie avec r final (v. ThurPron 2, p. 166), était courante en français encore dans la première moitié du XVIIIe s. (d’après Richelet 1732 : « Prononcez coureu »; l’usage avait changé à l’époque de Féraud 1787).

Version du DHFQ 1998
Pour poursuivre votre exploration du mot coureur de bois, consultez notre rubrique Les fins mots de l'histoire.
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Coureur de bois ou coureur des bois. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 28 mars 2024.
https://www.dhfq.org/article/coureur-de-bois-ou-coureur-des-bois