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CÔTE [kot]
n. f.

Rem.

Variante graphique : (anciennement) coste.

1

(Surtout dans des noms de lieux désignant aujourd’hui de vastes territoires qui s’étirent à l’intérieur des terres). Rive d’un fleuve (notam. le Saint-Laurent); (par ext. et plus rarement) bord d’une rivière, d’un lac.

Côte-Nord ou vieuxCôte-du-Nord : région située sur la rive nord du Saint-Laurent, entre Tadoussac et Blanc-Sablon, bornée par le Nouveau-Québec et le Labrador. Basse-Côte-Nord : partie la plus en aval de la Côte-Nord située entre Sept-Îles et Blanc-Sablon, ou (surtout dans la langue administrative) entre Natashquan et Blanc-Sablon. (Dans la langue administrative). Haute-Côte-Nord : subdivision de la Côte-Nord située la plus en amont, allant de Tadoussac à Sept-Îles; Moyenne-Côte-Nord : partie centrale de la Côte-Nord, située entre la Haute et la Basse-Côte-Nord, équivalant, selon certains, à la Minganie. Côte-du-Sud ou, plus rarement, Côte-Sud : région qui s’étend approximativement de Beaumont à Kamouraska, depuis le fleuve Saint-Laurent jusqu’à la frontière américaine (État du Maine). Côte-de-Beaupré : région comprise entre la rivière Montmorency et Cap-Tourmente, sur la rive nord du Saint-Laurent, et qui s’étend jusqu’aux Laurentides.

Et avons esté par la mer chemin faisant jusques au XXIXe du[dit] moys que sommes arrivez à ung hable [= havre] de la coste du su [région du Bic] lequel est envyron IIIIxx [80] lieues des[dites] sept ysles et est le travers de troys ysles plattes qui sont par le parmy [« milieu »] du fleuve. 1538 env., J. Cartier, dans M. Bideaux (éd.), Relations, 1986, p. 134.

[...] ce ne serait pas aux Sept-Isles qu’il faudrait qu’ils attendissent de mes nouvelles mais au Bic qui est au sud dans l’entrée du golfe parce que ce serait trop hazarder des chaloupes et encore plus des canots que de les exposer à faire la traversée des Sept-Isles au lieu que les envoyant dans le lieu que je marque on pourrait arriver à eux avec beaucoup moins de risque en cotoiant toujours la coste et mesmes en cas de nécessité faire le chemin par terre [...]. 1693, le comte de Frontenac, dans Rapq 1927-1928, p. 157 (lettre).

Le lac St-Sacrement court presque de droite file nord-ouest et sud-ouest. Comme il est encaissé entre deux chaînes de montagnes, il n’y a ni vagues, ni roulis. La navigation y est belle, la côte saine presque partout. 1756, le comte de Bougainville, dans RAPQ 1923-1924, p. 228 (journal).

J’ai laissé la grotte avec regret. Pauvre grotte, me disais-je, ce matin elle est emplie de soleil, de chaleur et de vie avant le reste de la nature qui l’entoure, et la voilà pleine d’ombre pendant que le soleil rayonne encore partout, sur le Cap-à-l’Aigle, sur le fleuve si beau, sur les clochers lointains qui scintillent le long de la côte du sud. 1879, L. Conan, Un amour vrai, p. 15.

La Haute-Côte-Nord, c’est un pays encore en quête d’une identité. Pas vraiment la Côte-Nord, du moins celle qui évoque les développements hydroélectriques, les mégaprojets industriels et les salaires élevés; pas vraiment non plus la Basse-Côte chantée par les poètes pour ses bucoliques villages de pêcheurs isolés les uns des autres. La Haute-Côte-Nord, c’est plutôt un chapelet d’une dizaine de villages dont la plupart vivotent depuis des décennies. 1995, Le Soleil (éd. de l’Est et de la Côte-Nord), 27 novembre, p. A3.

notice ENCYCLopédique

C’est d’abord à la rive du golfe du Saint-Laurent que faisait référence l’appellation Coste du Nort employée par Cartier vers 1538 (voir Histoire). Cette dénomination s’est étendue naturellement à la rive du fleuve proprement dite jusqu’à la hauteur de la rivière Saguenay. Au XIXe s., on donne à la partie est de la Côte-Nord le nom de Labrador (ou Labrador canadien, Labrador québécois) et, par la suite, celui de Basse-Côte-Nord. La fin de la route 15, laquelle longe la rive du fleuve Saint-Laurent jusqu’à Sept-Îles, marque pendant un temps la frontière entre les portions est et ouest de la Côte-Nord. Plus tard, le prolongement de la route (qui s’appelle désormais la 138) repousse cette frontière plus à l’est, jusqu’à Natashquan. Avec la réalisation des grands projets hydroélectriques, au début des années 1960, un nouveau découpage administratif est instauré afin de mieux rendre compte du développement économique de la région. On distingue désormais trois sections nommées Haute, Moyenne et Basse-Côte-Nord, dont les limites sont encore mal fixées dans l’usage général. Quant à l’appellation Côte-du-Sud, elle a d’abord été employée pour désigner de façon générale la rive sud du Saint-Laurent. Elle s’est appliquée par la suite à un territoire habité aux limites fluctuantes, qu’on situe aujourd’hui entre Beaumont et Kamouraska. Pratiquement sorti de l’usage au début du XXe s., ce toponyme connaît une nouvelle popularité depuis quelques décennies grâce à l’essor touristique de cette région célèbre pour ses spectaculaires rassemblements d’oies blanches. 

Sources : E. Rouillard, La Côte Nord du Saint-Laurent, 1908, p. 11-12; P. Bussières, « La population de la Côte-Nord », dans Cahiers de géographie de Québec, no 14, 1963, p. 157-192; P. Charest, Histoire, démographie et généalogie des premières populations permanentes de la Basse Côte-Nord (de Kegashka à Blanc-Sablon), 1820-1900, 1968, p. 1-2; Madame Ch. Gagné, Recettes typiques de la Côte-du-Sud, 1970, p. 17-20; L.-A. Santerre, De Sept-Îles à Blanc-Sablon, 1981, p. 21 et 95; A. Laberge (dir.), Histoire de la Côte-du-Sud, 1993; Commission de toponymie du Québec, Noms et lieux du Québec, 1994, p. 150-151.

2

Par méton., Hist. Dans une seigneurie, portion de territoire, subdivisée en étroites parcelles rectangulaires concédées à des colons, qui longe le Saint-Laurent ou l’un de ses affluents.

Les habitants d’une côte.

Capitaine de la côte : militaire affecté à une côte dont il doit assurer la sécurité et où il exerce même un certain pouvoir juridique.

 Par ext. Suite de lots semblable située à l’intérieur des terres. Côte double, constituée de deux séries de lots. Les côtes : ensemble formé de plusieurs suites de lots qui longent un même cours d’eau ou qui se succèdent vers l’intérieur des terres, formant ainsi la campagne habitée.

Rem.1. Côte rend compte de la localisation initiale du peuplement en bordure des cours d’eau alors que rang insistera sur sa forme alignée. 2. En 1703, Lahontan, dont les propos seront interprétés de diverses façons par les historiens, paraît établir une équivalence entre les mots côte et seigneurie (voir ex. ci-dessous). Cette association s’explique sans doute par le fait que, au début de la colonisation, la seigneurie, prenant appui sur le rivage et ne comportant encore bien souvent qu’une seule rangée de lots, portait parfois le même nom que la côte, par exemple dans des passages comme côte et seigneurie de Lauzon, côte et seigneurie de Beaupré, usuels dans les documents de cette époque; dans ces contextes, il est cependant difficile de savoir si le mot côte signifiait « rivage » ou « suite de lots », puisque ces acceptions se rapportent à une même portion de territoire. 3. Côte se maintient sur l’île de Montréal dans des appellations qui rappellent l’existence d’anciennes suites de lots : la Côte-Saint-Luc, le quartier Côte-des-Neiges, le chemin de la Côte-Saint-Antoine.

 rang.

Le pain benit du Dimanche fut transporté au lundy, jour de la Circoncision. Mons[ieu]r le Gouverneur le donna; il y eut quelque parolle en suite a qui on le donneroit apres luy, & il fut trouvé plus a propos de le donner aux deux marguillers, Mons[ieu]r Giffar & Mons[ieu]r des Chastelets, & puis commencer par le haut de la coste de S[ain]te genevieve [dans la banlieue de Québec], comme par une rüe; puis revenir par en bas, comme par une autre rüe, & continüer de la sorte. 1645, dans RJ 27, p. 118.

Ce mot de Côtes n’est connu en Europe que pour côtes de la mer, c’est-à-dire les montagnes, les dunes & tout autre sorte de terrain qui la retient dans ses bornes; au lieu qu’en ce païs où les noms de Bourg & de Village sont inconnus on se sert de celui de côtes qui sont des Seigneuries, dont les habitations sont écartées de deux ou trois cent pas les unes des autres, & situées sur le rivage du Fleuve de S[aint] Laurent. 1703, Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan, t. 1, p. 9.

L’île [de Montréal] est partagée entre les neuf paroisses suivantes, Ste. Anne, Ste. Geneviève, Pointe Claire, La Chine, Sault au Récollet, St. Laurent, Rivière des Prairies, Pointe-au-Tremble, et Longue Pointe. Il y a en tout 1376 concessions, formées par rangées, ou comme on les appelle par côtes distinguées sous les noms de Ste. Anne, Pointe Claire, Ste. Marie, Ste. Geneviève, St. Charles, St. Jean, St. Remi, St. François, de Liesse, St. Luc, St. Paul, de Vertu, Sault au Récollet, St. Laurent, des Neiges, de Verdure, St. Michel, Longue Pointe, Pointe-au-Tremble, la Visitation, St. Antoine, Léonore, Rivière des Prairies, Coteau St. Louis et St. Pierre, lesquelles forment autant de subdivisions irrégulières, ou de districts intérieurs [...]. 1815, J. Bouchette, Description topographique de la province du Bas Canada, p. 135.

Enfin, les boulangers trouvaient à redire aux agissements de certaines personnes qui s’ingéraient de vendre du pain et qui parcouraient même les côtes autour de Montréal pour acheter le blé à un prix plus élevé qu’il ne valait. 1927, J.-N. Fauteux, Essai sur l’industrie au Canada sous le Régime français, p. 369-370.

Le mémorialiste observe l’expansion de la contagion; il sait mieux que quiconque, parce qu’il compte parmi les rares lecteurs de journaux, qu’à Québec et à Montréal on meurt par centaines du choléra. Dans sa paroisse, c’est au village que l’on décède le plus souvent de la même maladie. Dans les côtes – les rangs – une première victime est reconnue, deux mois après l’apparition du bacille au village. 1987, S. Gagnon, Mourir, hier et aujourd’hui, p. 11.

Par méton., Rare Ensemble des habitants, population d’une côte.

Chemin qui longe une côte et qui en porte le nom.

Rem.Rare en emploi absolu, mais bien implanté sur l’île de Montréal dans des noms comme Côte-de-Liesse, Côte-Sainte-Catherine.

notice ENCYCLopédique

Les nombreux avantages associés à la proximité des cours d’eau ont incité les premiers immigrants à s’installer en bordure du Saint-Laurent, puis de ses principaux affluents, sur des suites de lots étroits qui furent longtemps appelées côtes. Les colons profitaient ainsi de la fertilité des terres et de l’abondance des poissons. L’accès au fleuve leur permettait en outre de maintenir un contact avec la métropole, car les nouvelles d’Europe, les ravitaillements, les renforts, les missionnaires et les filles à marier arrivaient de France par bateau. À l’intérieur même de la colonie, la navigation constituait l’unique moyen de transport : il n’y avait ni routes ni voitures et l’on ne trouvait pas non plus de bêtes de trait. Pour toutes ces raisons, les îles de la Nouvelle-France constituaient des zones de colonisation idéales. Ce facteur a joué un rôle important dans l’aménagement territorial de l’île de Montréal : « À défaut d’être l’unique exemple qui soit parmi les seigneuries laurentiennes, nulle part ailleurs la côte n’a-t-elle été utilisée d’une manière aussi systématique, le cadre insulaire aidant sans doute. » (Beauregard, p. 48). Vingt et un ans après la fondation de Ville-Marie par le sieur de Maisonneuve (1642), les Sulpiciens obtiennent la seigneurie de Montréal et prennent en main son peuplement selon un plan bien défini. Le rivage est d’abord subdivisé en une multitude de côtes délimitées par des accidents géographiques plus ou moins marqués. L’occupation, même clairsemée, du pourtour de l’île permet en effet d’assurer sa protection. L’établissement des côtes s’étend ensuite à l’intérieur des terres (pour la description de la côte et des lots qui la constituent, voir Encycl. de rang). Vers 1830, les côtes, occupées au maximum de leur capacité, sont à leur apogée. La ville et les villages de Montréal, qui sont en pleine expansion, les intègrent progressivement. La toponymie de l’île et le tracé actuel de son réseau routier rappellent encore la forme originale de son peuplement. 

Sources : L. Beauregard, « Géographie historique des côtes de l’île de Montréal », dans Cahiers de géographie du Québec, nos 73-74, 1984, p. 47-62; L. Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, 1974, p. 259-261; P. Deffontaines, Le rang, type de peuplement rural du Canada français, 1953, surtout p. 3-7; J.-Cl. Robert, Atlas historique de Montréal, 1994, surtout p. 42-43; M. Trudel, Les débuts du régime seigneurial au Canada, 1974, p.169-174; L.-E. Hamelin, Le rang d’habitat, 1993, surtout p. 43-59 et 173-176.

Histoire

1Depuis 1538 environ, dans l’appellation coste du su, par extension du sens de « rivage de la mer » attesté en français depuis 1530 (v. FEW cŏsta 2, 1249a). Ce rapprochement se conçoit aisément si l’on considère les dimensions imposantes du fleuve Saint-Laurent, lequel est d’ailleurs appelé mer à certains endroits. Côte-du-Nord, depuis 1703 (Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan, t. 1, p. 228, en parlant de la rive nord du fleuve Saint-Laurent dans la région de Charlevoix : la trahison ordinaire du fougueux vent de Nord-Oüest [...] étoit cause qu’on n’osoit s’éloigner de la Côte du Nord); cette appellation se retrouve déjà chez Cartier (coste du nort, vers 1536), mais en parlant de la rive du golfe (v. M. Bideaux (éd.), Relations, 1986, p. 101). À partir du XXe s., Coste du Nord ne se retrouve plus que chez les historiens. Côte-Nord, depuis 1759 (Fr.-J. de Vienne, dans RAPQ 1920-1921, p. 142 : on évacue [...] l’Isle d’Orléans, et on traverse tous à la coste Nord). Basse-Côte-Nord, depuis 1959 (sur une carte du ministère de l’Industrie et du Commerce, dans A. Geistdoerfer, Pêcheurs acadiens, pêcheurs madelinots, 1987, p. 30). Haute-Côte-Nord, depuis 1961 (L’Action catholique, Québec, 2 mai, p. 4 : Parente pauvre de la Haute Côte-Nord, son sort [celui de la Basse-Côte-Nord] lui devient de plus en plus insupportable [...].). Moyenne-Côte-Nord, depuis 1959 (sur une carte, v. Geistdoerfer, ibid.). Côte-du-Sud, depuis 1538 environ (v. ci-dessus); Côte-Sud, depuis 1738 (chez Hocquart, d’après J. Hamelin, Économie et société en Nouvelle-France, 1960, p. 69). Côte-de-Beaupré, depuis 1658 (RJ 44, p. 90). 2Depuis 1645. Rang « suite de lots alignés » n’est attesté qu’un demi-siècle plus tard, alors que plusieurs seigneuries comportent déjà plus d’une série d’habitations. « Certes, là où ne se trouve qu’une seule file de maisons (et c’était le cas de presque toutes les seigneuries habitées), on ne pouvait être porté à compter par rang, un rang n’étant dit premier que par rapport à un second » (M. Trudel, ibid., p. 172). Après la Conquête, rang a peu à peu évincé côte qui n’est plus guère attesté de nos jours que dans des toponymes (en particulier sur l’île de Montréal) ou chez les historiens. Côte « habitants, population d’une côte », depuis 1882 (B. Sulte, Histoire des Canadiens-français, 1608-1880, t. 3, p. 134). Côte « chemin qui longe une côte », depuis 1920 (L. Groulx, Chez nos ancêtres, p. 84).

Version du DHFQ 1998
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Côte2. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 16 avril 2024.
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