CAILLER [kɑje]
v. intr.
Variante graphique : câiller.
Fam. Avoir sommeil; être sur le point de s’endormir.
Commencer à cailler. Être en train de cailler. Cailler sur sa chaise, sur son fauteuil.
Rem.Le mot est employé en France dans la langue populaire au sens d’« être figé par le froid » (voir TLF).
J’ai vu un monsieur d’Ottawa entrer dans la cour et donner quelque chose au chien. On m’a dit que ce monsieur s’appelait Himsworth. Je ne sais pas ce que ce monsieur a donné au défunt. Quelques minutes après avoir avalé ce que le monsieur lui avait donné, le chien a paru cailler et s’endormir. Il a gigoté trois ou quatre fois, et cinq ou six minutes après il était mort. 1879, Le Canard, Montréal, 2 août, p. [2].
Il aurait bien eu le goût de piquer une tête dans le sommeil mais son devoir était de veiller. Aussi luttait-il contre une sorte d’engourdissement, son regard soutenu vers le ciel étrange […]. Quelquefois, […] le bonhomme caillait un instant. Alors Baron commençait à siler, siler contre l’immobilité ténébreuse de son maître […]. 1937, F.‑A. Savard, Menaud, maître-draveur, p. 179.
Écoute, Bedette, tu vois pas que j’tombe de fatigue… que j’caille! Laisse-moi dormir en paix. 1962, G. Guèvremont, Le Survenant, 13 novembre, p. 4‑5 (radio).
Je le regardai [le vieillard] un moment avec stupeur. Il « caillait », selon une expression de maman qui voulait dire par là le vague qui vient dans le regard lorsque, par fatigue, par besoin de sommeil, l’attention ne se fixe plus; et il est vrai qu’alors on le voit s’épaissir d’un coup comme du lait un jour de grande chaleur. Sans doute, dérangé dans toutes ses petites habitudes si régulières, il devait avoir un grand besoin de dormir, et j’aurais dû le laisser tranquille […] – aujourd’hui encore je me fais grief de ne pas l’avoir laissé dormir. 1966, G. Roy, La route d’Altamont, p. 120.
Étant donné que je dois me lever à l’heure des poules, il va sans dire que le soir, je caille et me cante pas longtemps après le souper. Avec ma femme, ça fait des veillées plutôt écourtichées; […] ça ne fait plus de veillées pantoute. 1977, J.‑P. Filion, Les murs de Montréal, p. 320.
Les débats télévisés font maintenant partie de l’exercice démocratique. Puisqu’il le faut… Reste une chose incompréhensible: dans un pays où les gens se couchent de plus en plus tôt, pourquoi diantre faire commencer le débat à 21 h, au moment où le public commence à cailler ? Un autre mystère total. D’autant plus que le débat anglais passe à une heure plus potable. 2000, L. Cousineau, La Presse, Montréal, 9 novembre, p. A12.
Eh! Bob, t’es en train de cailler! Réveille-toi, on a d’la job. Tu vas être content. On a l’feu vert. 2008, L. Bouchard, L’ombre de Mia, p. 264.
V’nez les enfants, on va coucher Lionel dans son lit, y commence à câiller. C’est l’heure de son somme. On va y chanter une berceuse, ça va y faire plaisir […]. 2014, L. Brochu, Brûlants secrets de Marianne, p. 159.
Histoire
Depuis 1879. Héritage des parlers de France. Cet emploi est bien attesté dans le domaine franco-provençal; cailler a été relevé en Suisse romande en emploi intransitif et pronominal au sens de « s’endormir » (v. CallVaud, GPSR, DubVaud s.v. câillî). On trouve d’autres indices de l’origine régionale française de l’emploi québécois, comme le mot cail, dans le parler angevin, au sens de « sommeil profond » (v. FEW coagulare 2, 816a), ou encore câgner « somnoler pendant le jour, paresser » dans le même parler (v. FEW *cania 2, 186a).