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CANNEBERGE [kanbɛʀʒ]
n. f.

  

Petit arbuste (Vaccinium oxycoccos ou macrocarpon) qui produit des baies comestibles; (général. au pluriel) baie de cet arbuste.

2022, TLFQ, Canneberges [photo].

Gelée, sauce aux canneberges. Jus de canneberge(s).

Rem.Se rencontre surtout dans la langue savante ou soignée (p. ex. en botanique, dans la publicité).

 atoca.

La Canneberge [titre] […] Cette Plante vient dans des Pays tremblans & couverts de mousse, au‑dessus desquelles il ne paroît que de très-petites branches fort menuës [...] : d’entre leurs aisselles naissent de petits pédicules longs d’un pouce, qui soûtiennent une fleur à quatre petales : le calice a la même figure, du fond duquel s’éleve un beau fruit rouge, gros comme une cerise, qui contient des semences rondes. Les Sauvages l’appellent Atoca, on le confit & on l’estime contre le cours de ventre. 1744, Fr. X. de Charlevoix, Histoire et description générale de la Nouvelle France, t. 2, p. 39‑40.

Les baies des Canneberges sont rafraîchissantes, acidules, antiscorbutiques. On en fait d’excellentes confitures. Depuis quelques années on en a pratiqué la culture avec beaucoup de succès aux ÉtatsUnis. 1862, L. Provancher, Flore canadienne, vol. 1, p. 362.

M. Morisset nous dit qu’il a commencé sa pépinière [à Portneuf] et qu’il la continuera sous les yeux et la direction de M. l’abbé Provancher. Nous ne pouvons qu’applaudir hautement aux efforts de M. l’abbé Provancher, qui s’impose des sacrifices de tous genres pour répandre et propager la culture des fruits en ce pays. […] M. Morisset offre aussi en vente des plants de caneberges [sic] ou atocas. Cette culture d’introduction encore assez récente dans les jardins, donne aux États-Unis les résultats les plus satisfaisants. 1864, Gazette des campagnes, Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 1er avril, p. 85.

Arbres fruitiers, à vendre par le soussigné : Pommiers […], Canneberges du Cap Cod. […]. LS. Morisset. [/] Portneuf, 4 mai 1867. 1867, Le Journal de Québec, 23 mai, p. [3] (annonce).

D’abord voici la raison pour laquelle je veux acheter cette terre, pour elle-même j’y tiens peux [sic] mais je tiens à la chaussé de castor qui est assises [sic] partie sur elle partie sur la mienne et le reste sur les terres non concedées. Pourquoi? Pour y assoir une plantation de canneberge. 1886, Leclercville, BAnQQ, Fonds Famille Joly de Lotbinière (P351, S4, SS1, P3379), Lettre de D. L. Filteau à H.‑G. Joly, ms., 4 octobre, p. [1‑2].

Est‑ce que la canneberge (atoca) qui croit spontanément dans nos swamps ne paierait pas aujourd’hui les Canadiens comme elle paye les Américains si les gouvernements s’étaient donné la peine de diriger de ce côté l’attention des cultivateurs en facilitant quelques premières plantations? 1901, H.‑G. de Montigny, Étoffe du pays : études d’économie politique canadienne, p. 82.

No 209 – Tartes aux raisins [/] 1 tasse de canneberges [/] ½ tasse de raisins sans pépin […] 1. Faire cuire les canneberges, le raisin, puis ajouter le sucre; refroidir et ajouter les autres ingrédients. 1922, sœur Sainte-Marie-Vitaline, La cuisine à l’école primaire : théorie et pratique, p. 284.

Les prix du gros [titre] […] Wagons arrivés du 28 au 29 septembre inclusivement, […] Québec, 5 de pommes de terre, Ontario, 1 de pêches[,] 1 de fruits mélangés, 2 de fruits et de légumes mélangés. Importé, 2 de poires, 4 de raisins, […],1 de canneberges. 1926, La Tribune, Sherbrooke, 8 octobre, p. 7.

Spéciaux au Groceteria [titre] […] Gelée aux canneberges Shirriff, pot de 12 onces .24 [$] 1932, La Presse, Montréal, 21 décembre, p. 13 (annonce).

Elle [l’île de Belle Isle] est montagneuse, complètement dénudée, couverte ça [sic] et là de mousses, de lichens, rarement d’un gazon maigrelet, et ne produit que le caneberge [sic], la ronce et une baie que l’on nomme pomme de terre. 1945, D. Potvin, Le Saint-Laurent et ses îles, p. 403.

Voici le moment excitant que la famille attendait... le moment où vous faites l’entrée « triomphale », avec une dinde Dominion le Jour d’Action de Grâces! [...] Et comme complément à la dinde, les canneberges rouges, les navets frais du jardin, du blé d’inde, des pommes de terre cuites au four [...]. 1957, L’Événement, Québec, 10 octobre, p. 11 (annonce).

Le temps des fêtes amène son cortège de symboles et de traditions culinaires, comme la tourtière, le cipâte, le ragoût de pattes, le dindon et sa farce, la sauce aux canneberges. 1997, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 20 décembre, p. P18.

Contrairement à ce que certains croient, la canneberge ne pousse pas dans l’eau. À l’état sauvage, on la trouve plutôt près des tourbières, là où le sol est… acide! Il est donc possible de cultiver cette plante rampante dans votre platebande. 2019, Infodimanche, Rivière-du-Loup, 8 mai, p. 32.

Histoire

Depuis 1744. Attesté en français depuis 1665 (v. TLF) pour désigner l’airelle canneberge (Vaccinium oxycoccos), variété présente dans le nord de l’Europe, de l’Amérique et de l’Asie. Canneberge est selon toute vraisemblance un emprunt adapté d’un type lexical germanique signifiant littéralement « baie de(s) grue(s) » relevé dans différentes variétés d’allemand et de bas allemand (cp. allemand kranichbeere, kranbeere; bas allemand krônbere, kranebere, kraanbere, v. OED (en ligne) 2022‑01 et Robert (en ligne) 2022‑01, s.v. cranberry). Proposée par certains (v. FEW 21, 96a), l’hypothèse d’une origine anglaise de canneberge à partir du mot cranberry, de même sens, paraît moins convaincante en raison du fait que le mot cranberry est d’apparition relativement tardive (attesté depuis 1672) et qu’il ne se serait diffusé en Angleterre qu’à partir de la fin du XVIIe s., d’abord comme nom de l’airelle à gros fruit (Vaccinium macrocarpon), variété nord-américaine, puis à partir du XVIIIe siècle, comme nom de l’airelle canneberge. L’anglais cranberry résulte d’ailleurs d’une adaptation du même type lexical bas allemand (possiblement néerlandais) survenue dans les colonies britanniques d’Amérique du Nord (v. FEW 21, 96a, OED (en ligne) 2022‑01, Thibault 2018). Pour expliquer l’introduction de canneberge en français, l’emprunt par contact linguistique direct entre locuteurs francophones et germaniques sur le continent européen apparaît plus probable qu’un emprunt à l’anglais d’une forme elle-même nouvellement empruntée et non encore attestée à l’écrit en 1665. Bien que la transformation du mot germanique source en canneberge ne soit pas tout à fait clairement comprise (v. TLF et FEW 21, 96a), notamment parce que l’identité exacte de celui‑ci nous échappe, on peut avancer que l’absence de /r/ dans la première syllabe de la forme française, phonème présent dans toutes les formes germaniques, résulte simplement d’une dissimilation totale provoquée par la présence d’un /r/ dans la seconde syllabe. Quant au phonème /ʒ/, absent du second élément des formes germaniques (beere, bere), il pourrait résulter d’une attraction paronymique du mot berge, motivée par le fait que l’airelle canneberge pousse dans des milieux acides et humides, comme les tourbières très mouillées et les marais tourbeux, lesquels bordent parfois des étendues d’eau plus ou moins stagnante. Un poème du prêtre et botaniste français É. Seytre exploite d’ailleurs la rime ainsi obtenue : « Et dans la Combe aux Lys où court le Riotet, / Inspire-moi des chants dignes d’un grand sujet. / Je n’irai point cueillir dans son humide berge, / Trop rare en nos climats, l’acide Canneberge. » (É. Seytre, Tout autour de Pilat, 1875, p. 51). Mais cette hypothèse fait l’impasse sur la variante cannebirge, relevée dans des parlers de Normandie (Seine-Inférieure) (v. FEW 16, 356a).

Mot connu en français de France, mais presque essentiellement comme terme de botanique (v. FEW anglais Cranberry 16, 356a, Enc, Académie depuis 1762, Littré, TLF; v. également Robert 1985 « rare ou didactique »). Dans la langue courante et celle du commerce, c’est surtout l’anglicisme cranberry qui est en usage (v. Robert (en ligne), 2022‑01 et Thibault 2018). De façon générale, les dictionnaires français n’ont longtemps associé le mot canneberge qu’à la plante elle-même; quelques dictionnaires plus récents font également référence à ses fruits et signalent qu’ils sont appréciés dans la cuisine scandinave et anglo-saxonne (v. p. ex. PRobert 2021 et PLar 2021). En Nouvelle-France, canneberge ne semble avoir été connu que des lettrés, et ce, comme terme spécialisé. En franco-canadien, c’est atoca qui s’est rapidement imposé comme la seule appellation courante (v. atoca). Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle que canneberge commence timidement à concurrencer atoca, à travers l’influence de botanistes tels que Léon Provancher, qui ont contribué à introduire la culture de ce fruit au Québec et à diffuser le mot canneberge (v. les citations de 1862, 1864 et 1867). Au XXe siècle, ce dernier gagne peu à peu la faveur du monde de l’édition et de celui du commerce (livres de recettes, manuels, écrits spécialisés, publicité commerciale, etc., v. p. ex. les citations de 1922, 1926 et 1932) et, à partir de la fin des années 1940, il supplante atoca dans la presse écrite.

Dernière révision : janvier 2023
Pour poursuivre votre exploration du mot canneberge, visionnez notre capsule vidéo Dis-moi pas!?.
Trésor de la langue française au Québec. (2023). Canneberge. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 19 avril 2024.
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