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CARCAJOU [kaʀkaʒu]
n. m.

  

Mammifère carnivore du nord de l’Amérique (rare de nos jours), de la taille d’un ourson et de mœurs solitaires, au pelage brun foncé marqué sur les flancs de deux larges bandes jaunâtres, doté de glandes à sécrétion fétide et réputé auprès des trappeurs comme un animal féroce et rusé, voleur d’appâts et d’animaux pris au piège (fam. des mustélidés, espèce Gulo gulo, ancienn. Gulo luscus, à laquelle appartient également le glouton d’Eurasie).

2006, Zefram, Carcajou (« gulo gulo ») [photo], CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gulo_gulo_2.jpg

Des carcajousvieuxcarcajoux.

SYN. plus rareglouton.

 Fourrure de cet animal, principalement utilisée pour faire des manchons et border des vêtements d’hiver parce qu’elle ne se givre pas.

Les pelleteries, ours, loutres, loups-cerviers, chats sauvages, carcajoux, martres, sont incomparablement plus belles qu’en tous autres endroits ainsi que le castor. 1695 env., dans P. Margry (éd.), Découvertes et établissements des Français dans l’ouest et dans le sud de l’Amérique septentrionale, t. 6, 1888, p. 60.

Aux premiers coups d’aviron le canot s’élança dans l’air comme une flèche, et c’est le cas de le dire, le diable nous emportait. Ça nous en coupait le respire et le poil en frisait sur nos bonnets de carcajou. 1900, H. Beaugrand, La chasse-galerie, p. 16-17.

Ils [les Amérindiens] connaissent quoi? – Les castors, les ravages des chevreuils, les remous, les caches d’ours, le carcajou plus rusé que le renard qui fait sauter le piège avec un bâton et s’enfuit avec l’appât. Il suit le chasseur en ricanant comme lui. 1973, F. Leclerc, Carcajou ou Le diable des bois, p. 181.

Qui-Qui-Hatch : l’invulnérable. C’est ainsi que l’ont baptisé les Indiens du Grand Nord. [...] Le glouton passe sa langue sur ses crocs, étire ses griffes et se hérisse le poil du dos. Il sent ses muscles travailler sous sa peau épaisse. Comme c’est bon! Comme il se sent fort! [...] Le carcajou grogne de contentement et baîlle longuement. Oui, il est un tout. Il est la réussite animale. 1984, Fr. Ouellette, Au nom du père et du fils, p. 517-518.

(Hapax). Nom donné à une espèce nord-américaine de renard.

Le renard gris que les normans appellent carcaiou [sic] est asses beau son poil est plus long que l’ordinaire des autres renards la peleterie n’est pas trop estimée elle sert pourtant aux fourrures et particulierement a faire des bonnets qui donnent une mine fiere [...] aux soldats qui en portent pourveu que la queue qui est extraordinairement grosse soit attachée au bout du bonnet. 1675 env., L. Nicolas, Traitté des animaux a quatre pieds terrestres et amphibies, ANC, ms. 12223, 1675 env., fo 20.

Fig. Individu voleur, rusé. (GPFC).

 (Comme sobriquet).

Mais Menaud n’aimait point ce gars-là. Il l’avait surnommé le Carcajou depuis que, d’aguet, il l’avait surpris dans ses collets de chasse, depuis qu’entre chien et loup il avait cru le voir s’insinuer dans les embarras des clôtures et rôder autour de ses granges. 1937, F.-A. Savard, Menaud, maître-draveur, p. 13.

Histoire

Depuis 1675, en parlant d’un renard. Le sens principal est attesté depuis 1685, sous une variante cacajou (dans Jugements et délibérations du Conseil souverain, vol. 2, 1886, p. 1004 : deux peaux de cacajoux). Amérindianisme d’origine montagnaise; cp. kuakuatsheu qui désigne le même animal en montagnais actuel (v. Drapeau; v. aussi McNMont, s.v. kuekuâtsheu). Du français canadien, le mot est passé en anglais nord-américain dès le XVIIIe s. (v. Mathews). Carcajou figure dans les dictionnaires français depuis le début du XVIIIe s., mais depuis le XIXe le mot y est généralement associé par erreur à un autre mustélidé nord-américain, le blaireau d’Amérique (Taxidea taxus, anciennement appelé blaireau du Labrador) dont l’habitat se situe plus au sud, principalement dans le centre et l’ouest des États-Unis (v. Dupiney 1856, Littré, Robert 1985, TLF, GLLF); il s’agit sans doute ici d’une influence de l’anglais américain où le mot carcajou sert également à désigner ce blaireau (v. DARE et Mathews). Dans quelques relations anciennes (depuis 1672, N. Denys), on rencontre une forme quincajou désignant un animal nord-américain présentant certains traits du glouton. Selon certains auteurs, quincajou serait d’origine algonquienne et étymologiquement apparentée à carcajou (v. FEW gwing (waage) 20, 67b; ChambInd-4, p. 294); mais il se pourrait également que l’emploi de N. Denys résulte d’une confusion entre carcajou désignant un mammifère nord-américain et kinkajou (forme d’origine incertaine, probablement issue d’une langue indigène d’Amérique du Sud, v. Bde) désignant un petit mammifère sud-américain (Potos flavus) (v. GanPlants 235).

Version du DHFQ 1998
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Trésor de la langue française au Québec. (1998). Carcajou1. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 20 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/carcajou