CARPE [kaʀp]
n. f.
Nom donné aux meuniers et aux suceurs (fam. des catostomidés), poissons d’eau douce dotés d’une bouche en suçoir leur permettant de se nourrir sur le fond, que les pêcheurs rejettent ou utilisent comme appâts.
(Dans des noms spécifiques). Vieilli ou région. Carpe noire ou carpe ronde : meunier noir (Catostomus commersoni). Carpe rouge ou carpe-soldat : meunier rouge (Catostomus catostomus). Carpe à cochon, carpe blanche et carpe de France : noms donnés à plus d’une espèce de catostomidés, mais le plus souvent, et respectivement, au suceur rouge (Moxostoma macrolepidotum), au suceur blanc (Moxostoma anisurum) et au suceur cuivré (Moxostoma hubbsi).
2009, B. Gratwicke, Carpe noire [photo], CC BY 2.0, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:White_Sucker,_Catostomus_commersonii.jpgRem.Le mot sert également, comme en France, à désigner la carpe commune (Cyprinus carpio, fam. des cyprinidés), souvent appelée (au Québec) carpe allemande, gros poisson d’eau douce d’origine eurasienne qui a été introduit en Amérique au XIXe s; dans ce sens, l’appellation carpe a été normalisée par le BNQ et par l’OQLF (voir BNQ-Pêches2 12, et OLF-Avis4, no 291).
De la carpe rouge[.] Quoyq[ue] ce poisson soit asses different de nos carpes on l’a cependant nommé ainsi a cause de quelq[ue] raport qu’il a avec les nostres, il est rouge vers les oreilles et tient un peu de cette couleur, son escaille et son areste sont rudes, sa chair ne vaut rien, la Teste est ravissante et fort grasse delicate. [Q]uand nous en prenions et q[ue] d’ailleurs nous avions quelq[ue] peu de vivres de terre nous ne mangions que les Testes et nous getions le reste aussi bien q[ue] De la carpe Blanche qui ne differe de celle cy qu’en la couleur. 1675 env., L. Nicolas, Traitté des poissons, ANC, ms. 12223, fo [80].
Le lac Clair a pourtant la réputation d’être grouillant de poisson, mais de poisson pas très affamé. Non seulement la blanchaille y abonde, comme nous pûmes le constater, mais la carpe est si nombreuse qu’elle forme un véritable pont de dos noirs, quand elle descend frayer dans l’eau plus chaude que froide du lac Traverse, prolongement du grand lac. 1953, H. Bernard, Portages et routes d’eau en Haute-Mauricie, p. 65.
Nous lançâmes nos appâts aussi loin que possible dans la rivière; nos lignes bien plombées plongèrent bientôt au fond. L’eau étant légèrement brouillée, nous nous attendions à recevoir la visite de quelques carpes rondes, en plus de poissons blancs. 1957, J.-B.-S. Huard, Hameçons et cartouches, p. 143.
Ça, c’est un dard, pour pogner le poisson. – Pour l’anguille? – Non, n’importe quelle sorte de poisson. – Est-ce que les gens pêchaient beaucoup au dard ici? – Ah oui, pis ça pêche encore, c’est en partie le brochet, le doré, la carpe. 1971, L’Avenir (Drummond), AFEUL, G. Dulong 266 (âge de l’informateur : n. d.).
La carpe noire est probablement le poisson le plus méconnu de tous ceux vivant dans les eaux du Québec. Les pêcheurs lèvent dédaigneusement le nez sur ce poisson aux qualités sportives indéniables et à la chair succulente. 1977, Québec Chasse et Pêche, mai, p. 61.
Il [un biologiste] procédait à l’empoisonnement systématique de tous les poissons [du lac Trapp]. « Ce lac était infesté par des perchaudes et des meuniers noirs (qu’on appelle, à tort, ‘carpes’). Ces poissons avaient été introduits par des pêcheurs négligents et avaient fait disparaître la population naturelle de truites. Notre objectif était de restaurer la population du lac. » 1988, L’Actualité, septembre, p. 77.
Histoire
Depuis 1538 environ (J. Cartier, dans M. Bideaux (éd.), Relations, 1986, p. 167 : Passé ledict Canada y a force brochetz truyttes carpes branmes [= brèmes] et aultres poissons d’eaue doulce). Par extension de l’emploi qu’on fait du mot en France où il s’applique, depuis le XIIIe s., à un gros poisson d’eau douce, la carpe commune (v. FEW carpa 2, 398a; v. aussi ci-dessus, sous Rem.). Le mot a été relevé dans les parlers français de la Louisiane où il sert également à désigner des poissons de la famille des catostomidés (genre Ictiobus) que l’on ne retrouve pas au Québec (v. ReadLouis 22).